Traduction des offices en Français

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Catherine
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Message par Catherine »

Merci Jean-Louis. Je ne suis pas entièrement d'accord avec tout ce que vous dites, mais comme vous le voulez, cela m’est complètement égal.
Chers tous,
Autant de personnes, autant d’opinions et on peut les varier à l’infini. Je pourrais encore écrire moi-même plein de choses « intéressantes » sur la question, mais en quoi cela nous avancerait ?
De toute façon, épreuve et tentation ont un sens très proche. Et ce n’est pas tant les mots qui comptent, mais leur sens. Et aucun de nous n’a expliqué ce que nous demandons exactement dans ce passage de la prière dominicale. Ce n’est sûrement pas de ne pas subir des épreuves et des tentations, vu que tout chrétien authentique doit y être constamment confronté. Il y a probablement une explication patristique, que j’aimerais bien lire.
Mais même si le mot français est imprécis ou si je ne comprends pas exactement ce que je demande dans cette prière, Dieu le sait. Et du moment que je prie avec attention et piété, Il m’écoute et je suis en communion avec Lui.
En revanche, je peux avoir le mot exact et en comprendre intellectuellement le sens, cela ne sert à rien si pendant ma prière, mon cœur ne cherche pas la communion avec Lui, mais est agité par d’autres soucis, serait-ce celui, par ailleurs louable, de la traduction exacte d’une prière.
Du moins, c'est ce que j'ai appris chez les matthéistes.
K.
Antoine
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Message par Antoine »

Jean-louis, vous écrivez:
Mais les Grecs ont fini par s’apercevoir et réussi à faire remarquer aux Latins que leur “sub-stantia”” désignait une réalité sans forme propre que se partagent des individus différents, alors que pour eux Grecs l’”hypo-stasis” désignait chaque sujet porteur de la réalité commune. Trois Hypostases communient donc dans une Divinité commune, ce qui s’exprime par l’usage du terme “homo-ousion” (c’est le seul mot que le Symbole n’ait pas emprunté à l’Écriture sainte). C’est donc ce néologisme que les Latins ont dû traduire par “con-substantiel”, ce qui leur interdisait de traduire “hypo-stase” par “sub-stantia”, malgré l’étymologie. (Quelqu’un peut-il m’indiquer les références que j’ai perdues de cette discussion entre Grecs et Latins sur la traduction du grec “hypostasis” ?).
Tout d’abord en ce qui concerne cette discussion entre latins et Grecs n’est-ce pas celle qui eut lieu avec Marc d’éphèse au concile de Florence ? Car on n’y a pas traité que le filioque. Je n’ai jamais eu le texte intégral , seulement des commentaires avec citations et mes livres sont dans les cartons.

Revenons à "substance". Vous en expliquez très bien le sens et la différence avec "hypostase".
"Homo-ousion" défini donc la divinité commune aux trois hypostase, donc leur essence étant donné que dans ce cas précis essence et Divinité sont une seule et même chose dans la Trinité.
Alors pourquoi commencer votre intervention par :
Mais pour “epiousion” il me semble indispensable de parler de "substance". En effet nous sommes certainement tous d’accord pour traduire le mot “homo-ousion” qui se trouve dans le Symbole de Nicée-Constantinople par “con-substantiel”.
Si l’on vous suit c’est justement cette traduction de"consubstantiel" qu’il faut remettre en cause et qui est de fait remise en cause par cette nouvelle traduction du Notre Père qui rend "epi-ousion" par essentiel. Et ainsi "homo-ousion" devient « de même essence »
Il faudra changer la traduction du credo pour la mettre ne cohérence avec celle du notre Père et avec l’explication fort bonne que vous avez donné de « substance et hypostase »
et non pas se rallier à une traduction communément admise du credo mais qui ne rend pas compte des termes d'hypostase et d'ousia; Car ce qui vous amène à penser que "pain substantiel" serait mieux c'est non pas la définition que vous donnez des termes mais le fait que cette traduction du credo soit communément admise.
Antoine
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Message par Antoine »

Katherine, vous dîtes:
De toute façon, épreuve et tentation ont un sens très proche. Et ce n’est pas tant les mots qui comptent, mais leur sens. Et aucun de nous n’a expliqué ce que nous demandons exactement dans ce passage de la prière dominicale. Ce n’est sûrement pas de ne pas subir des épreuves et des tentations, vu que tout chrétien authentique doit y être constamment confronté.
Sans trop rentrer dans les détails (car je n'ai pas encore terminé ce travail sur la 6ème demande du Notre Père), entre epreuve et tentation la différence est énorme et se situe dans la finalité. Une tentation est faite pour faire chuter, l'épreuve pour vaincre. La finalite de la tentation est le mal, alors que dans l'épreuve le mal subi n'est que le moyen de le vaincre; et la question demeure à savoir est-ce que Dieu permet le mal pour notre bien, ce qui serait une finalité des épreuves qu'il nous enverrait dit-on.
Voici un premier aperçu:

