A propos de la nuit spirituelle

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Claude le Liseur
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A propos de la nuit spirituelle

Message par Claude le Liseur »

Dans un message du 18 octobre 2006, que l’on peut retrouver ici viewtopic.php?p=13433 dans le fil « Le sort des juridictions russes en Occident », Sylvie / Madeleine posait la très pertinente question que voici :
Sylvie a écrit :Les directeurs de conscience disent alors que c'est une nuit de l'esprit comme celles décrites par saint Jean de la Croix. De plus, comme elles peuvent durer pendant de nombreuses années, le directeur invite à la patience. Donc, la personne souffrant de cette nuit peu être ainsi pendant 5, 10, 15 ans peut-être d'avantage.

Il n'y a pas de telles nuits chez les orthodoxes ?
Je demande pardon à Sylvie de revenir sur le sujet près d’un an plus tard. Toutefois, la question était profonde et garde toute son actualité. Aussi je me permets de reproduire ici quelques lignes écrites sur le sujet par le théologien orthodoxe Wladimir Lossky qui ne sont pas dépourvues d’intérêt.

« La sécheresse est un état maladif qui ne peut être durable ; elle n’a jamais été considérée par les auteurs ascétiques et mystiques de la tradition orientale comme une étape nécessaire et normale de la voie de l’union. Sur cette voie, c’est un accident très fréquent, mais toujours dangereux. Son affinité est trop grande avec l’ακηδία – la tristesse ou l’ennui, le refroidissement du corps qui produit l’insensibilité. C’est une épreuve qui pose l’être humain sur les limites de la mort spirituelle. Car l’ascension vers la sainteté, la lutte pour la lumière divine n’est pas sans péril. Ceux qui cherchent la lumière, la vie consciente en Dieu, courent un grand risque spirituel, mais Dieu ne les laisse pas errer dans les ténèbres.
« Souvent je voyais la Lumière, dit saint Syméon le Nouveau Théologien, parfois elle m’apparaissait à l’intérieur de moi-même, lorsque mon âme possédait la paix et le silence, ou bien elle ne paraissait qu’au loin, et même elle se cachait tout à fait. J’éprouvais alors une affliction immense, croyant que jamais plus je ne la reverrais. Mais, dès que je commençais à verser des larmes, dès que je témoignais d’un complet détachement de tout, d’une absolue humilité et obéissance, la Lumière réapparaissait à nouveau, pareille au soleil qui chasse l’épaisseur des nuages et qui se montre petit à petit, créant la joie. Ainsi Toi, Indicible, Invisible, Impalpable, mouvant tout, présent en toutes choses et toujours, remplissant tout, Te montrant et Te cachant à chaque heure, Tu disparaissais et Tu m’apparaissais de jour et de nuit. Lentement Tu dissipas la ténèbre qui était en moi, Tu chassas la nuée qui me couvrait, Tu ouvris l’ouïe spirituelle, Tu purifias la prunelle des yeux de mon esprit. Enfin, m’ayant fait tel que Tu voulais, Tu te révélas à mon âme lustrée, venant à moi, encore invisible. Et soudain, Tu apparus comme un autre Soleil, ô ineffable condescendance divine. » Ce texte nous montre que la sécheresse est un état passager qui ne peut devenir une attitude constante. En effet, l’attitude héroïque des grands saints de la chrétienté occidentale, en proie à la douleur d’une séparation tragique avec Dieu – la nuit mystique comme voie, comme nécessité spirituelle, est inconnue de la spiritualité de l’Église d’Orient. Les deux traditions se sont séparées sur un point de doctrine mystérieux, relatif au Saint-Esprit, source de la sainteté. Deux conceptions dogmatiques différentes correspondent à deux voies de sanctification qui ne se ressemblent guère. Les voies qui mènent à la sainteté ne sont pas les mêmes pour l’Occident et pour l’Orient après la séparation. Les uns prouvent leur fidélité au Christ dans la solitude et l’abandon de la nuit de Gethsémani ; les autres acquièrent la certitude de l’union avec Dieu dans la lumière de la Transfiguration. » (Wladimir Lossky, Essai sur la théologie mystique de l’Église d’Orient, Le Cerf, Paris 2005, pp. 223-225 ; 1ère édition, Aubier, Paris 1944).
Sylvie
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Message par Sylvie »

Cher Lecteur Claude,

Puisque vous vous donnez cette peine de répondre à une ancienne question, malgré votre emploi du temps surchargé, je me sens dans l'obligation de vous répondre malgré mon incompétence à le faire.

