Cher Jean-Marc,
Nous ne parlons pas de la même chose, et nous n'employons pas les mêmes mots : c'est clair.
Mais il n'y a pas là de "querelle de mots" dans le sens un peu dépréciatif que cette expression revêt dans le langage courant. Je crois à la valeur, au poids intrinsèque des mots. Et je crois qu'après avoir été choisis par la pensée immédiate du locuteur, ils ont un effet de choc en retour, influençant alors (et même "informant") la pensée qui les "réfléchit" en quelque sorte. C'est dans cet esprit que vous me permettrez de reprendre quelques mots clés qui me gênent chez vous - s'ils ne sont pas de simples impropriétés du genre lapsus - ce que je ne crois pas, du reste.
Vous écrivez par exemple
:"Le P. Lev Gilet, avant de choisir l'Orthodoxie, a cru à l'uniatisme, je n'en suis même plus là, mais était-il ridicule pour autant ?"
Le P. Lev n'était pas uniate, mais moine catholique romain de l'ordre de St Benoît, pour autant que je sache. Comme le P. Placide (Deseille), et comme le P. Denis (Guillaume), et comme avant eux le P. Wladimir (Guettée) sa vie de prière élevée, jointe à sa réflexion théologique(pendant de longues années, car j'en suis d'accord avec vous, il n'est pas "facile" de quitter la maison de ses ancêtres pour partir en "terra incognita" - Sylvie en sait quelque chose), l'ont conduit à rejoindre
l'Église Mère, en quelque sorte.
C'est une bien autre démarche que de "choisir l'orthodoxie" - comme on ferait d'une nouvelle profession artistique en passant de la gravure au burin à la lithographie, ou du violocelle à la direction d'orchestre : en mûrissant. Le ridicule n'a rien à voir là-dedans, convenez-en, car ce genre d'évolution est trop profond, et il affecte trop la fine pointe de l'âme humaine, pour qu'on le traîne dans les facilités d'un humour de salon. En fin ultime, il s'agit là du don qu'un être vivant fait de sa vie au Christ; ce que Glicherie décrit d'une manière si nette, et si belle à la fois:
" Ce doit être un acte du coeur, qui dans la Foi et la prière perçoit dans l'Esprit l'amour du Père qui nous envoie le Fils, Dieu-Homme pour nous sauver, nous "Christifier", et le désir profond de se joindre à la juste louange de l'Eglise avec gratitude. "
Un peu plus loin, vous m'écrivez
:"Vous n'arrivez pas à admettre que j'adhère aux thèses orthodoxes sur la totalité des questions théologiques ou canoniques qui l'opposent à Rome (à l'exception de sujets liturgiques qui restent controversés) mais que je ne puisse abandonner cette dernière parce que je la considère comme ma mère"
Il ne s'agit nullement d'abandonner l'Église Catholique, mais au contraire de la retrouver. C'est le patriarcat d'Occident qui a abandonné la catholicité de l'Église du Christ, en cherchant à l'annexer - et là j'ai envie de reprendre votre expression précédente et de dire "jusqu'au ridicule" (en effet) : celui d'une soi-disant infaillibilité de l'homme-évêque de Rome se haussant jusqu'à la divinité par ses propres moyens, si j'ose cette énormité. Faisant du Vatican une sorte de tour de Babel d'orgueil infantile, si propre à séduire des foules fanatisées par un homme, et déjà infantilisées à outrance de tous les côtés.
"Qui est comme Dieu" proclame l'archange Michel !
Accessoirement il n'existe pas (stricto sensu) de questions théologiques qui opposeraient l'Église à Rome. Ce sont les
nouveautés théologiques fabriquées à Rome par des apprentis sorciers insuffisamment formés qui se sont révélées très vite inacceptables par l'ensemble de l'Église. Vous voyez dans ce seul renversement des termes du problème à quel point vous avez dérivé du sujet de base : où est l'Église ? La véritable Église ?
Un des grands théologiens d'Occident, saint Vincent de Lérins (dont ma famille porte le nom avec reconnaissance), avait pourtant si bien précisé que l'Église se reconnaît à sa Foi, et que cette Foi ne peut être que
celle qui a toujours été crue, par tous, et partout.
Sur ce critère célèbre, vous ne pouvez pas un instant douter que l'Église n'est plus dans la Rome actuelle. Et que cette Rome a hélas tourné le dos à ses glorieux pontifes et martyrs des premiers siècles en répandant sur le globe entier (c'est à dire en dehors de ses limites territoriales antiques, et au détriment unilatéral des quatre autres patriarcats dont elle a usurpé peu à peu la mission locale) le cancer de ses faux dogmes. Un cancer dont le germe subtil se trouvait déjà tout entier contenu dans l'adoption forcée du
filioque des franks carolingiens, avant d'être généralisé par les soins de la néo-Rome hérétique à toute la planète.
C'est de ce cancer que sont sorties les proliférations en série du protestantisme, et jusqu'à cet anglicanisme-épiscopalisme dont vous vous moquiez avec une certaine verve dans un message précédent de ce même fil. Cet envahissement de toute la terre par ce cancer devenu quasiment idéologique, après avoir été d'abord déviant, puis
opposé à la Tradition vivante de l'Église (jusqu'à en devenir mortel pour des millions d'âmes de bonne volonté comme la vôtre), c'est déjà la grande lutte finale décrite par l'Apocalypse qui se déroule sous nos yeux, Jean-Marc.
