Bonsoir,
Quelqu'un aurait t'il l'obligeance (je sais c'est beaucoup de travail mais ne sommes nous pas prêts à consentir aux sacrifices en faveur de la sainte Eglise orthodoxe hum?) de poster la lettre du pape saint Grégoire le Grand au patriarche Jean de Constantinople telle qu'elle est reproduite au chapitre traitant de l'autorité des évêques de Rome au cours des VIème, VIIème et XIIIème siècles du livre de W. Guettée?
Pour ma part, j'ai trouvé une traduction anglaise en format pdf sur Internet du livre du Père Guettée.
Mais il serait bon, à mon avis, que les meilleurs passages traitant de la réfutation par l'antiquité chrétienne de la primauté de juridiction du pontife romain sur l'Eglise universelle soient mis à la disposition d'un public intrenaute francophone dans la langue de Molière.
La lettre du pape saint Grégoire le Grand
Modérateur : Auteurs
Lettre de Grégoire le Grand
Cher Axel,
Voici les extraits que vous avez demandés de la lettre de Grégoire le Grand, du moins ceux que Wladimir Guettée a publiés dans « La Papauté Schismatique », Paris, 1863. En raison de la longueur de ces extraits, et pour ne pas non plus consacrer trop de temps d’affilé à cette copie, je les recopierai en plusieurs mèls successifs, essayant de le faire encore aujourd’hui jusqu’au bout.
Le re-print de ce livre est disponible à la Fraternité St Benoît / St Jean Cassien, du Monastère des saints Clair et Maurin, route de Fleurance, 32700 LECTOURE (B.P. 65).
D’abord, je voudrais citer ce que dit W. Guettée des circonstances de cette Lettre (je résume, le texte complet étant p. 199 et s. du re-print) :
« …le titre d’ « œcuménique » avait été donné par honneur à l’évêque de Rome par le concile de Chalcédoine ; le pape Félix avait affecté de donner à son siège le titre de « catholique » dans le même sens ; des moines orientaux avaient appelé le pape Agapithu « patriarche œcuménique ». On s’autorisa à Constantinople de ces antécédents… l’empereur Maurice donna donc à Jean le Jeûneur le titre de « patriarche œcuménique ».
« Le pape Pélage II, puis son successeur Grégoire le Grand, protestèrent contre ce titre. Grégoire écrivit alors ces lettres fameuses qui condamnent d’une manière si péremptoire la papauté moderne. Nous en donnerons quelques extraits. »
GRÉGOIRE À JEAN, ÉVÊQUE DE CONSTANTINOPLE
« Votre Fraternité se souvient de la paix et de la concorde dont jouissait l’Église lorsqu’elle fut élevée à la dignité sacerdotale. Je ne comprends donc pas comment elle a osé suivre l’inspiration de l’orgueil et essayé de prendre un titre qui peut occasionner du scandale dans l’esprit de tous ses frères. J’en suis d’autant plus étonné que je me souviens que vous aviez pris la fuite pour éviter l’épiscopat. Pourtant vous voulez l’exercer aujourd’hui comme si vous aviez couru au devant, sous l’empire de désirs ambitieux. Vous qui disiez bien haut que vous étiez indigne de l’épiscopat, vous y avez à peine été élevé que, méprisant vos frères, vous avez ambitionné d’avoir seul le titre d’évêque.
« Pélage, mon prédécesseur de sainte mémoire, avait adressé à Votre Sainteté des observations fort graves à ce sujet. Il a rejeté, à cause du titre orgueilleux et superbe que vous y avez pris, les actes du synode que vous avez assemblé dans la cause de notre frère et coévêque Grégoire, et il défendit de communiquer avec vous à l’archidiacre que, selon l’usage, il avait envoyé à la cour de l’Empereur. Après la mort de Pélage, ayant été élevé malgré mon indignité au gouvernement de l’Église , j’ai eu soin d’engager Votre Fraternité, non par écrit mais de vive voix, d’abord par mes envoyés , et ensuite par l’entremise de notre commun fils le diacre Sabinien, de renoncer à une telle présomption. J’ai défendu à ce dernier de communiquer avec vous si vous refusiez d’obtempérer à ma demande, afin d’inspirer à Votre Sainteté de la honte de son ambition avant de procéder par des voies canoniques si la honte ne vous guérissait pas d’un orgueil aussi profane, aussi coupable. Comme avant de faire l’amputation il faut palper doucement la plaie, je vous prie, je vous supplie, je demande avec le, plus de douceur qu’il m’est possible que Votre Fraternité s’oppose à tous les flatteurs qui lui donnent un titre erroné et qu’elle ne consente pas à s’attribuer un titre aussi insensé qu’orgueilleux.
