Etienne de Hongrie (Bohême, Moravie, Pologne, Portugal)

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Antoine
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Etienne de Hongrie (Bohême, Moravie, Pologne, Portugal)

Message par Antoine »

Sujet : Etienne de Hongrie
Date : 21.01 21h41

24.12 19h03 Auteur: lecteur Claude

Une question à Catherine.

Voici deux ans, le 22 août 2000, le patriarche de Constantinople, Sa Sainteté
Barthélémy Ier, est allé à Budapest pour procéder à la canonisation solennelle
du roi Etienne de Hongrie, déjà considéré comme saint par les papistes.

A l'époque, j'avais été enchanté que le Patriarche oecuménique se préoccupe
enfin de la reconnaissance de la sainteté de saints occidentaux d'avant le
schisme. A ma connaissance, seul de tous les hiérarques orthodoxes de notre
temps, saint Jean Maximovitch s'était consacré à ce problème et avait obtenu une
décision de principe d'une conférence d'évêques russes hors frontières en faveur
de la reconnaissance de la sainteté de vingt saints occidentaux d'avant le
schisme (Genève, 17 septembre 1952).

Mais,depuis, je me pose des questions. J'ai trouvé sur Internet une
page(wysiwg://http://orthodox.true...es/orthodox/ecumenism/NewSaint.htm) où des
vieux-calendaristes attaquaient la décision de Constantinople en disant que le
roi Etienne avait amené la Hongrie non pas au christianisme, mais bel et bien au
papisme.
Dans son livre "Istoria Bisericii Ortodoxe Române", tome I, Bucarest 1992, p.
218, le Père Mircea Pacurariu, professeur à la Faculté de Théologie de Sibiu, se
montre aussi très critique à l'égard du roi Etienne. Après avoir parlé des
débuts du christianisme chez les Magyars et de la fondation d'une "métropole de
Turquie" (lire: "de Hongrie") par le Patriarcat de Constantinople en 948-949, il
écrit:
"Regele Stefan "cel Sfînt" (997-1038), casatorit cu principesa catolica bavareza
Ghizela, a fost un mare sprijnitor al ritului latin în Ungaria. Dupa traditie,
el a înfiintat în Ungaria doua arhiepiscopii, una la Esztergom (Strigonium), a
doua la Calocea, precum si opt episcopii (Veszprém, Pécs, Vacz, Eger, Györ etc.)
si cinci abatii (mînastiri), toate de rit latin.
Prin orienterea principelui Geysa spre imperiul romano-german de Apus si prin
înlocuirea Ortodoxiei cu catolicismul în timpul lui Stefan cel Sfînt, s-a pus
temelia unui stat ungar catolic, sustinut cu putere de Scaunul papal. Cu toate
acestea, a continuat sa dainuiasca un timp si crestinismul de rit rasaritean."
Je traduis:
"Le roi Etienne "le Saint" (997-1038), marié avec la princesse catholique
bavaroise Gisèle, fut un grand protecteur du rite latin en Hongrie. D'après la
tradition, il a fondé en Hongrie deux archevêchés (...), ainsi que huit évêchés
(...) et cinq abbayes (monastères), tous de rite latin.
L'orientation du prince Géza vers l'Empire romain germanique d'Occident et le
remplacement de l'Orthodoxie par le catholicisme au temps d'Etienne le Saint ont
jeté les bases d'un Etat hongrois catholique, soutenu par la puissance du Siège
papal. Malgré tout, le christianisme de rite oriental a continué à se maintenir
pendant un certain temps."

Ce serait effarant que le Patriarche oecuménique ait canonisé un roi qui, à en
croire le Père Pacurariu, aurait en fait été le destructeur de l'Orthodoxie chez
les Magyars. Catherine, puisque vous avez la rare particularité d'être à la fois
Hongroise et orthodoxe, et que je pense que vous avez dû réfléchir à l'histoire
de votre pays, pourriez-vous me dire quelle est votre opinion sur la question?
Etienne de Hongrie, destructeur de l'Eglise orthodoxe magyare ou au contraire
saint deux fois couronné?
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25.12 02h28 Auteur: Catherine

