Métropolite Anthony (Khrapovitsky) et problème de succession apostolique dans l'Église anglicane

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katya1965
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Métropolite Anthony (Khrapovitsky) et problème de succession apostolique dans l'Église anglicane

Message par katya1965 »

En 1922, au plus fort de la terreur bolchevique contre l'Église orthodoxe, le patriarche Tikhon a été arrêté.

Le métropolite Anthony, qui avait des contacts étroits avec l'Église anglicane, a fait appel à l'archevêque Davidson de Cantorbéry pour qu'il se joigne à la protestation contre les violences perpétrées contre le patriarche Tikhon. Dans une lettre de l'archevêque de Cantorbéry, reçue en réponse à l'appel qui lui a été envoyé par le métropolite Anthony, il a écrit qu'il avait parlé à propos de l'appel du métropolite Anthony à la Chambre des Lords, et a également fait part de sa protestation directement à Moscou.

Le 8 mai 1923, l'ambassadeur britannique à Moscou, Robert Hodgson, a adressé un ultimatum du ministre britannique des Affaires étrangères Lord Curzon au représentant du gouvernement soviétique. Le point 21 de ce document contenait une protestation contre l'oppression de la liberté de conscience en URSS. L'archevêque de Cantorbéry lui-même a admis que ce sont les protestations du métropolite Anthony qui ont entraîné l'inclusion de ce point dans l'ultimatum dont le but principal était de mettre fin à la politique d'exportation de la révolution par le régime bolshevique, et que c'est donc grâce à ces protestations que le patriarche Tikhon est finalement sorti du prison.
Ce point de vue est aussi confirmé par la version de l'histoire présentée par le chanoine Douglas, secrétaire général du Conseil pour les relations internationales de l'Église d'Angleterre, qui a lui-même joué un rôle majeur dans la campagne britannique visant à faire pression sur le gouvernement soviétique pour libérer le patriarche Tikhon ; il a, en particulier, rencontré l'ambassadeur soviétique Krasin pour discuter le point 21 de l'ultimatum.

Le métropolite Vitaly (Ustinov), le quatrième Premier Hiérarque de l'EORHF, en parle également. Par ailleurs, il explique ce que les représentants de l'Église anglicane attendaient en remerciement de leur aide à la libération du patriarche Tikhon. Voici un extrait de la conversation du Métropolite Vitaly (transcription d'un enregistrement audio) : « Quand l'Angleterre, représentée par son ministre [Curzon], sauva la vie du Patriarche Tikhon de l'exécution ; plus tard, un an ou deux ans plus tard, le métropolite Anthony a été invité en Angleterre. Et bien sûr, ce que les anglais voulaient... Le métropolite Anthony était quelqu'un d'autorité mondiale dans l'Église orthodoxe. Ils voulaient recevoir de lui la reconnaissance de la succession apostolique de l'Église anglicane. C'est très important, extrêmement important. Vous pouvez, vous le savez, suivre le vieux calendrier, en toute piété, mais s'il n'y a pas de succession apostolique, ce n'est rien.

Et quand le métropolite Anthony était finalement épinglé au mur, en fait, a-t-il dit, peu de gens le savent du tout, il a dit une chose merveilleuse. Il a dit : "Il y a des gens pieux et bons dans chaque nation, mais des gens chargés de grâce seulement dans l'Église orthodoxe." »

La succession apostolique de l'Église anglicane a été un sujet de controverse théologique depuis sa création. La question est devenue particulièrement aiguë après l'Encyclique Apostolicae Curae, publiée par le pape Léon XIII en 1896, dont voici la conclusion (par. 35) :

« C'est pourquoi, adhérant strictement, en cette matière, aux décrets des pontifes, nos prédécesseurs, et les confirmant le plus pleinement, et, pour ainsi dire, les renouvelant par notre autorité, de notre propre initiative et de certaines connaissances, nous prononçons et déclarons que les ordinations accomplies selon le rite anglican ont été et sont absolument nulles et non avenues. »

Comme on peut le voir, certains anglicans espéraient obtenir la reconnaissance de leur succession apostolique de l'Église orthodoxe.