« En vérité je pleure ; et du fond du cœur j’attribue à mes péchés que mon frère n’ait pas voulu revenir à l’humilité, lui qui n’a été établi dans la dignité épiscopale que pour ramener les âmes des autres à l’humilité ; et que celui qui enseigne aux autres la vérité n’ait voulu ni se l’enseigner à lui-même ni consentir, malgré mes prières, à ce que je prisse ce soin.
« Réfléchissez donc, je vous en prie, que par cette présomption téméraire la paix de l’Église entière est troublée, et que vous êtes ennemi de la grâce qui a été donnée à tous en commun. Plus vous croîtrez en cette grâce, plus vous serez humble à vos yeux ; vous serez d’autant plus grand que vous serez plus éloigné d’usurper ce titre extravagant et orgueilleux. Vous serez d’autant plus riche que vous chercherez moins à dépouiller vos frères à votre profit. Donc, très cher frère, aimez l’humilité de tout votre cœur ; c’est elle qui maintient la concorde entre les frères, et qui conserve l’unité dans la sainte Église universelle.
« Lorsque l’apôtre Paul entendait certains fidèles dire : « Moi je suis disciple de Paul, moi d’Apollo, moi de Pierre », il ne pouvait sans horreur voir ainsi déchirer le corps du Seigneur, en rattacher les membres à plusieurs têtes, et il s’écriait : « Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? ou bien avez-vous été baptisés au nom de Paul ? » S’il ne voulait pas que les membres du corps du Seigneur fussent rattachés par parties à d’autres têtes qu’à celle du Christ, quoique ces têtes fussent des apôtres, vous, que direz-vous au Christ qui est la tête de l’Église universelle, que lui direz-vous au dernier jugement, vous qui par votre titre d’universel voulez vous soumettre tous ses membres ? Qui, dites-le moi je vous prie, qui imitez-vous par ce titre pervers si ce n’est celui qui, méprisant les légions des anges qui étaient ses compagnons s’efforça de monter au faîte pour n’être soumis à personne et être seul au-dessus des autres ; qui dit : « Je monterai dans le ciel ; j’élèverai mon trône au-dessus des astres du ciel ; je placerai mon siège sur la montagne de l’alliance, dans les flancs de l’Aquilon. Je monterai au-dessus des nuées ; je serai semblable au Très-Haut »…
Que sont vos frères, tous les évêques de l’Église universelle, si ce n’est les astres du ciel ! Leur vie et leur enseignement brillent en effet à travers les péchés et les erreurs des hommes comme les astres à travers les ténèbres de la nuit. Lorsque par un titre ambitieux vous voulez vous élever au-dessus d’eux et rabaisser leur titre en le comparant avec le vôtre, que dites-vous, si ce n’est ces paroles : « Je monterai dans le ciel ; j’élèverai mon trône au-dessus des astres du ciel » ? Tous les évêques ne sont-ils pas les nuées qui versent la pluie de l’enseignement, et qui sont sillonnées par les éclairs de leurs bonnes œuvres ? Votre Fraternité, en les méprisant, en s’efforçant de les mettre à ses pieds, que dit-elle si ce n’est cette parole de l’antique ennemi : « Je monterai au-dessus des nuées » ?
« Pour moi, quand je vois tout cela à travers mes larmes, je crains les jugements secrets de Dieu ; mes larmes coulent avec plus d’abondance, mes gémissements débordent de mon cœur, de ce que le seigneur Jean, cet homme si saint, d’une si grande abstinence et humilité, séduit par les flatteries de ses familiers a pu s’élever jusqu’à un tel degré d’orgueil que par désir d’un titre pervers il s’efforce d’être semblable à celui qui, en voulant être orgueilleusement semblable à Dieu, perdit la grâce de la ressemblance divine qui lui avait été accordée - et qui perdit la vraie béatitude parce qu’il ambitionna une fausse gloire.