Cher lecteur Claude,

C'est en effet une question assez épineuse pour moi et obscure même pour les
historiens, vu la rareté des documents de l'époque. Le roi Étienne 1er de
Hongrie était orthodoxe et est mort avant le schisme (en 1038), c'est certain.
Le premier évêque de Hongrie, Hiérothée, était venu de Constantinople, pour
évangéliser le pays. Étienne devait faire face à des révoltes païennes. C'était
un homme d'état très énergique et un fin diplomate. Pour des raisons purement
politiques, il a fait alliance avec l'Occident en épousant la princesse
bavaroise, Gisèle, et cette alliance l'orientait vers Rome. Mais à cette époque,
le schisme ne devait pas encore faire sentir ses effets partout, et surtout pas
dans un pays qui n'avait pas encore pleinement acquis sa conscience orthodoxe.
Il est certain qu'il y avait des monastères de rite latin pendant son règne, à
côté de nombreux monastères de rite grec (je crois qu'il y a peut-être une
erreur dans l'article du père roumain que vous citez).
Je pense que son ouverture vers Rome devait entraîner une influence croissante
du christianisme occidental par la suite, mais l'orthodoxie était restée
répandue dans toute la Hongrie pendant longtemps encore après son règne. On sait
que pendant le règne de ses successeurs on suivait encore les canons d'Orient
pour le mariage des prêtres et le carême par exemple. Lui-même n'avait jamais
rompu ses liens avec Constantinople, la Bulgarie et la Russie de Kiev. Témoins
saint Moïse le Hongrois, saint vénéré depuis le 11e s. par l'Église Russe, les
mariages de princesses hongroises (dont une, du nom d'Irène, est vénérée comme
sainte par l'Église) avec des empereurs de Constantinople et d'un roi de Hongrie
avec une princesse byzantine jusqu'à la fin du XIIe s. Il est donc faux de dire
que c'est Étienne qui a détruit l'Église orthodoxe de Hongrie. Il existe une
lettre du pape Innocent III, datée de 1204 et adressée au roi de Hongrie, Émeric
Ier, lui reprochant l'existence d'un seul monastère latin (!) dans son royaume,
à côté de nombreux monastères grecs. C'est l'invasion mongole (1241) qui a été
le premier coup fatal pour l'orthodoxie hongroise : pour repeupler les
territoires dévastés par les Mongols, le pape a envoyé des colons italiens et
allemands. Puis, au XIVe s., avec la mort du dernier roi de la dynastie
hongroise, le pape a imposé à la Hongrie le roi Louis le Grand de la branche
napolitaine de la maison d'Anjou, qui a fini par éradiquer définitivement
l'orthodoxie hongroise.

Vou pouvez trouver sa biographie un peu romancée dans
http://perso.club-internet.fr/orthodoxi ... #...tienne

En ce qui me concerne, je ne vois pas pourquoi Étienne serait le destructeur de
l'orthodoxie. Quant à sa sainteté... on vénère encore aujourd'hui sa droite
incorrompue. La seule chose qui me dérange dans cette affaire, c'est la cruauté
avec laquelle il avait réprimé les révoltes païennes. Je ne m'imagine pas un
saint roi faisant ce qu'il faisait. Mais c'était peut-être l'époque...
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25.12 17h39 Auteur: lecteur Claude

Chère Catherine,

Merci beaucoup pour vos précisions, qui me semblent donner raison au Synode de
Constantinople plutôt qu'au Père Pacurariu.

J'aimerais encore abuser de votre temps en vous demandant s'il y a eu en Hongrie
un mouvement de renaissance de l'Orthodoxie autochtone semblable à celui qu'ont
connu les pays tchèques depuis la chute de la maison Habsbourg en 1918. J'ai en
effet lu quelque part sur Internet qu'il existerait en Hongrie, aux côtés du
diocèse serbe et du diocèse roumain, un diocèse orthodoxe hongrois qui serait
dans la juridiction de Moscou, mais ces sources ne me paraissaient pas très
fiables.
Cela m'intéresse d'autant plus que j'ai voyagé en Transylvanie et qu'il me
semble bien qu'il n'y a pratiquement pas le moindre orthodoxe parmi la minorité
magyare qui vit là bas, tant les choses fonctionnent selon les équations
Roumain=orthodoxe ou uniate, Magyar= latin, calviniste ou unitarien et
Allemand=latin ou luthérien. (Même si beaucoup de Roumains cultivés ont conservé
le souvenir que les Magyars de Transylvanie étaient orthodoxes dans un passé
lointain.)
Je voudrais donc savoir si les choses sont un peu différentes en Hongrie.
____________________________________________
26.12 12h55 Auteur: Catherine

