Usages (suite) :baiser de paix et iconostase

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Monique
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Inscription : mer. 31 mars 2004 10:19

Message par Monique »

Geoffroy a écrit: "La perversité dont vous faites état serait donc un argument en plus en faveur de la suppression du baiser de paix..."

Oui, suppression chez ceux qui l'ont réintroduit.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Je suis désolée mais mon expérience sur le baiser de paix est exactement inverse de celle de Monique. Je ne sais pas qui avait laissé s’instaurer dans cette petite paroisse un désordre sentimental à ce moment liturgique mais ce n’était pas l’usage normal, même pour l’ECOF. Et Dieu sait que je ne défends pas l'ECOF !
On peut tout à fait penser avec Jean Louis qu’il s’agit d’une « reconstitution archéologisante critiquable parce qu’artificielle » mais correctement pratiqué, le baiser part de l’autel puis est transmis jusqu’au fond de la nef en ordre, chacun le reçoit une fois et le transmet une fois et les états d’âme ou les relations interindividuelles psychologiques en sont bannis. Mon vécu, c’est que ce baiser liturgique correctement pratiqué, parce qu’il transcende tout bouillonnement passionnel, est profondément libérateur et, je l’ai constaté, porteur d’une joie toute intérieure et humainement inexplicable. Il m’a beaucoup appris sur les profondeurs de l’Eglise. A rebours, la première fois que j’ai assisté à la liturgie dans une juridiction où le baiser de paix ne sortait pas du sanctuaire, je l’ai très mal vécu, comme une exclusion indue du peuple royal d’une partie des mystères, l’expression d’un cléricalisme où les bergers se paissent eux-mêmes sans s’occuper du troupeau. J’aurais préféré, à tout prendre, qu’il n’y en ait pas du tout. Ce n’est d’ailleurs pas le seul point sur lequel la liturgie selon saint Jean Chrysostome telle qu’elle est pratiquée de nos jours me pose ce problème que d’ailleurs Jean Louis souligne en parlant d’« exagération de la séparation entre les saints Mystères et le peuple royal ».
Je sais que je vais choquer ceux qui ont grandi dans la liturgie byzantine sans connaître d’autres rites mais tant pis. Mon propre cheminement a fait que j’ai expérimenté au moins 5 rites différents, plus des expériences locales de réintroduction d’usages antiques ou d’adaptation (linguistique, spatiale, etc.) et cela me donne un peu de recul sur cette question des usages.
Premier constat : le peuple royal l’est vraiment. Et têtu avec ça ! Les historiens de la liturgie peuvent bien repêcher le plus sublime des éléments rituels (je pense à certain alléluia espagnol monodique avec ison, du Ve ou VIe siècle, que deux musicologues ont tenté de réveiller dans deux contextes différents tant il est beau, et que Iegor Reznikoff fait travailler à ses élèves en cours avancé), si ça ne passe pas, ça ne passe pas et l’expérience durera un mois à tout casser, pas plus. Par contre, une « innovation », en fait le réveil d’un usage ancien qui peut sembler plus terne ou inutile, s’il vient à son heure, sera accueilli et, quelques mois plus tard, tout le monde aura oublié que l’an passé, ça ne se pratiquait pas.
Pour ce qui est de l’iconostase, s’il n’existait pas de séparation aussi marquée entre nef et sanctuaire dans l’Eglise primitive, c’est qu’à l’instant de la mort du Christ, le voile du Temple s’est déchiré, ouvrant ainsi le Saint des Saints au regard du peuple d’Israël et des prêtres « subalternes ». La véritable séparation liturgique est dès lors entre les baptisés invités à prendre part au repas eucharistique et ceux qui restent encore sous le régime des anciennes alliances, alliance de Noé, alliance d’Abraham et loi de Moïse, le statut des catéchumènes permettant la transition. Pourtant, les témoignages archéologiques montrent que, dès que l’on construit des églises chrétiennes, le sanctuaire est distinct de la nef. Et sur les enluminures on constate qu’assez tôt, l’usage doit dater du IVe siècle et se généraliser aux débuts du Ve, des voiles ou des tentures isolent ce sanctuaire.
Toutefois, entre un mur et un voile, il y a une nuance de taille ! Je pense aussi que la séparation a été exagérée. Une solution pourrait être dans la dimension des portes, les faire plus larges et que ce ne soient pas des portes de bois comme celles d’une maison mais, à l’antique, de simples voiles. J'ai vu cela dans une petite chapelle (qui n'existe plus, elle se trouvait dans une propriété privée qui a été vendue depuis) et c'était très agréable à vivre lors de la liturgie, gardant à la fois la distinction du sanctuaire et la participation du peuple royal.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
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