« Pierre, le premier des apôtres, et membre de l’Église sainte et universelle ; Paul, André, Jean, ne sont-ils pas les chefs de certains peuples ? et cependant tous sont membres sous un seul chef. Pour tout dire en un mot, les saints avant la loi, les saints sous la loi, les saints sous la grâce ne forment-ils pas tous le corps du Seigneur ? Ne sont-ils pas membres de l’Église ? … et il n’en est aucun parmi eux qui ait voulu être appelé universel. Que VotreSainteté reconnaisse donc combien elle s’enfle en elle-même lorsqu’elle revendique un titre qu’aucun n’a eu la présomption de s’attribuer !
« Votre Fraternité le sait, le vénérable concile de Chalcédoine n’a-t-il pas donné honorifiquement le titre d’universel aux évêques de ce siège apostolique - dont je suis, par la volonté de Dieu, le serviteur ? Et cependant aucun n’a voulu permettre qu’on lui donnât ce titre ; aucun ne s’attribua ce titre téméraire, de peur qu’en s’attribuant un honneur particulier dans la dignité de l’épiscopat il ne semblât la refuser à tous les Frères…
… / …
Voici les extraits que vous avez demandés de la lettre de Grégoire le Grand, du moins ceux que Wladimir Guettée a publiés dans « La Papauté Schismatique », Paris, 1863. En raison de la longueur de ces extraits, et pour ne pas non plus consacrer trop de temps d’affilé à cette copie, je les recopierai en plusieurs mèls successifs, essayant de le faire encore aujourd’hui jusqu’au bout.
Le re-print de ce livre est disponible à la Fraternité St Benoît / St Jean Cassien, du Monastère des saints Clair et Maurin, route de Fleurance, 32700 LECTOURE (B.P. 65).
D’abord, je voudrais citer ce que dit W. Guettée des circonstances de cette Lettre (je résume, le texte complet étant p. 199 et s. du re-print) :
« …le titre d’ « œcuménique » avait été donné par honneur à l’évêque de Rome par le concile de Chalcédoine ; le pape Félix avait affecté de donner à son siège le titre de « catholique » dans le même sens ; des moines orientaux avaient appelé le pape Agapithu « patriarche œcuménique ». On s’autorisa à Constantinople de ces antécédents… l’empereur Maurice donna donc à Jean le Jeûneur le titre de « patriarche œcuménique ».
« Le pape Pélage II, puis son successeur Grégoire le Grand, protestèrent contre ce titre. Grégoire écrivit alors ces lettres fameuses qui condamnent d’une manière si péremptoire la papauté moderne. Nous en donnerons quelques extraits. »
GRÉGOIRE À JEAN, ÉVÊQUE DE CONSTANTINOPLE
« Votre Fraternité se souvient de la paix et de la concorde dont jouissait l’Église lorsqu’elle fut élevée à la dignité sacerdotale. Je ne comprends donc pas comment elle a osé suivre l’inspiration de l’orgueil et essayé de prendre un titre qui peut occasionner du scandale dans l’esprit de tous ses frères. J’en suis d’autant plus étonné que je me souviens que vous aviez pris la fuite pour éviter l’épiscopat. Pourtant vous voulez l’exercer aujourd’hui comme si vous aviez couru au devant, sous l’empire de désirs ambitieux. Vous qui disiez bien haut que vous étiez indigne de l’épiscopat, vous y avez à peine été élevé que, méprisant vos frères, vous avez ambitionné d’avoir seul le titre d’évêque.
« Pélage, mon prédécesseur de sainte mémoire, avait adressé à Votre Sainteté des observations fort graves à ce sujet. Il a rejeté, à cause du titre orgueilleux et superbe que vous y avez pris, les actes du synode que vous avez assemblé dans la cause de notre frère et coévêque Grégoire, et il défendit de communiquer avec vous à l’archidiacre que, selon l’usage, il avait envoyé à la cour de l’Empereur. Après la mort de Pélage, ayant été élevé malgré mon indignité au gouvernement de l’Église , j’ai eu soin d’engager Votre Fraternité, non par écrit mais de vive voix, d’abord par mes envoyés , et ensuite par l’entremise de notre commun fils le diacre Sabinien, de renoncer à une telle présomption. J’ai défendu à ce dernier de communiquer avec vous si vous refusiez d’obtempérer à ma demande, afin d’inspirer à Votre Sainteté de la honte de son ambition avant de procéder par des voies canoniques si la honte ne vous guérissait pas d’un orgueil aussi profane, aussi coupable. Comme avant de faire l’amputation il faut palper doucement la plaie, je vous prie, je vous supplie, je demande avec le, plus de douceur qu’il m’est possible que Votre Fraternité s’oppose à tous les flatteurs qui lui donnent un titre erroné et qu’elle ne consente pas à s’attribuer un titre aussi insensé qu’orgueilleux.
