confusion au sujet des prières pour la pluie
Publié : mer. 13 août 2003 17:05
Extraits commentés d'un article de Patricia BRIEL, "Quand Dieu fait tomber la pluie", in Le Temps ("quotidien suisse édité à Genève"), n° du 13 août 2003, p. 25.
On verra dans cet article la confusion de certaines déclarations de clercs des confessions hétérodoxes.
"Vendredi, la Mosquée de Paris célébrera une prière invocatoire à Dieu pour accorder la pluie à la France. Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée, a invité tous les musulmans du pays à faire de même."
Commentaire: Cela laisse supposer que M. Dalil Boubakeur se sent concerné par ce qui se passe dans son pays de résidence et n'y est pas complètement indifférent. Comparaison cruelle: je ne sache pas qu'aucun des évêques orthodoxes résidant en France ait mandé des prières pour la pluie... (Je serais heureux si je me trompais!)
"Dimanche dernier, le pape Jean Paul II a prié Dieu de faire tomber la pluie sur l'Europe pour apaiser la canicule et les feux de forêt. Dans un passé très récent, des célébrations ont eu lieu dans différents pays de différentes traditions religieuses pour demander l'ouverture des vannes du ciel. Au Moyen Age, les chrétiens étaient persuadés que Dieu faisait la pluie et le beau temps au gré de ses humeurs. Mais nous sommes au XXIème siècle. Assiste-t-on à la résurgence de superstitions obsolètes?"
Commentaire: Article assez caractéristique du style de la presse politiquement correcte quand elle traite de sujets religieux. Inutile de préciser que Le Temps est très oecuméniste et n'aborde l'Orthodoxie qu'à travers des interviews de Georges Lemopoulos du WCC ou du très anti-serbe Jean-Arnault Dérens.
Dans son édition française du Grand Euchologe basée sur le texte en usage dans l'Eglise de Grèce, le père Denis (Guillaume) fait figurer aux pages 467-475 un très bel office d'intercession en temps de sécheresse. Cet office figure aux pages 512-516 de l'édition grecque que j'ai en ma possession, Evkhologhion To Megha, Editions Astir, Athènes 1992.
On pourrait donc en déduire que, dans la pensée de Madame Briel, l'Eglise orthodoxe fait ainsi figurer dans ses textes liturgiques des "superstitions obsolètes". Mais la suite de l'article est intéressante, car les porte-parole des confessions hétérodoxes semblent aussi soucieux d'être à la page que le respectable "quotidien suisse édité à Genève".
"Le père jésuite Albert Longchamp, rédacteur en chef de l'Echo Magazine, ne le pense pas: "Il ne faut pas prendre ces prières au pied de la lettre. Je doute que le pape croie à leur effet. (Souligné par nous, NdL.) Mais elles permettent aux hommes de retrouver une relation avec le cosmos et la création, ainsi qu'un peu d'humilité. L'homme comprend ainsi qu'il ne domine pas la nature et qu'il n'en est que le gérant.""
Commentaire: Le père Longchamp appartient à une espèce rare: le jésuite suisse. En effet, les Constitutions fédérales de 1848 et de 1874 interdisaient la Compagnie de Jésus sur le sol suisse, et c'est sous la pression du Conseil de l'Europe que la Suisse a dû abolir l'article constitutionnel anti-jésuites en 1973.
Je croyais que les Jésuites avaient un voeu spécial d'obéissance au Pape; je ne savais pas que cela leur donnait un pouvoir magique d'interpréter les pensées du Pape. On notera aussi que ce que le père Longchamp écrit à propos de ces prières peut naturellement être appliqué à toutes les prières, et puis aux sacrements tant qu'on y est. Pourquoi prendre tout cela au pied de la lettre, mon père?
Je pensais aussi naïvement que la prière permettait de rétablir la relation personnelle avec la Toute-Sainte Trinité plutôt qu'avec le cosmos. Je n'ai encore jamais vu de prières adressées au cosmos. Cela viendra sans doute un jour.