Plusieurs avaient répondu suite à ma question dont Monique qui avait parlé de la parole que Dieu avait dite à Saint Silouane : "Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas."

Je ne parlerai pas en fonction de savoir si la Grâce est dans l'église catholique ou non par les sacrements car une personne baptisée orthodoxe peut perdre cette grâce si elle se détourne de Dieu. Cela est bien expliqué dans le livre de la vie de Saint Silouane. C'est un chemin qui est long et ardu que de retrouver cette Grâce, cette relation de fils adoptif au Père. Il suffit pour s'en convaincre de lire sa méditation sur "Les lamentations d'Adam". Combien de larmes que le saint orthodoxe versent pour retrouver cette Grâce ?

En parlant des nuits spirituelles, Wladimir Lossky dit dans le texte que vous avez cité :
« La sécheresse est un état maladif qui ne peut être durable ; elle n’a jamais été considérée par les auteurs ascétiques et mystiques de la tradition orientale comme une étape nécessaire et normale de la voie de l’union."
Pourtant dans l'église catholique, si nous étudions les sept demeures de sainte Thérèse d'Avila, ce sont des étapes de sécheresses indispensables qui peuvent s'échelonner sur plusieurs années pour pouvoir atteindre l'union à Dieu qui est la septième demeure. Les demeures difficiles sont les deuxième, quatrième et sixième. Il faudrait que je dépoussière mon livre Je veux voir Dieu pour préciser les épreuves relatives à chacune de ces demeures. En général, ce sont des étapes de purifications liées à la lutte contre les fautes vénielles, car pour avoir accès au château intérieur au moins dans la première demeure, il faut être en état de grâce. Autrement dit, il ne faut pas avoir de péché grave sur la conscience. Il y a la lutte contre les attaches terrestres et celles spirituelles. Il faut aimer Dieu par-dessus tout et même au-dessus de Ses dons et faveurs qu'Il pourrait nous faire. Pour atteindre l'union à Dieu. Il faut avoir passé au travers de toutes. Ce qui donne l'impression qu'il y a des étapes de croissances successives. Mais il peut y avoir des progressions et régressions tant que la personne n'est pas arrivée à la septième demeure qui est l'union parfaite à Dieu.

Lorsque nous envisageons un tel périple spirituel pour atteindre l'union parfaite avec Dieu, il y a de quoi se décourager. Parmi les courageux qui entreprennent ce cheminement spirituel, aux dires de sainte-Thérèse d'Avila, rares sont les personnes qui dépassent la troisième et la quatrième demeure qui correspond à la lutte des passions terrestres. J'espère qu'il y a des lecteurs qui peuvent corriger si je fais erreur.

Hormis les demeures successives, si nous regardons les moyens entrepris pour en arriver à l'union à Dieu, il reste que cela peut se ressembler avec les ascètes orthodoxes. Nous retrouvons la lutte contre les passions et le démon, le dépouillement de soi, la prière, l'obéissance, l'humilité etc.

Par contre, il y a des cilices chez les catholiques d'une certaine époque. Je pense que cela est étranger à l'orthodoxie. Je ne me souviens pas avoir lu qu'un ascète orthodoxe se soit flagellé tous les soirs pour expier ses fautes ou en sacrifice pour les pécheurs.

Qu'est-ce qui fait que le catholique est pour la plupart du temps dans la nuit dans son cheminement spirituel alors que l'orthodoxe est dans la lumière ?

Dans le texte que vous avez cité, Wladimir Lossky dit :
Les uns prouvent leur fidélité au Christ dans la solitude et l’abandon de la nuit de Gethsémani ; les autres acquièrent la certitude de l’union avec Dieu dans la lumière de la Transfiguration. »
Cela me fait penser à tous ces saints catholiques, surtout des femmes, qui s'offraient à Dieu comme des âmes victimes de la Justice de Dieu. Les souffrances devenaient des signes d'union à Dieu souffrant sur la Croix. Je me souviens de certaines phrases du genre ; "Enlevez-moi tout, mais laissez-moi la Croix.", "Mourir ou souffrir dans l'éternel oubli."

Je me souviens avoir vu de mes yeux des ceintures cloutés qu'une religieuse du siècle dernier portait autour de sa taille. Ses consœurs devaient l'aider à l'enlever le soir car les pointes des clous étaient enfoncées dans sa chair. Cette religieuse voulait s'unir au Christ souffrant. Maintenant ces objets de "tortures" ont été retirés de la vue du public. Peut-être était-ce trop incompréhensible voire même choquant à notre époque moderne qui semble être passé d'un extrême à un autre.