« En vérité je pleure ; et du fond du cœur j’attribue à mes péchés que mon frère n’ait pas voulu revenir à l’humilité, lui qui n’a été établi dans la dignité épiscopale que pour ramener les âmes des autres à l’humilité ; et que celui qui enseigne aux autres la vérité n’ait voulu ni se l’enseigner à lui-même ni consentir, malgré mes prières, à ce que je prisse ce soin.
« Réfléchissez donc, je vous en prie, que par cette présomption téméraire la paix de l’Église entière est troublée, et que vous êtes ennemi de la grâce qui a été donnée à tous en commun. Plus vous croîtrez en cette grâce, plus vous serez humble à vos yeux ; vous serez d’autant plus grand que vous serez plus éloigné d’usurper ce titre extravagant et orgueilleux. Vous serez d’autant plus riche que vous chercherez moins à dépouiller vos frères à votre profit. Donc, très cher frère, aimez l’humilité de tout votre cœur ; c’est elle qui maintient la concorde entre les frères, et qui conserve l’unité dans la sainte Église universelle.
« Lorsque l’apôtre Paul entendait certains fidèles dire : « Moi je suis disciple de Paul, moi d’Apollo, moi de Pierre », il ne pouvait sans horreur voir ainsi déchirer le corps du Seigneur, en rattacher les membres à plusieurs têtes, et il s’écriait : « Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? ou bien avez-vous été baptisés au nom de Paul ? » S’il ne voulait pas que les membres du corps du Seigneur fussent rattachés par parties à d’autres têtes qu’à celle du Christ, quoique ces têtes fussent des apôtres, vous, que direz-vous au Christ qui est la tête de l’Église universelle, que lui direz-vous au dernier jugement, vous qui par votre titre d’universel voulez vous soumettre tous ses membres ? Qui, dites-le moi je vous prie, qui imitez-vous par ce titre pervers si ce n’est celui qui, méprisant les légions des anges qui étaient ses compagnons s’efforça de monter au faîte pour n’être soumis à personne et être seul au-dessus des autres ; qui dit : « Je monterai dans le ciel ; j’élèverai mon trône au-dessus des astres du ciel ; je placerai mon siège sur la montagne de l’alliance, dans les flancs de l’Aquilon. Je monterai au-dessus des nuées ; je serai semblable au Très-Haut »…
Que sont vos frères, tous les évêques de l’Église universelle, si ce n’est les astres du ciel ! Leur vie et leur enseignement brillent en effet à travers les péchés et les erreurs des hommes comme les astres à travers les ténèbres de la nuit. Lorsque par un titre ambitieux vous voulez vous élever au-dessus d’eux et rabaisser leur titre en le comparant avec le vôtre, que dites-vous, si ce n’est ces paroles : « Je monterai dans le ciel ; j’élèverai mon trône au-dessus des astres du ciel » ? Tous les évêques ne sont-ils pas les nuées qui versent la pluie de l’enseignement, et qui sont sillonnées par les éclairs de leurs bonnes œuvres ? Votre Fraternité, en les méprisant, en s’efforçant de les mettre à ses pieds, que dit-elle si ce n’est cette parole de l’antique ennemi : « Je monterai au-dessus des nuées » ?
« Pour moi, quand je vois tout cela à travers mes larmes, je crains les jugements secrets de Dieu ; mes larmes coulent avec plus d’abondance, mes gémissements débordent de mon cœur, de ce que le seigneur Jean, cet homme si saint, d’une si grande abstinence et humilité, séduit par les flatteries de ses familiers a pu s’élever jusqu’à un tel degré d’orgueil que par désir d’un titre pervers il s’efforce d’être semblable à celui qui, en voulant être orgueilleusement semblable à Dieu, perdit la grâce de la ressemblance divine qui lui avait été accordée - et qui perdit la vraie béatitude parce qu’il ambitionna une fausse gloire.
