Roumanie - Eglise archiépiscopale majeure

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Sylvie
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Roumanie - Eglise archiépiscopale majeure

Message par Sylvie »

Chers amis,

Le diffuseur Zénit nous fait parvenir aujourd'hui quelques articles sur l'Église Catholique Roumaine. Je ne sais pas si c'est ce qu'on appelle les Églises Uniates. Il me semble avoir lu quelque part que le pape avouait que l'uniatisme était une erreur. Mais si c'est une erreur, pourquoi l'élever au titre de archiépiscopale majeure ???

Un peu d'histoire :
Au XVIIIe s. les Roumains de Transylvanie s’unissent à Rome et gardent leur rite


ROME, Vendredi 16 décembre 2005 (ZENIT.org) – C’est au début du XVIIIe siècle que la grande majorité des Roumains de Transylvanie se sont unis à Rome, avec à leur tête leur évêque Athanase, tout en conservant leur rite oriental, rappelle une note publiée par la salle de presse du Saint-Siège.

Cette note du Vatican précise que le christianisme est parvenu dans la région du Danube puis en Dacie à l’époque apostolique.

A l’époque médiévale, les Roumains du Nord étaient encore en contact avec les Roumains « Olahi » et les monasères de Mitrovitsa, l’antique Sirmium, capitale de l’Illyrie et la patrie de Saint Demétrius, le grand saint des Roumains et des Balkans.

Après la fondation des principautés les catholiques étaient présents dans les principales vilels de Valachie. Ce fut alors que les Dominicains évangélisèrent les Cumains.

L’évêque Théodoric s’installa en 1227 a Milcov, et dépendait directement de Rome.

Avec l’invasion mongole de 1242, le siège épiscopal disparut mais subsista en tant que titre honorifique pendant 3 siècles environ.

Les diocèses de rite latin de Severin (1246), de Siret (1370), d’Arges¸ (1381) et de Baia (1413) ne firent pas long feu non plus. A Cetatea Alba (Akkerman), on parle d’un évêque catholique sous Etienne le Grand, jusqu’à la conquête de la ville de la part des Turcs (1484).

A partir du XVIIe s., le soin pastoral des fidèles fut confié à l’évêque de Nicopolis, en Bulgarie, et à des visiteurs ou préfets apostoliques.

Ce n’est qu’en 1883 que Léon XII fondait des diocèses latins de Iasi et Bucarest.

En effet, dès 1700, la quasi-totalité des Roumains de Transylvanie s’était unie à Rome, avec à leur tête leur évêque Athanase, tout en conservant leur rite oriental.

En 1721, la résidence épiscopale fut transférée à Alba Iulia, et Fagaras, puis, sous l’évêque Innocent Micu Klein, à Blaj (1737), ville qui, avec ses écoles, allait être le foyer de la renaissance nationale de tous les Roumains.

Mais c’est le 6 juin 1777, que le pape Pie VI créa pour les gréco-catholiques une nouvelle Eparchie à Oradea. Le 26 novembre 1853, Pie IX en érigea deux autres, à Gherla et Lugoj, et les soumit, avec celle d’Oradea, à l’éparchie de Blaj, elle-même élevée au rang de siège métropolitain, avec le titre d’Alba Iulia.
ZF05121602

Roumanie: L'Eglise gréco-catholique devient « Eglise archiépiscopale majeure »
Mgr Muresan devient « archevêque majeur »

ROME, Vendredi 16 décembre 2005 (ZENIT.org) – Benoît XVI a élevé l'Eglise métropolitaine gréco-catholique roumaine (c’est à dire l’Eglise catholique de Roumanie de rite byzantin) au rang d'Eglise archiépiscopale majeure.

Pour repère, rappelons que c’est le statut qu’a également l’Eglise catholique ukrainienne de rite byzantin.

En même temps, le pape a élevé Mgr Lucian Muresan à la dignité d'archevêque majeur de Fagaras et Alba Iulia des Roumains.

Les fidèles des 5 circonscriptions ecclésiastiques gréco-catholiques de Roumanie sont quelque 737 900, les prêtres diocésains 716, et les séminaristes, pas moins de 347.

Les 5 évêques de l’éparchie collaborent étroitement avec les 6 évêques catholiques latins. Ils forment ensemble la conférence épiscopale roumaine qui a son siège à Bucarest. Egalement intense, la collaboration avec le Saint-Siège et la nonciature guidée par l’archevêque français Jean-Claude Périsset.