Cher lecteur Claude,
Comme je l'ai dit, l'orthodoxie hongroise a été pratiquement éradiquée au XIVe s.
sans laisser d'autres traces chez les autochtones que quelques coutumes de
piété populaire qui ont survécu dans et malgré le catholicisme romain.
Cependant, comme la recommandation de Saint Étienne 1er, dans son testament au
prince héritier : "Accueille tous les étrangers comme tes frères , et n'hésite
pas à les laisser s'établir dans ton royaume, car un pays où on ne parle qu'une
langue est un pays pauvre." a été prise au sérieux tout au long de l'histoire
hongroise, on y a toujours bien reçu tous les étrangers (voyageurs ou réfugiés)
de tous pays.
C'est ainsi que des orthodoxes (serbes, grecques et roumaines), fuyant les Turcs
ou d'autres désastres de leur pays ont trouvé refuge en Hongrie et s'y sont
établis depuis des siècles.
Parmi ces ethnies, les Grecs étaient les premiers qui, tout en tenant à leur foi
orthodoxe, se sont assimilés très vite aux Hongrois. (Une des raisons en était
que, contrairement aux Serbes et aux Roumains, qui pouvaient préserver leur
identité nationale par leur nombre relativement important et leur regroupement
dans les régions limitrophes de leurs pays d'origine respectifs, les Grecs
étaient moins nombreux, loin de leur patrie et dispersés dans le pays.) Dès la
fin du XVIIIe s., voyant que leurs enfants ne parlaient pratiquement plus le
grec, ils ont traduit les livres sacrés de l'orthodoxie en hongrois et leurs
descendants, restés orthodoxes, se sont magyarisés complètement. Aujourd'hui,
tout en sachant que leurs ancêtres lointains étaient grecs, ils se considèrent
comme des Hongrois orthodoxes. Leur appartenance juridictionnelle a été
longtemps objet de litige; ils ont fini par pouvoir être placés, en 1950, sous
la juridiction du patriarcat de Moscou. La diaspora grecque et la russe aussi
font partie de ce diocèse hongrois. Voilà, grosso modo, ce que j'en sais. Je
pense que les informations que vous avez trouvées sur Internet, devait concerner
ce diocèse-là.
J'avais quelques contacts avec eux dans les années 70, ainsi qu'avec les
orthodoxes serbes de Budapest. Ces derniers, qui lient très étroitement leur foi
orthodoxe à leur nationalité, ont tendance à ne pas considérer ces Hongrois
comme orthodoxes. Quant à moi, je ne sais pas ce qui les différencie, à part la
langue liturgique employée.
Vous avez de la chance d'avoir voyagé en Transylvanie. J'espère que le Seigneur
me permettra aussi d'y faire un tour avant que je parte de ce monde.
Je ne connais pas très bien l'histoire de l'orthodoxie dans les pays comme la
République Tchèque, - pouvez-vous nous en parler en grandes lignes ? - mais
j'étais très heureuse de rencontrer cet été deux jeunes filles tchèques
catéchumènes dans deux de nos monastères en Grèce.
_____________________________________________
26.12 19h16 Auteur: lecteur Claude

Chère Catherine,

Merci beaucoup pour vos renseignements. Le choix de la diaspora grecque en
Hongrie(perdre la langue, mais sauver la foi) a été d'une grandeur admirable.

En ce qui concerne l'Orthodoxie en Bohême et en Moravie (les deux pays tchèques),
je vais vous résumer les grandes lignes.

Le peuple tchèque a toujours gardé au fond de lui-même un mauvais souvenir de la
façon dont on l'a converti au catholicisme romain au XIIème siècle, car cela
s'était accompagné d'un processus de germanisation et de dénationalisation. Pour
cette raison, les Tchèques ont toujours été une nation ennemie aux yeux du
Vatican: d'où les guerres hussites et la guerre de Trente Ans, dont le point de
départ en 1618 était la révolte des protestants tchèques contre les Habsbourg
papistes. En 1451, un émissaire des Hussites était venu à Constantinople où il
s'était converti à l'Orthodoxie et avait essayé de négocier une union de
l'Eglise hussite avec le Patriarcat oecuménique. Mais 1451 n'était pas une date
très propice (un peu proche du 26 mai 1453...) et nos amis turcs ne facilitaient
pas beaucoup les communications. (Cf. Steven RUNCIMAN, The Great Church under
Captivity, Cambrige 1999, p. 238).