« Pierre, le premier des apôtres, et membre de l’Église sainte et universelle ; Paul, André, Jean, ne sont-ils pas les chefs de certains peuples ? et cependant tous sont membres sous un seul chef. Pour tout dire en un mot, les saints avant la loi, les saints sous la loi, les saints sous la grâce ne forment-ils pas tous le corps du Seigneur ? Ne sont-ils pas membres de l’Église ? … et il n’en est aucun parmi eux qui ait voulu être appelé universel. Que VotreSainteté reconnaisse donc combien elle s’enfle en elle-même lorsqu’elle revendique un titre qu’aucun n’a eu la présomption de s’attribuer !
« Votre Fraternité le sait, le vénérable concile de Chalcédoine n’a-t-il pas donné honorifiquement le titre d’universel aux évêques de ce siège apostolique - dont je suis, par la volonté de Dieu, le serviteur ? Et cependant aucun n’a voulu permettre qu’on lui donnât ce titre ; aucun ne s’attribua ce titre téméraire, de peur qu’en s’attribuant un honneur particulier dans la dignité de l’épiscopat il ne semblât la refuser à tous les Frères…
… / …
Lettres du pape saint Grégoire le Grand
Voici la suite (n° 2) des extraits des lettres de saint Grégoire le Grand publiés par Wladimir Guettée:
… / …
« Le Seigneur, voulant rappeler à l’humilité les cœurs encore faibles de ses disciples, leur dit : « Si quelqu’un veut obtenir la première place parmi vous, il sera le plus petit de tous » ; ce qui nous fait connaître clairement que celui qui est véritablement élevé est celui qui s’humilie dans ses pensées. Craignons donc d’être du nombre de ceux qui cherchent les premières places dans les synagogues, les salutations sur la place publique, et qui aiment être appelés Maîtres parmi les hommes. En effet, le Seigneur a dit à ses disciples : « Ne vous faites pas appeler Maîtres, car vous n’avez qu’un Maître, et vous êtes tous frères. Ne vous faites pas non plus appeler Pères, car vous n’avez qu’un Père. »
« Que direz-vous donc, très cher frère, au terrible jugement à venir, vous qui désirez non seulement être appelé Père, mais Père universel du monde ? Prenez donc garde aux mauvaises suggestions ; fuyez tout conseil de scandale. Il est nécessaire, il est vrai, que les scandales arrivent ; mais pourtant, MALHEUR à celui par qui le scandale arrive ! Par suite de votre titre criminel et plein d’orgueil, l’Église est divisée et les cœurs de tous les frères sont scandalisés.
« …J’ai cherché, une fois et deux fois, par mes envoyés et par mes humbles paroles, à corriger le péché qui est commis contre toute l’Église ; aujourd’hui, j’écris moi-même. Je n’ai rien omis de ce que l’humilité me faisait un devoir de faire. Si je ne recueille de ma correction que du mépris, il ne me restera que la ressource d’en appeler à l’Église. »
Suite du commentaire de W. Guettée :
« On voit par cette première lettre du Pape saint Grégoire le Grand : 1° que l’autorité ecclésiastique réside dans l’épiscopat, et non dans tel évêque, si élevé que soit son rang dans la hiérarchie ecclésiastique ; 2° que ce n’était point sa cause particulière qu’il défendait contre Jean de Constantinople, mais celle de toute l’Église ; 3° qu’il n’avait pas le droit de juger lui-même cette cause, et qu’il devait en référer à l’Église ; 4° que le titre d’évêque universel est contraire à la parole de Dieu, orgueilleux, criminel ; 5° qu’aucun évêque, malgré l’élévation de son rang dans la hiérarchie ecclésiastique, ne peut prétendre à une autorité universelle sans entreprendre sur les droits de l’épiscopat entier ; 6° qu’aucun évêque dans l’Église ne peut se prétendre père de tous les chrétiens sans s’attribuer un titre contraire à l’Évangile, orgueilleux et criminel. »
Mais saint Grégoire n'en resta pas là; il écrivit ensuite à l’Empereur, qui avait malgré tout conféré ce titre à Jean de Constantinople :
« … Notre très pieux seigneur agit sagement en cherchant à procurer la paix de l’Église pour arriver à pacifier son empire, en daignant engager les prêtres à la concorde et à l’union. Je la désire ardemment et, autant qu’il est en moi, j’obéis à ses ordres sérénissimes. Mais comme il ne s’agit pas de ma cause, mais de celle de Dieu ; comme ce n’est pas moi seul qui suis troublé, mais que toute l’Église est agitée ; comme les canons, les vénérables conciles et les commandements de Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même sont attaqués par l’invention d’un certain mot pompeux et orgueilleux - que le très pieux seigneur coupe ce mal, et si le malade veut résister, qu’il l’enlace dans les liens de son autorité impériale. En enchaînant de telles choses, vous donnez la liberté à la république ; et par des incisions de ce genre, vous diminuez le mal de votre empire.