Le nonce apostolique en Roumanie, Mgr Gerald P. O’Hara, avait été expulsé en 1950. Les relations diplomatiques ont repris avec le Saint-Siège avec le retour à la démocratie.
ZF05121601

L’Eglise gréco-catholique de Roumanie persécutée sous le communisme
Deux grandes figures de la résistance

ROME, Vendredi 16 décembre 2005 (ZENIT.org) – L’Eglise gréco-catholique de Roumanie a été systématiquement persécutée sous le communisme: Staline voulait sa disparition pure et simple.

Au début du mois d’octobre 1948, explique la note du Vatican, le régime communiste qui avait pris le pouvoir lança une politique visant à la suppression de l’Eglise gréco-catholique roumaine, qui, alors comptait 1, 5 million de fidèles regroupés en 6 circonscriptions ecclésiastiques.

Tous les évêques furent déposés, et, par la fraude et par la terreur, on commença à recueillir des signatures pour le passage soi disant « spontané » des fidèles gréco-catholiques à l’Eglise orthodoxe, par des pressions auprès des prêtres puis des fidèles.

Et c’est le jour même du 250e anniversaire de l’union des fidèles de rite oriental avec l’Eglise de Rome (le 21 octobre 1948), que le gouvernement communiste donna cette fois l’ordre de leur passage à l’Eglise orthodoxe. Les 6 évêques furent arrêtés et détenus en attente d’un procès. Les 4 cathédrales catholiques furent données aux Orthodoxes, et l’on mit les écoles et les hôpitaux catholiques sous séquestre.

Le 1er décembre 1948, un décret du présidium de la grande assemblée nationale déclara comme éteints les diocèses, les communautés religieuses, toutes les autres institutions de l’Eglise gréco-catholique, et les paroisses furent cédées aux Orthodoxes.
Deux évêques furent particulièrement héroïques : Mgr Iuliu Hossu (1885-1970) et le cardinal Alexandru Todea (1912-2002).

Mgr Hossu fut arrêté avec une centaine de prêtres et de fidèles qui s’étaient refusés à abandonner la foi catholique. Ce fut le début de ce qu’il appelait le « Calvaire de l’Eglise », la « voie des Béatitudes », et le long pèlerinage d’une prison à l’autre.

Depuis sa résidence forcée, Mgr Hossu intensifia les prières pour l’Eglise. Il faisait chaque année parvenir au président de la république un pro-memoria demandant le respect des lois nationales et des engagements internationaux vis à vis de l’Eglise gréco-catholique.

En 1969, le pape Paul VI manifesta son estime à l’évêque Hossu, en l’invitant à accepter la dignité cardinalice. Mais lui demanda au pape de le laisser avec ses fidèles et il fut créé cardinal « in pectore ». L’annonce en fut donnée trois ans après sa mort, lors du consistoire du 5 mars 1975.

De son côté, le cardinal Alexandru Todea exerça son ministère en différentes paroisses jusqu’à sa nomination comme évêque, en 1950, et son ordination clandestine en la cathédrale Saint-Joseph de Bucarest le 19 novembre de cette année-là.

Il fut arrêté en 1951, subit un procès et fut condamné à la prison à vie. Il ne fut amnistié que treize ans plus tard, en 1964.

En 1990, après la chute du régime communiste, il fut nommé évêque de Fagaras et Alba Iulia des Roumains et travailla à la réorganisation de la vie ecclésiale.

En mars 1991, il fut élu premier président de la conférence des évêques catholiques de Roumanie.

Le pape Jean-Paul II le « créa » cardinale le 28 juin 1991, et lors de son voyage en Roumanie, le pape put l’embrasser avec émotion dans la cathédrale de Bucarest, le 8 mai 1999.

Le témoignage héroïque du cardinal Todea a aidé l’Eglise catholique de rite oriental à résister à l’implacable persécution communiste.

La figure du cardinal Todea ne représente pas seulement la grande histoire chrétienne du peuple roumain, mais est motif d’espérance pour la construction d’un avenir meilleur.

Avec le retour à la démocratie en décembre 1989, la hiérarchie gréco-catholique a été reconstituée en Roumanie. Elle a peu à peu repris sa place dans l’Eglise universelle.

