Deux ou trois choses que l'on ne dit pas sur le Kosovo...
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- Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13
Deux ou trois choses que l'on ne dit pas sur le Kosovo...
On est tout de même en droit de se demander pourquoi les États-Unis d'Amérique, en déclin et en recul sur tous les fronts, ont consacré tant d'efforts à transformer une province serbe en un État fantoche à la réalité des plus incertaines.
On se demande pourquoi les États-Unis ont obtenu que leurs satellites (Afghanistan, France sarkozysée ou Allemagne de Merkel) reconnaissent tous cet « État » le même jour, comme une ultime preuve de reniement de soi-même (cas de l'Allemagne ou de l'Italie), comme une incomparable déclaration d'allégeance à l'idéologie des néo-cons (cas du Sarkoland) ou comme une manifestation de solidarité raciale et raciste (cas du Royaume-Uni). Nous rirons bien le jour où la Corse ou l'Écosse proclameront leur indépendance. Nous rions déjà lorsque l'étrange « communiste » Massimo d'Alema, ministre des Affaires étrangères d'un gouvernement renversé en bonne et due forme par le Sénat de la République italienne et qui se contente d'administrer les affaires courantes en attendant des élections législatives qui ont toutes les chances de confirmer sa déconfiture, affirme sans sourciller que l'Italie reconnaît l' « indépendance » du Kosovo, mais que celui-ci ne sera pas un État comme les autres, puisqu'il sera administré par l' « Union européenne » (comprendre des Étasuniens sans le passeport...). Reconnaître l'indépendance d'un État qui sera administré de l'extérieur? Ceci confine à l'indécence.
On notera que la Suisse, malgré ses 200'000 Kossovalbanais (2,8% de sa population totale !) qui ont gratifié dimanche dernier les villes helvétiques de grandioses concerts de klaxons dans leurs voitures où ils brandissaient drapeaux albanais et... étasuniens (démarche révélatrice à la fois de ce que sera la souveraineté de ce nouvel « État » et du mépris dans lequel on tient le pays d'accueil, puisqu'il ne me souvient pas d'avoir vu la bannière rouge à croix blanche dans ces défilés bruyants, ce qui d'ailleurs m'évite une humiliation supplémentaire), a tenu à montrer qu'elle conservait une parcelle de souveraineté (contrairement à la Sarkozie) en n'obtempérant pas (pas encore...) à l'ordre de Washington.
On pourrait donc se demander pourquoi les Anglo-Saxons attachent tant d'importance à un territoire de moins de 11'000 km2, sans potentiel économique et où ils n'ont pas, contrairement aux Serbes, leur cœur historique et le patriarcat de Peć.
Certes, on peut toujours penser que cela correspond à la stratégie de Washington de créer une « dorsale islamique » dans les Balkans, le Kosovo venant s’ajouter à la Bosnie-Herzégovine islamisée par de rudes moyens après 1992 et à une Albanie encore laïque, mais que ses « protecteurs » firent néanmoins adhérer à l’Organisation de la conférence islamique, en attendant de détacher de la Serbie le Sandjak et le seuil de Preševo, et pourquoi pas de créer des petits États islamiques sur des morceaux de territoires de l’ARYM, de la Grèce et de la Bulgarie, pour que les stratèges anglo-saxons puissent contempler un seul territoire islamique de Sarajevo à Edirne, l’ancienne Andrinople vidée de sa population chrétienne en 1924. Certes, mais la fausse indépendance, en réalité soumission totale, accordée dans un petit coin d’Europe centrale à 1'800'000 musulmans tièdes , qui s'enthousiasment pour le moment, mais qui ne savent pas quel sera leur calvaire sous la tutelle de Washington, effacera-t-elle vraiment aux yeux du monde musulman les dizaines de milliers de musulmans plus convaincus massacrés par les armées étasunienne et britannique en Irak depuis 2003 ?
Je trouve une explication peut-être plus convaincante dans une brochure qui m’est parvenue, rédigée en novembre 2004, donc il y a plus de trois ans, par un dénommé Jacques Delacroix qui semble être pour le moins un catholique intégriste : Élections américaines. La victoire de V. Poutine. L’auteur ne porte pas l’Orthodoxie dans son cœur et ses convictions religieuses font qu’il n’a aucune raison particulière de ménager les orthodoxes. Je cite ces quelques lignes qui poussent à la réflexion, pages 57 s. de cet opuscule :
« Les personnages du « bloc de commandement russe » qui composent avec leur représentant, Vladimir Poutine, savent très bien que les « forces étrangères » qui ont décidé de s’en prendre à la Russie pratiquent avant tout une doctrine géostratégique, globalement anti-orthodoxe, fondée sur le « refoulement » (roll back) de la Russie et de ses sphères d’influence.
Il est encore évident que ces « forces étrangères » cherchent par ce biais à mettre au pas la Russie et le bloc orthodoxe, réfractaire à la mondialisation occidentale et donc au projet de Nouvel Ordre Mondial.
Dans le même temps, ces mêmes « forces étrangères » cherchent à opposer l’Occident à la Russie et au bloc orthodoxe. D’ailleurs, la programmation des attentats de Beslan est survenue quasiment au moment où Bush atteignait le pic de son avance sur Kerry (58-60% des votes) !
Commanditer les attentats de Beslan et faire élire Kerry laissaient entrevoir une seule stratégie états-unienne : américaniser l’Europe et l’intégrer dans la doctrine géostratégique, globalement anti-orthodoxe.
N’oublions pas que la Guerre froide livrée par les Etats-Unis au monde russo-soviétique a puissamment favorisé l’intégration des États occidentaux autour de la puissance américaine, et l’américanisation globale du Vieux Continent.
Les nations européennes servent aujourd’hui de force d’appoint, de glacis extérieur et de « tête de pont géostratégique » des Etats-Unis en Eurasie, comme l’écrit noir sur blanc le stratège américain Brzezinski dans Le Grand Échiquier.