« Tous ceux qui ont lu l’Évangile savent que le soin de toute l’Église a été confié par le Seigneur lui-même à saint Pierre, premier de tous les apôtres. En effet, il lui a été dit : « Pierre, m’aimes-tu ? Pais mes brebis ! » Il lui a été dit encore : « Satan a désiré te cribler comme du blé ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta Foi ne défaille pas ; donc, étant converti, affermis tes frères. » Il lui a été dit aussi : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église , et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ; et je te donnerai la clef du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel ». Il a donc reçu les clefs du royaume céleste ; le pouvoir de lier et de délier lui a été donné ; on lui a confié le soin de toute l’Église et la primauté , et cependant il ne s’est pas appelé apôtre universel. Or le très saint homme Jean, mon frère dans le sacerdoce, s’efforce de prendre le titre d’évêque universel. Je suis obligé de m’écrier et de dire : « O temps ! O mœurs ! »
Avant de continuer sa citation de saint Grégoire, Wladimir Guettée commente ce qui précède et conclut : « Il attaque donc, par l’exemple de saint Pierre, l’autorité que les papes se sont attribuées au nom de saint Pierre et comme successeurs de saint Pierre ! » ; puis il poursuit ce second extrait :
« … Est-ce ma cause, très pieux seigneur, que je défends en cette circonstance ? Est-ce d’une injure particulière que je veux me venger ? Non, il s’agit dela cause de Dieu tout-puissant, de la cause de l’Église universelle.
« Quel est celui-là qui, contrairement aux préceptes de l’Évangile, aux décrets des canons, a la présomption d’usurper un nouveau titre ? Plût au ciel qu’il n’y en ait qu’un qui, sans vouloir amoindrir les autres, désire individuellement être universel !…
« L’Église de Constantinople a fourni des évêques qui sont tombés dans l’abîme de l’hérésie, et qui sont même devenus hérésiarques. C’est de là qu’est sorti Nestorius qui, pensant qu’il y avait deux personnes en Jésus Christ, Médiateur entre Dieu et les hommes, et parce qu’il ne crut pas que Dieu pouvait se faire homme, descendit ainsi jusqu’à la perfidie des Juifs. C’est de là qu’est sorti Macédonius, qui nia que l’Esprit-Saint fût un Dieu consubstantiel avec le Père et le Fils. Si donc quelqu’un usurpe dans l’Église un titre qui résume en lui tous les fidèles, l’Église universelle (ô blasphème !) tombera donc avec lui, puisqu’il se fait appeler l’universel ! Que tous les chrétiens rejettent donc ce titre blasphématoire, ce titre qui enlève l’honneur sacerdotal à tous les prêtres dès qu’il est follement usurpé par un seul !
« C’est une chose certaine que ce titre a été offert au pontife romain par le vénérable concile de Chalcédoine pour honorer le bienheureux Pierre, prince des apôtres. Mais aucun d’eux n’a consenti à se servir de ce titre particulier, de peur que si l’on donnait quelque chose de particulier à un seul, tous les prêtres fussent privés de l’honneur qui leur est dû. Comment, lorsque nous n’ambitionnons pas la gloire d’un titre qui nous a été offert, un autre a-t-il la présomption de le prendre lorsqu’il ne lui a été offert par personne ? »
Et Wladimir Guettée de conclure avec pertinence : « Ce passage de Grégoire est très remarquable. Ce saint affirme d’abord que c’est un concile qui a offert aux évêques de Rome l’honneur d’être appelés universels ; ce concile en eût-il agi ainsi dans le but d’honorer ces évêques s’il eût cru que de droit divin ils avaient une autorité universelle ?