"Dépend de nous tout ce qui est délibéré (exousia), c'est-à-dire les vertus et les vices; ne dépend pas de nous ce qui survient pour nous éprouver, ou le contraire, par exemple : ni la maladie qui éprouve, ni la santé qui réjouit ne dépendent de nous, bien que nous puissions en être la cause, par exemple une vie désordonnée est cause de maladie, une vie bien ordonnée cause de santé ; et la garde des commandements est cause du Royaume des cieux, de même que leur transgression l'est du feu éternel.
Faut-il comprendre que les choses extérieures qui nous arrivent ne dépendent pas de nous et sont en quelque sorte programmées ou prédestinées tandis que ne dépend de nous que notre attitude intérieure et notre réaction par rapport à ce qui nous arrive de l'extérieur ? Dans ce cas pourquoi ne pas prendre en considération le cours des astres et leur influence sur nous comme le fait l'Astrologie qui ne toucherait pas à Dieu ni à notre libre-arbitre mais nous indiquerait seulement à la fois ce qui est probable dans notre avenir et les prédispositions naturelles de notre caractère par rapport aux autres et au réel ? Après tout ne nous appartient-il pas dans notre liberté de réagir d'une façon ou d'une autre par rapport aux événements même si nous n'en pouvons changer le cours ? Le défi consisterait donc à dépasser notre nature humaine trop humaine pour nous positionner et nous orienter différemment de ce à quoi nous porte spontanément notre nature, autrement dit de dépasser notre nature pécheresse déchue pour entrer dans le plan de divinisation prévu par Dieu pour nous sauver ? N'est-ce pas la leçon finale du Bon Larron, premier habitant du paradis, cloué sur sa croix par ses péchés à n'en pas douter, impuissant à changer quoi que ce soit de sa vie extérieure, mais tourné avec confiance vers son Seigneur, à la fois reconnaissant son péché et totalement certain de l'existence du royaume et confiant en la miséricorde divine. Il n'y aurait donc que cela à faire : se tourner vers Dieu, impuissant à avoir pu changer non seulement le cours de sa vie, résultat en partie de ses péchés, mais également sa nature de pécheur. Ce n'est donc pas purifié, parfait, ni saint que cet homme se présente devant Dieu, mais tout souillé de ses péchés et il est sauvé, comme tous les pécheurs de l'évangile !
Certes l'on pourrait penser que faire appel à cette connaissance de notre destin ou de notre karma est un manque de foi, de confiance en Dieu. Sans doute n'aurions-nous pas besoin de connaître ce qui va nous arriver mais plutôt de savoir comment réagir par rapport à ce qui nous arrive quoi que ce quoi. Mais enfin savoir qu'une période va être difficile peut apaiser un peu notre impatience et nous mieux prédisposer à affronter l'adversité et à nous abandonner dans le réconfort de la miséricorde divine qui peut nous porter, nous aidant à supporter. De même que savoir à l'avance qu'une période sera bonne peut nous inciter à l'humilité au lieu de nous en glorifier sachant que cela dépend peu de nous réellement. Savoir que nous avons peu de pouvoir sur cette vie et ce que nous sommes appelés à y faire devrait nous inciter à relativiser dans un sens comme dans l'autre à suivre un chemin de traverse pour notre passage dans cette vie terrestre.

Quoi qu'il en soit je préfère cette interprétation à ces poncifs théologiques pseudo consolateurs qui prétendent que Dieu permet le mal pour notre bien. De même dit-on que Dieu reprend ce qu'il a donné quand nous mourons. Le mal qui nous arrive est plutôt en partie le produit de nos erreurs dans notre histoire personnelle, en partie celui des erreurs de nos ancêtres dont nous subissons les conséquences, en partie celui des caprices de la nature incontrôlable voire imprévisible malgré les efforts humains dans ce sens . Dieu ne permet rien du tout pour notre bien mais plutôt Il laisse l'homme libre de ses actes et de ses conséquences et ne vient à son aide que spirituellement pour l'aider à traverser ce désert en lui permettant d'être uni au plus près de ses capacités. Quant à son intervention en ce monde j'ai du mal à y croire malgré tous les récits édifiants qui le prétendent et qui font dire aux peuples les plus guerriers comme aux saintes personnes dont on fait un récit édifiant de la vie dans tous les synaxaires, que Dieu est avec eux."
Antoine
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Message par Antoine »

Jean–Louis, je réponds aussi brièvement que succintement à l’histoire de l’élaboration des concepts trinitaires.


C’est dans son contre Eunome que Basile a contribué à l’élaboration conceptuelle de la distinction trinitaire en trois hypostases, alors que Nicée dans son canon avait identifié ousia et hypostase.
(Ce qui montre à Katherine que même un concile peut être imprécis et que des grands Saints et docteurs n'ont pas manqué d'en retravaillé des canons dont l'imprécision générait d'autres hérésies)Et c’est au synode d’Alexandrie de 362 présidé par Athanase et au synode de Constantinople de 382, consécutif au concile de Constantinople1 de 381 que les distinctions de Basile sont reprises et discutées.
(Entre temps on aura eu le schisme d’Antioche. Les troubles commencent avec la déposition d’Eustathe en 330, puis à partir de 360 cette métropole fut divisée en 4 églises (Mélèce, soutenu par Basile mais jamais reconnu par Athanase, Euzoios son remplaçant arien, Paulin, qui représentait les vieux nicéens, reconnu par Athanase et Rome, et enfin l’appolinariste Vital)
C’est lors de ce synode qu’on discute le terme de une ou trois hypostases pour la Trinité et qu’on clarifie que 3 hypostases ne signifient pas 3 substances.
Basile lui-même emploie hypostasis à la fois au sens de sujet-substrat et au sens de sujet-subsistence. Dans le premier sens il devient synonyme de ousia et dans le deuxième synonyme de subsister exister.
Origène aura essayé de différencier ousia et hypostasis mais avec un vocabulaire trop imprécis et fluctuant et en 325 le canon de Nicée identifie les deux termes. C’est pour cela que le synode de 362 discute de ce double sens que les différents protagonistes tirent à hue et à dia. Et le Tome aux Antiochiens envoyé par Athanase à Paulin consommera le schisme.
En 382 une vingtaine d’évêques ayant participé au concile de Constantinople l’année précedente se réunissent en synode à Constantinople pour ne pas se rendre à la convocation d’un concile par le pape Damase. Ce synode enverra à Rome une lettre dogmatique se référant au tome souscrit l’année précedente au concile dans laquelle elle affirme l’unité de la substance et canonise l’extension du terme «consubstantiel » aux trois personnes y compris l’Esprit Saint.
Ce sont dans les actes de ce synode qu’on trouve tous les débats sur ousia , hypostasie et substance. Le tout est de savoir si "consubstantiel" convient bien à la traduction de "Homo-ousios" car ce qui est dogmatisé c'est "Homo-ousios"...Personnellemnt le terme de "subtance" et son composé "consubstantiel" me semblent trop imprécis et trop chargés d'histoire depuis Aristote. A chaque fois on est obligé de tout reprendre pour en cerner la conformité à la pensée du concile. La preuve en est que "substantiel" n'est pas retenu dans cette nouvelle traduction du Notre Père, et ce n'est pas une nouveauté hérético-nouveau-calendariste.
Mais je pense que l’ensemble de la terminologie a été repris par Marc d’Ephèse dans ses débats avec les latins pour le filioque, leur reprécisant la signification exacte de substantia et sa distinction d’avec hypostasis.
Catherine
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bribes de réponse à Antoine

Message par Catherine »

Cher Antoine,
Ce qui montre à Katherine que même un concile peut être imprécis et que des grands Saints et docteurs n'ont pas manqué d'en retravailler des canons dont l'imprécision générait d'autres hérésies
Là, vous êtes sans doute conscient d'enfoncer des portes ouvertes… ou alors, je ne sais pas pourquoi vous avez dit cela.

Mais sans me mêler de votre dialogue avec JLP (je n'y comprends pas grand-chose à la première lecture), je voudrais donner ici quelques bribes de réponse à votre message précédent. Si j'ai mal compris qc. vous me le dites. J'ai tant peur d'un dialogue de sourds !!!

