Traduction des offices en Français

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Olia
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Message par Olia »

Vous ne risquez pas de me choquer ainsi, Eliazar :-)

Le latin est évocateur de quelque chose de sacré pour certains, surtout pour les personnes un peu plus âgées que moi, mais pour un très grand nombre d'autres (les "jeunes générations") :D il évoque les "Visiteurs" ; tous les termes latins ou dérivés du latin ne sont pas beaux du point de vue de nos contemporains ("Mercator", "Terminator", "Communicator"...)

Je parle du slavon oui - il est compréhensible pour les Russes ou assez facilement assimilable pour ceux d'entre eux qui lisent un peu les textes liturgiques ou fréquentent depuis quelque temps les offices, je l'ai facilement appris sans faire partie des "vieilles générations" dont vous êtes plus proche, quand même. Le slavon est pratiquement incompréhensible pour certains Français d'origine russe, certes. Mais si vous n'aimez pas le slavon ou y voyez un problème, essayer de critiquer ceux des Grecs (en Occident) qui tiennent à leur langue liturgique, vous verrez.

D'ailleurs le véritable sujet de la rubrique est la traduction en français, qui n'est pas si avancée en ce qui concerne les prières et les offices...
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Ceci est mon dernier message jusqu'au 14 septembre, pour cause de départ pour un long voyage dès demain.

Olia, puisque vous êtes tellement attachée au slavon, vous êtes plus apte à comprendre que les francophones puissent être attachés à leur héritage latin. Je ne saisis pas pourquoi vous évoquez dans vos messages un mot "Théopare" que personne n'a proposé sur ce forum, et qui serait une aberration sémantique - comme l'est d'ailleurs "télévision" - en unissant un premier terme grec et un second terme latin.
Le mot latin est Deipare et le mot grec est Théotokos. Je n'ai jamais entendu parler d'une combinaison helléno-latine "Théopare". Mais je n'ai pas la science philologique de Catherine.

Jean-Louis Palierne (dont j'apprends par le message précédent d'Eliazar qu'il est moine - mille excuses, je ne le savais pas- ) a parlé dans un de ses messages d'une forme "Deipara" dans l'office tridentin. Il me semble que, dans Deipara, la marque du féminin est évidente, les terminaisons en -a ou en -ine évoquant assez naturellement le féminin pour un francophone.


Elle est d'ailleurs aussi évidente dans Deigenitrix, qui rappelle des mots latins comme unctrix, ornatrix, etc., tous du féminin, et évoque naturellement le roman de Mauriac. De même que le titre du film Matrix évoque pour tout francophone une matrice. D'accord, Vercingétorix et Astérix sont masculins, mais ils sont gaulois, point latins.

Cependant il me semble que "Génitrice de Dieu" sonne mieux.
Olia
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Message par Olia »

J'ai mentionné le "Théopare" non pas parce qu'il s'agit d'une "aberration sémantique" comme le dit Claude, mais parce qu'il a été évoqué par un des participants et que je n'étais pas d'accord ; la propostion est défendue par Jean-Louis, tant que je sache.

Quant à l'héritage latin, il serait parfaitement compréhensible que les Français y soient attachés mais ils ne le sont pas tous... + Tous les termes latins ne sont pas perçus de la même façon par tous les Français même chrétiens orthodoxes.
Catherine
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Pardonnez mon impudence

Message par Catherine »