« Saint Grégoire assure de plus que le concile voulut honorer les évêques de Rome par honneur pour saint Pierre ; il ne croyait donc pas que l’autorité universelle leur vînt par succession de cet apôtre.
« L’Église de Rome se glorifie avec raison de saint Pierre parce qu’il l’a illustrée par son martyre. Ce fut donc en souvenir de ce martyre, et pour honorer le premier des apôtres que le concile général de Chalcédoine aurait offert aux évêques de Rome un titre honorifique.
« Comment concilier avec ces faits constatés par le pape saint Grégoire les prétentions des évêques actuels de Rome – qui se croient investis de droit divin, non pas seulement du titre d’évêque universel, de Père commun des fidèles, mais d’une souveraineté universelle ?… »
… / …
« Le Seigneur, voulant rappeler à l’humilité les cœurs encore faibles de ses disciples, leur dit : « Si quelqu’un veut obtenir la première place parmi vous, il sera le plus petit de tous » ; ce qui nous fait connaître clairement que celui qui est véritablement élevé est celui qui s’humilie dans ses pensées. Craignons donc d’être du nombre de ceux qui cherchent les premières places dans les synagogues, les salutations sur la place publique, et qui aiment être appelés Maîtres parmi les hommes. En effet, le Seigneur a dit à ses disciples : « Ne vous faites pas appeler Maîtres, car vous n’avez qu’un Maître, et vous êtes tous frères. Ne vous faites pas non plus appeler Pères, car vous n’avez qu’un Père. »
« Que direz-vous donc, très cher frère, au terrible jugement à venir, vous qui désirez non seulement être appelé Père, mais Père universel du monde ? Prenez donc garde aux mauvaises suggestions ; fuyez tout conseil de scandale. Il est nécessaire, il est vrai, que les scandales arrivent ; mais pourtant, MALHEUR à celui par qui le scandale arrive ! Par suite de votre titre criminel et plein d’orgueil, l’Église est divisée et les cœurs de tous les frères sont scandalisés.
« …J’ai cherché, une fois et deux fois, par mes envoyés et par mes humbles paroles, à corriger le péché qui est commis contre toute l’Église ; aujourd’hui, j’écris moi-même. Je n’ai rien omis de ce que l’humilité me faisait un devoir de faire. Si je ne recueille de ma correction que du mépris, il ne me restera que la ressource d’en appeler à l’Église. »
Suite du commentaire de W. Guettée :
« On voit par cette première lettre du Pape saint Grégoire le Grand : 1° que l’autorité ecclésiastique réside dans l’épiscopat, et non dans tel évêque, si élevé que soit son rang dans la hiérarchie ecclésiastique ; 2° que ce n’était point sa cause particulière qu’il défendait contre Jean de Constantinople, mais celle de toute l’Église ; 3° qu’il n’avait pas le droit de juger lui-même cette cause, et qu’il devait en référer à l’Église ; 4° que le titre d’évêque universel est contraire à la parole de Dieu, orgueilleux, criminel ; 5° qu’aucun évêque, malgré l’élévation de son rang dans la hiérarchie ecclésiastique, ne peut prétendre à une autorité universelle sans entreprendre sur les droits de l’épiscopat entier ; 6° qu’aucun évêque dans l’Église ne peut se prétendre père de tous les chrétiens sans s’attribuer un titre contraire à l’Évangile, orgueilleux et criminel. »
Mais saint Grégoire n'en resta pas là; il écrivit ensuite à l’Empereur, qui avait malgré tout conféré ce titre à Jean de Constantinople :
« … Notre très pieux seigneur agit sagement en cherchant à procurer la paix de l’Église pour arriver à pacifier son empire, en daignant engager les prêtres à la concorde et à l’union. Je la désire ardemment et, autant qu’il est en moi, j’obéis à ses ordres sérénissimes. Mais comme il ne s’agit pas de ma cause, mais de celle de Dieu ; comme ce n’est pas moi seul qui suis troublé, mais que toute l’Église est agitée ; comme les canons, les vénérables conciles et les commandements de Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même sont attaqués par l’invention d’un certain mot pompeux et orgueilleux - que le très pieux seigneur coupe ce mal, et si le malade veut résister, qu’il l’enlace dans les liens de son autorité impériale. En enchaînant de telles choses, vous donnez la liberté à la république ; et par des incisions de ce genre, vous diminuez le mal de votre empire.
