Publié : sam. 05 nov. 2005 19:13
Le problème réside-t-il dans la natalité ? Je n’en suis pas sûre du tout.
Mais il est probablement dans le regard ambigu que portent les occidentaux, orthodoxes compris, sur l’islam. Chez nous, les médias cultivent un double lien d’une telle intensité qu’il devrait nous rendre collectivement schizophrènes : d’une part instillant la peur de l’islam conquérant, obscurantiste et surtout terroriste ; d’autre part donnant en permanence le rôle de victimes et donc de « bons » aux peuples musulmans dans les conflits, les Slaves recevant en permanence celui des « méchants ». Comme si, pour nos intellectuels (?) parisiens et vu depuis les tables du Dôme ou de la Coupole (les bistrots s’entend), de chez Lipp ou du Café de Flore, l’islam résumait en lui la dialectique du bourreau et de la victime en une sorte de syndrome de Stockholm aussi pervers qu’irréaliste.
Vu de l’orthodoxie qui a subi la Horde d’or puis l’empire ottoman, la peur l’emporte comme si l’islam devait fatalement être vainqueur et le chrétien retomber éternellement à l’état de dhimmi. Et ça, c’est une réaction d’oiseau fasciné devant le serpent !
Même d’un simple point de vue humain, les choses ne sont pas si simples. Cela fait bien un millénaire et demi que les Arabes (d’Arabie) ne sont plus conquérants. Ils ne l’ont été qu’un bref temps après Mahomet puis se sont enlisés. L’islam conquérant du moyen-âge jusqu’au XVIIe siècle inclus, c’est une déferlante mongole, en particulier des Mongols du sud que sont les Turcs.
Mais enfin, face aux Turcs et aux Mongols islamisés du présent, y compris en Asie Centrale, qui a les atouts en main ? La démographie commence à se stabiliser et à reculer dans tous les pays islamisés qui ont entamé un développement économique. Voir toutes les études internationales, y compris les prévisions de l’UNESCO. Les richesses économiques et le savoir technologique et scientifique sont ailleurs : aux USA, en Chine, aux Indes et encore en Europe. On peut désapprouver la politique américaine en Irak ou en Afghanistan mais la victoire militaire a pris 15 jours étant donnée la disparité des forces. La Serbie avait résisté plus longtemps ! La réorganisation des pays détruits, c’est un autre problème.
Si une coalition de pays musulmans, plutôt que de se contenter d’embêter chez eux les minorités non musulmanes, manifestait une grattouille conquérante, le rapport de forces serait tellement asymétrique que ce serait suicidaire de leur part.
Le problème de la Russie est complexe. Durant les dix ans et plus d’interrègne, si je puis dire, entre Gorbatchev et Poutine, il y eut une désagrégation sociale à tous les niveaux, une vacance de fait des institutions. Chaque fois que, dans l’histoire, s’est produit un effondrement de cet ordre (périodes « intermédiaires » de l’Egypte antique, fin de l’empire d’occident, fin de l’empire carolingien, on en trouve aussi dans l’histoire chinoise et dans celle des Indes) on a vu des pouvoirs locaux plus ou moins dictatoriaux prendre le relais. Des « seigneurs de la guerre » d’un type ou d’un autre, y compris maffieux avant la lettre. C’est ce qui a permis à des chefs musulmans, peut-être islamistes mais surtout dictateurs, de s’emparer de vastes territoires en employant de vieilles recettes ottomanes. Cela ne débouche jamais directement sur des démocraties sauf dans l’imaginaire des journalistes du Monde ou du Washington Post. Mais une reconquête « impériale » est possible, qui rétablirait d’abord des institutions et un état de droit. L’avenir nous dira si Poutine peut la réussir ou si, comme Boris Godounov, il ne représente qu’une solution provisoire au milieu du chaos.
Et l’Eglise ? Il serait temps qu’elle sorte de la peur de la dhimmitude. Ce que je pointais l’autre jour, l’endoctrinement des gamins à l’adolescence, ne serait pas si facile si l’on avait transmis à ces gosses tout le trésor spirituel de l’orthodoxie. Ce qui signifie tout reconstruire, les monastères, les paroisses, les écoles de théologie, etc. A ce que je sais, c’est en cours.
Pour le dire plus crûment : il ne s’agit pas tant de transformer les femmes russes en poules pondeuses pour faire nombre que de revivifier l’essentiel de l’héritage orthodoxe, de sortir la lumière du boisseau. Parce que, sincèrement, si toute l’orthodoxie est présente, dans toute sa richesse, il n’y a pas photo même avec le meilleur de l’islam.
Une des leçons des études démographiques sur le passé, c’est pourquoi la civilisation « occidentale » (Russie comprise*) l’a emporté à partir du XVIIIe siècle sur le reste de l’Eurasie alors que, sur le plan scientifique et technique, la Chine a eu longtemps une avance évidente. La corrélation avec la démographie est étonnante, surtout de la part des agnostiques qui ont fait ce constat : l’élément clef, c’est le monachisme. En réduisant la démographie, en permettant le maintien d’un haut niveau culturel (lecture, écriture, calcul, architecture, agriculture raisonnée, etc.), il a permis de réduire également les famines et de dégager du temps et des ressources qui ont, in fine, permis l’industrialisation. Alors que les pays à démographie galopante avaient trop de bouches à nourrir et pas assez de bras ni de terres, sans parler de la disparité culturelle entre élites et peuple.