Je ne suis ni théologienne, ni philosophe et je ne peux m'exprimer que dans un langage simple et concret. Il y a peut-être des lecteurs de ce Forum qui sont simples comme moi et me comprendront, et les savants condescendront peut-être à se mettre à mon niveau.

La racine du mot grec "peirasmos" veut dire : expérience. (La Toute-sainte s'appelle "apeirogamos", mot ayant la même racine : celle qui n'a pas d'expérience du mariage.)

Le mot grec "peirasmos" a bien deux sens (dictionnaire à l'appui) : "épreuve" et "tentation".
"Tentation" et "épreuve" ont un sens proche en ce que toutes les deux sont des "expériences" : des sortes de test que nous subissons.
C'est en cela qu'elles sont proches.
L'une testerait, à mon sens, plutôt la solidité de nos vertus, l'autre plutôt la force de notre foi.
Peut-être en effet, il s'agit d'"épreuve" dans le Notre Père et non de "tentation", mais j'attends une réponse patristique sur la question.

Je ne comprends pas ce que vous dites de la finalité, Antoine.
Une tentation est faite pour faire chuter, l'épreuve pour vaincre.
???? ?????

On peut succomber aux deux : à la tentation en y cédant pour faire le mal (cf. trahison de Judas tenté par sa cupidité), à l'épreuve en devenant hostile à Dieu, en perdant la foi ou en désespérant pour se suicider, par exemple (cf. désespoir de Judas ne croyant pas à un pardon possible).
On peut aussi triompher des deux :
1. les saints ascètes qui ont triomphé des tentations, ont acquis les vertus, l'impassibilité : c'était pour leur bien qu'ils les ont affrontés
2. les épreuves des saints n'ont pas entamé leur foi (voir le cas de Job le Très-éprouvé), elles n'ont fait que l'augmenter : c'était aussi pour leur bien qu'ils ont subi les épreuves.

Ce qui différencie "tentation" et "épreuve" est, à mon sens,
1. que la première n'est qu'une "tentative" de nous faire commettre le mal, mais que nous avons la liberté de la repousser ou non,
2. alors que"l'épreuve" est un événement malheureux, un "mal" qui nous arrive réellement de l'extérieur, dont nous sommes souvent, directement ou indirectement, responsables, mais que le plus souvent, nous n'avons pas le pouvoir d'écarter. Mais nous pouvons soit la surmonter, la supporter sans dommage pour notre foi, soit nous laisser vaincre par elle.

Les pères disent que nous ne devons pas appeler l'épreuve qui nous arrive un vrai "mal", mais seulement le mal que nous faisons librement en cédant à la tentation.
Mais communément, une épreuve est conçue quand-même comme une chose mauvais qui nous arrive.
N'est-ce pas la leçon finale du Bon Larron, premier habitant du paradis, cloué sur sa croix par ses péchés à n'en pas douter, impuissant à changer quoi que ce soit de sa vie extérieure, mais tourné avec confiance vers son Seigneur, à la fois reconnaissant son péché et totalement certain de l'existence du royaume et confiant en la miséricorde divine.
Il n'y aurait donc que cela à faire : se tourner vers Dieu, impuissant à avoir pu changer non seulement le cours de sa vie, résultat en partie de ses péchés, mais également sa nature de pécheur. Ce n'est donc pas purifié, parfait, ni saint que cet homme se présente devant Dieu, mais tout souillé de ses péchés et il est sauvé, comme tous les pécheurs de l'évangile !
C'est faux. D'abord, le bon larron a, de plus, reconnu que ses souffrances sur la croix faisaient partie de l'expiation de ses péchés, qu'il les subissaient avec justice et cette humble acceptation était un signe de son repentir sincère. Or, le repentir lave les péchés.
L'autre en'était pas justifié parce qu'il se révoltait.
Les pères disent que si nous étions capablse d'un repentir vraiment profond, nous pourrions, en une heure, nous purifier de tous nos péchés, qui demandent autrement une lutte de plusieurs années. Au bon larron, un instant a suffi.
S'il n'avait pas été purifié par sa souffrance suivie du repentir, sa demande "souviens-Toi de moi…" aurait été d'une insolence orgueilleuse, alors qu'elle est l'assurance (la fameuse "parrhesia") de ceux qui ont la pureté.
Quoi qu'il en soit je préfère cette interprétation à ces poncifs théologiques pseudo consolateurs qui prétendent que Dieu permet le mal pour notre bien.
Ces "poncifs théologiques" sont issus pourtant de l'Écriture et des pères qui ont consigné une réalité pratique, que la pensée abstraite n'a pas à contester.
Le mal qui nous arrive est plutôt en partie le produit de nos erreurs dans notre histoire personnelle, en partie celui des erreurs de nos ancêtres dont nous subissons les conséquences, en partie celui des caprices de la nature incontrôlable voire imprévisible malgré les efforts humains dans ce sens.
Et l'action du diable, prince de ce monde, n'est pas négligeable non plus.
Dieu ne permet rien du tout pour notre bien mais plutôt Il laisse l'homme libre de ses actes et de ses conséquences et ne vient à son aide que spirituellement pour l'aider à traverser ce désert en lui permettant d'être uni au plus près de ses capacités. Quant à son intervention en ce monde j'ai du mal à y croire malgré tous les récits édifiants qui le prétendent et qui font dire aux peuples les plus guerriers comme aux saintes personnes dont on fait un récit édifiant de la vie dans tous les synaxaires, que Dieu est avec eux.


Dieu ne permet rien du tout pour notre bien ?????? Que voulez-vous dire, Antoine ? Alors toute la littérature ascétique qui décrit de telles expériences est à jeter à la poubelle ??? Ce serait des mythes ? Des racontars, et non des récits réels ?
Et la sainte Écruiture, l'histoire de Job ? À la poubelle ?

Certes, la mal est entré dans le monde par suite du péché d'Adam, et l'homme est libre de choisir entre le bien et le mal. Quand les pères disent que Dieu permet telle ou telle chose, ils veulent dire que
1. Dieu ne VEUT pas le mal,
2. Il pourrait nous épargner certaines épreuves et tentations
3. Il LAISSE le mal agir dans le monde jusqu'à une certaine limite (c'est cela, sa Permission) pour des raisons qui Lui sont connues. Dans la vie chrétienne, ces maux (qu'ils se présentent sous forme de tentations ou d'épreuves) peuvent être une occasion d'actes de foi ou de vertu, et c'est en ce sens que le bien, notre bien, peut en être la conséquence.
Quant à son intervention en ce monde j'ai du mal à y croire…
Ce que vous dites là me fait frissonner, Antoine. N'avez-vous jamais senti, observé les interventions de Dieu dans votre propre vie ? Ou croyez-vous que les vies des saints mentent ?

