Renouveau religieux, vraiment?
Publié : sam. 09 juil. 2022 11:22
Statistiques de Z. Żuchowska reproduites par Jerzy Kloczowski in Histoire du christianisme, tome 13, Desclée, Paris 2000, p. 414 sur les Eglises orthodoxes en Europe du Centre-Est vers 1995
Albanie 300'000 fidèles, 49 paroisses, 24 prêtres
Bulgarie 7'250'000 fidèles, 3'200 paroisses, 2'300 prêtres
République tchèque 19'400 fidèles, 54 paroisses, 28 prêtres
Slovaquie 70'600 fidèles, 103 paroisses, 109 prêtres
Pologne 571'000 fidèles, 250 paroisses, 250 prêtres
Roumanie 19'762'000 fidèles, 8'650 paroisses, 9'000 prêtres
Serbie 8'910'000 fidèles, 2'875 paroisses, 3'000 prêtres
Macédoine 1'500'000 fidèles, 745 paroisses, 300 prêtres
Hongrie 40'000 fidèles, 10 paroisses, 14 prêtres
Estonie (2 Eglises) 55'000 fidèles, 79 paroisses, 39 prêtres
Lettonie 300'000 fidèles, 153 paroisses
Lithuanie 100'000 fidèles, 41 paroisses
Bélarus (Biélorussie) 2'000'000 fidèles, 920 paroisses, 950 prêtres
Ukraine (3 Eglises) 10'000'000-15'000'000, 9'500 paroisses, 6'500 prêtres
Moldavie 1'500'000 fidèles, 870 paroisses, 740 prêtres
Ce qui appelle les remarques suivantes:
-Se baser sur le nombre de prêtres pour faire une estimation du nombre de fidèles (par exemple dans le cas de l'Ukraine) ne mène nulle part. Il est clair que les autocéphalistes sont plus nombreux que les fidèles de Moscou en Ukraine en 2022, quelque soit le nombre de prêtres de chaque faction. On voit bien dans cette estimation qu'il y avait un prêtre pour 12'500 fidèles en Albanie, alors qu'il y avait un prêtre pour 700 fidèles en Slovaquie.
-Les chiffres sont manifestement surévalués pour la Bulgarie et la Serbie, suite à une confusion entre ethnie et nationalité. Deux tiers des Serbes n'étaient pas baptisés en 1990. Il ne pouvait en aucun cas y avoir plus de 2'700'000 orthodoxes en Serbie en 1995. Sachant cela, on constate que l'Orthodoxie était minoritaire partout, sauf en Roumanie.
-Tous ces chiffres, en 2022, sont à la baisse, sauf en Lituanie où le nombre de baptisés orthodoxes se maintient autour de 100'000. Tous les recensements récents ont montré des chiffres plus bas (par exemple, 175'000 au lieu de 300'000 en Albanie; 145'000 au lieu de 571'000 en Pologne; 16'000 au lieu de 40'000 en Hongrie). Il faut noter que les anciennes républiques soviétiques se gardent bien de faire des recensements, de telle sorte que l'on n'a pas de chiffre "officiel" de la population orthodoxe en Ukraine, qui, avant le 24 février 2022 et l'exode d'une partie de la population ukrainienne, devait se situer autour de 4 à 5 millions de personnes plutôt que des 15 à 20 qui ressortaient des sondages et de la science à la Wikipédia.
Ce déclin s'explique par les facteurs suivants: baisse de la population totale dans tous ces pays (aucun de ces pays -même la Pologne ! - n'assure plus le renouvellement naturel de sa population), sachant qu'à l'effondrement de la natalité s'ajoute l'émigration qui a saigné à blanc un pays comme la Roumanie (mais une partie notable de ces exilés a réussi à constituer des paroisses et des diocèses en Europe occidentale; les Roumains ont fait de l'Orthodoxie la deuxième religion en Italie); assimilation à la religion dominante en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie; conversions au protestantisme en Ukraine; retours massifs à l'athéisme communiste en Bulgarie.
Il faut me rendre cette justice que j'ai toujours annoncé une proportion de 20% d'orthodoxes en Biélorussie, "laboratoire de l'athéisme" sous le régime soviétique, et où l'athéisme regroupait 90% de la population avant le début du processus de désintégration du communisme soviétique. Là, il y a eu un vrai renouveau religieux - comme en Russie. Mais on ne passe pas de 90% d'athées à 50% d'orthodoxes en trente ans, restons sérieux.
