je viens de découvrir une terrible nouvelle (elle remonte à près d'un mois, mais je ne l'avais pas lue ou entendue avant aujourd'hui) :
Un prêtre raconte le calvaire d'un prêtre orthodoxe assassiné en Irak
dépêche AFP du 21 octobre
Le prêtre orthodoxe enlevé début octobre à Mossoul (Irak) et retrouvé décapité a été assassiné car il avait "refusé de se convertir à l'islam", a affirmé samedi un de ses amis prêtre sur l'antenne de Douai (Nord) des Radios chrétiennes en France (RCF Radio TO).
Le frère Nageeb Mekhail, prêtre au couvent dominicain de Mossoul (nord de l'Irak), a effectué une visite en France avant de retourner en Irak la semaine prochaine.
Paulos Amer Iskandar "était marié et père de quatre enfants (...) Il a été enlevé en pleine rue de Mossoul et trois jours après on a retrouvé son corps séparé de sa tête dans la rue", a-t-il raconté .
"Les extrémistes musulmans qui l'ont assassiné ont téléphoné à sa femme et lui ont expliqué que son mari méritait la mort car il avait refusé de se convertir à l'islam", a-t-il poursuivi.
Selon le frère Nageeb, les assassins "ont mis son corps dans un récipient pour que son sang ne touche pas la terre de l'Islam et ne la salisse pas".
Des enlèvements de chrétiens assortis de fortes demandes de rançon surviennent mais "personne ne peut payer. Alors on les tue, on les jette dans la rue", a dénoncé le religieux.
Les ravisseurs de Paulos Amer Iskandar avaient d'abord réclamé 350.000 dollars pour le libérer avant de baisser la rançon à 35.000 dollars et finir par ne plus se manifester, selon les autorités irakiennes.
"Nous sommes là depuis deux mille ans, mais puisque la loi islamique doit être appliquée en Irak, ils s'en prennent à nous. Même dans la rue, (les extrémistes, ndlr) ont imposé le voile à toutes les femmes chrétiennes", a dénoncé le religieux.
Pour le frère Nageeb, "ce désordre est dû à la présence des Américains". "Avant, nous avions un seul Saddam, un dictateur qui gouvernait le pays. Mais maintenant nous avons des milliers de Saddam Hussein qui vivent en Irak. Qu'ils soient sunnites, chiites ou autres, ils sont même pires que lui", a-t-il expliqué.
"En même temps, a-t-il ajouté, si les Américains "quittaient l'Irak, ce serait le désordre total et la guerre civile".
au delà de l'indiscible barbarie d'un tel acte, un membre du forum pourrait il nous exposer la situation de l'Eglise orthodoxe en Irak (nombre de fidèles, monastères...)?
au Père martyr, mémoire éternelle
martyr orthodoxe en Irak
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- Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13
Re: martyr orthodoxe en Irak
hilaire a écrit :je viens de découvrir une terrible nouvelle (elle remonte à près d'un mois, mais je ne l'avais pas lue ou entendue avant aujourd'hui) :
Un prêtre raconte le calvaire d'un prêtre orthodoxe assassiné en Irak
dépêche AFP du 21 octobre
Le prêtre orthodoxe enlevé début octobre à Mossoul (Irak) et retrouvé décapité a été assassiné car il avait "refusé de se convertir à l'islam", a affirmé samedi un de ses amis prêtre sur l'antenne de Douai (Nord) des Radios chrétiennes en France (RCF Radio TO).
Le frère Nageeb Mekhail, prêtre au couvent dominicain de Mossoul (nord de l'Irak), a effectué une visite en France avant de retourner en Irak la semaine prochaine.
Paulos Amer Iskandar "était marié et père de quatre enfants (...) Il a été enlevé en pleine rue de Mossoul et trois jours après on a retrouvé son corps séparé de sa tête dans la rue", a-t-il raconté .
"Les extrémistes musulmans qui l'ont assassiné ont téléphoné à sa femme et lui ont expliqué que son mari méritait la mort car il avait refusé de se convertir à l'islam", a-t-il poursuivi.
Selon le frère Nageeb, les assassins "ont mis son corps dans un récipient pour que son sang ne touche pas la terre de l'Islam et ne la salisse pas".
