Je ne pensais pas voir une telle merveille

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Claude le Liseur
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Je ne pensais pas voir une telle merveille

Message par Claude le Liseur »

Vendredi 6 septembre 2019. Une suite d'événements pas forcément heureux nous ont contraints à faire l'aller-retour de Saint-Pétersbourg à Moscou dans la même journée. Arrivés par le train de nuit, nous allons repartir par le train à grande vitesse qui part en fin d'après-midi.

Me voici donc dans la Gare de Leningrad à Moscou, lorsque j'avise qu'il y a une chapelle orthodoxe. En Europe occidentale, j'ai vu des chapelles dans les aéroports (et il y en a d'ailleurs une à l'aéroport Pouchkine, ex-Chérémétievo, de Moscou), mais jamais dans une gare, même dans ma chère Italie, dernier pays debout en Europe occidentale. Nous y allons, ne serait-ce que pour remercier le Seigneur pour la réduction que la préposée vient de nous obtenir sur le prochain train pour Saint-Pétersbourg.

Heureuse surprise, il y a dans la chapelle un comptoir de livres et d'icônes (avec même une icône de saint Païssios l'Athonite, récemment canonisé), qui est ouvert, tenu par un libraire fort sympathique, et nous achetons, entre autres, beaucoup de livres et de brochures orthodoxes pour enfants, mais il y a une chose qui m'enchante au-delà de tout. Je regarde l'icône des martyrs impériaux, Nicolas II Alexandrovitch, sa femme Alexandra Fédorovna, les grandes-duchesses Olga Nikolaïevna, Tatiana Nikolaïevna, Anastasia Nikolaïevna et Maria Nikolaïevna, et le prince héritier Alexis Nikolaïévitch. Cette icône, je l'ai vue des dizaines de fois dans ma vie. Mais là, soudain, elle prend un tout autre sens.

Je suis quand même à la gare de Leningrad à Moscou, au beau milieu d'une des orgueilleuses constructions de l'Empire marxiste-léniniste. "Le plus grand et le plus cruel qui ait jamais existé" (Françoise Thom). Je ne suis pourtant pas si vieux, et pourtant, dans mon enfance, nous vivions dans la peur de cet Empire qui paraissait indestructible et invincible, tandis que le dernier tsar de Russie et sa famille ne survivaient plus dans les mémoires que par l'horreur même des circonstances de leur liquidation, qui interdisait de totalement les exclure des livres d'histoire. Mais c'était un passé totalement enterré.

Je repense à ces paroles d'un converti de Russie soviétique: "L'Union soviétique, qui avait les moyens de tout détruire, n'avait pas réussi à détruire l'Eglise orthodoxe. Alors je suis devenu orthodoxe."

L'Empire communiste est mort et enterré. Et, au-dessus de ses ruines, au centre même de ce qui faisait l'orgueil de ses démoniaques fondateurs, se dresse l'icône du dernier tsar, de sa femme et de leurs enfants, doux et humbles de cœur, assassinés pour que prospère le paradis marxiste, avec son cortège de famines, de meurtres de masse et de camps de concentration. Les perdants de l'Histoire ont été glorifiés, et leurs vainqueurs terrestres s'enfoncent dans le néant.

Car "Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles." (Lc 1, 52)

Peut-être que la divine Providence me donnera la joie de voir s'écrouler d'autres jactances, d'autres "ordres mondiaux" et d'autres dominations. Mais là, cette icône des martyrs impériaux en pleine gare de Leningrad, c'est une merveille telle que je ne pensais pas que j'en verrais jamais.
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