Chère Olia,
Je me rappelle que nous avons déjà parlé ensemble sur l’autre Forum du fait que la spiritualité d’un pays imprègne sa culture, la mentalité du peuple et donc sa langue s’en enrichit forcément.
Le fait est que la France n’étant plus orthodoxe depuis mille ans environ, la culture, les mentalités et la langue ont eu le temps de se développer dans un sens défavorable à l’orthodoxie.
De ce fait, on est obligé de recourir à des néologismes, qui n’égaleront jamais à la fois la richesse, la beauté poétique ou l’exactitude des langues comme le grec et le russe, langues qui véhiculent l’orthodoxie depuis longtemps.
Je suis sûre cependant que pour les Slaves néophytes du Xe s., certains termes fraîchement traduits du grec devaient paraître aussi étranges. Mais l’esprit orthodoxe se répandant ensuite, ces mots sont entrés dans l’usage normal de la langue.
Le problème est épineux en effet, et la patience (ou “nonchalance” ?) de certains orthodoxes (accusés ici à tort de se croire infaillibles et refusant de penser !) en face d’un terme français imprécis ou maladroit s’explique aussi par le fait que, dans leur orgueil effréné, ils ne se jugent pas à même d’en imposer un autre de leur propre cru, mais en acceptent volontiers un qui soit venu d’ailleurs, qu’ils savent imparfait. PROVISOIREMENT.
Et ce en attendant que Dieu inspire à quelqu’un un terme adéquat, ou jusqu’à ce que l’orthodoxie imprègne tant soit peu les mentalités et que la langue s’y adapte. (C’est un peu comme le concile pan-orthodoxe, on peut l’attendre longtemps). :wink:
Ils sont, certes, favorables à trouver l’équivalent exact du grec, langue du peuple qui leur a enseigné l’orthodoxie, et souhaitent la “naturalisation” possible d’un nouveau terme un français.
Ils ont choisi par exemple, à leur corps défendant, de nommer la Theotokos “Enfantrice de Dieu”, parce que c’est plus authentiquement français, donc plus compréhensible pour le commun des mortels que “Deipare”, qui évoque en effet des termes scientifiques, mais qui n’en est pas moins exact et est moins lourd. Ce qui n’empêche pas que lors de la traduction des chants liturgiques, tous les deux posent des problèmes prosodiques et autres.
Il me semble cependant plus facile de chanter “Enfantrice de Dieu” que “Deipare” sur, disons, 8 syllabes musicales ou plus, comme cela arrive dans le genre “papadique” de la psaltique. Sans parler du fait que pour la psaltique, il faut des mots toniques, virils (problème très ardu pour une langue comme le français !) sinon, le chant perd sa vigueur, la psaltique étant un chant efféminé, qui est bien équilibré par la langue virile et tonique qu’est le grec.
Il y a d’autres termes qui ne sont pas traduits ou qui le sont mal.
Il y a des orthodoxes qui persistent à dire Theotokos et tout le monde le comprend dans les milieux orthodoxes. Mais pour les gens d’extérieur, cela demande déjà de la catéchèse.
Kénose, kérygme etc. sont aussi en usage chez beaucoup. Le premier, comme le terme “Théotokos”, véhicule un enseignement important et devrait être traduit, mais c’est également très difficile. Comment appeler l’acte par lequel le Christ s’est “vidé” pour ainsi dire de sa toute-puissance divine pour se soumettre à la condition mortelle ? Kérygme peut être dit “prédication”, sans problème, je crois.

Autrement, quelques remarques à Olia : “Théogénitor” n’est pas latin, mais grec, “Théopare” est un barbarisme mi-grec mi-latin et je crois que personne ne l’a proposé, “Mère de Dieu” n’est pas inexact, puisque celle qui a enfanté Dieu était aussi sa mère et le terme existe, mais il est moins porteur de théologie, puisqu’une mère peut être seulement mère nourricière, comme saint Joseph est appelé aussi père de Jésus dans l’évangile, alors qu’il n’était pas son vrai père, tandis que celle qui L'a enfanté ne peut être que sa vraie Mère.
Et à Éliazar : merci pour votre très joli post, venant du cœur de quelqu’un qui sait faire savourer la langue française à l’étrangère que je suis. Je ne proposerais pas Deigénitrix pour Génitrice de Dieu (à la rigueur Deigénitrice, non ? — je n'en sais rien), mais de toute façon, ce n’est pas l’équivalent de Théotokos, mais de “Théogénitor”.
Par ailleurs, si vous percevez de l’agressivité chez moi, pardonnez-moi : cela vient peut-être du fait que nous sommes trop souvent obligés d’être sur la défensive.
Je n’ai jamais dit que nos évêques ou prêtres ne se trompaient jamais, mais qu’ils gardent tous fidèlement et strictement la Tradition orthodoxe, ont un grand courage, beaucoup d’humilité et une grande rectitude morale, ce qui nous remplit de confiance à leur égard. Je n'y peux rien, aucun ne m'a jamais déçue.
Quant à moi, je vous ai déjà dit que je n’étais sur ce Forum que par pure vanité.
K.
Olia
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Message par Olia »