De toute façon, il ne faut jamais oublier que toutes ces expressions : Dieu "permet", "intervient" , etc. véhiculent de pauvres conceptions humaines des actions divines : elles appartiennent à la théologie cataphatique et ne peuvent exprimer ce que Dieu fait réellement, puisque la langue humaine est trop infirme pour le dire, que nous ne sommes pas à même de concevoir quelle est l'action de Dieu.
Comme disait saint Athanase, un Dieu compréhensible ne serait plus Dieu.
Pour cette raison, j'arrête… pour ne pas parler constamment de ce qui nous dépasse.
K.
Antoine
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Message par Antoine »

Katherine,Vous dîtes
"Tentation" et "épreuve" ont un sens proche en ce que toutes les deux sont des "expériences" : des sortes de test que nous subissons.
C'est en cela qu'elles sont proches.
L'une testerait, à mon sens, plutôt la solidité de nos vertus, l'autre plutôt la force de notre foi.
Je ne vois pas ce qui permet de faire cette distinction. Ni sur un plan strictement linguistique, ni dans les écrits ascétiques, ni dans l’Ecriture.
"Quand il y a tentation c’est toujours Satan qui tente et c’est toujours pour faure chuter. D’où la conclusion que je tire du fait que la finalité d’une tentation est la chute de l’homme. C'est pour cela que St jacques dit "Dieu ne tente personne" car Dieu ne veut pas la chute de l'homme. Et dans la genèse si l'on considère la loi divine "de l'arbre de la connaissance tu ne mangera point" comme une épreuve assurément cette épreuve est détournée en tentation par le serpent; Car l'épreuve de la loi était faite pour la divinidsation et non pour la néantisation de l'homme. De même les tentations au désert: Jesus dit: "tu ne tenteras pas ton Dieu". Car mettre en question la divinité de Dieu en lui demandant de la prouver c'est néantiser Dieu lui-même.
Pour l’épreuve j’y vois non pas une distinction sur le fait qu’elle porterait plutôt sur la foi que sur la vertu, comme vous le prétendez. La tentation dans une épreuve c’est de se rebeller contre Dieu au lieu d’accepter l’épreuve en lui rendant gloire. Ce qui montre que la finalité d’une épreuve est d’éprouver et non pas de faire chuter. L’épreuve peut se transformer vite en tentation.Reste à savoir si c'est Dieu qui envoie des épreuves ou si elles sont le résultat de notre propre conduite en dehors des sentiers que Dieu nous a tracés, et le résultat en cascade de notre nature déchue qui se rebelle contre la volonté de Dieu,ce qu'indique le texte que je vous ai cité et que vous avez mal compris.

Donc concernant cette autre partie de mon message avec laquelle vous vous n'êtes pas d'accord, j’ai mis des guillemets et omis d'en indiquer l'auteur, sans doute un copier-coller trop hâtif.
Vous aviez demandé une illustration patristique:
Il s’agit d’un texte de Saint Maxime issu du « Dialogue entre saint Maxime le Confesseur et Théodose » (Acta 137 B-140 A)
Il a été publié dans le bulletin 89 du hm Cassien sous le titre «prédestination ».
http://perso.club-internet.fr/orthodoxie/bul/89.htm

Je suppose donc qu’il fait partie de l’enseignement matthéiste puisqu’il n’y a aucun commentaire qui l’accompagne et qui le modèrerait.
Vous aurez ainsi des choses à discuter lors de votre prochaine entrevue avec Cassien.
Antoine
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Message par Antoine »

Et quand maxime écrit:
Le mal qui nous arrive est plutôt en partie le produit de nos erreurs dans notre histoire personnelle, en partie celui des erreurs de nos ancêtres dont nous subissons les conséquences, en partie celui des caprices de la nature incontrôlable voire imprévisible malgré les efforts humains dans ce sens . Dieu ne permet rien du tout pour notre bien mais plutôt Il laisse l'homme libre de ses actes et de ses conséquences et ne vient à son aide que spirituellement pour l'aider à traverser ce désert en lui permettant d'être uni au plus près de ses capacités
Cela signifie que la tentation est extérieure à notre nature alors que l'épreuve y est inhérente.
Le Christ a pris sur lui toute notre nature et devant la passion il s'écrie "non pas ma volonté mais la tienne". de là découle la théologie de Maxime sur la double volonté.
Le notre Père reprend "que Tavolonté soit faite.
Les épreuves découlent du fait que l'homme a une volonté libre et de l'usage qu'il en fait; Lorsque cette volonté s'identifie avec celle de Dieu il avance vers la divinisation. Lorsque sa volonté s'en éloigne pour affirmer l'indépendance du sujet il va d'épreuve en épreuve. Et Maxime distingue bien les trois états auxquels nous somme confrontés:
1) "les produits de nos erreurs"
2) les conséquences des erreurs de nos ancêtres (la nature humaine déchue)
3) les conséquences du cosmos déchu par l'insoumission de l'homme et qui se rebelle contre l'homme.

Ces trois conséquences sont dans le récit biblique de la chute.
Dieu n'envoie pas d'épreuves. Elles sont toutes contenues dans le "tu mourras". La seule épreuve était celle de la loi donnée à Adam.

Et cette traduction "Ne nous laisse pas entrer dans l'épreuve " rejoint le "fait que nous vivions selon tes commandements"; préserve nous du mauvais usage de notre volonté, ou apprends nous à faire ta volonté.Car entrer dans l'épreuve est un éloignement volontaire de Dieu, et les conséquences ne peuvent qu'en être pénibles.

"Ne nous soumets pas à la tentation "serait au mieux une injonction que nous pourrions dire à Satan, pas à Dieu! Et cette Traduction se trompe donc gravement d'interlocuteur! Dieu ne tente personne.