Elle avait refusé tout compromis avec le pouvoir athée, pour revendiquer le destin plus vrai de l’homme et la place que Dieu doit avoir dans sa vie.

Récemment, des propriétés confisquées par le régime communiste et passée à l’Eglise orthodoxe ont été restituées, en particulier les cathédrales de Cluj, Fagaras, Lugoj et Oradea Mare.

La commission mixte de dialogue entre les deux Eglises devrait reprendre son travail pour chercher des solutions justes et satisfaisantes pour les problèmes qui demeurent encore.
ZF05121603

Est-ce que les Orthodoxes Roumains n'étaient pas persécutés à cette époque ???

Amicalement

Sylvie
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Naturellement, tout ce que raconte l'agence de presse papale est faux. Pour une véritable histoire de la cruauté et de la violence sans limites avec lesquelles les Habsbourg imposèrent l'union à Rome aux orthodoxes de Transylvanie, vous pouvez vous reporter au fil "21 octobre: les confesseurs de Transylvanie" qui se trouve sur ce forum et contient la véritable histoire.

A noter que le Vatican s'emmêle dans ses propres mensonges, puisque, dans les textes que vous citez, il situe la prétendue union d'Alba Iulia tantôt en 1700 et tantôt en 1698. Pour la simple et bonne raison qu'il n'y eut pas d'union d'Alba Iulia. L'évêque Athanase Ange, pour des raisons d'ambition personnelle, se fit uniate et y gagna dans le peuple le surnom de Satanasie ("Sathanase").

Le Vatican ment encore quand l'agence Zenit écrit que "la grande majorité des Roumains de Transylvanie" s'unit à Rome à cette époque-là. Ce fut la totalité des Roumains de Transylvanie qui fut unie, sur le papier, puisque la foi orthodoxe fut tout simplement interdite après le ralliement de l'évêque Athanase. Ceux qui voulurent rester fidèles à leur foi furent poursuivis comme rebelles à leur évêque, selon une idée de l'épiscopat policier et des évêchés-casernes que nous avons récemment vue défendre sur ce forum. Il y eut cependant un fort centre de résistance à Schiei Brasovului, parce qu'il y avait là plus d'intellectuels et de gens instruits que l'on ne pouvait pas tromper si facilement. En effet, en ce qui concerne les gens des campagnes, Athanase et ses successeurs ne les informèrent même pas de l'Union, et ce n'est que par la prédication de saint Vissarion Saraï, en 1744, que les villageois apprirent la trahison des métropolites de Transylvanie et commencèrent à rejeter l'Union qui n'a fait que constamment décliner depuis lors. Je vous invite à vous reporter au fil "21 octobre: les confesseurs de Transylvanie" pour plus de détails sur ces épisodes.
Ce n'est qu'au prix de beaucoup de souffrances et de la destruction au canon de tous les monastères orthodoxes de Transylvanie par le général Bukow que les orthodoxes obtinrent le rétablissement d'un épiscopat orthodoxe à Sibiu / Hermannstadt , ville restée depuis lors le siège de la métropole orthodoxe de Transylvanie (dont le siège traditionnel avait été Alba Iulia / Alba Carolina / Gyulafehervár / Weissburg / Balgrad).

Pour la dissolution de l'Eglise uniate par le pouvoir communiste en 1948, les orthodoxes étaient aussi persécutés à cette époque, et les communistes espéraient que les uniates, refusant de rejoindre les orthodoxes, deviendraient athées. Les communistes se sont attaqués à l'Eglise uniate parce qu'elle était à la fois une proie tentante, gorgée de richesses foncières depuis le temps des Habsbourg, et une proie facile, car sans cesse agitée par des mouvements de retour à l'Orthodoxie par paroisses entières depuis le rétablissement de la liberté de changer de religion au XIXe siècle.
En fait, cela ne s'est pas passé comme les communistes le prévoyaient. Il y a eu des résistances de la part du haut clergé (cardinal Hossu, lequel a) haïssait les orthodoxes et disait que "le baptême orthodoxe est un passeport pour l'enfer" et b) était aussi un politicien qui s'était pris pour le régent de Transylvanie au moment de la libération en 1918 et se désignait ainsi lui-même comme cible de choix). Mais l'essentiel des prêtres de paroisse est passé à l'Orthodoxie plutôt que de devenir athées... ou catholiques de rite latin. Pendant un certain temps, cela a fait de drôles de paroisses orthodoxes, avec des statues de François d'Assise et des images du Sacré-Coeur. Et puis, progressivement, ces communautés se sont intégrées dans la tradition orthodoxe et s'y sont trouvées bien. Et quand l'Eglise uniate a été rétablie, la grande majorité des anciens uniates ou de leurs descendants n'ont pas éprouvé le besoin de retourner sous l'autorité papale, malgré l'agitation d'une minorité.


