Métanies

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Jean-Serge
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Inscription : mer. 14 juil. 2004 12:19
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Métanies

Message par Jean-Serge »

Bonjour,

Effectivement, je posais une deuxième question : quel sens donner aux métanies? Je n'ai pas vu de réponse pleinement satisfaisante à ce sujet...
Certains en parlent en tant que signes d'amour, de repentir etc...

Peut-on en dire plus?
Priidite, poklonimsja i pripadem ko Hristu.
pascal
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Inscription : mar. 22 juin 2004 15:59

Message par pascal »

Jean Serge,

voici un début de réponse:

métanie vient du grec metanoïa, désigne le repentir, qui est conversion, retournement de l'âme vers Dieu.
Les fidèles manifestent leur repentir non seulement par un mouvement de l'âme, mais par des gestes, des prosternations appelées métanies.

l'usage ne doit pas être immodéré et est commandée par la pratique liturgique, la prosternation ne devant pas devenir une forme de piétisme ou de dolorisme mal venu
Antoine
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Inscription : mer. 18 juin 2003 22:05

Message par Antoine »

Ignace Briantchanonov
Introduction à la tradition ascétique de l'Eglise d'Orient
Les miettes du festin
Ed présence 1978 p 93-95



XXI. Des métanies

Les métanies se divisent en « grandes métanies », prosternations jusqu’à terre, et en « petites métanies », inclinations profondes du buste. On les fait d’ordinaire le soir durant l’accomplissement de la règle de prière, avant d’aller dormir. Le mieux, c’est de les placer avant la lecture des prières du soir, c’est-à-dire de commencer la règle par les métanies. Sous l’effet des métanies, le corps se fatigue légèrement et se réchauffe un peu, et le coeur entre dans un état de contrition:
l’ascète priera avec plus de zèle, avec plus de ferveur et avec une plus grande attention. Les prières ont un tout autre goût quand on les dit après avoir fait des prosternations.

Il faut faire les métanies sans aucune hâte, en vivifiant cette ascèse corporelle par les gémissements de notre coeur et les lamentations de notre esprit en prière. Au moment de commencer les prosternations, donne à ton corps une attitude empreinte d’une grande révérence, comme il sied à un esclave et à une créature en présence de son Seigneur et de son Dieu. Ensuite, rassemble tes pensées qui vagabondent dans toutes les directions, et, sans la moindre hâte, prononce d’un coeur brisé et contrit cette prière: Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur; dis-la à voix basse juste assez forte pour t’entendre toi-même, et en enfermant ton esprit dans ses paroles. Après avoir dit cette prière, fais lentement une grande métanie, avec révérence et crainte de Dieu, sans exaltation, mais avec les sentiments d’un pécheur qui se repent et qui demande pardon, comme s’il était aux pieds du Seigneur Jésus-Christ en personne. Ne laisse pas ton imagination créer une représentation mentale du Seigneur, mais sois bien persuadé de sa présence ; sois convaincu qu’il te regarde, qu’il scrute ton esprit et ton coeur, et que la récompense qu’il te destine se trouve entre ses mains. Se le représenter est une aberration qui ne doit pas être tolérée et qui mène à un très funeste aveuglement ; mais être persuadé de la présence du Dieu omniprésent, c’est être attaché à une très sainte vérité (1). Après avoir fait une grande métanie jusqu’à terre, ramène ton corps dans une position de révérence et de calme, et dis de nouveau lentement la prière mentionnée plus haut; quand tu as fini de la prononcer, prosterne-toi de nouveau comme on vient de dire,

Ne te préoccupe pas du nombre des métanies : concentre toute ton attention sur la qualité de la prière qu’elles accompagnent. Sans parler de leur effet sur l’esprit, peu de métanies accomplies de la manière prescrite ici agiront bien plus efficacement sur le corps lui-même que des métanies plus nombreuses mais faites en hâte et sans attention, simplement en vue d’arriver au chiffre fixé. L’expérience ne tardera pas à te le prouver. Quand tu commences à ressentir de la fatigue àcause des grandes métanies, passe aux petites. Le degré de l’inclination d’une petite métanie est défini de la manière suivante : en étendant le bras, il faut pouvoir toucher la terre ou le plancher avec le bout des doigts.