En revanche, là où je me suis trompé, c'est que les statistiques globales de l'Ukraine montrent que ce pays n'a pas été relativement épargné comme je le croyais et comme on le disait généralement. De Kiev (92% d'athées en 1998) à Donetsk (94,5% d'athées en 1998) s'étend une zone où le triomphe de l'athéisme soviétique a été total. La croyance religieuse ne s'est maintenue que dans les territoires qui étaient polonais et tchécoslovaques avant 1939, et qui ne furent soviétisés qu'à partir de 1945.D'où le fait que, vers 1998, le rapport entre catholiques romains (2'9000'000) et orthodoxes (7'600'000) ne reflétait absolument pas ce qu'il était en 1918 dans les frontières politiques actuelles. Il s'agit d'un rapport de 1 à 2,6 qui était de 1 à 7 en 1918. Les catholiques ont bénéficié de leur concentration dans les régions occidentales, qui n'ont pas connu le Holodomor en 1933 et n'ont été soviétisées qu'à partir de 1945.
Il est à noter que, dans l'Ukraine de 2022, le chiffre des orthodoxes doit avoir diminué dans des proportions considérables du fait des conversions au protestantisme. Toutefois, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ces conversions ébranlent aussi le bastion catholique romain.
Le renouveau religieux annoncé à grands renforts de trompettes à l'époque de la désintégration du communisme en Europe est donc resté, sauf en Albanie, en Biélorussie et en Russie, un slogan de propagande, un truc publicitaire dont le plus grand héraut était le pape polonais Jean-Paul II.
Il n'en reste pas moins que, si ce renouveau a été illusoire pour les orthodoxes, sauf dans les trois pays cités plus haut, il a tourné à la catastrophe pour les Eglises protestantes historiques qui étaient majoritaires en Estonie, en Lettonie et en Allemagne de l'Est, ainsi que pour le catholicisme romain dans certains pays. La chute du catholicisme en Tchéquie et en Slovaquie depuis 1989 est le démenti le plus éclatant infligé par la réalité aux slogans de feu Jean-Paul II.
Albanie 300'000 fidèles, 49 paroisses, 24 prêtres
Bulgarie 7'250'000 fidèles, 3'200 paroisses, 2'300 prêtres
République tchèque 19'400 fidèles, 54 paroisses, 28 prêtres
Slovaquie 70'600 fidèles, 103 paroisses, 109 prêtres
Pologne 571'000 fidèles, 250 paroisses, 250 prêtres
Roumanie 19'762'000 fidèles, 8'650 paroisses, 9'000 prêtres
Serbie 8'910'000 fidèles, 2'875 paroisses, 3'000 prêtres
Macédoine 1'500'000 fidèles, 745 paroisses, 300 prêtres
Hongrie 40'000 fidèles, 10 paroisses, 14 prêtres
Estonie (2 Eglises) 55'000 fidèles, 79 paroisses, 39 prêtres
Lettonie 300'000 fidèles, 153 paroisses
Lithuanie 100'000 fidèles, 41 paroisses
Bélarus (Biélorussie) 2'000'000 fidèles, 920 paroisses, 950 prêtres
Ukraine (3 Eglises) 10'000'000-15'000'000, 9'500 paroisses, 6'500 prêtres
Moldavie 1'500'000 fidèles, 870 paroisses, 740 prêtres
Ce qui appelle les remarques suivantes:
-Se baser sur le nombre de prêtres pour faire une estimation du nombre de fidèles (par exemple dans le cas de l'Ukraine) ne mène nulle part. Il est clair que les autocéphalistes sont plus nombreux que les fidèles de Moscou en Ukraine en 2022, quelque soit le nombre de prêtres de chaque faction. On voit bien dans cette estimation qu'il y avait un prêtre pour 12'500 fidèles en Albanie, alors qu'il y avait un prêtre pour 700 fidèles en Slovaquie.