À ma connaissance, il y a encore des âmes victimes qui s'offrent à la Miséricorde de Dieu. Est-ce qu'il y a encore ce genre de cilices ? Je l'ignore. J'entends encore des gens dire :"Cette personne a assez souffert qu'elle est allée au Ciel direct." Comme si la souffrance vécue ouvrait le Ciel peu importe la façon dont elle est vécue soit dans l'acceptation ou la révolte contre Dieu! Deux personnes ont vécu le même châtiment aux côtés de Jésus en Croix. L'un a été appelé le bon larron, l'autre le mauvais larron.

Il y a tellement à dire sur cette différence dans l'attitude spirituelle qui provoque des nuits chez les uns et la lumière chez l'autre, qu'un livre pourrait être écrit.

Je n'ai pas plus de temps aujourd'hui. À plus tard au cours de la semaine.

Sylvie-Madeleine
Dernière modification par Sylvie le mar. 16 oct. 2007 14:48, modifié 1 fois.
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Sylvie-Madeleine à écrit : "Il y a tellement à dire sur cette différence dans l'attitude spirituelle qui provoque des nuits chez les uns et la lumière chez l'autre, qu'un livre pourrait être écrit."


Il me semble qu'il n'est pas inutile de rappeler ce qui a déjà été dit sur ce forum à propos de l'origine de ce qu'on appelle le dolorisme : "Il y aurait aussi beaucoup à dire sur le rôle de l'entourage judaïsant des Carolingiens (car, enfin, l'usage des azymes pour l'eucharistie ou la substitution du jeûne du samedi au jeûne du mercredi ne sont pas tombés du ciel) et sur la personnalité de quelqu'un comme Pierre Damien qui, quelques années après le schisme définitif de 1054, développe déjà une nouvelle spiritualité hétérodoxe qui ne parviendra à s'imposer complètement dans le patriarcat de Rome devenu hérétique et schismatique qu'un siècle plus tard. Je pense notamment au traité de Pierre Damien à la gloire de la flagellation, nouvelle pratique de "spiritualité" qui choquait fort les moines italiens de son temps. Il est quand même intéressant de constater qu'au moment même où triomphent les nouveaux dogmes faux, comme le Filioque ou les prétentions papales que Grégoire VII exprimera mieux que personne dans les Dictatus Papae, Pierre Damien prépare une nouvelle spiritualité, elle aussi fausse." (Sujet : Concile de Tolède, message de Claude du 17 mars 2004)

Et aussi les propos de Jean-Marie Gourvil : "St Jean Eudes vivra le dernier à la fin du XVIIème au moment des condamnations des derniers mystiques. Il fut marqué par la mystique dionysienne puis par la mystique de Bérulle dont il est le disciple normand via Condren... avant de prendre son autonomie en raison sans doute des tendances jansénistes des oratoriens. La question capitale qui agite le milieu normand est celle de l'union à Dieu et de la déification. Alors que les normands de la mystique abstraite (disciple de Benoît de Canfield) ont une approche classique assez peu éloignée des Pères grecs, les bérulliens vont proposer une approche de l'union à Dieu qui se limite à une adhérence à Jésus."

Ce dernier point, que j'ai mis en gras, pourrait expliquer cette obssession de la souffrance. En mettant de côté les deux autres personnes de la Trinité (le Père et l'Esprit-Saint), il ne reste comme image de Dieu que le Christ souffrant sur la croix qui devient, par la même occasion, le Modèle par excellence en tant que voie "spirituelle" dans le papisme.
Stephanopoulos
Sylvie
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Message par Sylvie »

Chers amis,

Je vous livre ici ma réaction au texte de père Michel Evdokimov que nous retrouvons sur le lien ci-dessous.
http://christophe.levalois.free.fr/fich ... LOUANE.pdf

J'avoue que cette comparaison entre saint Silouane et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus m'a choqué. Est-ce que parce que je suis encore trop jeune dans l'orthodoxie ? Cela fera seulement 2 ans bientôt que je suis reçue.

Je ne veux pas critiquer sainte Thérèse de l'Enfant Jésus car c'est peut-être grâce à sa petite voie de l'enfance pour atteindre le salut, que la pratique de l'auto flagellation et le port de cilices cloutés a presque cessé dans l'église romaine. Je dis presque car suite à l'intervention de Stephanopoulos, j'ai fait une recherche via google et je suis tombé sur une étude à propos de la flagellation. Il est mentionné que certains membres de l'association de l'Opus Dei pratiquent encore ce genre de mortifications. Cela n'est pas interdit dans l'église romaine.