Alors vous pouvez toujours dire que peu importe la traduction pourvu que l'on sache ce que l'on dit. Je trouve votre position un peu facile et dangereuse.Surtout lorsque vous prétendez que "nous les matthéistes "nous n'anvons pas besoin de mots justes .( Il serait grand temps que vous descendiez de ce piédestal sur lequel vous placez le mattéisme. ça n'a aucun sens et de plus ça frise l'illusion complète.)
De toute façon, épreuve et tentation ont un sens très proche. Et ce n’est pas tant les mots qui comptent, mais leur sens. Et aucun de nous n’a expliqué ce que nous demandons exactement dans ce passage de la prière dominicale. Ce n’est sûrement pas de ne pas subir des épreuves et des tentations, vu que tout chrétien authentique doit y être constamment confronté.
1) Epreuves et tentation ont un sens très proche lorsqu'on fait une confusion des genres malgré l'injonction de St Jacques. Et spirituellement il est quand même assez grave d'impûter à Dieu ce qui revient à Satan!

2) Non, tout Chrétien ne doit pas être confronté à l'epreuve. Ce n'est pas en terme de "devoir" que cela s'exprime, mais en terme de conséquence.Et ce n'est certes pas réservé au chrétien.

3) Ne pas subir l'épreuve est d'autant plus une demande impérieuse que l'on se doit de faire dans la prière que même le Christ lui-même la formule au jardin des oliviers. Alors nous, a fortiori, avec notre faiblesse!
Ceci juste pour vous répondre rapidement car je n'ai toujours pas fini mon travail sur cette 6ème demande.
Olia
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Message par Olia »

Quelqu'un pourrait peut-être m'éclairer sur le(s) sens du terme grec désignant la "tentation"/"épreuve", dans le texte de la prière ?

En tout cas, le terme slavon recouvre les notions d'"éprouver",
"tester",
"essayer" (comme la paire de boeufs...),
vivre (expérimenter qch),
tenter (ne "tente pas le Seigneur ton Dieu"),
vérifier (ou "s'assurer" de qch), mais aussi
"juger de" (évaluer)...

Le terme est riche et comme tant de termes slavons, ne demande aucun changement. Le slavon possède un génie poétique et une richesse sémantique indéniable que la lange russe contemporaine ne connaît pas - à l'exception des cas d'emprunts au slavon dans un contexte poétique et religieux. Ces emprunts sont parfaitement possibles grâce à la parenté directe qui relie les deux ; d'ailleurs ils sont relativement fréquents. Le slavon s'est "inspiré" du grec, un peu comme l'architecture des églises russes anciennes est partie du style byzantin.

En revanche, il est dommage qu'en français, certains termes "religieux" soient "connotés" d'une façon inadéquate (par rapport au christianisme orthodoxe) ou sémantiquement plus limités. Je me souviens de l'horrible "expiation" dans une version non orthodoxe de la Bible... Pourtant je me demande si, dans certains cas, il ne serait pas plus utile d'éviter de se compliquer la vie par les interprétations incorrectes d'un terme français et de l'adopter tel quel... Les Français orthodoxes avertis pourraient bien l'expliquer aux autres (?)

Un exemple - la "tentation" fait indiscutablement partie des "épreuves" que doivent surmonter les chrétiens !

Je voudrais bien sûr éviter les interprétations « horrifiées », culpabilisantes etc. Cependant, si l'on préfère "l'épreuve", cela pourra de toute façon donner lieu à d'autres interprétations trop restrictives. Les difficultés de la vie sont souvent désignées par ce terme sans qu'on y voit le risque d'être tenté.

Enfin, si l’on revient au « Notre Père », le fait que ces paroles précèdent le "mais délivre nous du Malin" n'est point le fruit du hasard.

L'action malveillante de ce dernier ainsi que le fait que Dieu permet que des évènements a priori négatifs se produisent dans notre vie sont des éléments dont nous devons tenir compte.


PS. Autre élément : la beauté du langage ne doit pas être négligée. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec les propositions de type "Théopare". Le terme slavon "Bogoroditsa" pour "Théotokos" possédait une beauté originelle (aussi bien qu'un sens adéquat) grâce à son profond enracinement dans la langue de l'époque (!) que certains autres néologismes n'auront jamais, par rapport au français, p.ex. Un tel enracinement / parenté/ lien organique par rapport à la langue de nos contemporains est un élément important pour assurer la beauté du langage liturgique, son naturel, sa limpidité. Si « substantiel » ou « essentiel » me paraissent acceptables (…), j’éviterais personnellement, des constructions bizarroïdes avec des « hyper » ou « sur » ou « super » etc. Sinon cela risquerait de produire un effet digne du Club Alien etc.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Merci Antoinde pour ce rappel de l’origine de la terminalogie concernant “l’hypostase” et “l’ousia”. C’est certainement de ce synode de Constantinople de 382 que vient la clarification que je ne savais plus situer.

Vous écrivez à ce sujet :
« C’est lors de ce synode qu’on discute le terme de une ou trois hypostases pour la Trinité et qu’on clarifie que 3 hypostases ne signifient pas 3 substances.
« Basile lui-même emploie hypostasis à la fois au sens de sujet-substrat et au sens de sujet-subsistence. Dans le premier sens il devient synonyme de ousia et dans le deuxième synonyme de subsister exister.
« Origène aura essayé de différencier ousia et hypostasis mais avec un vocabulaire trop imprécis et fluctuant et en 325 le canon de Nicée identifie les deux termes. C’est pour cela que le synode de 362 discute de ce double sens que les différents protagonistes tirent à hue et à dia. Et le Tome aux Antiochiens envoyé par Athanase à Paulin consommera le schisme.
« En 382 une vingtaine d’évêques ayant participé au concile de Constantinople l’année précedente se réunissent en synode à Constantinople pour ne pas se rendre à la convocation d’un concile par le pape Damase. Ce synode enverra à Rome une lettre dogmatique se référant au tome souscrit l’année précédente au concile dans laquelle elle affirme l’unité de la substance et canonise l’extension du terme “consubstantiel” aux trois Personnes y compris l’Esprit Saint.
« Ce sont dans les actes de ce synode qu’on trouve tous les débats sur ousia , hypostasie et substance. Le tout est de savoir si "consubstantiel" convient bien à la traduction de "Homo-ousios" car ce qui est dogmatisé c'est "Homo-ousios"...Personnellemnt le terme de "subtance" et son composé "consubstantiel" me semblent trop imprécis et trop chargés d'histoire depuis Aristote. A chaque fois on est obligé de tout reprendre pour en cerner la conformité à la pensée du concile. La preuve en est que "substantiel" n'est pas retenu dans cette nouvelle traduction du Notre Père, et ce n'est pas une nouveauté hérético-nouveau-calendariste.
« Mais je pense que l’ensemble de la terminologie a été repris par Marc d’Ephèse dans ses débats avec les latins pour le filioque, leur reprécisant la signification exacte de substantia et sa distinction d’avec hypostasis. »
Je crois que les choix lexicaux des Conciles oecuméniques et des Pères de l’Église ont eu une bien plus grande importance sur notre vocabulaire présent que les débats des philosophes de l’Antiquité païenne. Si nous voulons étudier les oeuvres de ces philosophes (que je n’ai auncunement l’intention de mépriser), nous devons commencer par prendre conscience que le sens qu’ils donnaient à certains termes, par exemple celui de substance ou d’essence, n’est plus le même que celui que nous leur attribuons à la suite de l’emploi qu’en ont fait les Pères de l’Église. Et nous ne devons pas plus nous laisser impressionner par la signification qu’a pu leur donner ultérieurement la scolastique médiévale, qui reposait bien souvent sur des textes anciens tronqués.