Des enlèvements de chrétiens assortis de fortes demandes de rançon surviennent mais "personne ne peut payer. Alors on les tue, on les jette dans la rue", a dénoncé le religieux.
Les ravisseurs de Paulos Amer Iskandar avaient d'abord réclamé 350.000 dollars pour le libérer avant de baisser la rançon à 35.000 dollars et finir par ne plus se manifester, selon les autorités irakiennes.
"Nous sommes là depuis deux mille ans, mais puisque la loi islamique doit être appliquée en Irak, ils s'en prennent à nous. Même dans la rue, (les extrémistes, ndlr) ont imposé le voile à toutes les femmes chrétiennes", a dénoncé le religieux.
Pour le frère Nageeb, "ce désordre est dû à la présence des Américains". "Avant, nous avions un seul Saddam, un dictateur qui gouvernait le pays. Mais maintenant nous avons des milliers de Saddam Hussein qui vivent en Irak. Qu'ils soient sunnites, chiites ou autres, ils sont même pires que lui", a-t-il expliqué.
"En même temps, a-t-il ajouté, si les Américains "quittaient l'Irak, ce serait le désordre total et la guerre civile".
au delà de l'indiscible barbarie d'un tel acte, un membre du forum pourrait il nous exposer la situation de l'Eglise orthodoxe en Irak (nombre de fidèles, monastères...)?
au Père martyr, mémoire éternelle
Le problème, quand on cite une dépêche AFP ou n'importe quel article de journal, c'est l'insondable ignorance des journalistes profanes en matière religieuse. (Il est vrai qu'en général, ils ne s'en tirent guère mieux en matière financière, historique ou juridique.)
Le malheureux prêtre martyrisé dans la région de Mossoul n'était pas orthodoxe, mais jacobite (syrien orthodoxe, c'est-à-dire monophysite). Mais allez expliquer à l'AFP ce qu'est le monophysitisme...
L'Eglise orthodoxe, quant à elle, n'existe pour ainsi dire plus en Irak.
Il y a très longtemps que l'Orthodoxie a été évincée de Mésopotamie; dès le passage du catholicossat de Séleucie-Ctésiphon au nestorianisme (fort mitigé pendant plusieurs siècles...) en 484. Que cela nous plaise ou non, saint Isaac le Syrien, évêque de Ninive au VIIe siècle, était en communion avec ce catholicossat. C'est un des trois saints hétérodoxes du calendrier (avec Lucifer de Cagliari et Grégoire d'Elvire).
Les "récusants" du schisme nestorien étaient quant à eux passés à l'erreur inverse et s'étaient rattachés à l'Eglise jacobite sous l'autorité d'un maphrien.
Depuis le VIe siècle, l'Orthodoxie n'a existé en Mésopotamie qu'à l'état de trace. Il y a eu un bref espoir à partir de 1898, avec le succès de la mission orthodoxe fondée à Ourmiah en Perse par l'Eglise russe pour rallier les Assyriens. On imposait aux convertis la liturgie de saint Jean Chrysostome, mais célébrée en syriaque oriental conformément à la tradition liturgique de l'Eglise d'Orient.
En 1914, le catholicos assyrien avait annoncé sa réunion à l'Eglise orthodoxe, mais cette union n'a pas survécu à la première guerre mondiale et l'Eglise assyrienne s'est depuis engagée sur des voies proches de l'anglicanisme. (Il est vrai que l'essentiel de ses fidèles, depuis les massacres de 1933, se trouve en milieu anglo-saxon et que le centre réel de cette chrétienté, là où se trouve la hiérarchie et l'essentiel des fidèles, ce sont les Etats du Michigan et de l'Illinois beaucoup plus que l'Irak.) Il reste toutefois quelques descendants de ces Assyriens retournés dans le sein de l'Eglise orthodoxe aux Etats-Unis (surtout dans des paroisses de l'Eglise russe hors frontières).