Je m'amuse de revoir le Vatican sortir encore la statistique bidon de 737'900 uniates en Roumanie. Admirez la précision du chiffre. Et souriez quand vous allez voir ce qu'indiquent les chiffres autrement plus précis des recensements roumains de 1992 et 2002.


Après la chute du communisme et la légalisation de l'Eglise uniate (31 décembre 1989), les uniates et leurs parrains occidentaux ont fait une publicité effrénée sur le thème qu'ils allaient retrouver leur ancienne influence (le livre du diacre romano-catholique Didier Rance, Roumanie - Courage et fidélité, AED 1994, est un exemple de cette littérature de propagande).

Quant au recensement de 1992, on n'a compté que 228'337 "gréco-catholiques", ils ont dit que c'était parce que le recensement avait eu lieu seulement deux ans après le rétablissement de leur Eglise, et qu'ils gagnaient chaque jour du terrain aux dépens des orthodoxes. Sur leur site Internet, ils revendiquaient 733'000 fidèles en 2001. (Ils se revendiquent maintenant 737'900. On est prié de croire qu'ils seraient passé de 228'337 en 1992 à 733'000 en 2001 et à 737'900 en 2005; à force de jongler avec les fausses statistiques et les taux de croissance arrangés, on finit par aboutir à des résultats stupérifants.)

Las, la réalité était différente, et, au recensement de 2002, les uniates n'étaient plus que 191'556, bien loin des prodigieux taux de croissance annoncés.


Et je peux vous dire qu'il est visible sur le terrain, que c'est le recensement qui dit la vérité, et pas leurs statistiques ecclésiastiques. Ils sont même d'autant plus agressifs qu'ils n'ont plus d'emprise sur la grande majorité de la population. (J'ai connu le cas d'un village où les uniates se réunissaient dans leur église, prêtre en tête, pour prier officiellement pour la mort du prêtre orthodoxe du village, et je connais un prêtre orthodoxe qui a dû quitter le village où il vivait à cause des violences des uniates; par ailleurs, ayant été pris par une uniate pour catholique-romain, j'ai moi-même été confronté à cette agressivité uniate dont je sais que, parfois, elle indispose même les prêtres catholiques-romains occidentaux de passage, peu habitués à de tels excès.) En revanche, ils sont très forts pour faire leur publicité en Occident.

La faiblesse de l'uniatisme en Transylvanie (qui reste cependant violent et face auquel il faut être toujours vigilant) par rapport à l'uniatisme en Ukraine vient du fait qu'il ne peut pas jouer la carte du nationalisme. Les uniates ukrainiens se présentent facilement comme l'Eglise nationale de l'Ukraine, face à l'Orthodoxie qui serait la religion des Russes, et au catholicisme de rite latin qui serait la religion des Polonais. En Transylvanie et au Banat, les uniates roumains ne peuvent naturellement pas se présenter comme plus roumains que l'Eglise orthodoxe roumaine!
Sylvie
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Message par Sylvie »

Cher Lecteur Claude,

Je suis allée voir le fil suggéré.

viewtopic.php?t=279&highlight=transylvanie

Jean-Louis Palierne disait le 12 Nov 2005
Il est vraisemblable que les menées actuelles des Uniates que l'on constate de divers côtés sont à imputer au désarroi dans lequel ils se trouve à la suite du "lâchage" du Vatican. Le nouveau pape considère en effet que l'existence des "Églises uniates" se révèle contre-productive, gêne la diplomatie pontificale, et qu'il faut s'engager uniquement dans la voie des négociations "au sommet" avec les Églises orthodoxes et "vieilles orientales". En quelque sorte le "concert des Églises", comme jadis le "concert des Nations". Cette nouvelle ligne coupe l'herbe sous le pied des Uniates, qui n'ont aucun rôle à y jouer. Mais du coup ils tentent d'exploiter le climat d'éclatement qui grandit dans l'Église catholique. Les Uniates sont donc prêts à se lancer dans des actions désespérées. Plus grave encore, ils peuvent être manipulés par certaines tendances qui se sentent flouées par ce qu'ils considèrent comme un "coup de force intégriste" : l'élection de B16.
C'est trop pour moi ce soir. Je laisse cela de côté pour me préparer pour demain.