L'article se poursuit avec les réflexions de Hafid Ouardiri, porte-parole de la mosquée de Genève, qui a le bon sens de parler de la sincérité exigée de ceux qui prient, et du rabbin genevois François Garaï, qui ne s'engage pas trop. Naturellement, Le Temps a choisi de s'adresser à celui des rabbins genevois qui appartient à la synagogue libérale. Le journal n'a sans doute pas pu trouver une "mosquée libérale" dont le porte-parole aurait pu lui répondre à la manière du père Longchamp. Mais le sublime est atteint avec un point de vue protestant.
"Ces invocations métérorolgiques rendent la pasteure (sic) Francine Carrillo, qui écrit elle-même des prières, "extrêmement sceptique". Elle y voit une forme d'autoritarisme et d'abus de pouvoir: "Utiliser Dieu pour réparer ce que l'homme a abîmé me paraît contestable. Nous ferions mieux de lui demander de nous rendre attentifs à nos responsabilités écologiques.""
Commentaire: Magnifique! Cette "pasteure" appartient sans doute à l'Eglise nationale protestante de Genève, et l'on ne s'étonnera plus qu'il ne se trouvait en 2000 que 16,12% de fidèles de l'ENPG dans le canton de Calvin. On voit simplement comment, après avoir surfé sur la vague du féminisme (d'où des "pasteures"), on se raccroche maintenant au train de l'écologie. Pourtant, il devait bien y avoir des sécheresses avant la Révolution industrielle, non?
En outre, il y a aussi dans le protestantisme, en tout cas luthérien, une tradition de prières associées aux cycles agraires: en Alsace, l'Eglise luthérienne participait aux fêtes des moissons et des vendanges.
C'est la première fois que je lis que quelqu'un puisse qualifier une prière d'abus de pouvoir.
Dans ce cas, le Grand Euchologe n'est qu'une suite d'abus de pouvoir. Mais ses splendides offices témoignent d'une tradition ininterrompue, bien plus ancienne que les modes du féminisme ou de l'écologie, et qui leur survivra.
On verra dans cet article la confusion de certaines déclarations de clercs des confessions hétérodoxes.
"Vendredi, la Mosquée de Paris célébrera une prière invocatoire à Dieu pour accorder la pluie à la France. Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée, a invité tous les musulmans du pays à faire de même."
Commentaire: Cela laisse supposer que M. Dalil Boubakeur se sent concerné par ce qui se passe dans son pays de résidence et n'y est pas complètement indifférent. Comparaison cruelle: je ne sache pas qu'aucun des évêques orthodoxes résidant en France ait mandé des prières pour la pluie... (Je serais heureux si je me trompais!)
"Dimanche dernier, le pape Jean Paul II a prié Dieu de faire tomber la pluie sur l'Europe pour apaiser la canicule et les feux de forêt. Dans un passé très récent, des célébrations ont eu lieu dans différents pays de différentes traditions religieuses pour demander l'ouverture des vannes du ciel. Au Moyen Age, les chrétiens étaient persuadés que Dieu faisait la pluie et le beau temps au gré de ses humeurs. Mais nous sommes au XXIème siècle. Assiste-t-on à la résurgence de superstitions obsolètes?"
Commentaire: Article assez caractéristique du style de la presse politiquement correcte quand elle traite de sujets religieux. Inutile de préciser que Le Temps est très oecuméniste et n'aborde l'Orthodoxie qu'à travers des interviews de Georges Lemopoulos du WCC ou du très anti-serbe Jean-Arnault Dérens.
Dans son édition française du Grand Euchologe basée sur le texte en usage dans l'Eglise de Grèce, le père Denis (Guillaume) fait figurer aux pages 467-475 un très bel office d'intercession en temps de sécheresse. Cet office figure aux pages 512-516 de l'édition grecque que j'ai en ma possession, Evkhologhion To Megha, Editions Astir, Athènes 1992.