Après l'indépendance de 1918, il y a eu en Bohême-Moravie (mais pas du tout en
Slovaquie) un fort processus de réaction et de rejet contre le papisme et tout
ce qui l'avait accompagné. D'où développement d'une Eglise dite "hussite" (mais
plus grand'chose à voir avec Jan Hus),d'une "Eglise nationale tchèque", du
protestantisme et surtout d'un processus de laïcisation qui faisait des pays
tchèques une exception dans une Europe centrale encore très religieuse (mais il
est vrai que la franc-maçonnerie était toute-puissante en Tchécoslovaquie dans
la période 1918-1938). Un petit groupe de Tchèques a cependant décidé de
rejoindre l'Eglise de leurs pères sous la direction d'un ancien prêtre uniate et
docteur en théologie devenu un des dirigeants de l'"Eglise nationale tchèque",
Matthieu Pavlik (1879-1942), qui fut sacré premier évêque de l'Eglise orthodoxe
tchécoslovaque sous le nom de Gorazd par les évêques serbes, à l'époque très
missionnaires (1921). Le développement de cette Eglise autochtone a été freiné
par les divisions internes des émigrés russes, fort nombreux en Tchécoslovaquie,
et par les menées du Patriarcat oecuménique qui avait consacré un évêque rival à
Prague. Mgr Gorazd parvint cependant à construire onze églises, à traduire les
textes liturgiques en tchèque, à obtenir de Belgrade un statut d'autonomie
(1929) et à faire former un clergé valable dans les séminaires de Serbie.

L'oeuvre considérable de l'évêque Gorazd a été anéantie en 1942. Les résistants
tchèques du commando envoyé par Londres pour assassiner Reinhard Heydrich, le
gouverneur du Reichsprotektorat de Bohême-Moravie, se sont cachés plusieurs
jours dans la crypte de la cathédrale de Mgr Gorazd. Les représailles des nazis
après la liquidation du commando ont été terribles: Mgr Gorazd a été fusillé le
4 septembre 1942 avec l'archiprêtre Tchikl et le prêtre Petrochek, son Eglise
anéantie au point de vue légal, ses églises fermées et son clergé déporté en
camp de concentration. Le saint nouveau-hiéromartyr Gorazd a été canonisé en
1987; on le fête le 28 août ou le 4 septembre selon les Eglises. (Sur saint
Gorazd, cf. Synaxaire en langue française, tome VI, Thessalonique 1996, pp. 82 s.
et Jean BESSE, Un précurseur:Wladimir Guettée, Lavardac 1992, pp. 19-21.)

Après 1945, l'Eglise orthodoxe tchécoslovaque a pu se reconstituer, mais dans un
climat détestable de panslavisme, de communisation du pays et de revanche sur
les Allemands et sur les cathos (n'oublions pas que le dictateur de la Slovaquie
hitlérienne avait été le prélat catholique Tiso). En janvier 1946, le synode
serbe a été plus ou moins contraint d'abandonner sa juridiction sur l'Eglise
orthodoxe tchécoslovaque au Patriarcat de Moscou, et l'Eglise tchèque qu'avait
voulue Mgr Gorazd s'est un temps transformée en une Eglise coloniale russe (il
est vrai qu'il y avait dans ces années 1945-48 qui ont précédé la communisation
de la Tchécoslovaquie un fort engouement pour tout ce qui était russe). En avril
1950, l'Eglise uniate, qui avait de nombreux fidèles en Slovaquie, a été
rattachée de force à l'Eglise orthodoxe tchécoslovaque à qui Moscou a accordé
l'autocéphalie en novembre 1951. (Cf. Patriarcat de Moscou, L'Eglise orthodoxe
russe, Moscou 1958, pp. 179-182.) Evidemment, dès le rétablissement de leur
Eglise, les uniates ont quitté en masse l'Orthodoxie et ils persécutent
maintenant les orthodoxes de Slovaquie.