« L’Occident » est désormais un véritable piège conceptuel et sémantique, un « leurre civilisationnel ». Il revient à couper l’Europe continentale en deux et à exclure du champ européen l’espace slavo-orthodoxe post-byzantin, considéré comme étranger, « oriental ». »
Certes, à la lecture de ces quelques lignes, écrites je le rappelle il y a plus de trois ans, il est facile de crier à la théorie du complot et à l’anti-américanisme primaire. Après tout, si dans la plupart des pays d’Europe occidentale, l’amour de son propre pays est en passe d’être considéré comme une maladie mentale, rien n’est en revanche plus obligatoire que l’amour des États-Unis. On se demande d’ailleurs pourquoi la France et le Royaume-Uni conservent encore leur siège permanent et leur droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU au lieu de le céder au Kentucky ou au Wisconsin. Ce qui serait tout de même plus en phase avec la situation diplomatique réelle. Il y a quelques décennies, un écrivain alors fort en vue et aujourd'hui justement oublié, Romain Gary, ciselait une de ces formules creuses et fausses comme les affectionnent nos contemporains: « Le patriotisme, c'est l'amour des siens; le nationalisme, c'est la haine des autres.» Il aurait pu ajouter que l'américanisme des Européens, c'est surtout la haine de soi.
Et pourtant, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les événements se déroulent exactement selon le projet géostratégique décrit plus haut. Car il est vrai que les États-Unis, contrairement à la France de M. Sarkőzy de Nagy-Bocsa et à l’Allemagne de Mme Merkel, ont une politique étrangère, eux.
Alors, regardons les choses en face. Succès sur toute la ligne.
« L’Occident » est bien un « leurre civilisationnel » : c’est au nom de la solidarité « occidentale » que le contribuable européen devra payer les frais colossaux d’une indépendance du Kosmet voulue par Washington. C’est au nom de la « solidarité occidentale » qu’un ministre du gouvernement qu siège (encore ?) à Paris (M. Xavier Darcos) annonçait voici sept mois sa volonté de faire de la France « un pays bilingue ». On se doute qu’il ne s’agit pas de bilinguisme avec l’occitan, ni même avec l’allemand, et qu’il s’agit bien de faire de l’anglais la langue co-officielle, en attendant je suppose l’admission comme 51e État et l’adoption du système English only ? (Il est clair que faire de la France un pays bilingue est prioritaire par rapport à la lutte contre l’illettrisme ou au renforcement des mathématiques, alors que toutes les enquêtes PISA montrent l’effondrement du niveau des jeunes Français en mathématiques et dans la maîtrise de leur langue maternelle – encore qu’il est possible que, dans ce dernier cas, ce soit le but recherché, l’insécurité linguistique précédant l’adoption de la langue du maître).
« L’Europe » disparaît de plus en plus dans les limbes, puisque le but de créer une fracture artificielle en Europe continentale entre pays de tradition orthodoxe et pays de tradition catholique ou protestante est plus que jamais atteint . Sur les six États membres de l’Union européenne qui refusent de reconnaître l’étrange « indépendance » de la province autonome serbe de Kosovo-et-Métochie, quatre sont de tradition orthodoxe (Grèce, Chypre, Bulgarie et Roumanie), un est situé en Europe centrale (Slovaquie) et un seul en Europe occidentale (Espagne). L’objectif est magistralement atteint.
Le peu de prestige qui restait à l’Allemagne, à la France et à l’Italie, ou que ces pays étaient susceptibles de recouvrer par le biais de leur puissance économique – encore que, depuis 2001, le déclin industriel de la France et de l’Italie, sur fond de déclarations triomphales sans cesse renouvelées des Jospin, Berlusconi, Sarkőzy et autres Prodi, soit proprement terrifiant – est définitivement évanoui, ces trois pays ayant dans cette affaire rivalisé dans la soumission à leur maître, aux dépens de leurs propres intérêts. Il faut en particulier souligner que la France dilapide ainsi le capital de sympathie qui lui restait dans le seul pays d’Europe centrale et orientale à avoir une tradition francophile et francophone – la Grèce.
Toutefois, cum grano salis, je souhaiterais apporter trois compléments aux analyses de M. Jacques Delacroix.
En premier lieu, la politique étrangère anglo-saxonne, depuis bientôt trois siècles, et pour des raisons évidentes d’affiliation idéologique des élites anglo-saxonnes, n’est pas seulement anti-orthodoxe, elle est globalement anti-chrétienne. La politique de Londres et Washington dans les Balkans reste dans la ligne du soutien apporté par Londres aux druzes du Liban pour y massacrer les chrétiens - catholiques maronites en l'occurrence - en 1840. Au moins ces gouvernements-là ont-ils le mérite d’être cohérents. Ce qui n’est pas le cas de Berlin, Paris et Rome.
Ensuite, le concept d’ « espace slavo-orthodoxe » qu’utilise M. Delacroix est des plus flous. Dans cette affaire, il n’y a à ma connaissance que trois pays slaves qui soutiennent la Serbie : il s’agit de la Russie, de la Bulgarie et de la Slovaquie. Deux d’entre eux sont de tradition orthodoxe, un de tradition catholique avec minorités protestantes significatives. On remarquera que les autres pays slaves ne semblent guère se solidariser avec Belgrade, y compris la « slavo-orthodoxe » ARYM de Skoplje. En revanche, des pays de tradition orthodoxe qui ne sont pas de langue slave se solidarisent avec la Serbie – et avec le droit international - : il s’agit de deux États helléniques et d’un État latin. À la place de M. Delacroix, je parlerais plutôt d’ « espace post-byzantin » que d’ « espace slavo-orthodoxe » ou même d’ « espace orthodoxe » la proportion réelle de baptisés orthodoxes étant très faible dans la plupart de ces pays. Et oui, après des décennies de persécution communiste fanatiquement anti-orthodoxe, il ne faut pas se faire trop d'illusion sur ce qui reste de vie religieuse dans bien des régions qui abondèrent autrefois en églises, en monastères... et en martyrs.
