Cher Antoine,
Excusez-moi, mais je ne vois aucune incohérence dans les textes liturgiques de l’Église, ni dans sa doctrine, mais seulement le respect de l’ultime mystère de celle qui est supérieure aux anges, mystère que notre raison d’êtres déchus ne peut appréhender, et qui a rapport à des réalités si hautes, à mon sens, que dogmatiser serait peut-être même impossible.
Il est clair que la Toute-Sainte est passée par la mort, que les apôtres qui l’avaient ensevelie ont trouvé son tombeau vide trois jours plus tard, exactement comme pour le Sauveur.
L’Église CROIT à son passage corporel au ciel. LES CHANTS LITURGIQUES EN PARLENT DE FAÇON QUELQUE PEU VOILÉE (“Alors que tu étais transférée vers les cieux, ô Mère de Dieu, dans la crainte et la joie les puissances angéliques couvraient de leurs ailes très saintes ton corps très vaste qui a accueilli Dieu”), pour préserver le mystère ET C’EST CE QUE FAIT L’ÉGLISE EN ÉVITANT D’EN FAIRE UN DOGME.
PEUT-ON TROUVER UNE COHÉRENCE PLUS PARFAITE ?
De plus, tout orthodoxe sait que le Fils de Dieu est devenu homme pour opérer notre déification. Alors… n’essayons pas de définir, de démontrer, ou d’imaginer — CROYONS.
“LA FOI EST une ferme assurance des choses qu’on espère, UNE DÉMONSTRATION de celles qu’on ne voit pas. “ (He 11,1).
Imitons nos pères dans la foi. Que ce soit saint Jean Damascène ou Nicolas Cabasilas (non, Jean-Louis, le livre n’est pas du tout passé inaperçu, je l’ai acheté il y a longtemps, comme j’essaie d’avoir chez moi tout ce qui chante notre Souveraine, la Mère de Dieu !), leurs homélies sont des hymnes et non des dissertations. Comme nous le chantons à l’office de la Dormition : “C’EST PAR DES PSAUMES, DES HYMNES, DES CANTIQUES SPIRITUELS, QU’AVEC LES INCORPORELS ET LES APÔTRES, LE MONDE LA CÉLÈBRE DANS LA JOIE !”
Et vous, Antoine, vous qui êtes poète, musicien, chantre… faites de même et oubliez, devant ce grand mystère, votre formation académique.
Nous disons à la Toute-Sainte, tous les soirs aux Complies :
Réjouis-toi, qui convaincs de sottise les philosophes,
Réjouis-toi, qui fais taire les hommes de science,
Réjouis-toi, car les chercheurs subtils deviennent hésitants,
Réjouis-toi, car les faiseurs de fables deviennent stériles…
Vous voulez une réponse humaine, rassurante et, partant, réductrice au mystère de celle qui est plus vaste que les cieux, plus glorieuse que les anges ! Ici, plus que jamais, la piété orthodoxe nous demande de nous prosterner en silence, ou, à la rigueur, de prier la Toute-Sainte elle-même, comme dans la 9e ode de Noël, de nous donner la force de la CHANTER, elle, la Toute-Digne-de-nos-louanges.
QUAND L’ÉGLISE ELLE-MÊME SE TAIT (EN ÉVITANT DE DÉFINIR UN DOGME !), AURIONS-NOUS L’IMPUDENCE DE SOUILLER DE NOS PAROLES INEPTES LE MYSTÈRE DE LA DORMITION ?
D’autre part, la purification dont j’avais parlé au sujet de la Toute-Sainte, et qui correspond pour nous au baptême, ne nous exempte pas du tout de la mort : elle nous ouvre la voie du ciel.
Je me répète encore, pour éviter tout malentendu :
Quand l’Église orthodoxe dit que la Toute-Sainte a été purifiée du “péché originel”, elle entend — comme le disent plusieurs pères — qu’elle a été “lavée”, (AU MOMENT DE L’ANNONCIATION, ET PAR LA PAROLE DE L’ANGE !) de la souillure qu’a laissée en tout être humain le péché ancestral.
Cela n’a RIEN, mais RIEN à voir avec le dogme impie et désespérant de l’Immaculée Conception, ineptie odieuse et incohérente des hérétiques de Rome, puisque CETTE PURIFICATION N’EST PAS UN PRIVILÈGE QUI LUI AURAIT CONFÉRÉ, À ELLE SEULE, ET DÈS SA CONCEPTION, UNE NATURE DIFFÉRENTE DE LA NÔTRE,
MAIS CELUI DE TOUT CHRÉTIEN LAVÉ PAR LE SEUL, LE VRAI BAPTÊME ORTHODOXE, EN VUE DE NOUS PERMETTRE L’UNION AVEC DIEU, COMPROMISE PAR LA CHUTE.
ET, ÉVIDEMMENT, ELLE N'EXEMPTE PAS DE LA MORT !!!!
CERTAINS PÈRES DISENT CEPENDANT QUE CHEZ LA TOUTE-SAINTE, CETTE PURIFICATION ÉTAIT UN SURCROÎT DE GRÂCE.