Le boom de l'économe irakienne dans les premières années du régime baassiste (en gros de l'arrivée au pouvoir du Baas en 1968 au contre-choc pétrolier en 1985) avait amené un afflux modestes d'immigrés arabes orthodoxes, ce qui avait permis l'érection d'un diocèse de Bagdad au sein du patriarcat d'Antioche, diocèse confié à Mgr Constantin (Papastephanou), d'origine grecque, mais de naissance libanaise. Cette présence n'a de toute façon jamais atteint les 10'000 fidèles. Avant même l'invasion anglo-saxonnne de 2003, on n'en comptait plus que quelques centaines. Par exemple, dans son livre Menaces sur les chrétiens d'Irak (Editions C.L.D., Paris 2003, p. 56), l'universitaire lyonnais Joseph Yacoub, lui-même Chaldéen catholique (autrement dit, Assyrien uniate), donnait une estimation de 500 fidèles orthodoxes, avec 2 prêtres, dans l'Irak des derniers mois précédant l'invasion.
La grande majorité des orthodoxes d'Irak ont en effet fui le pays, asphyxié par l'embargo et les raids aériens anglo-saxons, dès les années 1990. A l'heure actuelle, il ne doit plus y avoir qu'une ou deux paroisses qui fonctionnent encore, à Bagdad et à Bassorah. Mais rien, rien depuis très longtemps, à Mossoul.
L'évêque de Bagdad, qui a juridiction sur l'Irak et le Koweït, est depuis plusieurs années replié au Koweït.
Quant aux monastères, cela fait des siècles qu'il n'y a plus de monachisme orthodoxe entre les deux fleuves.
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En 1923 à Karlovats s’est tenu le synode fondateur de l’Église russe “hors frontière”. Y figuraient “des évêques assyriens” membres de l’Église russe, qui participèrent de plein droit au Synode.
En 1925, à Londres, s’est tenu une réunion pour commémorer le 16ème centenaire du 1er Concile œcuménique. Elle regroupait à l’abbaye de Wesminster des représentants des Églises de la communion anglicane et des représentants de l’Église orthodoxe. Il existe une photo de groupe dont j’ai vu jadis deux reproductions chez des orthodoxes français d’une autre génération. Une reproduction se trouve également dans un vieux numéro de la revue catholique “Orientalia christiana”, que j’ai sous les yeux. On y voit (d’après la légende écrite par la revue) l’archevêque de Canterbury et d’autres évêques et prêtres anglicans, mêlés aux patriarches orthodoxes d’Alexandrie et de Jérusalem, aux métropolites russes Euloge (alors exarque de Paris) et Antoine (alors premier hiérarque du Synode) et divers prêtres orthodoxes (dont un roumain). Sur cette photo se trouve également, toujours d’après la revue catholique, “le patriarche nestorien Mar Shimun” On peut se demander si ce n’était pas en réalité un des ex-nestoriens devenus orthodoxes.
Sur un groupe de discussion d’orthodoxes américains j’ai lu que le dernier de ces évêques assyriens serait mort aux USA dans le courant des années 50.
En 1925, à Londres, s’est tenu une réunion pour commémorer le 16ème centenaire du 1er Concile œcuménique. Elle regroupait à l’abbaye de Wesminster des représentants des Églises de la communion anglicane et des représentants de l’Église orthodoxe. Il existe une photo de groupe dont j’ai vu jadis deux reproductions chez des orthodoxes français d’une autre génération. Une reproduction se trouve également dans un vieux numéro de la revue catholique “Orientalia christiana”, que j’ai sous les yeux. On y voit (d’après la légende écrite par la revue) l’archevêque de Canterbury et d’autres évêques et prêtres anglicans, mêlés aux patriarches orthodoxes d’Alexandrie et de Jérusalem, aux métropolites russes Euloge (alors exarque de Paris) et Antoine (alors premier hiérarque du Synode) et divers prêtres orthodoxes (dont un roumain). Sur cette photo se trouve également, toujours d’après la revue catholique, “le patriarche nestorien Mar Shimun” On peut se demander si ce n’était pas en réalité un des ex-nestoriens devenus orthodoxes.