Sylvie
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit : Je m'amuse de revoir le Vatican sortir encore la statistique bidon de 737'900 uniates en Roumanie. Admirez la précision du chiffre. Et souriez quand vous allez voir ce qu'indiquent les chiffres autrement plus précis des recensements roumains de 1992 et 2002.


Après la chute du communisme et la légalisation de l'Eglise uniate (31 décembre 1989), les uniates et leurs parrains occidentaux ont fait une publicité effrénée sur le thème qu'ils allaient retrouver leur ancienne influence (le livre du diacre romano-catholique Didier Rance, Roumanie - Courage et fidélité, AED 1994, est un exemple de cette littérature de propagande).

Quant au recensement de 1992, on n'a compté que 228'337 "gréco-catholiques", ils ont dit que c'était parce que le recensement avait eu lieu seulement deux ans après le rétablissement de leur Eglise, et qu'ils gagnaient chaque jour du terrain aux dépens des orthodoxes. Sur leur site Internet, ils revendiquaient 733'000 fidèles en 2001. (Ils se revendiquent maintenant 737'900. On est prié de croire qu'ils seraient passé de 228'337 en 1992 à 733'000 en 2001 et à 737'900 en 2005; à force de jongler avec les fausses statistiques et les taux de croissance arrangés, on finit par aboutir à des résultats stupérifants.)

Las, la réalité était différente, et, au recensement de 2002, les uniates n'étaient plus que 191'556, bien loin des prodigieux taux de croissance annoncés.

J'ai sous les yeux le petit volume Istoria Bisericii Greco-Catolice sub regimul comunist 1945-1989 (Histoire de l'Eglise uniate "gréco-catholique" sous le régime communiste 1945-1989) de Cristian Vasile, publié aux éditions Polirom à Jassy en 2003 par le jeune historien Christian Vasile (sa biographie en deuxième de couverture me donne un coup de vieux, puisque je lis qu'il est de 1976 alors que je suis de 1975!).

Le livre est écrit d'un point de vue très favorable aux uniates. Toutefois, on constate que les attaques contre Sa Béatitude le patriarche Justinien Ier (Marina) de Roumanie n'ont plus l'intensité qu'elles avaient naguère dans les diverses publications des uniates, d'une partie des émigrés orthodoxes roumains et de l'incroyable livre de M. Sergiu Grossu de la dissidence piétiste Oastea Domnului, pour ne pas parler des attaques de nos vieux-calendéristes francophones (nous en eûmes des exemples sur l'ancien forum). C'est que, au fur et à mesure que l'on publie les archives communistes, le patriarche Justinien, bien loin d'être la marionnette des communistes comme dans les publications citées plus haut, apparaît au contraire comme un chef d'Eglise énergique qui a s'est battu pied à pied en faisant le meilleur usage de son ancienne amitié avec Gheorghiu-Dej. Certains le surnomment déjà "le Thomas Beckett de la Roumanie". Toujours est-il que même le livre de M. Vasile rapporte une prophétie que le patriarche Justinien avait faite en 1949, dans laquelle il annonçait la disparition du marxisme dans les cinquante ans, prophétie retrouvée dans les archives de la Securitate à qui un agent communiste avait rapporté les propos du patriarche, et prophétie qui s'est réalisée à peu près partout dans le monde, sauf en Corée du Nord, à Cuba, dans le Val-de-Marne et en ville de Genève. Les attaques des uniates semblent désormais se concentrer sur Mgr Nicolas (Bălan), le célèbre métropolite de Transylvanie.

Toujours est-il que, dans ce livre publié en Roumanie, en langue roumaine et à l'usage d'un public roumain, on ne trouve aucune contestation de la part des uniates des chiffres des recensements roumains de 1992 et 2002. Bien au contraire. A la fin du livre, il y a un long entretien de M. Vasile avec le chanoine Basile Mare, protopope du doyenné uniate de Bucarest. Je reproduis ici le passage pertinent (pp. 166 s.) dans le texte roumain, suivi de ma traduction.

