Mille excuses. Ma mémoire me joue des tours. Ce n'est pas saint Marc d'Ephèse qui a fait cette allusion à l'Ethiopie, mais son adversaire Jean VIII Paléologue.lecteur Claude a écrit : Je n'ai pas mes références sous la main, mais il y a un passage des Mémoires de Sylvestre Syropoulos sur le "concile" de Florence où il cite un discours de saint Marc d'Ephèse où celui-ci compte l'Ethiopie au nombre des pays orthodoxes. Cela montre les traces d'une connaissance devenue plus ou moins légendaire, les relations directes entre Constantinople et l'Ethiopie ayant été interrompues depuis huit siècles à cause de l'Islam: saint Marc sait encore qu'il y a un royaume chrétien en Ethiopie, mais, faute de relation directe, il ne sait pas que celui-ci est passé au monophysisme depuis plusieurs siècles.
Voici la citation exacte de Jean VIII Paléologue:
Ακούω δε ότι και εντός της Αιθιοπίας ένι γένος μέγα και πολυάνθρωπον ορθόδοξον και πάντα τοις ημετέροις έξακολουθούν δόγμασιν
Et la traduction du RP assomptionniste Vitalien Laurent:
"J'entends aussi dire qu'en Ethiopie vit une nation grande et populeuse, orthodoxe et en tout fidèle à notre dogme"
(V. Laurent, Les "mémoires" du Grand Ecclésiarque de l'Eglise de Constantinople Sylvestre Syropoulos sur le concile de Florence (1438-1439), Pontificium Institutum Orientalum Studiorum, Rome 1971, p. 150 pour le texte grec, p. 151 pour la traduction française en regard.)
Venant de Jean VIII Paléologue, pour qui le concile est une pure négociation politico-militaire, on peut s'attendre à de la mauvaise foi. Je n'en suis pas si sûr. La formule même qu'il emploie ("ακούω") laisse supposer qu'il est de bonne foi, qu'il reconnaît lui-même qu'il n'est pas sûr de ce qu'il avance. On notera d'ailleurs qu'il ne mentionne pas les Eglises copte ou jacobite, parce qu'un Romain ("Byzantin") ne peut pas ne pas savoir que ces deux Eglises ne sont plus en communion avec l'Orthodoxie depuis des siècles. En revanche, la formulation qu'il emploie laisse supposer qu'il y a à son époque un vague souvenir qu'il y a un Empire chrétien en Ethiopie, que celui-ci a eu autrefois des relations avec les orthodoxes, que l'on ne sait plus trop ce qu'il en est advenu parce que la marée islamique en Egypte et au Yémen a coupé les relations directes, mais que l'on suppose que ce peuple - que l'on devine nombreux - est encore orthodoxe. En fait, à ce moment-là, cela faisait au moins huit siècles que l'Ethiopie s'était rallié au monophysitisme. Mais le fait que ce pays, seul, ait arrêté les conquérants musulmans est déjà un miracle en soi. Et il faut ajouter que, contrairement au cas des Coptes pour qui l'hostilité aux Eglises chalcédoniennes est un élément fondateur de la consience nationale, les Ethiopiens, jusqu'à quelques années en arrière, ne manifestaient aucune animosité à l'égard des Eglises melkites. Pendant des siècles, les orthodoxes qui se sont rendus en Ethiopie ont été accueillis et considérés comme des coreligionnaires, et une union sincère et durable aurait sans doute été possible si nous avions pris l'Eglise d'Ethiopie au sérieux au lieu de discuter avec l'ensemble des Eglises miaphyisites à la fois. Jean VIII Paléologue avait donc toutes les raisons de faire la confusion que lui reproche Vitalien Laurent ("Jean VIII pèche ici par ignorance, les différences doctrinales entre l'Eglise orthodoxe et l'Eglise éthiopienne étant fondamentales", op. cit., note 4 p. 151 - encore aujourd'hui, je suis loin d'être convaincu que les différences soient insurmontables).