Je suis d'accord avec vous sur bon nombre de points, Catherine. Pourtant, je ne crois pas que le cas du slavon soit en tout analogue à celui du latin, loin de là - le slavon était fondé sur la langue vivante de l'époque et a subi une évolution. La structure grammaticale du russe est certes différente de celle du slavon, mais les deux langues sont de structure dite synthétique (!) et le lien qui les unit est organique, le slavon a profondément marqué la langue russe, et ce jusqu'à nos jours (dans les milieux chrétiens orthodoxes surtout mais pas uniquement), alors que le français est une langue analytique (ce n’est pas le cas du latin…)

d'où les termes tels que "Enfantrice de Dieu", que je préfère de loin aux divers "-pare" synthétiques, et ce pour des raisons liturgiques : chant, psalmodie ; sans oublier la prière personnelle, y compris la prière spontanée, l’association à établir avec les icônes de la Toute-Sainte…. La concision de certains termes dit latins ressemble en ces circonstances, à de la lourdeur.
Certains termes latins sont très beaux mais les Français ont été (paradoxalement ?) en grande partie coupés de l'héritage de la langue latine. Les Français néophytes orthodoxes y compris.
Aujourd’hui, si l’on se penche sur la problématique du latin - ce n'est pas la langue maternelle des Français alors que le slavon - même celui de l'Eglise - était fondamentalement la langue native de nos (mes) ancêtres (Leurs descendants, moi y compris, ont continué à prier dans cette langue, qui a évolué, a été "ajustée", etc. Le peuple russe a évolué en restant + ou - en contact avec cette langue… Certains la comprennent très bien, d'autres beaucoup moins mais c'est un autre problème ; la mauvaise - pour ne pas dire épouvantable - diction des lecteurs russes et le bruit dans les églises bondées y sont pour beaucoup ! Mais laissons au slavon ce qui est au slavon…). Vous pourrez dire bien sûr que la latin a été parlé par les ancêtres de la majorité des Français… Oui mais cette époque est plus éloignée que celle de la naissance du slavon d’Eglise, et ce qui est bien plus important, c’est que nous essayons de comprendre comment employer les termes latins ou dérivés du latin dans un contexte chrétien orthodoxe… dont l’héritage est en grande partie « oriental ».

Quant aux termes "Théopare" et Théogénitor", je crois bien que c'est Jean-Louis qui m'a un jour parlé de "Théopare" et il y était favorable. Je ne pense pas que ce soit une "aberration sémantique" mais plutôt une construction hétérogène (greco-latine :-) ? ) d’un point de vue étymologique, plutôt bizarre phonétiquement. L'aspect phonétique (le son, la consonance) et les associations (vivi- ovi-pare etc.) ne sont pas à négliger, d’autant plus que les associations dites mentales sont très souvent affectives, émotionnelles. Comme je n’étais pas du tout d’accord avec cette proposition, je me suis permis d’en parler spontanément. Mais en principe je ne suis pas du tout contre les néologismes !

Théogénitor ? Je n'avais jamais dit que c'était du latin. J'en ai fait un peu à l’université ; tant que je me souvienne, la racine "theo-" a été empruntée au grec (Mes séjours en Grèce ne sont pas sans me le rappeler. J'espère y aller bientôt d’ailleurs). Mais le terme me rappelle les « Mercator », « Communicator » et « Terminator » tristounets du monde contemporain… donc je préfère déjà le « Deigenitrix », à mon sens plus poétique, un peu mystérieux... (presque mystériel ?) :D
Catherine
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Philologie

Message par Catherine »

3 pages déjà ! Et ça risque de continuer… J'espère que tout le monde va bien, mais je me demande s'il ne faudrait pas clore le débat bientôt, sachant que… "la philologie mène au pire".
K.
Antoine
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Message par Antoine »

Olia cela fait plusieurs fois que vous attribuez le terme de "theopare" à Jean-Louis Palierne. Claude vous a déjà répondu.