Si, lorsqu’il se prosterne, l’ascète s’impose une intense activité de l’âme, consistant en une attention soutenue, en un calme profond, en une crainte révérentielle et en une ferme intention d’offrir son repentir à Dieu, il découvrira assez rapidement combien de métanies sa constitution physique lui permet d’accomplir. Retranchant de ce nombre quelques métanies en considérations de sa faiblesse et par indulgence envers lui-même, il se fixera, en comptant celles qui restent, une règle quotidienne ; et quand il aura demandé sur celle-ci la bénédiction de son père spirituel, ou du père supérieur, ou de l’un des moines en qui il a confiance et à qui il demande conseil, il pourra exécuter cette règle chaque jour.

Pour le profit spirituel de nos frères bien-aimés, nous ne passerons pas sous silence ce qui suit. Les métanies qui, faites simplement pour leur nombre, ne sont pas animées par une activité correcte de l’esprit et du coeur, sont plus nuisibles qu’utiles. L’ascète qui les accomplit commence à se réjouir. « Voici », se dit-il à l’instar du Pharisien dont parle l’Evangile, « qu’aujourd’hui encore Dieu m’a accordé d’accomplir (par exemple) trois cents métanies. Gloire à Dieu ! Est-ce que c’est facile ? A notre époque, trois cents métanies ! Qui, de nos jours, Suit une règle pareille ? » et ainsi de suite. Nous devons nous rappeler que les métanies échauffent le sang, ce qui a pour effet de stimuler considérablement l’activité mentale. Avec de telles dispositions, et uniquement parce qu’il ne saisit pas en quoi consiste la vraie vie spirituelle, le malheureux ascète se livre à une activité mentale qui nuit à son âme; il s’abandonne à des pensées et à des images de vaine gloire suscitées par son exploit, dont le caractère ascétique lui semble en lui-même un gage de progrès. Il se délecte de ces pensées et de ces images, et ne peut s’en rassasier ; il se les approprie et développe en lui une fatale passion de présomption. Bien vite cette présomption commence à se manifester par la secrète condamnation des autres et par la manifeste tendance à vouloir les instruire. Il est évident qu’une telle attitude est un signe d’orgueil et d’aveuglement si le moine ne se considérait pas comme supérieur aux autres, il ne se permettrait d’aucune manière de les corriger. Tel est le fruit de tout effort ascétique corporel lorsqu’il n’est pas animé par un esprit de repentir, lorsque le repentir n’est pas son unique but, mais que l’on accorde une valeur à l’ascèse en tant que telle. Pour un moine, le vrai progrès consiste à se considérer comme le plus grand des pécheurs. « Un frère dit à saint Sisoès le Grand : Je vois que ma pensée est constamment avec Dieu. “ Le saint homme répliqua : “ Ce n’est pas une grande chose que d’être constamment avec Dieu par la pensée; mais ce qui est grand pour un moine, c’est de se voir inférieur à toute créature “ »(2). Telle était la manière de penser des vrais serviteurs de Dieu, des vrais moines elle était chez eux le résultat d’une activité de l’âme pratiquée correctement. Dans ce cas l’ascèse corporelle revêt, elle aussi, une importance considérable, car elle exprime le repentir et l’humilité de l’âme par les actes du corps. Vois mon humiliation et ma peine, et efface tous mes péchés (Ps. 24, 18), crie vers Dieu saint David en prière, unissant dans son fervent effort la peine corporelle à un profond repentir et à une grande humilité.

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Notes


(1) Les saints Pères disent « N’accepte jamais ce que tu pourrais percevoir, que ce soit quelque chose de sensible ou d’intelligible, au-dedans ou au- dehors de toi, comme, par exemple, la vision du Christ, ou d’un Ange ou d’un saint, ou encore l’illusoire éclat d’une lumière dans ton esprit. Reste inébranlable, ne te fie pas à cette visicn et ne t’abandonne pas à elle. Garde constamment ton esprit vide et dépouillé d’images, rejetant les impressions suscitées par ton imagination, fixant ton attention uniquement sur les paroles de la prière. » CALLISTE et IGNACE XANTHOPOULOS, Méthode et Règle, 73, in Philocalie, t. IV.

(2) Apophtegmes, Sisoès.
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