jealynrou a écrit :Bonjour à tous.
J'aimerai m'initier au grec liturgique et j'ai deux questions :
-est ce le meme grec utilisé dans les evangiles, les Pères de l'Eglise et dans la liturgie?
-quelle "méthode" ou référence pourriez vous conseiller pour l'apprendre sachant que je suis un complet neophyte (à peine l'alphabet).
En vous remerçiant par avance.
Pour répondre à votre très intéressante question, je voudrais d’abord vous dire que le grec de la liturgie est déjà beaucoup plus simple que le grec « classique », c’est-à-dire le dialecte littéraire attique des écrivains du Ve siècle avant NSJC.
Mais je suis incapable de vous récrire en grec ancien ce que donnerait un passage de la liturgie.
En revanche, je peux élargir votre question et vous donner une comparaison entre le grec de la liturgie et le grec moderne, parlé aujourd’hui.
Il existe en effet des éditions des divines Liturgies où le texte en grec ecclésiastique est accompagné d’une paraphrase en grec moderne. Cela peut être intéressant à comparer.
Voici, comme exemple concret, la première demande de la grande ecténie dite par le diacre au début de la divine Liturgie de saint Jean Chrysostome.
Voici le texte lu dans les églises – en rappelant qu’il est prononcé avec la prononciation du grec moderne, et point avec une tentative de reconstitution d’une prononciation éteinte depuis longtemps :
Υπέρ της άνοθεν ειρήνης και της σωτηρίας των ψυχών ημών του Κυρίου δεηθώμεν.
Le traitement de texte dont je dispose ne me permet malheureusement pas de rendre les esprits rudes et doux, mais cela n’a en fait guère d’importance, puisque la prononciation ne tient plus compte de l’esprit rude depuis des siècles et que les esprits ont été supprimés dans l’orthographe du grec moderne.
En français, cela veut dire : « Prions le Seigneur pour la paix d’en haut et le salut de notre âme. »
Voici une première paraphrase en grec moderne, tiré d’une édition de la divine Liturgie de saint Jean Chrysostome en grec, anglais, français et arabe, publiée à Alexandrie (Égypte) en 1983 et réimprimée en 1990, livre qui a été évoqué à plusieurs reprises sur le présent forum ; cette paraphrase est due à l’archiprêtre Spyridon N. Bacaoucas :
Γιά νά έλθει η ειρήνη του Θεού ανάμεσά μας καί γιά νά σωσουν οι ψυχές μας, άς παρακαλέσομε τόν Κύριο.
Cette périphrase voudrait plutôt dire : « Prions le Seigneur pour que la paix de Dieu vienne parmi nous et que nos âmes soient sauves. » C’est plus lourd que le texte original parce qu’il y a une explication de texte.
Et voici maintenant une paraphrase dans un ouvrage publié à Salonique en 2002 par MM. Jean Kokoulis, Christos Ikonomou et Pannayotis Skaltsis :
Γιά τήν ειρήνη του Θεού καί τή σωτηρία των ψυχών μας, άς παρακαλέσουμε τόν Κύριο.
Cette paraphrase s’en tient plus au texte original et cherche moins à l’expliquer : « Prions le Seigneur pour la paix de Dieu et le salut de nos âmes. » C’est donc cette paraphrase qu’il convient de comparer avec le texte original.
Si nous comparons « Υπέρ της άνοθεν ειρήνης και της σωτηρίας των ψυχών ημών του Κυρίου δεηθώμεν » et « Γιά τήν ειρήνη του Θεού καί τή σωτηρία των ψυχών μας, άς παρακαλέσουμε τόν Κύριο », nous pouvons constater à quel point la langue a peu bougé en seize siècles – pensons qu’il y a seize siècles, le français n’existait même pas encore ! Une préposition appelant l’accusatif a remplacé une proposition appelant le génitif, mais il y a toujours un accusatif et un génitif (le datif, seul, a disparu dans l’intervalle), l’expression de l’adjectif possessif a changé et on utilise un autre verbe pour dire « prier », mais les structures et le vocabulaire sont, pour l’essentiel, identiques. C’est vraiment cette fidélité aux origines qui est un charme de la langue grecque, parlée tous les jours par dix millions de personnes dans le monde dans toutes les situations possibles et imaginables de la vie moderne et en même temps, porteuse, par sa fidélité, d’un héritage linguistique qui nous fait remonter jusqu’aux plus vieilles racines indo-européennes.
Tenez, un exemple qui me vient à l’esprit. L’Himalaya. En sanscrit, cela veut dire « le séjour de la neige » - nom ô combien approprié. Dans le deuxième élément,
alaya, l’idée de « séjour », de « demeure », on retrouve sans peine l’anglais
to lay, l’allemand
liegen, le russe
лежать. Mais, à propos du premier élément,
him vous savez comment on dit « hiver » en grec moderne ? Χειμώνας, presque le même mot que l’élément sanscrit ! De la « neige » à l’ « hiver », il n’y a qu’un petit pas qui a été fait le temps de la traversée de tout un continent.
Et c’est ainsi que malgré tous les efforts accomplis pour détruire le peuple, sa langue et sa foi, efforts qui se poursuivent aujourd’hui avec des méthodes autrement plus efficaces et subtiles que celles dont pouvaient disposer les Croisés ou les Ottomans, le peuple a conservé la langue dont il était le porteur et la foi dont il était le gardien.