Enfin, il est piquant de constater que le discours géostratégique de Washington recoupe le discours tenu par le clergé orthodoxe œcuméniste – sauf dans le cadre des quatre patriarcats anciens et apostoliques où même les œcuménistes ne marchent pas entièrement dans la combine. En effet, le discours œcuméniste, avec son insistance sur les « deux poumons » « occidental » et « oriental », avec ces deux mondes présentés comme si irréductibles l’un à l’autre que les œcuménistes en viennent parfois à interdire à des Européens de l’Ouest d’entrer dans l’Église orthodoxe et que le culte des saints orthodoxes de l’Europe occidentale du premier millénaire est découragé, avec cette curieuse notion de « territoires canoniques » qui correspondent en fait à des religions différentes dans une étrange transposition ecclésiastique du système de Yalta, ce discours orthodoxe œcuméniste, si mielleux en paroles et si totalitaire dans sa transposition dans les faits, correspond furieusement à une version « spiritualiste » ou pseudo-spirituelle de la doctrine géostratégique du roll back. Encore que les naïfs qu tiennent ce discours croient que leurs maîtres s'en tiendront à la stratégie du containment. Comparez les écrits de Brzezinski et les discours de tel ou tel prélat œcuméniste orthodoxe. C’est édifiant. Cela peut encore se comprendre de tel ou tel patriarche dont les affiliations sont exactement les mêmes que celles qui dominent dans l’élite politique anglo-saxonne depuis 1717. Mais il est curieux de voir des hommes qui se présentent par ailleurs comme des parangon du phylétisme et des serviteurs de la grandeur de leur nation se rallier à une vision géostratégique conçue par des gens qui ne leur veulent que du mal.
Et, puis, la dernière chose, celle que l'on ne rappelle pas, mais qui en dit long sur la cohérence d'hommes politiques qui sont par ailleurs si prompts à donner au reste du monde des leçons de démocratie, de droit, etc.
J'ai sous les yeux, dans le livre remarquable du communiste belge Michel Collon Monopoly. L'Otan à la conquête du monde, EPO, Bruxelles 2000, p. 203, le texte du Diktat imposé par l'OTAN (comprendre les Anglo-Saxons) à la République fédérale de Yougoslavie le 3 juin 1999 après 72 jours de bombardements terroristes contre les populations civiles. Je reproduis ici le début de l'article 8 de ce prétendu accord:
«Prenant pleinement en considération les accords de Rambouillet et les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la République Fédérale de Yougoslavie...»
Ainsi, on proclame avec une hypocrisie consommée son respect du droit international (respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale) pour mieux le bafouer - et avec quelle outrecuidance ! - 9 ans plus tard. Ainsi, on accorde au Kosovo ce que l'on refusera demain à la Republika srpska en Bosnie-Herzégovine. Le chanoine deux fois divorcé de Saint-Jean-de-Latran, qui fut l'un des plus fanatiques à promouvoir l'indépendance du Kosovo, ne cesse de faire arrêter par sa gendarmerie et sa police des séparatistes basques dont la seule différence avec les hommes de l'UÇK (Ushtria Çlirimtare e Kosovës ) est d'avoir moins de sang sur les mains. Je me demande pourtant au nom de quoi il prétend refuser à la Corse, à la Bretagne ou aux trois provinces d'Iparralde - Labourd, Basse-Navarre et Soule - , et demain à la Seine-Saint-Denis tant qu'on y est, ce qu'il vient d'accorder au Kosovo et à la Métochie. Il me prend l'envie de lancer au chanoine honoraire l'apostrophe qui fut lancée à un théologien autrement plus authentique, le docteur Martin Luther, lors de la diète de Worms: Mönchlein, Mönchlein, du gehst einen schweren Gang...
Nous pouvons désormais jeter au feu des bibliothèques entières de droit international public. Adieu François de Vitoria, bonjour Bernard Kouchner qui se vantait en 1999 d'avoir «remplacé le droit par le droit du cœur».
Naturellement, nous savons aussi que tout se paye. Aujourd'hui, c'est le peuple serbe qui souffre. Demain, c'est nous qui souffrirons.
On se demande pourquoi les États-Unis ont obtenu que leurs satellites (Afghanistan, France sarkozysée ou Allemagne de Merkel) reconnaissent tous cet « État » le même jour, comme une ultime preuve de reniement de soi-même (cas de l'Allemagne ou de l'Italie), comme une incomparable déclaration d'allégeance à l'idéologie des néo-cons (cas du Sarkoland) ou comme une manifestation de solidarité raciale et raciste (cas du Royaume-Uni). Nous rirons bien le jour où la Corse ou l'Écosse proclameront leur indépendance. Nous rions déjà lorsque l'étrange « communiste » Massimo d'Alema, ministre des Affaires étrangères d'un gouvernement renversé en bonne et due forme par le Sénat de la République italienne et qui se contente d'administrer les affaires courantes en attendant des élections législatives qui ont toutes les chances de confirmer sa déconfiture, affirme sans sourciller que l'Italie reconnaît l' « indépendance » du Kosovo, mais que celui-ci ne sera pas un État comme les autres, puisqu'il sera administré par l' « Union européenne » (comprendre des Étasuniens sans le passeport...). Reconnaître l'indépendance d'un État qui sera administré de l'extérieur? Ceci confine à l'indécence.
On notera que la Suisse, malgré ses 200'000 Kossovalbanais (2,8% de sa population totale !) qui ont gratifié dimanche dernier les villes helvétiques de grandioses concerts de klaxons dans leurs voitures où ils brandissaient drapeaux albanais et... étasuniens (démarche révélatrice à la fois de ce que sera la souveraineté de ce nouvel « État » et du mépris dans lequel on tient le pays d'accueil, puisqu'il ne me souvient pas d'avoir vu la bannière rouge à croix blanche dans ces défilés bruyants, ce qui d'ailleurs m'évite une humiliation supplémentaire), a tenu à montrer qu'elle conservait une parcelle de souveraineté (contrairement à la Sarkozie) en n'obtempérant pas (pas encore...) à l'ordre de Washington.