Quand vous écrivez de cette Rome mortifère :
"Je pense sincèrement que si elle ne se transforme pas de l'intérieur au contact de l'Orient, elle ne mourra pas mais ne reviendra jamais pour autant sur ses déviances, au détriment de la Vérité dans sa complétude, de la "Juste Louange" en Occident et de la propagation de la Foi. " ... vous enfilez les contre-vérités comme pour vous en tresser un rideau de perles.
D'abord, comment pourrait-elle se transformer de l'intérieur, étant toute entière devenue tributaire, prisonnière plutôt, de ses propres mensonges, dont l'énorme, l'imbécile Infaillibilité ?
Vous dites qu'elle ne mourra pas ? Mais elle était déjà morte bien avant 1054 et la rupture d'avec l'Église toute entière. Lisez avec un peu de soin, cette fois, la monumentale Histoire de l'Église du prêtre alors catholique Guettée : tout y est, documenté au point de n'avoir JAMAIS été révoqué en doute par les historiens du Vatican. C'est en l'écrivant (travail de toute sa vie, en fait) que Wladimir Guettée est devenu orthodoxe. Est REDEVENU orthodoxe : c'et à dire : a rejoint l'Église chrétienne de NOS origines, Jean-Marc, celle que la nouvelle Rome avait supplantée, évincée, et effacée progressivement de la mémoire de ses propres fidèles.
Vous parlez de ses déviances - mais je le répète, ce ne sont pas des déviances du tout, même si dans un court moment elles ont pu paraître telles à des contemporains peu avertis, et aveuglés par la confiance qu'ils portaient à ce qu'ils croyaient encore être le Patriarcat le plus occidental de la Pentarchie Orthodoxe.
En réalité, ce sont des
mensonges théologiques, devenus très rapidement des anti-dogmes, et qui ont engendré, comme dans un cancer, une foule d'autres hérésies, une foule innombrable d'autres sectes. Il en naît chaque jour de nouvelles, plus extravagantes les unes que les autres. Vous le savez bien, mais vous voulez croire que le ventre d'où elles sont toutes potentiellement sorties, lui, pourrait encore guérir ?
Vous dites du reste
"se transformer". Et vous ajoutez
"au contact de l'Orient".
Vous parlez sans vous en rendre bien compte comme feu Guénon en personne : de quel Orient mythique parlez-vous donc ? Celui des rois mages? de Zoroastre? de Mahomet du Zen, du Taoïsme, du bouddhisme, de la magie thibétaine, des chamans sibériens, du Talmud de Babylone, du mystérieux Prêtre Jean ? Ou des samouraïs, ou du Bardo Thodol ?
Cessez un peu de tout mélanger dans des mots qui font de la bouillie pour les chats, Jean-Marc. L'Église n'est pas plus "en Orient" que Dieu n'est à Rome.
L'Église est en Christ.
Et le Dieu fait homme siège à la droite du Père - et à Lui a été confié le Jugement de tous ces pseudo pontifes qui se sont arrogé une Souveraineté qui n'appartient qu'à Dieu. Ceux qui se sont moqués de Dieu. Ils seront jugés, soyez sans crainte : car de Dieu on ne se moque pas.
Quand vous dites que vous ne pouvez pas abandonner votre mère, vous continuez la même inversion de la vérité. Votre mère, la mienne aussi du reste, est l'Église du Christ; c'est votre mère et la mienne que le pseudo Patriarcat de Rome a trahie avec la falsification du Credo universel. Il ne s'agit pas pour vous d'abandonner ou non votre mère. Avec tous les Latins que nous sommes presque tous, ici, vous l'aviez déjà abandonnée dès avant votre naissance. Nous vons voulu rester fidèles à des ancêtres qui avaient été trompés, aveuglés - qui avaient mangé des raisins verts, comme dit l'Écriture.
Et c'est nous qui avons les dents agacées!
Loin d'abandonner notre mère, il s'agit justement de revenir à elle. Car il n'y a pas de temps à perdre : nous sommes dans les derniers temps.
L'Evangle nous a été apporté jadis par les apôtres, les évangélistes, les illuminateurs du Christ : ils étaient tous orthodoxes. Il a fallu plus de huit cents ans pour que Rome arrache à l'Église universelle, Corps mystique du Christ, les millions de Baptisés qui l'avaient été dans la Foi Orthodoxe. Nous avons le devoir filial de revenir au sein de notre mère véritable, pour la soutenir dans son deuil.
Encore une fois, Jean-Marc, LISEZ GUETTÉE!
Lisez "au moins" Guettée, si vous ne lisez pas tout ce qu'Antoine, et Palierne, et Claude, et plusieurs autres avec eux se sont donné la peine d'écrire dans ce Forum pour essayer de désembrouiller l'accumulation de sacs de noeuds dont mille ans de Vaticanisme ont encapuchonné les têtes les mieux faites ! Et visiblement, le peu que vous en avez lu, de ce Forum, c'est encore avec des oeillères, et sans même vous donner la peine de le vérifier avant d'enjamber négligemment le sujet.
Et revenez-nous ensuite avec un esprit redressé, dans et par la Vérité. C'est la Grâce que je vous souhaite : ce jour-là, vous serez enfin revenu à votre Mère l'Église. Pas plus Byzantine que vous et moi : née de la Résurrection du Christ, et de la Pentecôte de l'Esprit, et de l'Amour du Père - et née dans le sang des martyrs. Pas née d'une ville, d'un empire, ni d'un peuple - fut-il grec.
L'Église n'est ni grecque, ni juive, ni des hommes, ni des femmes : elle est DU CHRIST. Et nous avec elle.