Or Jean-Louis Palierne a Posté le: Dim 17 Aoû 2003 21:34 le propos suivant:
En ce qui concerne une autre question de terminologie, je pense que l’Église orthodoxe devrait également imposer l’usage du terme “Déipare” pour traduire le terme “Theotokos”, ou plus exactement qu’elle devrait réintroduire ce terme.
Cependant j’ai vu sur Internet des orthodoxes italiens utiliser le terme “Deipara”. En français, le terme a été utilisé par Paul Claudel. (Ne le trouve-t-on pas aussi chez Pascal ? J’ai perdu les Pensées...)
Or vous insistez encore:
Olia Posté le: Lun 18 Aoû 2003 17:55
J'ai mentionné le "Théopare" non pas parce qu'il s'agit d'une "aberration sémantique" comme le dit Claude, mais parce qu'il a été évoqué par un des participants et que je n'étais pas d'accord; la propostion est défendue par Jean-Louis, tant que je sache.
Pourriez vous respecter s'il vout plaît ce que Jean-Louis Palierne a réellement écrit Merci.

Quant à la façon étrange dont ce terme pourrait sonner aux oreilles des fidèles, il a déjà répondu par avance:
Bien que très rare il appartient donc bien à notre héritage. S’il étonne un peu, c’est surtout parce que le suffixe “-pare” n’est plus utilisé à l’heure actuelle que dans des termes scientifixes (“les vertébrés ovipares”) ou médicaux (“les naissances multipares”). Mais je suis persuadé que si l’Église l’adopte, l”utilise et le répand, il s’acclimatera facilement.
Olia
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Message par Olia »

Cher Antoine,

Jean-Louis m'a un jour parlé du terme "Théopare" et son avis à son sujet était très favorable. Ce n'était pas hier en 2003 mais c'était il n'y a pas très longtemps. Je me suis permis d'en parler spontanément ; je n'ai jamais dit que Jean-Louis en était l'auteur, je n'en sais rien ! Et les divergences d'opinion n'expriment pas dans ce cas un manque de respect ; il y a donc erreur... Ce n'était qu'un exemple et un cas concret.
eliazar
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Traductions en français

Message par eliazar »

Chère Katherine,

En tant qu’ancien psalte, je suis gêné quand vous qualifiez le chant psaltique d’efféminé dans votre message d’hier :
« Sans parler du fait que pour la psaltique, il faut des mots toniques, virils (problème très ardu pour une langue comme le français !) sinon, le chant perd sa vigueur, la psaltique étant un chant efféminé, qui est bien équilibré par la langue virile et tonique qu’est le grec. »
Psaltique en général, et style papadique en particulier, ne sont pas plus efféminés que le très beau chant dit « grégorien » chez les Latins. Ce sont des styles musicaux sacrés, que leurs créateurs ont souhaité rendre aussi lyriques et aussi « angéliques » ( dans le sens de « incorporel ») qu’il leur était donné de le faire, n’étant jamais que des hommes, et des musiciens.

Efféminé s’emploie généralement pour ce qui était viril à l’origine, et qui a été perverti en copie, ou en caricature, du caractère féminin.
La musique n’est pas plus virile que féminine. Elle sort plus ou moins spontanément du cœur de celui qui la crée, et par exemple lorsque j’écoute du Debussy ou du Scriabine, je ne me soucie aucunement de savoir s’ils étaient homosexuels ou pas : leur œuvre exprime leur âme profonde, pas un désir malsain de « faire semblant d’être femme » quand on ne l’est pas.

J’ajoute qu’à mon avis, on reconnaît aisément dans le style papadique (qui exaspère certains et que pour ma part j’aime infiniment) le propre de tous les improvisateurs vocaux : une tendance à faire couler la mélodie comme d’une source abondante sans plus se préoccuper du mot précis (ou du nom, ou de la personne, ou de l’idée, etc…) qui avait au départ réveillé leur lyrisme.
Il est en ceci le frère des mélismes grégoriens, du cante jondo andalou, des saetas que les hommes du peuple improvisent au passage de la statue de la « Macarena » à Séville pendant la Sremaine Sainte, etc etc.

Bien amicalement,
Éliazar
eliazar
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Traductions en fançais

Message par eliazar »

Chère Olia,
Vous écrivez que :
« La concision de certains termes dit latins ressemble en ces circonstances, à de la lourdeur. Certains termes latins sont très beaux mais les Français ont été (paradoxalement ?) en grande partie coupés de l'héritage de la langue latine. Les Français néophytes orthodoxes y compris. »
Peut-être faites-vous la même erreur que précédemment à propos des générations anciennes et de la jeunesse actuelle (je parle de l’héritage du latin, bien sûr), et ce, parce que vous confondez le français (la langue) avec le Français (le citoyen).