On pourrait donc se demander pourquoi les Anglo-Saxons attachent tant d'importance à un territoire de moins de 11'000 km2, sans potentiel économique et où ils n'ont pas, contrairement aux Serbes, leur cœur historique et le patriarcat de Peć.
Certes, on peut toujours penser que cela correspond à la stratégie de Washington de créer une « dorsale islamique » dans les Balkans, le Kosovo venant s’ajouter à la Bosnie-Herzégovine islamisée par de rudes moyens après 1992 et à une Albanie encore laïque, mais que ses « protecteurs » firent néanmoins adhérer à l’Organisation de la conférence islamique, en attendant de détacher de la Serbie le Sandjak et le seuil de Preševo, et pourquoi pas de créer des petits États islamiques sur des morceaux de territoires de l’ARYM, de la Grèce et de la Bulgarie, pour que les stratèges anglo-saxons puissent contempler un seul territoire islamique de Sarajevo à Edirne, l’ancienne Andrinople vidée de sa population chrétienne en 1924. Certes, mais la fausse indépendance, en réalité soumission totale, accordée dans un petit coin d’Europe centrale à 1'800'000 musulmans tièdes , qui s'enthousiasment pour le moment, mais qui ne savent pas quel sera leur calvaire sous la tutelle de Washington, effacera-t-elle vraiment aux yeux du monde musulman les dizaines de milliers de musulmans plus convaincus massacrés par les armées étasunienne et britannique en Irak depuis 2003 ?
Je trouve une explication peut-être plus convaincante dans une brochure qui m’est parvenue, rédigée en novembre 2004, donc il y a plus de trois ans, par un dénommé Jacques Delacroix qui semble être pour le moins un catholique intégriste : Élections américaines. La victoire de V. Poutine. L’auteur ne porte pas l’Orthodoxie dans son cœur et ses convictions religieuses font qu’il n’a aucune raison particulière de ménager les orthodoxes. Je cite ces quelques lignes qui poussent à la réflexion, pages 57 s. de cet opuscule :
« Les personnages du « bloc de commandement russe » qui composent avec leur représentant, Vladimir Poutine, savent très bien que les « forces étrangères » qui ont décidé de s’en prendre à la Russie pratiquent avant tout une doctrine géostratégique, globalement anti-orthodoxe, fondée sur le « refoulement » (roll back) de la Russie et de ses sphères d’influence.
Il est encore évident que ces « forces étrangères » cherchent par ce biais à mettre au pas la Russie et le bloc orthodoxe, réfractaire à la mondialisation occidentale et donc au projet de Nouvel Ordre Mondial.
Dans le même temps, ces mêmes « forces étrangères » cherchent à opposer l’Occident à la Russie et au bloc orthodoxe. D’ailleurs, la programmation des attentats de Beslan est survenue quasiment au moment où Bush atteignait le pic de son avance sur Kerry (58-60% des votes) !
Commanditer les attentats de Beslan et faire élire Kerry laissaient entrevoir une seule stratégie états-unienne : américaniser l’Europe et l’intégrer dans la doctrine géostratégique, globalement anti-orthodoxe.
N’oublions pas que la Guerre froide livrée par les Etats-Unis au monde russo-soviétique a puissamment favorisé l’intégration des États occidentaux autour de la puissance américaine, et l’américanisation globale du Vieux Continent.
Les nations européennes servent aujourd’hui de force d’appoint, de glacis extérieur et de « tête de pont géostratégique » des Etats-Unis en Eurasie, comme l’écrit noir sur blanc le stratège américain Brzezinski dans Le Grand Échiquier.
« L’Occident » est désormais un véritable piège conceptuel et sémantique, un « leurre civilisationnel ». Il revient à couper l’Europe continentale en deux et à exclure du champ européen l’espace slavo-orthodoxe post-byzantin, considéré comme étranger, « oriental ». »
Certes, à la lecture de ces quelques lignes, écrites je le rappelle il y a plus de trois ans, il est facile de crier à la théorie du complot et à l’anti-américanisme primaire. Après tout, si dans la plupart des pays d’Europe occidentale, l’amour de son propre pays est en passe d’être considéré comme une maladie mentale, rien n’est en revanche plus obligatoire que l’amour des États-Unis. On se demande d’ailleurs pourquoi la France et le Royaume-Uni conservent encore leur siège permanent et leur droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU au lieu de le céder au Kentucky ou au Wisconsin. Ce qui serait tout de même plus en phase avec la situation diplomatique réelle. Il y a quelques décennies, un écrivain alors fort en vue et aujourd'hui justement oublié, Romain Gary, ciselait une de ces formules creuses et fausses comme les affectionnent nos contemporains: « Le patriotisme, c'est l'amour des siens; le nationalisme, c'est la haine des autres.» Il aurait pu ajouter que l'américanisme des Européens, c'est surtout la haine de soi.
Et pourtant, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les événements se déroulent exactement selon le projet géostratégique décrit plus haut. Car il est vrai que les États-Unis, contrairement à la France de M. Sarkőzy de Nagy-Bocsa et à l’Allemagne de Mme Merkel, ont une politique étrangère, eux.
Alors, regardons les choses en face. Succès sur toute la ligne.
« L’Occident » est bien un « leurre civilisationnel » : c’est au nom de la solidarité « occidentale » que le contribuable européen devra payer les frais colossaux d’une indépendance du Kosmet voulue par Washington. C’est au nom de la « solidarité occidentale » qu’un ministre du gouvernement qu siège (encore ?) à Paris (M. Xavier Darcos) annonçait voici sept mois sa volonté de faire de la France « un pays bilingue ». On se doute qu’il ne s’agit pas de bilinguisme avec l’occitan, ni même avec l’allemand, et qu’il s’agit bien de faire de l’anglais la langue co-officielle, en attendant je suppose l’admission comme 51e État et l’adoption du système English only ? (Il est clair que faire de la France un pays bilingue est prioritaire par rapport à la lutte contre l’illettrisme ou au renforcement des mathématiques, alors que toutes les enquêtes PISA montrent l’effondrement du niveau des jeunes Français en mathématiques et dans la maîtrise de leur langue maternelle – encore qu’il est possible que, dans ce dernier cas, ce soit le but recherché, l’insécurité linguistique précédant l’adoption de la langue du maître).