La terminologie qu’ont forgée les Pères et les Conciles est un élément constitutif de la langue des peuples chrétiens. Elle ne doit pas être considérée comme “coutumière” et conventionnelle. Allons-nous refuser de donner ce nom au “Symbole” sous prétexte que dans la langue courante il revêt d’autres significations ? De même pour “ordination” et un certain nombre d’autres. Par contre la langue courante d’un peuple chrétien subit normalement l’influence de la terminologie de l’Église. Dans le cas du français, nous avons une difficulté supplémentaire du fait que la réception de la terminologie ecclésiastique par notre langue a été interrompue en cours de route: Nous avons gardé “consubstantiel” (qui d’ailleurs paraissait étrange et barbare aux enfants du catéchisme), mais nous avons oublié le mot “Déipare” -- ainsi d’ailleurs que le dogme d’Éphèse.

Il revient maintenant à l’Église orthodoxe de poursuivre l’oeuvre créatrice des Pères latins de jadis, qui avaient dû admettre que “substantia” ne traduit pas correctement le terme “hypostase”, mais convient plutôt à l’“ousia” en déclarant que le pain “epi-ousion” est le pain de la substance divine, destiné à notre substance humaine. Et si les occidentaux hésitent un peu devant ces termes peu familier, on peut expliquer que “l’hypostase” peut se comparer dans une large mesure à ce que l’Occident comprend sous le terme “personne”, cependant que la nature correspond en partie à ce que nous entendons par la “nature”.

Mais pour la vie quotidienne, le terme “substantiel” est employé couramment dans le sens de “nourrissant”. Quant à la très-scolastique “transsubstantiation”, qui ose aujourd’hui en parler ?

En ce qui concerne une autre question de terminologie, je pense que l’Église orthodoxe devrait également imposer l’usage du terme “Déipare” pour traduire le terme “Theotokos”, ou plus exactement qu’elle devrait réintroduire ce terme. C’est en effet ce terme qui avait été forgé par les Latins, alors orthodoxes, pour la réception des définitions du Concile d’Éphèse, et donc pour traduire “Theotokos”, de même qu’un peu plus tard les Slaves forgèrent dans le même but le terme “Bogoroditsa”. On trouve donc le terme “Deipara” (Virgo Deipara) dans les hymnes mariales de l’Office des heures de l’Église latine (mais qui connaît encore de nos jours les prières de l’Offoce latin ?). Mais ce mot a vite été oublié par les occidentaux, de même que le dogme d’Éphèse. On se mit donc à parler de “Notre-Dame”, la “Sainte Vierge’... Cependant j’ai vu sur Internet des orthodoxes italiens utiliser le terme “Deipara”. En français, le terme a été utilisé par Paul Claudel. (Ne le trouve-t-on pas aussi chez Pascal ? J’ai perdu les Pensées...)

Bien que très rare il appartient donc bien à notre héritage. S’il étonne un peu, c’est surtout parce que le suffixe “-pare” n’est plus utilisé à l’heure actuelle que dans des termes scientifixes (“les vertébrés ovipares”) ou médicaux (“les naissances multipares”). Mais je suis persuadé que si l’Église l’adopte, l”utilise et le répand, il s’acclimatera facilement.
Jean-Louis Palierne
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Monsieur Palierne, c'est comme si vous aviez lu dans mes pensées!

J'avais l'intention d'écrire un post sur le terme "Deipare" à mon retour de vacances en septembre prochain (je pars mardi matin). Je suis tout à fait partisan de l'usage de ce terme, qui est la traduction latine de "Théotokos". "Théotokos" ne veut pas dire "mère de Dieu", qui serait "Théomitera," mais bel et bien "Génitrice de Dieu". Or, "génitrice" passe mal en français et rappelle trop le titre d'un roman de Mauriac. Soit, on continue avec l'inexact "Mère de Dieu", soit on adopte directement le grec "Théotokos" par respect pour ceux qui ont conservé la foi et nous l'ont apportée, soit on reprend l'héritage des orthodoxes latins et on ressuscite "Deipare".

L'église des Amalfitains à Constantinople - plus ou moins liée au monastère des Amalfitains sur l'Athos-, qui était desservie par une petite communauté de bénédictins orthodoxes, s'appelait "église latine de la Deipare Marie des Amalfitains".

Je trouve excellente cette idée de renouer avec notre héritage latin!
Antoine
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Message par Antoine »

Jean-Louis
Vous dîtes :
Je crois que les choix lexicaux des Conciles oecuméniques et des Pères de l’Église ont eu une bien plus grande importance sur notre vocabulaire présent que les débats des philosophes de l’Antiquité païenne
C’est profondémént juste et c’est un miracle que les Pères aient réussi à déboulonner ces concepts philosophiques grecs pour leur donner une telle beauté et une telle puissance qui n’est somme toute saisissable que dans la prière et dans une démarche apophatique.
C’est ainsi que Grégoire de Naziance exprime la totalité dans son oraison sur le baptème :
« Je n’ai pas commencé de penser à l’Unité que la Trinité me baigne dans sa splendeur. Je n’ai pas commencé de penser à la Trinité que l’Unité me ressaisit. Lorsqu’un des Trois se présente à moi, je pense que c’est le tout, tant mon œil est rempli, tant le surplus m’échappe ; car dans mon esprit trop borné pour comprendre un seul, il ne reste plus de place à donner au surplus. Lorsque j’unis les trois dans une même pensée, je vois un seul flambeau, sans pouvoir diviser ou analyser la lumière unifiée. »

- « Déipare » J’ai adopté aussi cette terminologie que vous m’avez fait découvrir ainsi d’ailleurs que votre terme de « mystérique » à la place de « sacramentel ». Mystérique est enfin le mot orthodoxe et tellement plus riche.