Bien sûr, dans le Nord, l’Est ou l’ouest (breton) de la France, les éléments germaniques (Franks) ou celtiques font encore un peu barrière, dans le subconscient des locuteurs, à la véritable langue franco-provençale d’origine, elle-même dérivée du latin ET DU GREC (en Provence surtout).

Mais les citoyens français de la plus grande moitié du pays ont un usage du français qui ne s’est jamais totalement séparé du latin ancestral – parce que presque partout, ils parlent encore ou au moins (comme moi) comprennent en général leur langue provençale.

Sinon le provençal académique « restitué » par Mistral (à partir du parler rhodanien), mais celui de leur contrée d’attaches : le gascon, ici où je vis maintenant, le béarnais à côté, le limousin ailleurs, ou l’auvergnat, ou l’ardéchois, ou le languedocien, ou le marseillais, ou le niçois, ou le « patois gavot » dans les montagnes – et même le catalan-nord, celui du Roussillon français, qui est un très proche cousin de l’ancien provençal des troubadours.

Dans toute cette grande moitié de la France, il n’y a jamais eu besoin d’avoir fait des études pour comprendre la plus grande partie d’une phrase de latin « d’église ».

Quant à la difficulté pour un Grec moderne de comprendre le grec de l’Évangile, j’en ai déjà parlé ailleurs. Et je me garderais bien de comparer avec ce slavon dont vous me dites que les Russes d’aujourd’hui le comprennent, car je ne connais ni l’un ni l’autre – et ne suis jamais arrivé à chanter correctement les tropaires en slavon. C’est effectivement une langue totalement étrangère. Et si tant de Français (du Nord : ceux que nous appelons des « franchimans ») préfèrent le chant d’ »église russe au grec, cela provient essentiellement de l’italianisation qu’a subi la musique, chantée à quatre voix dans un style finalement assez proche de celui des chœurs d’un Guiseppe Verdi.

Mais ceci est une toute autre histoire et ne touche pas aux problèmes de la traduction, en effet.

Éliazar
Catherine
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Psaltique

Message par Catherine »

Cher Éliazar, qu'est-ce qui vous gêne ?
Qualifier la psaltique d'"efféminée" ne vient pas de moi, mais d'un (ou même de plusieurs) spécialistes, que je ne peux pas vous citer maintenant, ayant prêté le livre qui contenait l'expression et ne me rappelant pas le nom des auteurs.
Mais je trouve l'expression très juste; en revanche, je ne saurais pas vous l'expliquer, je le SENS simplement. Je le sens, entre autres, par rapport à la musique folklorique grecque, que je qualifierais de plus virile.
Et je sens, quand j'entends chanter du chant byzantin en grec, un équilibre angélique, en effet, entre la mélodie et la langue; quand je l'entends en français, c'est déjà un peu plus mou, sans doute à cause du manque d'accent tonique dans la langue et probablement d'autres facteurs linguistiques aussi.
On ne parle pas ici du sexe des anges, évidemment, ni de transsexuels, et de grâce, n'en faisons pas maintenant une rubrique spéciale sur la sexualité dans l'orthodoxie !!!!
J'en ai parlé en passant, sans vouloir entrer dans le détail, pour expliquer les difficultés de traduction, c'est tout.
Par ailleurs, j'ai vérifié dans le dictionnaire : "efféminé" veut bien dire simplement "ayant un caractère féminin", et non "devenu féminin", même si le verbe "efféminer" vient du latin……… enfin, passons… comme je l'ai déjà dit : "…la philologie mène au pire", .
Bonne fête de la Transfiguration !
En toute amitié et paix en Christ,
K.
Olia
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Message par Olia »

Bonne Fête Catherine.

La confusion n'est pas dans mon jugement - c'est vous qui avez inventée cette confusion quant aux Français et au français", voyez ce que vous dites :

"les citoyens français de la plus grande moitié du pays ont un usage du français qui ne s’est jamais totalement séparé du latin"

la langue française ne peut être totalement "séparée" du latin c'est une évidence, car elle est dérivée du latin dit "vulgaire"... donc on peut toujours affirmer, même sans certitude aucun que l'"usage" ne s'est pas totalement séparé du latin... totalement, peut-être pas, mais en grande partie, assurément. Sinon la séparation exprimerait en quoi ?