« L’Europe » disparaît de plus en plus dans les limbes, puisque le but de créer une fracture artificielle en Europe continentale entre pays de tradition orthodoxe et pays de tradition catholique ou protestante est plus que jamais atteint . Sur les six États membres de l’Union européenne qui refusent de reconnaître l’étrange « indépendance » de la province autonome serbe de Kosovo-et-Métochie, quatre sont de tradition orthodoxe (Grèce, Chypre, Bulgarie et Roumanie), un est situé en Europe centrale (Slovaquie) et un seul en Europe occidentale (Espagne). L’objectif est magistralement atteint.
Le peu de prestige qui restait à l’Allemagne, à la France et à l’Italie, ou que ces pays étaient susceptibles de recouvrer par le biais de leur puissance économique – encore que, depuis 2001, le déclin industriel de la France et de l’Italie, sur fond de déclarations triomphales sans cesse renouvelées des Jospin, Berlusconi, Sarkőzy et autres Prodi, soit proprement terrifiant – est définitivement évanoui, ces trois pays ayant dans cette affaire rivalisé dans la soumission à leur maître, aux dépens de leurs propres intérêts. Il faut en particulier souligner que la France dilapide ainsi le capital de sympathie qui lui restait dans le seul pays d’Europe centrale et orientale à avoir une tradition francophile et francophone – la Grèce.
Toutefois, cum grano salis, je souhaiterais apporter trois compléments aux analyses de M. Jacques Delacroix.
En premier lieu, la politique étrangère anglo-saxonne, depuis bientôt trois siècles, et pour des raisons évidentes d’affiliation idéologique des élites anglo-saxonnes, n’est pas seulement anti-orthodoxe, elle est globalement anti-chrétienne. La politique de Londres et Washington dans les Balkans reste dans la ligne du soutien apporté par Londres aux druzes du Liban pour y massacrer les chrétiens - catholiques maronites en l'occurrence - en 1840. Au moins ces gouvernements-là ont-ils le mérite d’être cohérents. Ce qui n’est pas le cas de Berlin, Paris et Rome.
Ensuite, le concept d’ « espace slavo-orthodoxe » qu’utilise M. Delacroix est des plus flous. Dans cette affaire, il n’y a à ma connaissance que trois pays slaves qui soutiennent la Serbie : il s’agit de la Russie, de la Bulgarie et de la Slovaquie. Deux d’entre eux sont de tradition orthodoxe, un de tradition catholique avec minorités protestantes significatives. On remarquera que les autres pays slaves ne semblent guère se solidariser avec Belgrade, y compris la « slavo-orthodoxe » ARYM de Skoplje. En revanche, des pays de tradition orthodoxe qui ne sont pas de langue slave se solidarisent avec la Serbie – et avec le droit international - : il s’agit de deux États helléniques et d’un État latin. À la place de M. Delacroix, je parlerais plutôt d’ « espace post-byzantin » que d’ « espace slavo-orthodoxe » ou même d’ « espace orthodoxe » la proportion réelle de baptisés orthodoxes étant très faible dans la plupart de ces pays. Et oui, après des décennies de persécution communiste fanatiquement anti-orthodoxe, il ne faut pas se faire trop d'illusion sur ce qui reste de vie religieuse dans bien des régions qui abondèrent autrefois en églises, en monastères... et en martyrs.
Enfin, il est piquant de constater que le discours géostratégique de Washington recoupe le discours tenu par le clergé orthodoxe œcuméniste – sauf dans le cadre des quatre patriarcats anciens et apostoliques où même les œcuménistes ne marchent pas entièrement dans la combine. En effet, le discours œcuméniste, avec son insistance sur les « deux poumons » « occidental » et « oriental », avec ces deux mondes présentés comme si irréductibles l’un à l’autre que les œcuménistes en viennent parfois à interdire à des Européens de l’Ouest d’entrer dans l’Église orthodoxe et que le culte des saints orthodoxes de l’Europe occidentale du premier millénaire est découragé, avec cette curieuse notion de « territoires canoniques » qui correspondent en fait à des religions différentes dans une étrange transposition ecclésiastique du système de Yalta, ce discours orthodoxe œcuméniste, si mielleux en paroles et si totalitaire dans sa transposition dans les faits, correspond furieusement à une version « spiritualiste » ou pseudo-spirituelle de la doctrine géostratégique du roll back. Encore que les naïfs qu tiennent ce discours croient que leurs maîtres s'en tiendront à la stratégie du containment. Comparez les écrits de Brzezinski et les discours de tel ou tel prélat œcuméniste orthodoxe. C’est édifiant. Cela peut encore se comprendre de tel ou tel patriarche dont les affiliations sont exactement les mêmes que celles qui dominent dans l’élite politique anglo-saxonne depuis 1717. Mais il est curieux de voir des hommes qui se présentent par ailleurs comme des parangon du phylétisme et des serviteurs de la grandeur de leur nation se rallier à une vision géostratégique conçue par des gens qui ne leur veulent que du mal.
Et, puis, la dernière chose, celle que l'on ne rappelle pas, mais qui en dit long sur la cohérence d'hommes politiques qui sont par ailleurs si prompts à donner au reste du monde des leçons de démocratie, de droit, etc.