« Tous ceux qui ont lu l’Évangile savent que le soin de toute l’Église a été confié par le Seigneur lui-même à saint Pierre, premier de tous les apôtres. En effet, il lui a été dit : « Pierre, m’aimes-tu ? Pais mes brebis ! » Il lui a été dit encore : « Satan a désiré te cribler comme du blé ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta Foi ne défaille pas ; donc, étant converti, affermis tes frères. » Il lui a été dit aussi : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église , et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ; et je te donnerai la clef du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel ». Il a donc reçu les clefs du royaume céleste ; le pouvoir de lier et de délier lui a été donné ; on lui a confié le soin de toute l’Église et la primauté , et cependant il ne s’est pas appelé apôtre universel. Or le très saint homme Jean, mon frère dans le sacerdoce, s’efforce de prendre le titre d’évêque universel. Je suis obligé de m’écrier et de dire : « O temps ! O mœurs ! »
Avant de continuer sa citation de saint Grégoire, Wladimir Guettée commente ce qui précède et conclut : « Il attaque donc, par l’exemple de saint Pierre, l’autorité que les papes se sont attribuées au nom de saint Pierre et comme successeurs de saint Pierre ! » ; puis il poursuit ce second extrait :
« … Est-ce ma cause, très pieux seigneur, que je défends en cette circonstance ? Est-ce d’une injure particulière que je veux me venger ? Non, il s’agit dela cause de Dieu tout-puissant, de la cause de l’Église universelle.
« Quel est celui-là qui, contrairement aux préceptes de l’Évangile, aux décrets des canons, a la présomption d’usurper un nouveau titre ? Plût au ciel qu’il n’y en ait qu’un qui, sans vouloir amoindrir les autres, désire individuellement être universel !…
« L’Église de Constantinople a fourni des évêques qui sont tombés dans l’abîme de l’hérésie, et qui sont même devenus hérésiarques. C’est de là qu’est sorti Nestorius qui, pensant qu’il y avait deux personnes en Jésus Christ, Médiateur entre Dieu et les hommes, et parce qu’il ne crut pas que Dieu pouvait se faire homme, descendit ainsi jusqu’à la perfidie des Juifs. C’est de là qu’est sorti Macédonius, qui nia que l’Esprit-Saint fût un Dieu consubstantiel avec le Père et le Fils. Si donc quelqu’un usurpe dans l’Église un titre qui résume en lui tous les fidèles, l’Église universelle (ô blasphème !) tombera donc avec lui, puisqu’il se fait appeler l’universel ! Que tous les chrétiens rejettent donc ce titre blasphématoire, ce titre qui enlève l’honneur sacerdotal à tous les prêtres dès qu’il est follement usurpé par un seul !
« C’est une chose certaine que ce titre a été offert au pontife romain par le vénérable concile de Chalcédoine pour honorer le bienheureux Pierre, prince des apôtres. Mais aucun d’eux n’a consenti à se servir de ce titre particulier, de peur que si l’on donnait quelque chose de particulier à un seul, tous les prêtres fussent privés de l’honneur qui leur est dû. Comment, lorsque nous n’ambitionnons pas la gloire d’un titre qui nous a été offert, un autre a-t-il la présomption de le prendre lorsqu’il ne lui a été offert par personne ? »
Et Wladimir Guettée de conclure avec pertinence : « Ce passage de Grégoire est très remarquable. Ce saint affirme d’abord que c’est un concile qui a offert aux évêques de Rome l’honneur d’être appelés universels ; ce concile en eût-il agi ainsi dans le but d’honorer ces évêques s’il eût cru que de droit divin ils avaient une autorité universelle ?
« Saint Grégoire assure de plus que le concile voulut honorer les évêques de Rome par honneur pour saint Pierre ; il ne croyait donc pas que l’autorité universelle leur vînt par succession de cet apôtre.
« L’Église de Rome se glorifie avec raison de saint Pierre parce qu’il l’a illustrée par son martyre. Ce fut donc en souvenir de ce martyre, et pour honorer le premier des apôtres que le concile général de Chalcédoine aurait offert aux évêques de Rome un titre honorifique.
« Comment concilier avec ces faits constatés par le pape saint Grégoire les prétentions des évêques actuels de Rome – qui se croient investis de droit divin, non pas seulement du titre d’évêque universel, de Père commun des fidèles, mais d’une souveraineté universelle ?… »