Texte original roumain:


-De ce credeţi că din cei peste 1,5 milioane de greco-catolici de la momentul 1948, după 1989 au revenit la Biserica Unită mai puţin de 230'000, conform datelor recensămîntului din 1992 ? Nici datele preliminare ale recensămîntului din anul 2002 nu indică o creştere a ponderii greco-catolicilor, ba dimpotrivă... Se poate contesta maniera în care a fost alcătuit formularul de recensămint şi chiar atitudinea uneor recenzori, dar îmi este greu să cred că datele puteau fi falsifcate într-un mod grosolan.

-Nu trebuie să uităm că au fost cincizeci ani de denigrare a Bisericii noastre. Bătrînii s-au întors l a Biserica Unită. Chiar şi unii mai tinerii... Dar mulţi dintre cei învăţaţi fără religie, dintre cei care nu au mai mers la biserică, deşi formal erau ortodocşi, nu au mai revenit la greco-catolicism. Nu au existat o spiritualitate adevărată şi o convingere...


Ma traduction:

-Pourquoi, à votre avis, sur plus de 1'500'000 gréco-catholiques qu’il y avait en 1948, moins de 230'000 sont retournés dans l’Eglise uniate, si l’on en croit les résultats du recensement de 1992? Et les résultats préliminaires du recensement de 2002 n’indiquent pas non plus un augmentation du poids des « gréco-catholiques », bien au contraire… On peut contester la manière dont on a établi le formulaire de recensement et même l’attitude de certains agents du recensement, même il m’est difficile de croire que les résultats ont pu être falsifiés d’une manière si grossière.

-Il ne faut pas oublier qu’il y a eu cinquante ans de dénigrement de notre Eglise. Les vieux sont retournés dans l’Eglise uniate. Et même certains plus jeunes… Mais beaucoup de ceux qui n’avaient pas eu d’enseignement religieux, de ceux qui n’allaient plus à l’église, ceux qui étaient formellement orthodoxes, ne sont pas retournés à l’uniatisme. Il n'y a pas eu une spiritualité véritable et une conviction…


(J'ai traduit "Biserica Unită" par "Eglise uniate", parce qu'en français, le terme "uniate" existe pour désigner les catholiques de rite oriental, alors que le terme d'"Eglise unie" devrait être réservé à l'une ou l'autre des "unierten Kirchen" d'Allemagne, qui regroupent, en certains territoires, luthériens et réformés dans la même structure, et ce depuis le début du XIXe siècle. Ces Eglises unies représentent à l'heure actuelle environ 12 millions de fidèles, ce qui est plus que toutes les Eglises uniates pourtant autrement médiatisées.)

Commentaire: l'archiprêtre uniate s'en tire comme il peut en disant que c'est à cause de l'athéisme et de l'appartenance nominale à l'Orthodoxie qu'il y a eu si peu de retour à l'uniatisme. C'est de bonne guerre. Bien sûr, c'est une explication très contestable: les régions où les uniates étaient concentrés avant-guerre sont maintenant les régions où les orthodoxes sont les plus fervents, où la pratique religieuse orthodoxe est très élevée et où on reconstruit maintenant les monastères que le général von Bukow avait détruits en 1761. (Y compris l'illustre monastère de Péri, qui vient d'être reconstruit trois kilomètres au sud de son ancien emplacement, celui-ci se trouvant en territoire ukrainien depuis que Staline a arraché à la Roumanie le nord du Maramureş au temps du pacte germano-soviétique.) En fait, l'explication du RP Mare ne tient pas la route: s'il n'y a pas de retours à l'uniatisme, c'est parce que l'uniatisme ne correspond à aucun besoin spirituel. Comme me le disait une jeune fille du Maramureş en 2002: "Ma grand-mère était "gréco-catholique", mais que voulez-vous, elle ne savait même pas lire..." Ce qui est évidemment une image de l'uniatisme assez différente de celle d'une religion d'intellectuels qu'essaient de propager leurs admirateurs parisiens et les acteurs du "cirque oriental" critiqué par l'archiprêtre Roberti dans son livre sur Les Uniates. Non, beaucoup de descendants d'anciens uniates ont surtout l'impression qu'on a trompé leurs aïeux, ce qui, d'un point de vue historique, n'est pas faux.