J'ai sous les yeux, dans le livre remarquable du communiste belge Michel Collon Monopoly. L'Otan à la conquête du monde, EPO, Bruxelles 2000, p. 203, le texte du Diktat imposé par l'OTAN (comprendre les Anglo-Saxons) à la République fédérale de Yougoslavie le 3 juin 1999 après 72 jours de bombardements terroristes contre les populations civiles. Je reproduis ici le début de l'article 8 de ce prétendu accord:
«Prenant pleinement en considération les accords de Rambouillet et les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la République Fédérale de Yougoslavie...»
Ainsi, on proclame avec une hypocrisie consommée son respect du droit international (respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale) pour mieux le bafouer - et avec quelle outrecuidance ! - 9 ans plus tard. Ainsi, on accorde au Kosovo ce que l'on refusera demain à la Republika srpska en Bosnie-Herzégovine. Le chanoine deux fois divorcé de Saint-Jean-de-Latran, qui fut l'un des plus fanatiques à promouvoir l'indépendance du Kosovo, ne cesse de faire arrêter par sa gendarmerie et sa police des séparatistes basques dont la seule différence avec les hommes de l'UÇK (Ushtria Çlirimtare e Kosovës ) est d'avoir moins de sang sur les mains. Je me demande pourtant au nom de quoi il prétend refuser à la Corse, à la Bretagne ou aux trois provinces d'Iparralde - Labourd, Basse-Navarre et Soule - , et demain à la Seine-Saint-Denis tant qu'on y est, ce qu'il vient d'accorder au Kosovo et à la Métochie. Il me prend l'envie de lancer au chanoine honoraire l'apostrophe qui fut lancée à un théologien autrement plus authentique, le docteur Martin Luther, lors de la diète de Worms: Mönchlein, Mönchlein, du gehst einen schweren Gang...
Nous pouvons désormais jeter au feu des bibliothèques entières de droit international public. Adieu François de Vitoria, bonjour Bernard Kouchner qui se vantait en 1999 d'avoir «remplacé le droit par le droit du cœur».
Naturellement, nous savons aussi que tout se paye. Aujourd'hui, c'est le peuple serbe qui souffre. Demain, c'est nous qui souffrirons.
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- Messages : 269
- Inscription : ven. 05 mars 2004 12:14
- Localisation : Vaud, Suisse
Claude, vous disiez :"Certes, on peut toujours penser que cela correspond à la stratégie de Washington de créer une « dorsale islamique » dans les Balkans, le Kosovo venant s’ajouter à la Bosnie-Herzégovine islamisée par de rudes moyens après 1992 et à une Albanie encore laïque".
Or, je me suis souvenu de ce que vous aviez écrit dans le fil "Définition d'une secte" : "A l'heure actuelle, il est évident que ce nouveau sens du mot "secte" est utilisé dans une campagne dirigée contre toutes les religions - sauf l'Islam dont le mondialisme a encore besoin pour le moment (cf. les réflexions éclairantes à ce sujet du professeur Pierre Bonnaud dans son livre capital De l'Auvergne, Editions Créer, Nonette 2003, p. 253)."
Est-ce-que ce qui s'est passé avec le Kosovo s'inscrit-il , comme je le pense, dans le même sens que ce que Pierre Bonnaud a révélé à propos du mondialisme se servant de l'islam pour arriver à ses fin?
Aussi Claude, si le temps vous le permet, pourriez-vous s'il vous plaît nous donner un peu plus de précision sur les réfléxions du Pr. Bonnaud?
Enfin, merci pour le texte que vous avez publié!
Or, je me suis souvenu de ce que vous aviez écrit dans le fil "Définition d'une secte" : "A l'heure actuelle, il est évident que ce nouveau sens du mot "secte" est utilisé dans une campagne dirigée contre toutes les religions - sauf l'Islam dont le mondialisme a encore besoin pour le moment (cf. les réflexions éclairantes à ce sujet du professeur Pierre Bonnaud dans son livre capital De l'Auvergne, Editions Créer, Nonette 2003, p. 253)."
Est-ce-que ce qui s'est passé avec le Kosovo s'inscrit-il , comme je le pense, dans le même sens que ce que Pierre Bonnaud a révélé à propos du mondialisme se servant de l'islam pour arriver à ses fin?
Aussi Claude, si le temps vous le permet, pourriez-vous s'il vous plaît nous donner un peu plus de précision sur les réfléxions du Pr. Bonnaud?
Enfin, merci pour le texte que vous avez publié!
Stephanopoulos
Qu'il peut être déchirant de penser à cette situation... Le coeur est avec les frères orthodoxes du Kosovo et cette Eglise crucifiée. D'autre part, on croit comprendre le désir d'indépendance de ces Albanais, qui, formant environ 90% de la population locale, ne sentent apparemment aucun lien avec l'Etat serbe. Dur, dur... C'est l'éternelle question de l'appartenance des terres, liée aux migrations des peuples. Personnellement, je regrette beaucoup que le Kosovo perde de plus en plus son caractère chrétien. Que ses chrétiens serbes (ou autres) soient chassés ou discriminés, que ses églises et ses monastères soient incendiés et détruits ou même conservés mais destinés à se vider, si rien ne se passe...
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Moi aussi, je suis prêt à comprendre le désir d'indépendance de tout le monde. Ce que je comprends moins, c'est leur refus de toute cohabitation sur le sol du Kosovo, et ce au moins depuis le temps de la 2e Ligue de Prizren, de Xhafer Deva, de la division Skanderbeg et des massacres de 1941-1944.harald a écrit : D'autre part, on croit comprendre le désir d'indépendance de ces Albanais, qui, formant environ 90% de la population locale, ne sentent apparemment aucun lien avec l'Etat serbe.
En attendant, l'indépendance, ils ne l'ont pas. Ils déchanteront vite.
Pour le reste, ce qui me paraît le plus important, c'est bien de comprendre les causes et les objectifs de la stratégie suivie par l'Empire global contre l'Europe, stratégie qui passait cette fois-ci par la route du Kosovo. En attendant que le pompier pyromane allume d'autres foyers ici et là.