-Les chiffres sont manifestement surévalués pour la Bulgarie et la Serbie, suite à une confusion entre ethnie et nationalité. Deux tiers des Serbes n'étaient pas baptisés en 1990. Il ne pouvait en aucun cas y avoir plus de 2'700'000 orthodoxes en Serbie en 1995. Sachant cela, on constate que l'Orthodoxie était minoritaire partout, sauf en Roumanie.
-Tous ces chiffres, en 2022, sont à la baisse, sauf en Lituanie où le nombre de baptisés orthodoxes se maintient autour de 100'000. Tous les recensements récents ont montré des chiffres plus bas (par exemple, 175'000 au lieu de 300'000 en Albanie; 145'000 au lieu de 571'000 en Pologne; 16'000 au lieu de 40'000 en Hongrie). Il faut noter que les anciennes républiques soviétiques se gardent bien de faire des recensements, de telle sorte que l'on n'a pas de chiffre "officiel" de la population orthodoxe en Ukraine, qui, avant le 24 février 2022 et l'exode d'une partie de la population ukrainienne, devait se situer autour de 4 à 5 millions de personnes plutôt que des 15 à 20 qui ressortaient des sondages et de la science à la Wikipédia.
Ce déclin s'explique par les facteurs suivants: baisse de la population totale dans tous ces pays (aucun de ces pays -même la Pologne ! - n'assure plus le renouvellement naturel de sa population), sachant qu'à l'effondrement de la natalité s'ajoute l'émigration qui a saigné à blanc un pays comme la Roumanie (mais une partie notable de ces exilés a réussi à constituer des paroisses et des diocèses en Europe occidentale; les Roumains ont fait de l'Orthodoxie la deuxième religion en Italie); assimilation à la religion dominante en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie; conversions au protestantisme en Ukraine; retours massifs à l'athéisme communiste en Bulgarie.
Il faut me rendre cette justice que j'ai toujours annoncé une proportion de 20% d'orthodoxes en Biélorussie, "laboratoire de l'athéisme" sous le régime soviétique, et où l'athéisme regroupait 90% de la population avant le début du processus de désintégration du communisme soviétique. Là, il y a eu un vrai renouveau religieux - comme en Russie. Mais on ne passe pas de 90% d'athées à 50% d'orthodoxes en trente ans, restons sérieux.
En revanche, là où je me suis trompé, c'est que les statistiques globales de l'Ukraine montrent que ce pays n'a pas été relativement épargné comme je le croyais et comme on le disait généralement. De Kiev (92% d'athées en 1998) à Donetsk (94,5% d'athées en 1998) s'étend une zone où le triomphe de l'athéisme soviétique a été total. La croyance religieuse ne s'est maintenue que dans les territoires qui étaient polonais et tchécoslovaques avant 1939, et qui ne furent soviétisés qu'à partir de 1945.D'où le fait que, vers 1998, le rapport entre catholiques romains (2'9000'000) et orthodoxes (7'600'000) ne reflétait absolument pas ce qu'il était en 1918 dans les frontières politiques actuelles. Il s'agit d'un rapport de 1 à 2,6 qui était de 1 à 7 en 1918. Les catholiques ont bénéficié de leur concentration dans les régions occidentales, qui n'ont pas connu le Holodomor en 1933 et n'ont été soviétisées qu'à partir de 1945.
Il est à noter que, dans l'Ukraine de 2022, le chiffre des orthodoxes doit avoir diminué dans des proportions considérables du fait des conversions au protestantisme. Toutefois, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ces conversions ébranlent aussi le bastion catholique romain.
Le renouveau religieux annoncé à grands renforts de trompettes à l'époque de la désintégration du communisme en Europe est donc resté, sauf en Albanie, en Biélorussie et en Russie, un slogan de propagande, un truc publicitaire dont le plus grand héraut était le pape polonais Jean-Paul II.
Il n'en reste pas moins que, si ce renouveau a été illusoire pour les orthodoxes, sauf dans les trois pays cités plus haut, il a tourné à la catastrophe pour les Eglises protestantes historiques qui étaient majoritaires en Estonie, en Lettonie et en Allemagne de l'Est, ainsi que pour le catholicisme romain dans certains pays. La chute du catholicisme en Tchéquie et en Slovaquie depuis 1989 est le démenti le plus éclatant infligé par la réalité aux slogans de feu Jean-Paul II.