Jean-Mi a écrit :
un grandissime merci pour avoir regardé et posté en plus une mise au point historique - notez que je pensais (à tort) qu'Othon était luthérien comme son premier sinistre. Je corrigerai ma bafouille à ce sujet.
Je ne sais plus qui du p. Papathomas ou du p. D'aloisio nous avait parlé pendant les cours de ce "thomisme grec" qui était enseigné là-bas jusque dans les années 1920. Je présume que cela aussi, c'était une partie du "cadeau surprise" des occidentaux pour "l'aide" aux Grecs à la libération et installation d'un nouvel État.
Parlant de "thomisme grec", les anglo-saxons ont eu la primeur du nouveau bouquin du patriarche Bartholomeos - co-signé par Madeleine Albright, s'il vous plaît - et c'est apparement pas piqué des hanetons.
Enfin, il ne doit pas se soucier, thomisme grec ou version inter-religieuse, peu importe, chez nous, il se trouvera assez de laudateurs pour vendre son bouquin.
Pour revenir à Photios Kontoglou, en dehors de l'iconographie, il semble avoir pas mal écrit. Une maison francophone a-t'elle diffusé ses titres en traduction?
1) En ce qui concerne le roi bavarois en Grèce, il faut comprendre que la Bavière actuelle, le plus grand
Land allemand avec 70'551 km2, est beaucoup plus étendue et composite que la Bavière historique d'avant la Révolution française. Les francophones perçoivent en général la Bavière comme une sorte de petite Autriche, un parangon de catholicisme et d'art baroque avec les Wittelsbach à la place des Habsbourg, parce que le tourisme se concentre sur la Bavière historique (Munich, les châteaux de Louis II, les Alpes, etc.) Si on va en Franconie, par exemple si on séjourne un peu à Rothenburg-ob-der-Tauber, on découvre une autre Bavière, où le protestantisme a eu un rôle historique majeur (avec des temples luthériens dont l'amènagement intérieur évoque beaucoup plus des églises catholiques du XVe siècle que des temples calvinistes).
Cette situation est due au fait qu'en réorganisant l'Allemagne entre 1801 et 1809, Napoléon Bonaparte, premier Consul puis empereur des Français, a agi exactement de la même manière que tous les autres réorganisateurs de l'Europe, type Hitler ou Staline: il a récompensé ses satellites, puni ses ennemis. Il a donc agrandi la Bavière qui s'est trouvée pourvue de territoires historiquement protestants. Naturellement, dans le nouvel esprit français de la liberté religieuse qui avait commencé à triompher avec l'Edit de tolérance de Louis XVI (1787), Bonaparte ne souhaitait pas que ses satellites germaniques persistassent à appliquer le principe
cujus regio, ejus religio issu de la paix d'Augsbourg. Il fallait donc aménager la coexistence des deux religions dans la nouvelle Bavière, érigée en royaume en 1805 par la grâce de Napoléon Ier. Voici comment l'historien français Jacques-Olivier Boudon décrit cette rupture avec le système allemand traditionnel des confessions compartimentées sur une base territoriale (le Yalta ecclésiastique cher à nos œcuménistes / phylétistes orthodoxes contemporains et à certaines de nos lectrices):
« La minorité protestante a désormais droit de cité. Dès son avènement en 1800, Max-Joseph a autorisé les non-catholiques à acheter des biens fonciers et permis l'ouverture d'une chapelle luthérienne, fréquentée notamment par sa femme. Un édit du 26 août 1801 accorde aux protestants le droit de bourgeoisie à Munich. Mais c'est surtout à la suite des accroissements territoriaux de 1803 et de 1806 que le principe d'égalité religieuse s'impose, car certains territoires rattachés à la Bavière sont entièrement peuplés de protestants. Un édit du 10 janvier 1803 autorise donc la création de paroisses, d'églises et d'écoles protestantes sur le territoire ancien de la Bavière et, à l'inverse, l'installation de paroisses catholiques dans les nouvelles régions à majorité protestante. De même, à partir du 18 mai 1803, les mariages mixtes sont autorisés et
il est désormais possible de passer d'une religion à l'autre sans entrave [
souligné par nous; nous avons déjà mentionné à plusieurs reprises sur le présent forum des tentatives des oecuménistes orthodoxes pour rendre impossible l'exercice de ce droit de changement de religion, en profitant du fait que les textes juridiques actuels ne garantissent la liberté de changer de religion que contre les empiètements de l'Etat et qu'il n'y a en principe pas de Drittwirkung
des droits fondamentaux, de telle sorte qu'ils savent que les tribunaux civils ne pourront pas annuler les accords conclus avec d'autres oecuménistes pour faire obstacle à la liberté de choix de la religion, bien que cette situation représente pour nous une régression de deux siècles en arrière - NdL]. Finalement, la Constitution bavaroise de 1808 avalisa ces changements en proclamant « la liberté et l'égalité des communions chrétiennes ». L'affirmation de cette tolérance religieuse valait aussi pour les sectes protestantes, tels les mennonites, mais aussi pour les juifs (environ cinq mille vers 1810). » (Jacques-Olivier Bourdon,
Napoléon et les cultes, Fayard, Paris 2002, p. 230.)