J’ai eu l’occasion d’entrevoir la perception des termes latins (et non pas dérivés du latin !) par des orthodoxes français qui ont peu étudié le latin. Les cas sont très vite oubliés et sont perçus comme un élément étranger (…), le lexique est souvent considéré comme qch qui a aurait une saveur presque exotique.

Beaucoup de Français ont de nombreux problèmes de compréhension - essayez les psaumes en latin, pour certains Français ce n'est pas si évident…

Cependant, je ne nie pas la valeur, ou le potentiel du latin ; pourtant il y a une difficulté, c'est que la langue française d'un point de vue terminologique, emploie des termes majoritairement d'origine latine mais qui ne sont plus des mots latins en tant que tels !

Je me répète - le problème qui se pose réellement à l'heure actuelle, est celle d'un langage théologique/liturgique français et non latin - qui pourrait contenir des termes latins ou dérivés du latin certes, mais dans l'ensemble, il ne s'agit point de la langue latine !

Une fois de plus - le génie de la langue slavonne est fondé en partie sur le fait que le slavon d'Eglise était essentiellement basé sur la langue vivante de l'époque ; par la suite, il a évolué un peu mais c'est surtout le peuple russe (en l'occurrence) qui est resté en contact avec le slavon. Une fois de plus, certains le comprennent très bien, d'autres moins, il y a ceux qui le comprennent mal par manque de connaissance et d'habitude - et en très grande partie, à cause de la mauvaise diction des lecteurs et du bruit. Je ne fais pas partie des "vieilles" génération et je l'ai appris en fréquentant les offices. Les différences par rapport au russe sont réelles mais au cours des siècles, la langue russe a été bien plus influencée par le slavon que la langue française, par le latin. Le slavon et le russe sont des langues synthétiques (alors que le français a une structure profondément différente de celle du latin).

Le plus amusant, c'est que de nombreux termes empruntés au slavon ne sont même par perçus comme tels... Les Russes pensent très souvent qu'il s'agit de termes russes à proprement parler tellement la morphologie leur est familière etc. Mais laissons au slavon ce qui est au slavon (je crois qu'il vous dérange...), ces avantages et difficultés etc. Le problème, ce n’est pas le fait que vous voudriez critiquer la langue ou la langage liturgique de votre prochain grec ou russe, le problème, c’est la question du français en tant que langue liturgique.

Ce que je tente de faire comprendre sur ce Forum (entre autres), c'est qu'un "Deigenitrix", aussi beau soit-il, ne passera pas aussi souvent "inaperçu" en tant qu'emprunt comme si c'était un "Bogoroditsa" ou des mots comme "stranitsa" ("page"), "iskoushenie" (tentation/épreuve), ou "Gospodi" (vocatif de "Seigneur"...) en Russie - je peux vous assurer que « Deigenitrix » ne sera pas forcément compris par le commun des orthodoxes français ; je sais que cela n'interdit pas son usage mais c'est un élément à prendre en compte. Dans un tel cas, nous partons « à zéro » d’un terme directement emprunté ou créé à partir d’une « langue morte » alors que le grec et le slavon étaient partis à l’origine de langues vivantes. Leur cheminement était bien différent.

Il faudrait oublier les moulins à vent grecs ou slavons mais utiliser ces exemples pour travailler sur un vocabulaire français théologique et surtout, liturgique. Ce dernier devrait posséder une beauté et un naturel dignes de la langue française.
[/u]
Catherine
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??????

Message par Catherine »

Chère Olia, vous vous êtes trompée d'interlocuteur, peut-être. Ne serait-ce pas à Éliazar que s'adresse votre post ?
Corrigez, s.v.p.
K.
Olia
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Message par Olia »

Oui Catherine, et excusez-moi, j'aurais dû écrire - "à Eliazar" avant de rentrer dans la polémique. :)
Jean-Louis Palierne
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Traductions et Musique byzantine

Message par Jean-Louis Palierne »

• Je ne crois pas avoir jamais parlé du mot “Théopare”, mais je ne qualifierai pas automatiquement les combinaisons hybrides latin-grec d’“aberrations”, elles sont parfois utiles, mais ici cela n’arrange rien, car cet autre néologisme n’atténue pas la petite étrangeté du terme “Déipare”.

