Cette question n’est pas nouvelle, le chapitre VI de l’Evangile de Jean la mentionne déjà et le Christ lui-même se heurte à l'incompréhension de disciples scandalisés.- Mais comment, vous autres chrétiens, pouvez-vous « manger la chair » et « boire le sang » de votre Christ Jésus. Si vous y croyez vraiment, sincèrement, alors vous ne pouvez pas faire çà ! C’est de l’anthropophagie ! C’est du cannibalisme !
Le Christ suite au miracle de la multiplication des pains avait annoncé: «En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le vrai pain du ciel; car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent: Seigneur, donne-nous toujours ce pain. Jésus leur dit: Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif.» (6,32-35)
Au versets 51 le Christ précise encore : « Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde. » Et les juifs scandalisés se posent la même question que celle du correspondant d’Eliazar : «Là-dessus, les Juifs disputaient entre eux, disant: Comment peut-il nous donner sa chair à manger?»
Le Christ ne donne pas d’explication à l’acte même de manger sa chair. Il poursuit simplement: «En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui. Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi. »
Les versets 6,60-61 nous relatent : «Plusieurs de ses disciples, après l'avoir entendu, dirent: Cette parole est dure; qui peut l'écouter? Jésus, sachant en lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet, leur dit: Cela vous scandalise-t-il?»
Et le verset 6.66 nous montre que des disciples scandalisés par ces paroles se séparent de Jésus : «Dès ce moment, plusieurs de ses disciples se retirèrent, et ils n'allaient plus avec lui.»
Jésus avait auparavant (verset 65) précisé que : « Mais il en est parmi vous quelques-uns qui ne croient point. Car Jésus savait dès le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient point »
Nous pourrions donc simplement répondre, conformément à l’Evangile même, que l’Eucharistie est un acte de foi pour le croyant et d’anthropophagie pour le non croyant mais cette réponse évangélique resterait bien incompréhensible pour le non croyant qui persistera dans son accusation. Essayons donc de lui en dire davantage et de voir ce qui différencie la communion du cannibalisme.
Dans un acte de cannibalisme on ne peut manger qu’un morceau bien délimité à la fois. Or nous ne communions pas au doigt du christ ou toute autre partie de son corps mais à la totalité infinie de sa personne. Il faut évidemment souligner que la chair du Christ est divino-humaine pour le croyant ; que dans l’eucharistie le Christ est tout entier présent dans chacune des parcelles, corps âme et divinité. Nous communions à la totalité de sa personne et donc à sa double nature. C’est le Christ tout entier que chaque personne reçoit. Ceci marque donc une différence considérable dans l’acte de la manducation. Si le non croyant objecte néanmoins que c’est tout de même le corps et le sang que nous absorbons demandons-lui donc s’il croit, lui, que le pain et le vin que nous prenons deviennent réellement chair et sang ? S’il ne le croit pas alors que devient cette accusation de cannibalisme et s’il l’admet hypothétiquement "dans la perspective du croyant", alors il doit admettre aussi dans cette perspective la totalité du mystère , à savoir qu’il s’agit d’une chair divino humaine et non pas un simple acte de consommation d’une chair physique. Ainsi le terme même d'anthropophagie ou de canibalisme est inapproprié à l'acte de la communion eucharistique car il est une réduction inacceptable de la personne divino humaine du Christ à sa seule nature humaine.
Dans un acte de cannibalisme il ne s’agit que d’une chair physique qui s’épuise au fur et à mesure de son absorption. L’acte ne peut être répété à l’infini. Dans l’eucharistie lors de la célébration de toutes les liturgies dans toutes les Eglises c’est toujours au même et unique corps et au même et unique sang que les fidèles communient. Ceci est même la définition de catholique : Kath olon = selon le tout. Cette permanence et inépuisabilité de la présence sans cesse renouvelée de la totalité de la personne divino humaine est étrangère à l'expression de cannibalisme.
Autre différence notoire: la chair que consomme le cannibale est une chair cadavérique suite à un meurtre. Or le Christ , dont nous consommons la chair ressuscitée ne meurt plus. Comment peut-on taxer de cannibalisme le fait de manger quelqu’un qui ne disparaît pas suite au fait d’être mangé? Nous communions au corps résurrectionnel du Christ qui n’a pas les mêmes propriétés qu’un corps humain déchu, et qui de plus est consommé sous l’aspect de pain et de vin. Alors comment peut-on appliquer les mêmes critères de jugement de cannibalisme à deux actes dont les objets de "consommation" n’ont pas les même propriétés? Si je tire un coup de fusil sur un mort, puis-je être accusé d’homicide? Si je mange la chair et bois le sang de quelqu’un qui ne meurt jamais et dont le sacrifice est non sanglant comment pourrais-je être accusé de cannibalisme?
Le dernier point très important est celui de la dignité avec laquelle chacun doit s’approcher de l’eucharistie. Il ne s’agit pas de consommer en guerrier vainqueur mais avec foi et repentir. Ou sont la foi et le repentir dans le cannibalisme? Saint Paul nous met en garde dans 1 Cor. 11,27-29 : «celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange du pain et boive de la coupe; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même.»
Nous sommes bien conscient que cette tentative d'explication ne saurait être satifaisante. Heureusement! Car le propre d'un mystère est de dépasser le concept et de répandre la vie divine. Le mystère ne s'explique pas, il se vit dans la foi et dans l'amour du Christ qui exige la crucifixion de la raison. Mais ces éléments de réponse peuvent peut-être inciter l'accusateur à revoir les minutes de son procès et à dépasser ce handicap du pseudo cannibalisme dont le terme est inadéquat à l'acte de la communion eucharistique. Que d'autres enrichissent encore la réponse. J'ai pour ma part beaucoup aimé celle de Sylvie.
Effectivement quand nous buvons et mangeons, les aliments que nous absorbons deviennent notre corps. Dans la communion c'est l'inverse , nous devenons corps et sang du Christ. Le Christ nous dit: «Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage.» L'adverbe "vraiment" est très important. Il souligne que toutes les nourritures sont des nourritures de mort. Elles ne permettent que de retarder la mort inéluctable et ne sont donc pas de vraies nourriture de Vie. Seuls le corps et le sang du Christ procurent la Vie. Le texte emploie le présent «a la vie éternelle».Lorsque nous mangeons, notre corps assimile la nourriture tandis que lorsque nous communions, nous devenons ce que nous mangeons.
Nous ne sommes pas anthropophages, nous sommes "théophages". Nous nous nourrissons de Dieu spirituellement, intellectuellement et physiquement car nous sommes insécablement corps, âme et Esprit pour l'éternité.