On notera que M. Vasile, pourtant si favorable aux uniates, fait remarquer au RP Mare qu'il exagère un peu en niant qu'il y ait une spiritualité véritable dans l'Eglise orthodoxe roumaine. C'est vrai que pour qui connaît la floraison monastique et "l'avènement philocalique" (Père André Scrima) dans l'Orthodoxie roumaine contemporaine, pour qui connaît saint Jean le Roumain ou le père Cléopa, et tant et tant d'autres, la phrase du Père Mare apparaît vraiment comme l'expression d'une rancune qui finit par anéantir tout sens des proportions et toute crédibilité.

Toutefois, ce qui m'intéresse le plus dans l'interview du chanoine Mare, c'est que celui-ci ne nie absolument pas les résultats des recensements de l'ère post-communiste et ne saisit pas la perche que lui tend M. Vasile en évoquant d'éventuelles rétentions d'informations de la part des agents du recensement.
On a donc bien deux discours. A l'usage du public roumain, qui peut voyager en Transylvanie et se rendre compte que les uniates n'y sont qu'une petite minorité, et qui peut aller directement sur le site Internet de l'Institut national de la statistique et consulter les résultats très précis du recensement, on ne répète pas de bobards et on reconnaît que les uniates ne se comptent plus guère que 200'000.
A l'usage du public extérieur, qui ne lit pas le roumain, qui gobe tout ce qui provient du Vatican et qui n'aura jamais l'idée d'aller consulter le site Internet, on lance des chiffres complètement gonflés de 737'000 - et pourquoi pas 2 ou 3 millions, tant qu'on y est?

Je repense à ce qu'Antoine écrivait à propos du Filoque: à partir de quand la foi mauvaise devient une mauvaise foi? Proclamer urbi et orbi que les uniates de Roumanie sont 737'000 quand on sait qu'ils n'atteignent plus le chiffre de 200'000 fidèles, c'est mentir, mentir de la même manière que furent forgées les fausses décrétales, de la même manière que furent falsifiés les écrits des Pères pour fournir à Thomas d'Aquin la matière de son pamphlet Contra errores Graecorum, de la même manière que le Filioque fut inséré dans le Credo et que l'on accusa ensuite les orthodoxes de l'en avoir omis, etc. C'est toujours la même attitude. Et, face à cet édifice de falsifications, on a l'impression de devoir remplir le tonneau des Danaïdes, en devant sans cesse rétablir ce qui a été falsifié.

Evidemment, on peut avoir deux attitudes face à cette situation. On peut refuser le rétablissement des faits et perdre son temps dans la recherche d'une "inteprétation orthodoxe du Filioque". On peut aussi penser que le premier amour que l'on doit à autrui - mais aussi à soi-même - c'est la vérité. Il n'y a pas que les aïeux uniates de la jeune fille de la région de Baia Mare qui ont été bernés. Il y a aussi nos propres aïeux à qui on a fait gober Vatican I. Il y a aussi les organes de presse du monde entier à qui l'agence Zenit envoie une dépêche aussi fausse que celle que Sylvie nous a citée. Car enfin, si le protopope uniate de Bucarest reconnaît bien que ses coreligionnaires ne se comptent pas 738'000 ni même 300'000 en Roumanie, comment se fait-il que l'agence de presse du Vatican ne le sache pas?


Bien sûr, cette attitude bien mondaine qui consiste à gonfler les chiffres est aussi une des plaies de l'Eglise orthodoxe contemporaine, qui aime à transformer ses quelque 100 millions de baptisés en 400 millions comme si l'athéisme communiste n'avait jamais existé (cf. les chiffres outrageusement exagérés que Mgr Hilarion Alfeyev avait donné lors d'une conférence en Italie, probablement sur la base d'une confusion entre appartenance ethnique et appartenance religieuse). Mais les lecteurs réguliers de ce forum savent que l'on y a souvent dénoncé ces artifices statistiques et que l'on a tout fait pour y publier des chiffres probables et non pas des chiffres qui nous arrangeaient. Dans le présent message, je ne fais qu'appliquer aux chiffres donnés par le Vatican les mêmes exigences que nous avons autrefois appliquées aux chiffres données par les Eglises orthodoxes locales.

Notre Seigneur multipliait les pains. Cela ne nous donne pas pour autant le droit de multiplier les âmes.
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