Personnellement, sans avoir jamais eu de démonstration, ni de documents conciliaires, je sens — ma foi me le dit — que vouloir expliciter, analyser ce mystère vaste est d’une impiété mutilante et aussi indiscrète que la démarche des sages-femmes des apocryphes lors de la Naissance du Sauveur. Est-ce cette indiscrétion qui vous gênait, cher Éliazar ? Je n’ai pas bien compris votre allusion au féminisme dont je vous aurais accusé… (???) Expliquez-moi, s.v.p.
Pour la main sacrilège, Éliazar, je suppose qu’en bon connaisseur de l’Ancien Testament que vous êtes, vous vous souvenez de l’Arche de l’Alliance, et vous méditerez son histoire en rapport avec la Toute-Sainte endormie.
Olia s’interroge sur le mystère avec foi, mais sans trancher et sans vouloir raisonner sur ce qui au-dessus de la raison. J’ai aimé son intervention pleine de piété, ici, comme au sujet de Notre Père.
Comme personne n’a assisté à la résurrection du Christ — c’est pour cela que les icônes où on Le voit monter, drapeau à la main, sous le regard terrifié des soldats, NE SONT PAS ORTHODOXES, mais d’influence latine — on ne dépeint pas non plus la montée au ciel de la Toute-Sainte, que personne n’a jamais narrée et pour cause : elle devait rester un mystère unique, immense et fondamental.
JE PENSE QUE LE DOGME KTO DE L’ASSOMPTION DOIT ÊTRE CONDAMNÉ PARCE QU’IL FAIT APPEL À LA RAISON ET À L’IMAGINATION HUMAINES ET PAR LÀ, IL EST RÉDUCTEUR, COMME L’EST OBLIGATOIREMENT TOUTE PENSÉE HUMAINE SUR LA PREMIÈRE CRÉATURE DÉIFIÉE.
Les pères ne disent-ils pas que même dans l’Écriture sainte, il existe des choses que nous ne comprendrons qu’après notre mort ?
Pour la part de la Toute-Sainte dans notre Rédemption, nous demandons bien dans nos prières le long de nombreux offices : TOUTE SAINTE ENFANTRICE DE DIEU, SAUVE-NOUS ! C’est d’elle, de sa disposition, de sa réponse que dépendait notre salut. Sans elle, Dieu n’aurait pu S’incarner. C’est clair.
Là non plus, “on n’a pas besoin de DÉMONSTRATION, mais de FOI”, comme disent les pères, qui, bien sûr, étaient tous des obscurantistes incohérents, qui étouffaient la pensée, n’est-ce pas, Antoine ?
Excusez-moi, je vous embête, mais je ne peux pas oublier ce que vous aviez dit et réitéré plusieurs fois à propos de l’Église.
Quant à moi, je préfère chanter et rechanter les paroles lumineuses et si harmonieuses de l’Église, que d’essayer de dire quoi que ce soit de mon propre cru au sujet de la Toute-Sainte.
Et c’est en cette vue que, fauchée que j'étais, j’ai acheté quand-même le beau volume du THÉOTOKARION de Nicodème l’Hagiorite lors de mon dernier passage dans le quartier de Saint-Sulpice, le lundi 10/23 juin dernier. Quel trésor !
IL N’Y A, ET IL NE PEUT Y AVOIR AUCUNE INCOHÉRENCE DANS LA FOI ORTHODOXE — FOI DIVINE — AUCUNE CONTRADICTION : C’EST JUSTEMENT CE QUI LA DISTINGUE DES “RELIGIONS” : les contradictions et les incohérences sont toujours créées par l’esprit rationaliste, qui veut, en transformant les mystères en concepts, tout rendre compréhensible à notre pauvre cerveau d’hommes déchus.
C’est ce même esprit rationaliste qui a toujours engendré les hérésies, opinions humaines contraires à la Vérité révélée. Que les hérétiques le gardent pour eux, s’ils le veulent, mais que les orthodoxes s’en gardent !
“Un Dieu compréhensible ne serait pas Dieu” — dit saint Athanase.
En effet, accessible à notre intelligence humaine, Il nous serait forcément égal ou inférieur. Et je dirais la même chose de la Toute-Sainte !
Ou, comme dit Éliazar, avec raison, au sujet de la Vierge obéissante à la foi : “Dieu ! si nous pouvions en arriver là, au lieu de « travailler pour », au lieu d’ « avoir » des idées, de « faire » des analyses nouvelles, bien à nous ! Alors, en effet, nous SERIONS DES THÉOLOGIENS – au sens orthodoxe : « Celui qui est théologien est celui qui prie – et celui qui prie est théologien »…
Merci, Éliazar. Le vrai sens du mot “théologien” n’est pas, en effet, “celui qui parle de Dieu”, mais “qui dialogue avec Dieu”.
Et Saint Diadoque de Photicé, un de mes pères préférés, (il ne se fâche jamais en face du mensonge et de l’erreur, mais se contente de nous bercer avec douceur dans la vérité) :
“L'abîme de la foi bouillonne, si on le scrute; contemplé avec des dispositions simples, il revient au calme. C'est qu'étant une eau d'oubli des maux, la profondeur de la foi ne supporte pas d'être contemplée par d'indiscrets raisonnements. Naviguons donc sur ses eaux avec simplicité de pensée, afin d'arriver ainsi jusqu'au port de la Volonté divine.”
Bonne fête de la Décollation de saint Jean à tous.
Tiens, cette décollation ne symboliserait-elle pas aussi le sacrifice de notre pensée ?
Excusez ces longueurs.
K.