Sur un groupe de discussion d’orthodoxes américains j’ai lu que le dernier de ces évêques assyriens serait mort aux USA dans le courant des années 50.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
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Sur la mission orthodoxe russe d'Ourmiah (1898-1914):
"La preuve en est le succès de l'action entreprise auprès des chrétiens dits nestoriens de Perse. Le 25 mars 1898, Mar Jonas, leur évêque à Ourmiah, en Azerbaïdjan iranien, embrassa l'Orthodoxie. Lui succédèrent en 1908 Mar Elie († 1929), sacré à Saint-Pétersbourg, puis Mar Abraham, évêque nestorien converti. La communauté ainsi constituée regroupa jusqu'à quatre-vingts villages assyriens, avant d'être presqu'entièrement décimée par les Turcs en 1914-1918. Le rite byzantin y avait été substitué au chadéen ou syrien oriental. Cependant, les offices étaient célébrés en syriaque ancien. Des églises et des écoles avaient été ouvertes, ainsi qu'un séminaire où l'on étudiait le syriaque liturgique, le persan et le russe." (Jean Besse, L'Eglise orthodoxe russe et ses missions, Monastère orthodoxe de l'Archange Michel, Lavardac 1994, pp. 7 ss.)
Les mêmes événements racontés par Raymond Le Coz:
"Ce sont les derniers venus, les orthodoxes russes, qui parviennent finalement à entraîner l'adhésion de la majorité des nestoriens de Perse. Les premiers contacts entre les deux Eglises datent de 1861, lorsqu'un émissaire du catholicos arrive à Saint-Pétersbourg porteur d'un projet d'union. L'Eglise de Russie envoie un observateur sur place et, bien que dans son rapport, celui-ci ait estimé à quarante mille le nombre - une fois encore exagérément grossi - des chrétiens d'Orient qui souhaiteraient passer à l'orthodoxie, le saint-synode russe ne donne pas suite à ce projet. Les chrétiens de Perse renouvellent leur démarche en 1883, au moment où les Russes commencent à manifester des visées précises sur l'Azerbaïdjan. En 1895, bon nombre de nestoriens acceptent leur intégration dans l'orthodoxie, sous la direction de Younan, l'évêque de Soupourghan qui se rend à Saint-Pétersbourg en compagnie d'autres délégués de son Eglise. Tous renoncent solennellement à la doctrine nestorienne le 28 mars 1898.
A la suite de cette démarche, une nouvelle mission de l'Eglise russe est envoyée à Ourmia, et un second évêque, Elias, est consacré en 1900 métropolite de Tergawar. Soixante écoles sont ouvertes et un monastère fondé, mais l'imprimerie, le séminaire et l'hôpital restent à l'état de projet au début de ce siècle. En Russie même, des amis de la mission de Perse fondent en 1904 la Société de Saint-Cyrille et de Saint-Serge dont le but est de travailler à la réunion des fonds nécessaires à la poursuite de l'oeuvre entreprise. Le développement de l'Eglise orthodoxe dans cette région est interrompu par la révolution soviétique de 1917. L'adhésion des nestoriens d'Azerbaïdjan à l'orthodoxie semble toutefois découler d'un choix politique. Ils espéraient voir leur province annexée par leur puissant voisin, opération qui leur aurait enfin permis d'échapper au joug de l'islam. Cet engagement va les entraîner dans la guerre aux côtés de leurs nouveaux protecteurs.
Que reste-t-il à la veille de la Première Guerre mondiale de la glorieuse Eglise nestorienne qui avait rayonné sur la plus grande partie de l'Asie, comptant, du temps de sa splendeur, jusqu'à vingt-sept métropoles et deux cent soixante-dix évêchés? Le patriarche, après avoir longtemps hésité entre le catholicisme et l'anglicanisme, opte finalement pour l'orthodoxie. Au printemps de 1914, Simon XIX déclare en effet vouloir embrasser cette religion avec la totalité de ses fidèles. Après les affiliations successives de plusieurs évêques, soit à la branche chaldéenne, soit à l'Eglise russe, il ne lui reste plus que quelques suffragants dans le Hakkiari turc; ce sont les évêques du Berwari, de Djelo, de Gawar et de Chamsdin, noms déisgnant des cantons ou des tribus, et non des villes. La région est encore riche de deux cent vingt-trois lieux de culte, quant aux fidèles, ils ne sont plus que quatre-vingt-dix-sept mille, noyés au milieu d'une majorité hostile de cent soixante mille Kurdes. Estimés à cent cinquante mille un siècle plus tôt, l'effectif des nestoriens a considérablement fondu au profit des différentes missions installées dans le pays. Il faut y ajouter ceux de Perse. Mais combien y a-t-il de nestoriens dans ce pays, parmi les trente et un mille sept cent cinquante chrétiens de l'Eglise d'Orient recensés par le représentant du Tsar, Basile Nikitine, si l'on décompte les catholiques et les orthodoxes? Toujours est-il que le nombre des ressortissants de cette communauté va encore diminuer de moitié lors des massacres perpétrés, à partir de 1915, par les Turcs et les Kurdes." (Raymond Le Coz, Histoire de l'Eglise d'Orient, Le Cerf, Paris 1995, pp. 358 ss.)