Il faut garder à l'esprit cette transformation totale de la situation religieuse en Bavière au temps de Napoléon pour comprendre que le roi bavarois qui débarque en Grèce en 1832, Othon Ier, soit, bien que lui-même catholique et Wittelsbach, flanqué d'un ministre luthérien, von Maurer - de surcroît membre du conseil de régence - et que les nouveaux gouvernants imposent dès 1833 à la Grèce une organisation ecclésiastique luthérienne. Ils avaient déjà le précédent de la Russie où, en 1721, Pierre Ier et Théophane (Propkopovitch) avaient déjà imposé une organisation ecclésiastique de type luthérien. Précisons tout de suite - car c'est là que réside l'élément essentiel - que cette organisation luthérienne avec le prince comme
Notbischof avait été adoptée en Allemagne pour la survie de l'Église luthérienne (et la quasi-totalité des princes luthériens allemands s'étaient, au cours des temps, montrés de vigilants défenseurs de leur foi – cf. à cet égard le livre du pasteur calviniste Bernard Reymond,
Une Église à croix gammée ? , L’Âge d’Homme, Lausanne, p. 24 : « à part l’anicroche de Frédéric-Guillaume III, en 1817, les princes s’étaient toujours comportés en protecteurs honnêtes, honorables et respectueux des Églises implantées sur leur territoire » ), tandis qu'elle ne fut transplantée en Russie, puis en Grèce, qu'à des fins d'affaiblissement de l'Eglise orthodoxe. Ainsi, la même institution, qui avait été mise en place pour l’affermissement d’une religion en Allemagne, était transférée ailleurs pour la perte d’une autre religion.
On rappellera à cet égard que le patriarcat œcuménique de Constantinople ne s’est résigné à reconnaître – et encore partiellement – le nouvel état de fait que dix-sept ans plus tard, par le Tome synodique de 1850, dont on trouvera une analyse détaillée dans le livre du métropolite Hiérothée (Vlachos) de Naupacte et Saint-Blaise, Οικουμενικό Πατριαρχείο και Εκκλησία της Ελλάδος (
Le Patriarcat œcuménique et l’Église de Grèce), Pelagia 2002, pp. 187-222.
2) En ce qui concerne le thomisme grec, je n’en avais pas entendu parler. En revanche, je sais qu’il y a eu dans les années 1950-1960 une mode du barthisme grec, qui n'a pas dû beaucoup rayonner au-delà du cercle étroit des barthomanes de l'endroit. Un de mes amis qui étudiait à Athènes en 1957 m’a raconté qu’il y avait rencontré Nikos Nissiotis qui, en ce temps-là, ne jurait que par le barthisme. Qui lit Barth dans ma génération, même chez les protestants ? Qui se souvient que Barth a existé ?
3) En ce qui concerne les traductions de Photios Kontoglou, n’a été traduit en français, à ma connaissance, qu’un seul article du grand iconographe : « La Papauté et l’Orthodoxie », in
Cahier Guettée, n° 1, Fraternité orthodoxe saint Grégoire Palamas, Paris 1993, pp. 56-83. L’article est précédé d’une longue notice biographique du divin Kontoglou (pp. 48-55). Les
Cahiers Guettée devaient être une revue consacrée à l’œuvre et à la pensée du restaurateur de l’Orthodoxie en Europe occidentale, mais, malheureusement, un seul numéro est paru.
Voilà, j’espère que ces quelques informations vous seront utiles. Pour ma part, les aléas de la vie professionnelle font que je vais avoir beaucoup moins de temps à consacrer au présent forum et que je serai beaucoup moins réactif. Il faudra être patient et indulgent à mon égard !