Vous vous doutez bien que l'Empire global n'en a rien à faire des habitants du Kosovo, de quelque ethnie qu'ils soient. Il exploite simplement la jobardise. Il est fascinant de voir que des gens sont prêts à croire que l'Empire global est intervenu au Kosovo poussé par des principes et que ces mêmes personnes ne vous font pas état des mêmes principes dès lors qu'on aborde la question dérangeante de la présence de l'Empire global en Irak, par exemple... On en vient à se demander si c'est vraiment de la naïveté, ou si un recours si joyeux au principe des deux poids et deux mesures ne relève pas du cynisme le plus révoltant.
Il est surtout capital de garder à l'esprit que derrière toutes les justifications à géométrie variable, il y a bien un plan géostratégique dont la réalisation exige de toujours enfoncer un coin en Europe, et d'exploiter à fond le leurre qu'est devenue la notion d'Occident.
Mais est-ce vraiment l'Eglise, la foi orthodoxe que les USA et leurs alliés de l'OTAN cherchent à affaiblir en Europe et dans le monde, pendant la Guerre froide et encore maintenant, par leur lutte plus ou moins ouverte contre la Russie et la Serbie p.ex.? L'enjeu n'est-ce pas plutôt des conceptions différentes de la vie politique et économique qui ont peu à voir avec l'Orthodoxie? Et l'Eglise doit-elle se lier ainsi avec le pouvoir? En Russie 'aussi', et dans l'Eglise russe en particulier, on peut sentir une vague montante du politiquement correct qui ne m'inquiète pas moins que le présumé complot occidental anti-orthodoxe. Certaines identifications sont trop faciles, trop légères. Et certaines démonisations de 'l'ennemi extérieur' surtout. Le pire ennemi n'est-ce pas celui de l'intérieur? Veut-on remplacer le combat intérieur par la lutte politique? Va-t-on, entre hiérarques orthodoxes appartenant à différentes Eglises locales, s'accuser mutuellement d'être au service de telle ou telle puissance terrestre? J'espère que ce n'est pas la voie qu'on va suivre!
Silouane-Harald
Silouane-Harald
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Mais si. En novembre 1998, feu Mgr Pierre (L'Huillier), un Français qui était archevêque orthodoxe de New York et du New Jersey, me racontait comment Madame Albright, alors en charge des Affaires étrangères à Washington, avait déclaré que la Russie ne pourrait être considérée comme un pays normal que lorsque celle-ci serait débarrassée de l'Orthodoxie.harald a écrit :Mais est-ce vraiment l'Eglise, la foi orthodoxe que les USA et leurs alliés de l'OTAN cherchent à affaiblir en Europe et dans le monde, pendant la Guerre froide et encore maintenant, par leur lutte plus ou moins ouverte contre la Russie et la Serbie p.ex.?
Il suffit quand même de réfléchir un peu aux affiliations « philosophiques» de ce petit monde-là pour comprendre le pourquoi de leur hostilité.
Je vous accorde toutefois que cette hostilité était jadis dirigée contre la France et l'Espagne perçues comme les protecteurs temporels du catholicisme romain. C'est à la fin du XIXe siècle qu'il y a eu dans ces milieux un transfert en ce qui concerne la perception de l'ennemi principal à abattre. Mais ne vous inquiétez pas: la France et l'Espagne sont toujours restées en bonne place sur la liste.
Je vous accorde que ceci n'est que le premier aspect de la question - le substrat mental, idéologique et religieux - et que le second aspect, qui a été amplement décrit par les idéologues étasuniens eux-mêmes, est le renforcement d'une ligne de faille coupant l'Europe en deux.
Enfin, je m'étonne, parce que j'ai l'impression que personne n'a lu ni Huntington (Clash of Civilizations), ni Brzezinski (The Grand Chessboard), ni Michel Collon (Poker menteur, Monopoly), ni Alexandre del Valle (Islamisme et États-Unis. Une alliance contre l'Europe, Guerres contre l'Europe), ni le général Gallois (Le soleil d'Allah aveugle l'Occident, Le sang du pétrole). Certains de ces livres insistent plus sur les raisons géopolitiques et économiques de la stratégie étasunienne contre l'Europe et contre la Russie. D'autres montrent aussi qu'au-delà des intérêts stratégiques, il y a une opposition et une incompatibilité ontologiques. Il est clair que s'il y a refus de s'informer sur le pourquoi des événements et si l'on préfère se contenter de ce que distille la télévision, aucune compréhension des événements n'est possible.
Là encore, je répète ce que j'écrivais hier. Les États-Unis, eux, ont une politique étrangère et c'est parfaitement leur droit, même si cette politique est dirigée contre notre civilisation et contre tous ceux que nous sommes. C'est le droit le plus strict d'un État étranger de se déclarer mon ennemi. Ce qui est condamnable, c'est le masochisme et la haine de soi qui conduisent à ne plus avoir soi-même de politique étrangère, à mener la politique souhaitée par son propre ennemi, à se suicider pour lui faire plaisir, et surtout à se contraindre à raisonner en permanence avec son mode de pensée à lui sur fond de condamnation permanente de sa propre civilisation.
J'ai aussi parfois l'impression d'être confronté à des gens qui auraient passé les vingt dernières années sur une autre planète.
Non, vraiment, il y a encore des gens qui croient de bonne foi que Saddam Hussein fabriquait des bombes atomiques dans la laiterie industrielle dont le sieur Colin Powell montrait les photos devant les caméras? Alors là, on me la baille belle!
bonsoir,
je suis content de voir ce rappel du fondement philosophique de l'attitude US à l'égard de la Serbie. Je pense que c'est largement sous-estimé. Ca explique aussi, à mes yeux, pourquoi certains pays occidentaux suivent si vite le mouvement. Car ici, il ne s'agit rien de moins que de détruire un "concentré archéologico-spirituel" des racines Chrétiennes de l'Occident. Bref, tout ce qu'ils haïssent le plus. Sinon pourquoi aller si vite à reconnaître une ineptie, une inconséquence, et une illégalité totale par rapport aux règles qu'eux-mêmes ont fixées? Ca ne peut s'expliquer que par la hâte à détruire le Sanctuaire des Balkans, amha.