"La preuve en est le succès de l'action entreprise auprès des chrétiens dits nestoriens de Perse. Le 25 mars 1898, Mar Jonas, leur évêque à Ourmiah, en Azerbaïdjan iranien, embrassa l'Orthodoxie. Lui succédèrent en 1908 Mar Elie († 1929), sacré à Saint-Pétersbourg, puis Mar Abraham, évêque nestorien converti. La communauté ainsi constituée regroupa jusqu'à quatre-vingts villages assyriens, avant d'être presqu'entièrement décimée par les Turcs en 1914-1918. Le rite byzantin y avait été substitué au chadéen ou syrien oriental. Cependant, les offices étaient célébrés en syriaque ancien. Des églises et des écoles avaient été ouvertes, ainsi qu'un séminaire où l'on étudiait le syriaque liturgique, le persan et le russe." (Jean Besse, L'Eglise orthodoxe russe et ses missions, Monastère orthodoxe de l'Archange Michel, Lavardac 1994, pp. 7 ss.)
Les mêmes événements racontés par Raymond Le Coz:
"Ce sont les derniers venus, les orthodoxes russes, qui parviennent finalement à entraîner l'adhésion de la majorité des nestoriens de Perse. Les premiers contacts entre les deux Eglises datent de 1861, lorsqu'un émissaire du catholicos arrive à Saint-Pétersbourg porteur d'un projet d'union. L'Eglise de Russie envoie un observateur sur place et, bien que dans son rapport, celui-ci ait estimé à quarante mille le nombre - une fois encore exagérément grossi - des chrétiens d'Orient qui souhaiteraient passer à l'orthodoxie, le saint-synode russe ne donne pas suite à ce projet. Les chrétiens de Perse renouvellent leur démarche en 1883, au moment où les Russes commencent à manifester des visées précises sur l'Azerbaïdjan. En 1895, bon nombre de nestoriens acceptent leur intégration dans l'orthodoxie, sous la direction de Younan, l'évêque de Soupourghan qui se rend à Saint-Pétersbourg en compagnie d'autres délégués de son Eglise. Tous renoncent solennellement à la doctrine nestorienne le 28 mars 1898.
A la suite de cette démarche, une nouvelle mission de l'Eglise russe est envoyée à Ourmia, et un second évêque, Elias, est consacré en 1900 métropolite de Tergawar. Soixante écoles sont ouvertes et un monastère fondé, mais l'imprimerie, le séminaire et l'hôpital restent à l'état de projet au début de ce siècle. En Russie même, des amis de la mission de Perse fondent en 1904 la Société de Saint-Cyrille et de Saint-Serge dont le but est de travailler à la réunion des fonds nécessaires à la poursuite de l'oeuvre entreprise. Le développement de l'Eglise orthodoxe dans cette région est interrompu par la révolution soviétique de 1917. L'adhésion des nestoriens d'Azerbaïdjan à l'orthodoxie semble toutefois découler d'un choix politique. Ils espéraient voir leur province annexée par leur puissant voisin, opération qui leur aurait enfin permis d'échapper au joug de l'islam. Cet engagement va les entraîner dans la guerre aux côtés de leurs nouveaux protecteurs.