L'Eglise orthodoxe de Tchéquie et Slovaquie subsiste toujours, avec une
autocéphalie reconnue par le plérôme de l'Orthodoxie et trois évêques, mais ce
n'est plus que l'ombre de ce qu'avait voulu saint Gorazd. Les fidèles sont
estimés à environ 160'000: 60'000 (pour la plupart d'anciens uniates) en
Slovaquie (en face de 250'000 uniates) et 100'000 en Tchéquie, dont seulement
20'000 Tchèques - résultat des efforts missionnaires de la période 1921-1942 -
et près de 80'000 immigrés, pour la plupart des Ukrainiens, arrivés depuis 1990.
(Le gouvernement tchèque favorise l'immigration en provenance d'autres pays
slaves pour compenser la dénatalité de sa population.) Quand on sait que 800'000
Tchèques avaient rompu avec le Vatican en 1918-19, on voit que le résultat
numérique est décevant. A mon avis, l'Eglise ressuscitée avec tant de soin par
saint Gorazd a souffert de trois malheurs majeurs dans son histoire: la
persécution par les nazis en 1942, l'assimilation aux intérêts soviétiques en
1945-51 et l'interdiction du travail missionnaire sous le régime communiste en
1948-89.

Néanmoins, l'existence d'un noyau orthodoxe tchèque et slovaque autochtone de
80'000 personnes représente bel et bien une résurgence significative de
l'Orthodoxie dans un pays dans lequel elle avait été totalement détruite au
Moyen Âge. Alors, pourquoi pas la Hongrie, un jour?
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03.01 19h59 Auteur: lecteur Claude

Puisqu'il a beaucoup été question de l'Orthodoxie en Hongrie sur ce forum ces
dernières semaines, je me permets de signaler dans le numéro 118 de la revue Foi
transmise et sainte Tradition, qui vient de paraître, pages 8 s., un article
fort intéressant de notre frère Jean Besse sur feu Mgr Daniel (Krstic) de Buda
(1927-2002), ancien élève de l'Institut Saint-Serge, qui était l'évêque de la
communauté serbe de Hongrie, évoquée sur ce forum par Catherine, avec des
paroisses à Budapest, Mohacs, Szeged, Szekesfehervar, Hercegszanto et Rackeve et
une cathédrale à Szentendre.

Si le nom de Mohacs est tristement connu de tous les Européens depuis la
sanglante victoire des Turcs sur le roi Louis de Hongrie en 1526, peut-être que
les autres localités que je viens de mentionner évoquent des souvenirs joyeux
pour certains participants de ce forum...
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11.01 01h27 Auteur: Catherine

Cher lecteur Claude, croyez-vous vraiment qu'il existe d'autres Européens à part
vous, à qui le nom "Mohács" dit quelque chose ?
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11.01 13h40 Auteur: Jean-Louis Palierne

Claude et Catherine

J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt ce dialogue sur la Hongrie (et j'ai archivé
cette discussion, que j'ai communiquée à un ami orthodoxe fort connaisseur). La
façon dont l'Europe de l'Est a été prise en tenailles entre la conquête ottomane,
l'assaut papiste, et plus tard le communisme (et on pourrait allonger la liste)
montre bien que les puissances de ce monde s'acharnent sur l'Orthodoxie, mais
qu'elles ne sont pas capables d'en effacer totalement les traces et le souvenir.

Il me semble qu'il y a un peu partout dans ces pays, à un degré certes variable,
un début de renaissance de l'Orthodoxie.

Merci de nous avoir apporté toutes ces informations, ainsi que sur la Bohême.
Quand nous parlerez-vous de l'Orthodoxie en Pologne, également trop méconnue?
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11.01 14h44 Auteur: lecteur Claude

Cher Jean-Louis,

Du peu que je sais, il n'y a eu aucune renaissance de l'Orthodoxie en Pologne.
Les 500'000-600'000 orthodoxes estimés en Pologne sont, à ma connaissance, des
membres des minorités ethniques biélorusse et ukrainienne qui étaient
concentrées le long de la frontière soviétique et dont une partie a été déportée
par le gouvernement polonais dans les territoires allemands occupés en 1945 et
où il fallait bien remplacer la population allemande expulsée. C'est cette
translation de populations vers l'Ouest qui explique que l'Eglise orthodoxe de
Pologne ait aujourd'hui des paroisses dans la région de Breslau (pardon Wroclaw).

Mais ça reste une Eglise ukrainienne et biélorusse en terre polonaise. Pour
donner un exemple: l'usage liturgique du biélorusse et du polonais fut autorisé
le 3 septembre 1924, mais, là encore à ma connaissance, seule la paroisse de
Wroclaw a fait usage de cette faculté et célèbre en polonais. Toutes les autres
paroisses célèbrent en slavon. (Source: Paprocki, Le mystère de l'eucharistie,
Le Cerf, Paris 1993, p. 68.) Je n'ai jamais entendu parler de conversions
d'hétérodoxes à l'Orthodoxie en Pologne. Rien à voir avec le cas tchèque, donc.