Merci de nous avoir aidés dans cette réflexion sur le Notre Père que l’on a jamais fini d’explorer. Quand on pense que l’on répète la prière que fait le Christ lui-même à son Père et qu'il nous l'a donnée en modèle!
La plénitude du verbe...
Catherine
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oui, mais

Message par Catherine »

Il existe trois termes qui expriment trois propriétés différentes de la Toute-sainte dans les textes liturgiques :
Théomitor (Mère de Dieu), Théotokos (Enfantrice de Dieu ou Deipare) et Théogénitor (Génitrice de Dieu)

Au 12e siècle, le mot "Deigénitrix" figure dans un texte français, mais on ne trouve pas de Deipare. Mais on ne peut pas prendre l'un pour l'autre.
Engendrer et mettre au monde sont deux choses différentes.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Catherine,

Merci, vous avez raison, je n'avais pas vu l'alternance Enfantrice / Génitrice. Alors, en français, on pourrait utiliser "Mère de Dieu", "Deipare" et "Théogénitor",qui me semble plus beau que "Génitrice de Dieu".

Moi j'en ai été resté à Théomitor et Théotokos, et j'avoue que je ne connaissais pas Théogénitor.
Olia
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Message par Olia »

Personnellement je pense qu’il faut à la fois éviter de s’accrocher à la morphologie de la langue source (préfixes, suffixes… sont porteurs d’un élément de sens mais il ne faut surtout pas en exagérer l'importance) et éviter des néologismes qui rappellerait trop (pitié !) les Matrix ou Terminator, les vivipares ou ovipares ainsi que les termes qui sonnent un peu comme le mot « hystérique ». Je comprends bien que ceux qui aiment le latin peuvent utiliser qch comme « Théogénitor », mais là, j’ai l’impression que c’est tellement éloigné de la langue vivante contemporaine, quant à sa consonance, que le mot ferait sourire plus d’un(e) orthodoxe francophone. D'ailleurs ce n'est pas qu'une impression. Ils ne vous le diront peut-être pas sur ce Forum mais j'ai déjà eu leur avis concernant certains néologismes (...)

Par ailleurs, rien n’interdit l’emploi de « mystériel » à la place de "sacrementel"; le terme est rarissime, peu connu, la plupart ne le connaissent pas vraiment et il est parfois employé dans un contexte catholico-romain dans le sens « relevant du Mystère » (de l’Eucharistie, p.ex.). Il pourrait donc servir de facto de néologisme.

Je comprends bien qu’il ne faut pas faire de « complexes » mais nous ne devons pas non plus faire abstraction de la beauté du langage liturgique (je parle de langage et non de langue en l’occurrence) telle qu’elle est ressentie par les fidèles. Sa beauté sous-entend aussi une certaine simplicité.

Il faudrait donc éviter de faire abstraction de la langue contemporaine et du potentiel poétique d'un terme… Sinon on pourrait finir par créer un lexique « orthodoxe » un peu ou carrément ridicule qui serait une sorte de ghetto rationnel pour « personnes averties », capables de « faire abstraction » de la beauté de la langue vivante, puisque plongés dans les « hautes sphères » théologiques et autres, loin des Matrix, Terminator, des vivipares ou ovipares ou encore, des hystériques… :)
Les personnes averties seraient donc "très, très éloignées" du peuple :)

Je peux vous assurer que les termes comme « Théopare » ont fait pour ainsi dire sursauter plus d’un(e) orthodoxe francophone (instruite). N’oublions pas qu’un terme, une fois qu’il est adopté, « apposé » ou « imposé », devrait faire partie des prières quotidiennes et des chants liturgiques… A moins que les fidèles finissent par le rejeter dans la pratique.

Déjà, les termes « Enfantrice de Dieu », Théotokos, ou encore, « Mère de Dieu » (malgré l’inexactitude de ce dernier) me semblent de loin préférables … à « Théopare ». Le « -pare », comme on l'a dit d’ailleurs, est le plus souvent associé aux termes scientifiques. D’ailleurs je ne vois aucun sérieux avantage à opter pour le « -pare » à la place du « -tokos », au contraire.

Dans le monde orthodoxe, il existe une règle d'étiquette qui veut que l’on n’apporte pas de cactus (même fleuris) ni de bouquets d’ortie ou de chardons à l’église mais plutôt des lys, des roses, des chrysanthèmes (pourquoi pas tant qu’ils sont beaux), des tulipes, des véroniques, des glaïeuls, etc., etc. J’ai déjà vu de petits cactus dans une église orthodoxe, devant une grande et belle icône de la Mère de Dieu, et ils n’étaient pas du plus bel effet… Heureusement qu’on les remarquait à peine à cause de leur petite taille ; heureusement aussi que l’on peut facilement faire déplacer les pots de plantes vertes …

Or la beauté du langage est tellement plus importante et si l’on choisit des « cactus » terminologiques (certes, ils ont peut-être leur chance de s’acclimater ou d’être imposés… et ils ont sûrement le droit d’exister… mais je préféreraient qu’ils existent ailleurs… dans un désert mexicain par exemple, ou dans votre cuisine) , imaginez l’effet négatif durable qu’ils risquent de produire. Il faut aussi penser à la façon dont le terme est perçu par les autres francophones. Il peut y avoir des problèmes d’associations plutôt négatives ou insolites qui sont une réalité indéniables. (En réalité, la majorité des porteurs d'une langue se caractérisent par un "conservatisme" assez tenace, même inconscient).

N’allez pas croire que je n’aime pas les cactus ! Je les aime bien mais je pense qu’un poète d’Eglise ou un iconographe devrait s’inspirer d’autre chose.

Bref je pense que nos théologiens et traducteurs, avec tout le respect que leur dois, doivent être parfois de vrais poètes. Il serait bon de s’inspirer des meilleurs poètes même profanes (= de ce monde) au lieu de se borner à intellectualiser tout. Un langage liturgique est fait pour louer Dieu ; par conséquent, les termes qu’il emploie doivent être plus que précis et pertinents.
eliazar
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Traductions en français

Message par eliazar »

Je me suis bien gardé de m’immiscer dans cette passionnante rubrique, compte tenu des sommités qui y déversaient leurs connaissances – mais je buvais du petit lait ! Continuez, Messeigneurs, je tends « mon rouge tablier, car il pleut des vérités premières » (non, ce n’est pas de moi, mais du R.P. Courteline).
Du coup, tout frétillant (il fait beaucoup moins chaud, ici) je vais risquer deux remarques au ras des pâquerettes (qui reprennent vie depuis deux jours, chez nous) :

1° Dieu sait combien je respecte Jean-Louis Palierne, mais justement pour cela, je suis gêné que Claude l’appelle « Monsieur » : comme n’importe quel autre moine, il a droit à son nom, simplement et sans autres fioritures de courtoisie. Cela m'a gêné comme le "Monseigneur" ou le "Vladika" à un évêque du Christ. Mais de cela, j'ai déjà parlé.