Que reste-t-il à la veille de la Première Guerre mondiale de la glorieuse Eglise nestorienne qui avait rayonné sur la plus grande partie de l'Asie, comptant, du temps de sa splendeur, jusqu'à vingt-sept métropoles et deux cent soixante-dix évêchés? Le patriarche, après avoir longtemps hésité entre le catholicisme et l'anglicanisme, opte finalement pour l'orthodoxie. Au printemps de 1914, Simon XIX déclare en effet vouloir embrasser cette religion avec la totalité de ses fidèles. Après les affiliations successives de plusieurs évêques, soit à la branche chaldéenne, soit à l'Eglise russe, il ne lui reste plus que quelques suffragants dans le Hakkiari turc; ce sont les évêques du Berwari, de Djelo, de Gawar et de Chamsdin, noms déisgnant des cantons ou des tribus, et non des villes. La région est encore riche de deux cent vingt-trois lieux de culte, quant aux fidèles, ils ne sont plus que quatre-vingt-dix-sept mille, noyés au milieu d'une majorité hostile de cent soixante mille Kurdes. Estimés à cent cinquante mille un siècle plus tôt, l'effectif des nestoriens a considérablement fondu au profit des différentes missions installées dans le pays. Il faut y ajouter ceux de Perse. Mais combien y a-t-il de nestoriens dans ce pays, parmi les trente et un mille sept cent cinquante chrétiens de l'Eglise d'Orient recensés par le représentant du Tsar, Basile Nikitine, si l'on décompte les catholiques et les orthodoxes? Toujours est-il que le nombre des ressortissants de cette communauté va encore diminuer de moitié lors des massacres perpétrés, à partir de 1915, par les Turcs et les Kurdes." (Raymond Le Coz, Histoire de l'Eglise d'Orient, Le Cerf, Paris 1995, pp. 358 ss.)
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- Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13
Jean-Louis Palierne a écrit :En 1923 à Karlovats s’est tenu le synode fondateur de l’Église russe “hors frontière”. Y figuraient “des évêques assyriens” membres de l’Église russe, qui participèrent de plein droit au Synode.
En 1925, à Londres, s’est tenu une réunion pour commémorer le 16ème centenaire du 1er Concile œcuménique. Elle regroupait à l’abbaye de Wesminster des représentants des Églises de la communion anglicane et des représentants de l’Église orthodoxe. Il existe une photo de groupe dont j’ai vu jadis deux reproductions chez des orthodoxes français d’une autre génération. Une reproduction se trouve également dans un vieux numéro de la revue catholique “Orientalia christiana”, que j’ai sous les yeux. On y voit (d’après la légende écrite par la revue) l’archevêque de Canterbury et d’autres évêques et prêtres anglicans, mêlés aux patriarches orthodoxes d’Alexandrie et de Jérusalem, aux métropolites russes Euloge (alors exarque de Paris) et Antoine (alors premier hiérarque du Synode) et divers prêtres orthodoxes (dont un roumain). Sur cette photo se trouve également, toujours d’après la revue catholique, “le patriarche nestorien Mar Shimun” On peut se demander si ce n’était pas en réalité un des ex-nestoriens devenus orthodoxes.
Sur un groupe de discussion d’orthodoxes américains j’ai lu que le dernier de ces évêques assyriens serait mort aux USA dans le courant des années 50.
Sur le dernier de ces évêques assyriens, le témoignage de l'évêque Kallistos (Ware) de Diokleia (The Orthodox Church, Penguin, Londres 1997, note 2 page 313):
When visiting the Russian convent at Spring Valley near New York in 1960, I had the pleasure of meeting a survivor from the union of 1898, likewise called Mar Yonan. Originally a married priest, he had become bishop after the death of his wife. When I asked the nuns how old he was, I was told, "He says he's 102, but his children say he must be much older than that! "
Ma traduction:
Quand je visitai le couvent russe de Spring Valley près de New York, j'eus le plaisir de recontrer un survivant de l'union de 1898, lui aussi appelé Mgr Jonas. Prêtre marié à l'origine, il était devenu évêque après le décès de son épouse. Quand j'ai demandé aux moniales quel était son âge, elles m'ont répondu: "Il dit qu'il a 102 ans, mais ses enfants disent qu'il doit être beaucoup plus âgé!"
A propos de la figure tragique et controversée du patriarche nestorien Mar Shimoun (Simon XXI, Simon XXIII selon certaines listes), on trouve beaucoup de données biographiques dans le remarquable livre de Raymond Le Coz cité plus haut, pp. 391-395.
Né en 1907, il est désigné comme catholicos nestorien en 1920 - ce jeune âge s'explique par le fait que la dignité patriarcale était devenue héréditaire dans l'Eglise assyrienne; comme la tradition assyrienne exigeait que la dignité patriarcale ne fût conférée qu'à un homme qui n'avait jamais mangé de viande de sa vie, on était contraint de choisir le futur patriarche dès le berceau. Elevé dès son adolescence dans un milieu purement anglo-saxon, Simon XXI va conduire son Eglise sur des voies proches de l'anglicanisme qui susciteront contestation et division à l'intérieur de cette communauté.