Comparer saint Silouane et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, c'est comparer le jour et la nuit. À la lecture de la vie de cette sainte catholique, il ne faut pas oublier que si elle n'a pas utilisé le fouet et les cilices qui torturaient le corps, c'est parce que sa santé ne lui permettait pas. Cela lui a été interdit par sa supérieure. Son mérite, car nous parlons bien de mérites dans l'église romaine, a été son obéissance à sa supérieure.

J'ai remarqué dans l'écrit du père Michel Evdokimov que la popularité de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus dans le milieu orthodoxe provient du livre Histoire d'une âme.
Il dit :
" Quand on les interroge, bien des prêtres russes disent avoir été bouleversés par la lecture d’Histoire d’une âme."
J'ai été surprise que ce soit ce livre là qui soit traduit et non son autobiographie. Voici la raison de mon étonnement.

J'ai en main le livre "Manuscrits autobiographiques de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. Ed. Livres de vie, avec Imprimatur. Dans ce livre, ce sont les textes originaux de ses cahiers noirs de sainte Thérèse qui sont reproduis.

Il est dit dans la préface de ce livre que sainte Thérèse a laissé sa petite Mère, libre de retrancher ou d'ajouter ce qu'elle jugerait bon. Sa petite mère était sa sœur Pauline qui a pris le nom de religion Agnès de Jésus. Cette dernière s'est acquittée de cette tâche.
"Les manuscrits fondus en un tout, fort remaniés dans le style et la distribution des matières, parurent sous le titre d'Histoire d'une Âme dès 1898 : "
Ce livre a été traduit en plusieurs langues et des millions de volumes ont été distribués.
"Mais les exigences de nos contemporains ne pouvaient plus se satisfaire des remaniements effectués par Mère Agnès de Jésus. "
D'où l'objectif de reproduire les textes originaux dans ce livre d'autobiographie. Cette fois-ci, rien n'a été retranché ou ajouté à ses cahiers.

Pour avoir lu Histoire d'une âme, oui cela a été d'un grand profit dans ma jeunesse catholique. Elle venait contrebalancer mes lectures des vies des saintes qui se mortifiaient avec cilices et fouet. Si ce n'eut été de cette lecture, je ne sais pas jusqu'où je serais allée pour dompter ce corps qui appesantissait l'âme. Maintenant c'est loin derrière moi tout cela.

Cependant, je n'ai jamais été capable de lire jusqu'au bout ses manuscrits autobiographiques. Je me souviens que j'étais toujours buté sur quelque chose que je n'aimais pas et qu'alors je mettais le livre de côté. Je reprenais la lecture plus tard espérant rejoindre tous les catholiques qui avaient une grande dévotion envers elle. Mais je n'y arrivais pas. Pourquoi cette incapacité que j'avais alors que j'étais catholique ? Je l'ignore. Il faudrait que je relise pour discerner ce qui pouvait me rebuter.

Sylvie-Madeleine
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Sylvie a écrit :Chers amis,

Je vous livre ici ma réaction au texte de père Michel Evdokimov que nous retrouvons sur le lien ci-dessous.
http://christophe.levalois.free.fr/fich ... LOUANE.pdf

J'avoue que cette comparaison entre saint Silouane et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus m'a choqué. Est-ce que parce que je suis encore trop jeune dans l'orthodoxie ? Cela fera seulement 2 ans bientôt que je suis reçue.

Je ne veux pas critiquer sainte Thérèse de l'Enfant Jésus car c'est peut-être grâce à sa petite voie de l'enfance pour atteindre le salut, que la pratique de l'auto flagellation et le port de cilices cloutés a presque cessé dans l'église romaine. Je dis presque car suite à l'intervention de Stephanopoulos, j'ai fait une recherche via google et je suis tombé sur une étude à propos de la flagellation. Il est mentionné que certains membres de l'association de l'Opus Dei pratiquent encore ce genre de mortifications. Cela n'est pas interdit dans l'église romaine.

Comparer saint Silouane et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, c'est comparer le jour et la nuit. À la lecture de la vie de cette sainte catholique, il ne faut pas oublier que si elle n'a pas utilisé le fouet et les cilices qui torturaient le corps, c'est parce que sa santé ne lui permettait pas. Cela lui a été interdit par sa supérieure. Son mérite, car nous parlons bien de mérites dans l'église romaine, a été son obéissance à sa supérieure.