• Petite remarque à l’usage du lecteur Claude (lorsqu’il pourra la lire): le terme latin “Deipara” se trouve dans les hymnes mariales les plus anciennes de l’Office des heures latin, mais il ne s’agit pas de la Liturgie tridentine, du XVIe siècle, il s’agit des textes les plus anciens de la liturgie latine, et le terme avait probablement été fabriqué peu après le concile oecuménique d’Éphèse, donc mille ans plus tôt.

• Il est bien évident que la structure interne de la langue française est analytique, alors que celle du latin est synthétique. C’était là la grande difficulté que devaient jadis surmonter les lycéens au début de l’enseignement secondaire, mais c’est aussi ce qui leur permettait d’acquérir un autre mode d’expression, et donc d’enrichir leur équipement intellectuel et logique. Tout cela est bien loin, et je me sens l’un des derniers dinosaures.

Mais je crois que le français reste une langue belle et noble qui est capable -- de nombreux exemples de notre littérature le prouvent, -- d’exprimer beaucoup de choses qui lui étaient cependant inhabituelles. Certes la culture de notre pays a été influencée par des notions tordues inculquées par le papisme, mais ce n’est pas si irrémédiable, et un long travail permettra certainement à notre langue et à notre culture de revenir aux sources, car cette langue et cette culture sont restées capables d’une grande créativité. La suffisance d’une certaine intelligentsia parisienne, asservie aux “sciences humaines” et obsédée par le besoin de détruire les traditions et les racines chrétiennes, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

Par exemple je m’efforce le plus possible, quand je traduis des textes orthodoxes, d’éviter d’utiliser le terme “sacrements” et de parler de Mytères. Le premier est en effet un terme-clé de l’idéologie papiste catholique-romaine, qui pense à ces “sacrements”, fruits des pouvoirs conférés aux prêtres, avant de penser à l’Église, et définit le salut des hommes comme le résultat de l’administration légitime de ces fameux “sacrements”, qui sont alors des actes automatiques, uni-fonctionnels. Ils sont “administrés” par des prêtres qui ont les pouvoirs nécessaires (et qui parfois peuvent en mésuser, et qui parfois aussi ne sont que des “vagantes”). Pour l’Orthodoxie c’est l’Église, corps du Christ, qui répand la grâce par ses Mystères, dont le nombre est infini. et les sacrements conférés par les schismatiques ne donnent pas cette grâce, mais l’Église peut y suppléer a posteriori, car elle peut considérer qu’elle doit respecter et compléter un geste qui a été vide, mais exact.

La différence de conception est si profonde que l’Église catholique ne cesse de supplier l’Église orthodoxe de “reconnaître” son baptême. Un moyen de marquer la différence (je ne prétends pas que ce soit le seul moyen utilisable) est d’utiliser le plus systématiquement possible, à la place du mot “sacrement” le mot “Mystère” (dans ce cas je lui mets une majuscule) et de parler de réalités “mystériques” (encore un néologisme !). Ce n’est pas toujours aisé, et il est de plus parfois utile d’indiquer le mot (sacrements) entre parenthèses.

Mais il reste vrai que le caractère analytique du français oblige parfois à d’autres contorsions. Pour la “kénôse”, effectivement je me sens obligé d’employer une phrase complète: “s’épuiser de soi-même”, quitte à compléter en indiquant là aussi de temps en temps le terme (kénôse) entre parenthèses.

Il faut donc faire preuve d’inventivité et de créativité littéraire, et c’est à ce prix que l’on pourra mettre à la portée du public francophone la littérature et l’enseignement de l’Église orthodoxe.

• Si je propose de réutiliser le terme de Déipare à notre époque, ce n’est pas tant par goût de l’atmosphère latine-gallicane, c’est surtout parce que ce sont nos Pères dans la foi qui l’ont créé pour appliquer, en bons orthodoxes qu’ils étaient, des décisions capitales d’un concile oecuménique, et aussi parce que ce terme est pédagogiquement explicable aux Français, le premier étonnement passé.

Il n’y a pas que trois termes pour désigner la Mère de Dieu, il y en a dix mille, ou même trente mille. L’hymnographie des Ménées et de l’Octoèchos est immensément riche lorsqu’il s’agit de la qualifier. L’Hymne acathiste répète inlassablement “Réjouis-toi, Épouse inépousée !” et son Kontakion -- dont les Byzantins avaient fait un peu comme leur hymne national, -- débute par cette appellation pour nous si étonnante:

“Au chef victorieux de nos armées, adressons les chants de triomphe”...