*Avant la guerre de 14, la Russie avait moins de retard à l’industrialisation que l’Italie ou l’Espagne.
Mais il est probablement dans le regard ambigu que portent les occidentaux, orthodoxes compris, sur l’islam. Chez nous, les médias cultivent un double lien d’une telle intensité qu’il devrait nous rendre collectivement schizophrènes : d’une part instillant la peur de l’islam conquérant, obscurantiste et surtout terroriste ; d’autre part donnant en permanence le rôle de victimes et donc de « bons » aux peuples musulmans dans les conflits, les Slaves recevant en permanence celui des « méchants ». Comme si, pour nos intellectuels (?) parisiens et vu depuis les tables du Dôme ou de la Coupole (les bistrots s’entend), de chez Lipp ou du Café de Flore, l’islam résumait en lui la dialectique du bourreau et de la victime en une sorte de syndrome de Stockholm aussi pervers qu’irréaliste.
Vu de l’orthodoxie qui a subi la Horde d’or puis l’empire ottoman, la peur l’emporte comme si l’islam devait fatalement être vainqueur et le chrétien retomber éternellement à l’état de dhimmi. Et ça, c’est une réaction d’oiseau fasciné devant le serpent !
Même d’un simple point de vue humain, les choses ne sont pas si simples. Cela fait bien un millénaire et demi que les Arabes (d’Arabie) ne sont plus conquérants. Ils ne l’ont été qu’un bref temps après Mahomet puis se sont enlisés. L’islam conquérant du moyen-âge jusqu’au XVIIe siècle inclus, c’est une déferlante mongole, en particulier des Mongols du sud que sont les Turcs.
Mais enfin, face aux Turcs et aux Mongols islamisés du présent, y compris en Asie Centrale, qui a les atouts en main ? La démographie commence à se stabiliser et à reculer dans tous les pays islamisés qui ont entamé un développement économique. Voir toutes les études internationales, y compris les prévisions de l’UNESCO. Les richesses économiques et le savoir technologique et scientifique sont ailleurs : aux USA, en Chine, aux Indes et encore en Europe. On peut désapprouver la politique américaine en Irak ou en Afghanistan mais la victoire militaire a pris 15 jours étant donnée la disparité des forces. La Serbie avait résisté plus longtemps ! La réorganisation des pays détruits, c’est un autre problème.
Si une coalition de pays musulmans, plutôt que de se contenter d’embêter chez eux les minorités non musulmanes, manifestait une grattouille conquérante, le rapport de forces serait tellement asymétrique que ce serait suicidaire de leur part.
Le problème de la Russie est complexe. Durant les dix ans et plus d’interrègne, si je puis dire, entre Gorbatchev et Poutine, il y eut une désagrégation sociale à tous les niveaux, une vacance de fait des institutions. Chaque fois que, dans l’histoire, s’est produit un effondrement de cet ordre (périodes « intermédiaires » de l’Egypte antique, fin de l’empire d’occident, fin de l’empire carolingien, on en trouve aussi dans l’histoire chinoise et dans celle des Indes) on a vu des pouvoirs locaux plus ou moins dictatoriaux prendre le relais. Des « seigneurs de la guerre » d’un type ou d’un autre, y compris maffieux avant la lettre. C’est ce qui a permis à des chefs musulmans, peut-être islamistes mais surtout dictateurs, de s’emparer de vastes territoires en employant de vieilles recettes ottomanes. Cela ne débouche jamais directement sur des démocraties sauf dans l’imaginaire des journalistes du Monde ou du Washington Post. Mais une reconquête « impériale » est possible, qui rétablirait d’abord des institutions et un état de droit. L’avenir nous dira si Poutine peut la réussir ou si, comme Boris Godounov, il ne représente qu’une solution provisoire au milieu du chaos.
Et l’Eglise ? Il serait temps qu’elle sorte de la peur de la dhimmitude. Ce que je pointais l’autre jour, l’endoctrinement des gamins à l’adolescence, ne serait pas si facile si l’on avait transmis à ces gosses tout le trésor spirituel de l’orthodoxie. Ce qui signifie tout reconstruire, les monastères, les paroisses, les écoles de théologie, etc. A ce que je sais, c’est en cours.
Pour le dire plus crûment : il ne s’agit pas tant de transformer les femmes russes en poules pondeuses pour faire nombre que de revivifier l’essentiel de l’héritage orthodoxe, de sortir la lumière du boisseau. Parce que, sincèrement, si toute l’orthodoxie est présente, dans toute sa richesse, il n’y a pas photo même avec le meilleur de l’islam.
Une des leçons des études démographiques sur le passé, c’est pourquoi la civilisation « occidentale » (Russie comprise*) l’a emporté à partir du XVIIIe siècle sur le reste de l’Eurasie alors que, sur le plan scientifique et technique, la Chine a eu longtemps une avance évidente. La corrélation avec la démographie est étonnante, surtout de la part des agnostiques qui ont fait ce constat : l’élément clef, c’est le monachisme. En réduisant la démographie, en permettant le maintien d’un haut niveau culturel (lecture, écriture, calcul, architecture, agriculture raisonnée, etc.), il a permis de réduire également les famines et de dégager du temps et des ressources qui ont, in fine, permis l’industrialisation. Alors que les pays à démographie galopante avaient trop de bouches à nourrir et pas assez de bras ni de terres, sans parler de la disparité culturelle entre élites et peuple.
*Avant la guerre de 14, la Russie avait moins de retard à l’industrialisation que l’Italie ou l’Espagne.