En passant, je viens encore de "blogger" quelques articles traduits sur le sujet. C'est étonnant de voir la vitalité de la presse américaine. Même dans les grands médias, un Newsweek n'est pas du tout "les doigts sur la couture du pantalon," très loin s'en faut. Au contraire de chez nous, ils ont de grands quotidiens qui osent et peuvent exprimer plus que des doutes sur le bien-fondé éventuel de cette aventure consistant à entrer dans la Sainte-Barbe d'un navire pirate en ayant les yeux bandés et une torche allumée à la main.
Je vais essayer de les traduire cette semaine, ce que j'ai déjà dit la semaine dernière d'où je vais sûrement pas avoir le temps..
En tout cas, il vaut la peine de lire John Bolton, l'ancien ambassadeur US à l'ONU, qui fustige cette folie de l'aventure au Kosovo, avec le chèque en blanc accordé par GW Bush aux terroristes... parce qu'il suit bêtement les conseillers clintoniens qui truffent encore sa haute administration, et qui sont encore plus déments que ceux que lui s'est choisis (enfin, non, rétablissons les rôles : que ceux qui l'ont, lui, placé à ce poste de président)
Idem l'ancien commandant de la Flotte du Pacifique, il tire à boulets rouges (logique me direz vous) sur cette folie, il dénonce l'erreur stratégique. Et comme bien d'autres, il fait remarquer que c'est l'Europe qui va pouvoir continuer à payer pour faire vivre cet "Etat" fantoche, puisqu'en dehors du crime organisé, il n'a aucune ressources propres hors de la population Serbe.
Et dans tout ça, ce sont les populations qui souffrent, des enfants, des femmes, des hommes, jeunes et vieux, qui vont peut-être même connaître le martyre. Tout ça pour leur bête jeu de monopoly mondial.

Sveti Sava moli Boga za nas!
(si je ne m'abuse, sinon je corrigerai mes diverses pages..)
je suis content de voir ce rappel du fondement philosophique de l'attitude US à l'égard de la Serbie. Je pense que c'est largement sous-estimé. Ca explique aussi, à mes yeux, pourquoi certains pays occidentaux suivent si vite le mouvement. Car ici, il ne s'agit rien de moins que de détruire un "concentré archéologico-spirituel" des racines Chrétiennes de l'Occident. Bref, tout ce qu'ils haïssent le plus. Sinon pourquoi aller si vite à reconnaître une ineptie, une inconséquence, et une illégalité totale par rapport aux règles qu'eux-mêmes ont fixées? Ca ne peut s'expliquer que par la hâte à détruire le Sanctuaire des Balkans, amha.
En passant, je viens encore de "blogger" quelques articles traduits sur le sujet. C'est étonnant de voir la vitalité de la presse américaine. Même dans les grands médias, un Newsweek n'est pas du tout "les doigts sur la couture du pantalon," très loin s'en faut. Au contraire de chez nous, ils ont de grands quotidiens qui osent et peuvent exprimer plus que des doutes sur le bien-fondé éventuel de cette aventure consistant à entrer dans la Sainte-Barbe d'un navire pirate en ayant les yeux bandés et une torche allumée à la main.
Je vais essayer de les traduire cette semaine, ce que j'ai déjà dit la semaine dernière d'où je vais sûrement pas avoir le temps..
En tout cas, il vaut la peine de lire John Bolton, l'ancien ambassadeur US à l'ONU, qui fustige cette folie de l'aventure au Kosovo, avec le chèque en blanc accordé par GW Bush aux terroristes... parce qu'il suit bêtement les conseillers clintoniens qui truffent encore sa haute administration, et qui sont encore plus déments que ceux que lui s'est choisis (enfin, non, rétablissons les rôles : que ceux qui l'ont, lui, placé à ce poste de président)
Idem l'ancien commandant de la Flotte du Pacifique, il tire à boulets rouges (logique me direz vous) sur cette folie, il dénonce l'erreur stratégique. Et comme bien d'autres, il fait remarquer que c'est l'Europe qui va pouvoir continuer à payer pour faire vivre cet "Etat" fantoche, puisqu'en dehors du crime organisé, il n'a aucune ressources propres hors de la population Serbe.
Et dans tout ça, ce sont les populations qui souffrent, des enfants, des femmes, des hommes, jeunes et vieux, qui vont peut-être même connaître le martyre. Tout ça pour leur bête jeu de monopoly mondial.

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Demain ? Allez le dire à une certaine Anne-Lorraine ! Puisqu’on nous dit déjà que nous sommes des « sous-chiens » !Lecteur Claude a écrit :Naturellement, nous savons aussi que tout se paye. Aujourd'hui, c'est le peuple serbe qui souffre. Demain, c'est nous qui souffrirons.
Jamais je n’ai eu autant envie de crier : « Pas en notre nom ! » que depuis la reconnaissance du Kosovo par le président de la république française - je n'ose pas écrire "la France", j'en ai trop honte !
Pour répondre à Harald. Lors du bombardement de la Serbie en 1999, un journaliste de France Infos avait invité un politologue américain dont j’ai oublié le nom – mais je n’oublierai jamais ce qu’il a dit calmement. Le journaliste évoquait la Russie et la possibilité qu’elle prenne fait et cause pour les Serbes en raison d’une solidarité orthodoxe. Le politologue de répondre : « L’orthodoxie ? Elle aura disparu en l’an 2000. » Le plus effrayant était le calme total avec lequel il énonçait la chose comme une évidence banale. Le réel n’a pas suivi son idéologie – mais c’est bien de l’orthodoxie qu’il parlait, pas de la Russie ni des pays slaves ni d’une question géopolitique.
Claude, nous avons les mêmes auteurs, mais nous le savions déjà, je crois.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."