J'ai remarqué dans l'écrit du père Michel Evdokimov que la popularité de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus dans le milieu orthodoxe provient du livre Histoire d'une âme.
Il dit :
" Quand on les interroge, bien des prêtres russes disent avoir été bouleversés par la lecture d’Histoire d’une âme."
J'ai été surprise que ce soit ce livre là qui soit traduit et non son autobiographie. Voici la raison de mon étonnement.

J'ai en main le livre "Manuscrits autobiographiques de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. Ed. Livres de vie, avec Imprimatur. Dans ce livre, ce sont les textes originaux de ses cahiers noirs de sainte Thérèse qui sont reproduis.

Il est dit dans la préface de ce livre que sainte Thérèse a laissé sa petite Mère, libre de retrancher ou d'ajouter ce qu'elle jugerait bon. Sa petite mère était sa sœur Pauline qui a pris le nom de religion Agnès de Jésus. Cette dernière s'est acquittée de cette tâche.
"Les manuscrits fondus en un tout, fort remaniés dans le style et la distribution des matières, parurent sous le titre d'Histoire d'une Âme dès 1898 : "
Ce livre a été traduit en plusieurs langues et des millions de volumes ont été distribués.
"Mais les exigences de nos contemporains ne pouvaient plus se satisfaire des remaniements effectués par Mère Agnès de Jésus. "
D'où l'objectif de reproduire les textes originaux dans ce livre d'autobiographie. Cette fois-ci, rien n'a été retranché ou ajouté à ses cahiers.

Pour avoir lu Histoire d'une âme, oui cela a été d'un grand profit dans ma jeunesse catholique. Elle venait contrebalancer mes lectures des vies des saintes qui se mortifiaient avec cilices et fouet. Si ce n'eut été de cette lecture, je ne sais pas jusqu'où je serais allée pour dompter ce corps qui appesantissait l'âme. Maintenant c'est loin derrière moi tout cela.

Cependant, je n'ai jamais été capable de lire jusqu'au bout ses manuscrits autobiographiques. Je me souviens que j'étais toujours buté sur quelque chose que je n'aimais pas et qu'alors je mettais le livre de côté. Je reprenais la lecture plus tard espérant rejoindre tous les catholiques qui avaient une grande dévotion envers elle. Mais je n'y arrivais pas. Pourquoi cette incapacité que j'avais alors que j'étais catholique ? Je l'ignore. Il faudrait que je relise pour discerner ce qui pouvait me rebuter.

Sylvie-Madeleine
Moi aussi, la comparaison me choque.
En se basant toujours sur la répétition litanique d'une phrase attribuée à un métropolite de Moscou (qui ne se gênait d'ailleurs pas pour autant de persécuter les Vieux-Croyants) "nos divisions ne montent pas jusqu'au ciel", on a pris l'habitude relativiste de comparer ce qui n'est pas comparable.
Qu'il y ait de la sainteté en dehors de l'Eglise - et pas que dans les autres confessions chrétiennes, d'ailleurs - n'autorise pas pour autant ispo facto des comparaisons ou des identités. On peut arriver à la sainteté malgré les enseignements que l'on a reçus. On peut aussi y arriver avec l'aide des enseignements que l'on a reçus. D'où la faiblesse de l'argument qui consiste à relativiser la tradition chrétienne conservée jusqu'à ce jour par l'Eglise orthodoxe en enrôlant à cette fin des figures remarquables que l'on retrouve dans d'autres confessions d'origine chrétienne, mais qui n'ont pas gardé la tradition originelle.

Notez que la méthode peut aussi jouer à l'intérieur de l'Eglise pour donner une justification aux "pseudomorphoses" que furent l'augustinisme à partir du XVIIe siècle, le phylétisme à partir du XIXe et l'oecuménisme à partir du XXe. On se basera ainsi sur le fait que saint Tikhon de Zadonsk a eu dans sa vie spirituelle des éléments tout à fait étrangers à la tradition orthodoxe ou qu'il a été influencé par l'augustinisme et le piétisme pour justifier la position que l'augustinisme et le piétisme font partie de la tradition de l'Eglise. En passant sous silence que saint Tikhon est arrivé à la sainteté malgré les influences augustiniennes et piétistes qui régnaient à son époque et que sa fidélité à l'Eglise orthodoxe ne l'a quand même pas peu aidé. Et cela permettra au passage de ne pas trop s'étendre sur les publications piétistes traduites en russe que les luthériens allemands diffusaient en Russie, parce qu'il est absolument nécessaire de faire croire que toutes ces pseudomorphoses ont été spontanées.

Et puis, j'ai trop souvent été frappé par l'intolérance de ceux qui se disent tolérants.
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