Mais le terme Théotokos occupe une place très particulière et tout à fait centrale pour la foi orthodoxe. Il a été forgé par les Pères du concile d’Éphèse pour affirmer que le Verbe et Fils unique de Dieu, le créateur du genre humain, a eu besoin de la collaboration d’une femme pour devenir parmi nous un membre de ce même genre, nous permettant ainsi de participer par la Grâce à l’unique Divinité, non seulement en tant que fils adoptifs mais comme co-héritiers avec l’Unique engendré.

C’est pourquoi le néologisme “Théotokos” du concile d’Éphèse joue un rôle central pour notre foi, tout autant que le néologisme "homoousion" qui avait été créé par le concile de Nicée. C’est pourquoi aussi il est nécessaire de lui créer un équivalent exact dans chaque langue dans laquelle l’Orthodoxie est traduite, comme l’ont fait les Pères latins en créant le terme “Déipara” et comme plus tard devaient le faire les Pères de l’Orthodoxie slave:, Cyrille et Méthode, en créant l’équivalent “Bogoroditsa”.

• Je suis bien conscient qu’il est parfois difficile d’adapter la prosodie du français sur la musique byzantine, mais en général on peut y arriver. Je m’afflige de ce qu’on nous propose maintenant de chanter la musique byzantine sans faire l’effort d’adaptation nécessaire, ni sur la musique byzantine, ni sur les traductions utilisées. Si l’on ne prend pas un bon départ, on trainera ce boulet pendant longtemps. C’est alors qu’on devra chanter des mièvreries efféminées ! Mais il est en général parfaitement possible de faire l’adaptation nécessaire tant de la mélodie byzantine que de la traduction française. Maiis il est certain que dans cette hypothèse, l’emploi du terme “Déipare” ne faciliterait pas la solution des problèmes de prosodie.

De même donc qu’il faut traduire l’Orthodoxie en français, et pour cela créer un lengage théologique -- la puissance du français le permet, -- de même il faut adapter cette traduction à la musique byzantine.

La gêne que ressentent les Français orthodoxes en entendant les textes liturgiques chantés sur les mélodies byzantines vient non pas d’une faiblesse de notre langue, qui aurait du mal à exprimer une signification spirituelle, mais de la très mauvaise méthode qui a présidé au placement des paroles françaises sur les notes byzantines. On s’est contenté de prendre les traductions telles qu’elles existent couramment à l’heure actuelle et de les poser telles quelles sur les notes byzantines. Il est cependant facile la plupart des temps de modifier l’ordre des mots d’un texte français pour préparer une adaptation de la prosodie à la musique byzantine. Bien souvent également on peut ajouter ou modifier ou déplacer dans la trduction quelques mots peu significatifs dans un texte pour favoriser cette prosodie.

Je prétends par exemple que le texte suivant pour le tropaire de la Résurrection est parfaitement chantable en français sur la mélodie byzantine:

“Le Christ a ressuscité d’entre les morts,
Par la mort, il a écrasé la mort,
À ceux qui gisaient dans les tombeaux
Il a fait don de la vie.”

Mais l’on veut s’en tenir à placer sur la musique byzantine les mots d’une traduction qui a été faite antérieurement (et le plus souvent c’était dans le cadre d’une Église uniate) sans tenir compte de cette musique, on obtient une mauvaise adaptation.

Reste au moins un cas où cette adaption réciproque semble impossible. C’est le Trisagion de la Liturgie, pour lequel la musique byzantine place sur les syllabes grecques (déjà bien plus nombreuses qu’en français) des mélismes assez développés, qu’il est tout à fait impossible de chanter sur les trois coups de cymbales du texte français. À moins que quelqu’un soit capable un jour de créer une mélodie nouvelle pour le français (je ne prétends pas en être capable), je crois qu’il faudra chanter le Trisagion en grec (ce qu’il n’y a d’ailleurs pas lieu de regretter).

Mais il faur redire et souligner que les principes utilisés actuellement pour le chant byzantin en français, sans respecter le rythme propre de notre langue, conduisent nécessairement à une impasse, et que cette erreur risque de peser lourdement et longuement sur le développement de l’Orthodoxie dans les régions francophones.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
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