Cette histoire d'il y a un siècle nous rappelle le problème de la succession apostolique dans l'Église, qui existe encore aujourd'hui. Et il n'est pas si facile de trouver de la littérature éducative qui permettrait au croyant d'acquérir les connaissances pertinentes et de l'aider à s'orienter parmi les nombreuses communautés religieuses et juridictions différentes qui existent aujourd'hui.
Claude le Liseur
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Re: Métropolite Anthony (Khrapovitsky) et problème de succession apostolique dans l'Église anglicane

Message par Claude le Liseur »

Merci beaucoup de cette histoire dont j'ignorais tout.

L'Eglise anglicane a toujours suivi le vent. Vers le début du XXe siècle, elle insistait beaucoup sur les aspects qui pouvaient la rapprocher du catholicisme romain et essayait d'obtenir de l'Eglise orthodoxe la reconnaissance de ses ordres qui lui était déniée par la Papauté.

Depuis les années 1960, le vent a viré à gauche (contre-culture, féminisme, wokisme, etc.) et l'Eglise anglicane, au contraire, insiste sur tout ce qui la rapproche du protestantisme libéral. Les Eglises luthériennes scandinaves ont pris le même chemin, contrairement à une partie des Eglises luthériennes américaines (synode du Missouri). Le sommet du virage soixante-huitard (et pourtant plusieurs années avant Mai 1968 !) au sein de l'anglicanisme a été représenté par l'ineffable évêque de Californie James Pike (1913-1969), fumeur invétéré, spirite, alcoolique, trois fois marié, adultère public, qui avait publiquement nié la virginité de Marie, la Trinité et l'Enfer tout en cochant toutes les cases de ce qui allait devenir le politiquement correct.
katya1965
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Re: Métropolite Anthony (Khrapovitsky) et problème de succession apostolique dans l'Église anglicane

Message par katya1965 »

Je pense qu'il y a beaucoup d'histoires et de documents intéressants et instructifs dans les archives de l'EORHF, qui sont tombés entre les mains des nouveaux dirigeants en 2001 et qu'ils ne vont clairement pas partager avec le public. On a à collecter petit à petit ce qu'on trouve sur Internet.

Le caractère de l'évêque anglican que vous évoquez, de mon point de vue, est une illustration d'un principe universel qui permet de reconnaître une communauté religieuse non canonique. "C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez" - Métr. Filaret (Voznesensky) appelle cela "la loi éternelle de la vie spirituelle". Et ça marche à 100%. Aujourd'hui, certaines communautés affichent des résultats si manifestement terribles qu'elles témoignent contre elles-mêmes. Il reste à s'intéresser à l'histoire de leur hiérarchie, et on découvre qu'il y a un problème de succession apostolique. Juste une correlation? Plutôt, les fruits mêmes par lesquels nous les reconnaîtrons.

Malheureusement, de nombreux "croyants ordinaires" ne jugent pas nécessaire de se plonger dans ces questions et n'ont pas cette idée en tête que la canonicité, le respect de dogmes fondamentaux est quelque chose d'important. Ce sont des rites formels, en parie démodés, n'ayant pas d'importance, pensent-ils. Mas à la fin des chose il se trouve que c'est très important.

Il y a quand même une chose qui reste pas claire pour moi. Dans l'histoire de l'Église russe du XXe siècle, nous voyons des exemples où la plus haute hiérarchie ecclésiastique est physiquement éliminée par le pouvoir politique afin de la remplacer par des évêques loyaux. Et ils prennent sur eux des pouvoirs qu'ils n'ont pas hérité de façon canonique.
Cela s'est-il produit auparavant ? A-t-on des exemples de telles violations de la succession normale et comment ces cas étaient-ils jugés par les Saints Pères de l'Église ? La situation de la destitution forcée du premier hiérarque est-elle répertoriée dans les canons ?
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