En 1927, il rentre en Irak où le gouvernement royal, sous mandat britannique, le reconnaît comme chef civil et religieux des Assyriens. A la suite des terribles massacres de 1933 où l'armée irakienne célèbre à sa manière l'indépendance recouvrée en mitraillant les populations nestoriennes, Simon XXI est déchu de sa nationalité irakienne et exilé à Chypre. Il s'installe à Chicago en 1940, puis à San Francisco en 1960, et obtient la nationalité étasunienne en 1949.
Simon XXI va être à l'origine de deux crises graves au sein de l'Eglise assyrienne. Le 28 mars 1964, il annonce, dans une lettre pastorale, le remplacement du calendrier julien par le calendrier grégorien, ce qui suscite un schisme de nestoriens vieux-calendéristes, soutenus par la petite Eglise nestorienne de l'Inde et par le gouvernement républicain irakien des frères Aref. Simon XXI parviendra à retourner brillamment la situation; à partir de 1968, le Baas est au pouvoir en Irak, sous la direction d'abord occulte, puis officielle (en 1979), de Saddam Hussein; le nouveau régime se montre tolérant sur le plan religieux et ouvert aux droits linguistiques et culturels des minorités syriaques; le 17 janvier 1970, Simon XXI fait officiellement allégeance aux autorités irakiennes, et, le 21 mai 1970, la République arabe d'Irak le reconnaît de nouveau officiellement chef suprême des Assyriens. A l'heure actuelle, la dissidence vielle-calendariste nestorienne, si elle reste bien implantée en Irak, ne regroupe que 10% de l'effectif total des Assyriens.
Enfin, en 1973, Simon XXI, rompant avec la tradition qui voulait, depuis l'an 540, que les patriarches assyriens soient célibataires, annonce son mariage en même temps que sa démission. Cette fois-ci, la crise est très grave et aboutit à une telle levée de boucliers que le patriarche reprend sa démission. Il aura encore le temps, en 1975, de renoncer solennellement à toute référence au nestorianisme, avant d'être assassiné, le 6 novembre 1975, par un des ses lointains parents par alliance, désireux de venger l'honneur de la famille qui restait souillé à ses yeux par le mariage anticanonique de 1973.
C'est toutefois à ce personnage controversé que l'on doit la première ouverture de l'Eglise assyrienne sur le monde occidental, puisque Simon XXI, renouant par-dessus les siècles avec la grande tradition missionnaire de son Eglise, avait consacré deux évêques italiens. Ce sacre reposait en fait sur l'équivoque. Les deux prélats italiens n'avaient rejoint l'Eglise assyrienne que parce qu'il leur était à ce moment-là impossible de se faire admettre dans l'Orthodoxie; au nom du Yalta ecclésiastique habillé des grands principes de l'œcuménisme, les patriarcats de Constantinople et de Moscou refusaient à ce moment-là toute conversion d'Italien à l'Orthodoxie. Quand les orthodoxes s'avisèrent que les Italiens, eux aussi, avaient droit à la Vérité, les deux évêques assyriens italiens s'empressèrent de passer à l'Orthodoxie; l'un d'eux, Mgr Jean (Bacciu, 1917-2002) de Sardaigne, mourut évêque au sein du synode paléohimérologite modéré de Mgr Cyprien de Phyli et d'Oropos, le "Synode des Résistants" (συνόδος των Ένισταμένων ); l'autre, Mgr Claude (Vettorazzo, † 1995) de Montaner dans la province de Trévise en Vénétie, mourut évêque au sein du synode de l'Eglise orthodoxe de Pologne (Polski Autokefaliczny Kościół Prawosławny); ils furent les deux premiers évêques orthodoxes italiens depuis la fin du XIe siècle.
Il reste toutefois de l'ouverture amorcée par Simon XXI l'existence de quelques paroisses assyriennes anglophones aux Etats-Unis, ce qui est un effort méritoire pour une Eglise que des siècles d'oppression avaient conduit à se replier étroitement sur une langue et une culture.