De tous les pays communistes, la Pologne était celui où la persécution
religieuse était la moins marquée et l'Eglise orthodoxe de Pologne s'en est
mieux sorti que beaucoup d'Eglises soeurs des autres pays du bloc.
Par exemple, en 1980, on comptait un clergé de 290 personnes pour 460'000
fidèles orthodoxes recensés, c'est-à-dire un encadrement ecclésiastique très
satisfaisant comparé à ce qu'endurait l'Eglise en Union soviétique. (Source:
Kloczowski, Histoire religieuse de la Pologne, Le Centurion, Paris 1987, p. 503.)

De l'Eglise de Pologne dépendraient une paroisse germanophone à Hambourg
(source: Thöle, Orthodoxe Kirchen in Deutschland, Vandenhoeck & Ruprecht,
Gottingue 1997, pp. 55-57) et deux paroisses lusophones au Portugal.
___________________________________________
11.01 18h53 Auteur: Jean-Louis Palierne

Merci pour ces précisions. Vous disposez d'une documentation manifestement très
étendue. En ce qui concerne la Pologne il me semble cependant qu'il y a une
minorité polonaise orthodoxe d'origine très ancienne dans le Sud-Ouest, et par
ailleurs j'avais lu quelque part (mais je suis incapable de préciser où) que peu
à peu les immigrations diverses (il faudrait sans doute ajouter une orthodoxie
d'origine grand-russe à Varsovie) commencent à fusionner et à former une Église
relativement polonaise. Est-ce que je me trompe?

En ce qui concerne les "orthodoxes" portugais c'étaient je crois des
fantaisistes pas du tout recommandables qui avaient abusés de l'hospitalité de
l'Église de Pologne, mais qui n'en font plus partie.
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11.01 19h01 Auteur: lecteur Claude

Justement, ces deux paroisses représentent tout ce que l'Eglise de Pologne a
voulu garder parmi les orthodoxes portugais.
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11.01 19h12 Auteur: Jean-Louis Palierne

Merci. Donc il en reste. Décidément vous savez tout. Je vous pose donc une autre
question, concernant encore le Portugal: savez-vous ce qu'est cette communauté
de moniales portugaises que le diocèse serbe de France a accueillies?
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12.01 00h10 Auteur: lecteur Claude

Ce sont des moniales qui ont refusé de suivre l'Eglise du Portugal dans son
aventure sans issue et se sont placées sous la protection du patriarcat de
Belgrade. Je pense que la situation confuse de l'Orthodoxie portugaise rendait
impossible la poursuite d'une vie monastique sereine au Portugal; autrement, je
m'expliquerais mal leur décision d'exiler leur communauté en France fin 2000
(d'autant plus qu'elles ont fait de grands efforts pour apprendre le français et
qu'elles se trouvent maintenant dans une région au climat rigoureux).
Au départ, si mes souvenirs sont bons, les moniales devaient s'installer à
Astugue dans les Hautes-Pyrénées, mais le froid a rendu l'exécution de ce projet
impossible. Il y a eu une période de 18 mois où les moines de Lavardac se sont
repliés à Lectoure et ont laissé leur maison d'origine à la communauté de
moniales portugaises en attendant qu'on puisse leur trouver un toit qui soit
vraiment à elles. On a trouvé à Gondoncourt dans les Vosges un ancien couvent de
religieuses romano-catholiques abandonné depuis les années 1960-70 et les
moniales orthodoxes portugaises ont pu y établir leur communauté dans la
juridiction du diocèse serbe d'Europe occidentale (au printemps 2002 je crois).

La rumeur avait couru que, lors de la crise de l'Eglise orthodoxe du Portugal,
le patriarcat serbe avait aussi accordé sa protection à deux ou trois paroisses
du diocèse de cette Eglise au Brésil, mais je ne sais si cette rumeur correspond
à la réalité.
_______________________________________________
12.01 15h58 Auteur: Jean-Louis Palierne

Encore merci pour ces nouvelles précisions. Oui effectivement elles sont
installées dans les Vosges. Je ne sais ce qu'est devenu le domaine de Lavardac.
Je n'ai jamais entendu parler de cette histoire du Brésil.
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