2° Mon oreille (faute de cervelle) s’oppose de toutes ses forces à « Théogénitor » comme à tout autre terme (si exact soit-il) qui rappellerait phonétiquement aux contemporains le trop connu « Terminator ». Et puis, pour les francophones qui n’ont plus trop de grec en tête, on ne distingue plus du tout le féminin dans ce « Théogénitor »-là; on s’y embrouillerait vite. Ceci me le fait « entendre » comme une dissonance. C’est un peu bête, mais cela compte plus qu'on pense : c’est par l’oreille que les simples gens comme moi apprennent leur catéchèse ; et cela, pendant les Offices, d'où la nécessité de termes exacts, catéchétiquement parlant. Vive donc le « Deigenitrix » ressourcé par Katherine ! Cela coule comme du miel, c’est mélodique, et ce n’est pas asexué. Et cela rappelle quelque chose qui a trait à Dieu, même pour les analphabètes.

Au risque de choquer Olia, j’ajouterais volontiers que tout terme latin (pour nous, les petits) apporte avec soi un sens préalable, primordial, quasi-automatique, d’évocation du « sacré » - même s’il est lié depuis des siècles, hélas, à la pan-hérésie kto. Elle me comprendra, elle qui défend avec tant de tendresse son slavon, pourtant plus très compréhensible pour les jeunes générations – mais dont les assonances sont encore de l’ordre du sacré pour leurs oreilles.

Je fais ici un rapprochement avec l’émouvant « midrash sur Moïse » cité (et traduit) par Edmond Fleg dans son « Moïse raconté par les Sages », un récit qui me touche toujours :

« Il est écrit : « Et l’enfant a grandi – Et elle l’a ramené à la fille de Pharaon – Et il est devenu pour elle un fils » (Ex. 2, 10). Mais l’enfance de ce fils et son adolescence, que furent-elles ?
« …/… Lorsque Moïse fut en âge d’apprendre, il eut pour maîtres, comme souverain futur, les plus savants liseurs d’images.
« Les uns lui enseignaient les noms des dieux : Hâthor la vache nourricière ; le taureau Hâpi né d’une génisse vierge ; Anubis le chacal qui embaume les morts ; l’épervier Horou ; le serpent Apopi ; Schou le soleil ; Aouiôn la lune ; la terre, Sibou ; Mouit le ciel ; les neuf dieux de Memphis ; les neuf dieux de Thèbes ; tous les dieux de tous les lieux, sous tous les cieux…
« Et Moïse apprenait les noms des dieux.

« Mais la nuit, sur sa couche d’ivoire, les chants naguère chantés par Jozabeth, sa nourrice, se réveillaient dans son cœur et chantaient un Dieu qui n’a point face de bête, ni visage d’homme, ni rayons d’astres, ni couleurs de sol : un Dieu qu’on ne voit pas, qui est partout, qui seul est Dieu.

« D’autres lui enseignaient l’histoire des pharaons : de ceux qui avaient capté le Nil en ses canaux et entassé dans leurs greniers des années fécondes ; de ceux qui avaient taillé en colosses des rois de porphyre, et assis des statues dans les temples ; de ceux qui avaient défait des peuples entiers et tenu l’univers sous leurs sandales.
« Moïse récitait l’histoire des pharaons.

« Mais la nuit, sur sa couche d’ivoire, les chants de Jozabeth se réveillaient dans son cœur et chantaient un peuple qui n’avait ni moissons, ni statues, ni serviteurs courbés sous lui, un peuple d’esclaves nourri de douleurs.

« D’autres lui enseignaient les devoirs des rois, lui disant : Revêts ta parure de guerre, «écrase les pays, coupe figuiers et vignes, brûle les cités, massacre par myriades.
« Moïse répétait les devoirs des rois.

« Mais la nuit, sur sa couche d’ivoire, les chants de Jozabeth se réveillaient dans son cœur, chantant : Sois prudent comme Jacob, sois doux comme Isaac, soit fidèle comme Abraham… » … / …

Car il me semble évident que la mémoire d’un peuple a ses racines dans « les chants de sa nourrice », surtout lorsque cette nourrice est sa mère. Et si nos contemporains eux-mêmes, pourtant soigneusement élevés dans la bestialité stupide d’une société renégate où la mémoire de Dieu devait absolument reculer pour mieux permettre aux profits du plaisir de progresser, malgré tout cherchent encore, parfois, la mémoire de Dieu sur leurs couches – qui ne sont plus d’ivoire – cela tient à la présence ineffaçable de Dieu dans leur « cœur », certes, mais aussi au lointain souvenir des premières prières apprises dans la petite enfance.

Et dans ce pays en tout cas, ces lointaines prières portaient encore le reflet de sa véritable langue originelle, le latin. Depuis toujours ou presque. Et lorsqu’un vocable sacré peut se formuler de manière fidèle à la fois sur la racine grecque, directement – ou sur sa désinence latine, pour indirecte qu’elle soit, c’est en latin qu’il parlera le plus directement à l’âme d’enfant qui a pu survivre encore un tant soit peu sous le charabia de l’homo americanus.

PS – Puis-je ajouter, au risque de peiner Katherine, que j’aime bien et qui le sait, que moi aussi, le matthéisme me paraît juste – mais que je regrette qu’elle colore son amour pour lui d’une nuance d’agressivité si insistante. N’oublions pas qu’à force de proclamer qu’on ne se trompait jamais en répétant leurs paroles, bien des ecclésiastiques éminents se sont fourvoyés, jadis, sur les brisées des « Souverains Pontifes infaillibles »… et se sont égarés comme eux. Aucun évêque, si saint soit-il, n’est infaillible. Tout peut être pesé.
Il n’y a aucune nécessité, je le crois, à défendre notre évêque comme les « chevaliers » d’antan défendait leur suzerain : les armes à la main. Notre seul devoir est de l’aimer et de suivre son enseignement en tout ce qui n’est pas contraire à la foi de l’Église ; tout ce que nous y ajoutons est de nous ; ou pire : du diable, et retourne à son lieu - la perdition, le néant. Et tant de fois, en défendant avec trop de fougue celui qui nous a enseignés , c’est nous-mêmes que nous voulons faire briller, sans nous en rendre compte…
Éliazar
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