On pourrait donc en déduire que, dans la pensée de Madame Briel, l'Eglise orthodoxe fait ainsi figurer dans ses textes liturgiques des "superstitions obsolètes". Mais la suite de l'article est intéressante, car les porte-parole des confessions hétérodoxes semblent aussi soucieux d'être à la page que le respectable "quotidien suisse édité à Genève".
"Le père jésuite Albert Longchamp, rédacteur en chef de l'Echo Magazine, ne le pense pas: "Il ne faut pas prendre ces prières au pied de la lettre. Je doute que le pape croie à leur effet. (Souligné par nous, NdL.) Mais elles permettent aux hommes de retrouver une relation avec le cosmos et la création, ainsi qu'un peu d'humilité. L'homme comprend ainsi qu'il ne domine pas la nature et qu'il n'en est que le gérant.""
Commentaire: Le père Longchamp appartient à une espèce rare: le jésuite suisse. En effet, les Constitutions fédérales de 1848 et de 1874 interdisaient la Compagnie de Jésus sur le sol suisse, et c'est sous la pression du Conseil de l'Europe que la Suisse a dû abolir l'article constitutionnel anti-jésuites en 1973.
Je croyais que les Jésuites avaient un voeu spécial d'obéissance au Pape; je ne savais pas que cela leur donnait un pouvoir magique d'interpréter les pensées du Pape. On notera aussi que ce que le père Longchamp écrit à propos de ces prières peut naturellement être appliqué à toutes les prières, et puis aux sacrements tant qu'on y est. Pourquoi prendre tout cela au pied de la lettre, mon père?
Je pensais aussi naïvement que la prière permettait de rétablir la relation personnelle avec la Toute-Sainte Trinité plutôt qu'avec le cosmos. Je n'ai encore jamais vu de prières adressées au cosmos. Cela viendra sans doute un jour.
L'article se poursuit avec les réflexions de Hafid Ouardiri, porte-parole de la mosquée de Genève, qui a le bon sens de parler de la sincérité exigée de ceux qui prient, et du rabbin genevois François Garaï, qui ne s'engage pas trop. Naturellement, Le Temps a choisi de s'adresser à celui des rabbins genevois qui appartient à la synagogue libérale. Le journal n'a sans doute pas pu trouver une "mosquée libérale" dont le porte-parole aurait pu lui répondre à la manière du père Longchamp. Mais le sublime est atteint avec un point de vue protestant.
"Ces invocations métérorolgiques rendent la pasteure (sic) Francine Carrillo, qui écrit elle-même des prières, "extrêmement sceptique". Elle y voit une forme d'autoritarisme et d'abus de pouvoir: "Utiliser Dieu pour réparer ce que l'homme a abîmé me paraît contestable. Nous ferions mieux de lui demander de nous rendre attentifs à nos responsabilités écologiques.""
Commentaire: Magnifique! Cette "pasteure" appartient sans doute à l'Eglise nationale protestante de Genève, et l'on ne s'étonnera plus qu'il ne se trouvait en 2000 que 16,12% de fidèles de l'ENPG dans le canton de Calvin. On voit simplement comment, après avoir surfé sur la vague du féminisme (d'où des "pasteures"), on se raccroche maintenant au train de l'écologie. Pourtant, il devait bien y avoir des sécheresses avant la Révolution industrielle, non?
En outre, il y a aussi dans le protestantisme, en tout cas luthérien, une tradition de prières associées aux cycles agraires: en Alsace, l'Eglise luthérienne participait aux fêtes des moissons et des vendanges.
C'est la première fois que je lis que quelqu'un puisse qualifier une prière d'abus de pouvoir.
Dans ce cas, le Grand Euchologe n'est qu'une suite d'abus de pouvoir. Mais ses splendides offices témoignent d'une tradition ininterrompue, bien plus ancienne que les modes du féminisme ou de l'écologie, et qui leur survivra.