Eliazar,
1ère remarque: La conversation avait beau porter sur le christianisme dans le monde entier et pas seulement en France, il n'y a rien d'étonnant à ce que Madame Laborde ne connaisse les choses que d'après la situation en France où il y a des catholiques et des protestants. Je ne vois pas pourquoi une journaliste de France 2 aurait plus de culture que la moyenne du public.

Sinon, elle ne serait probablement pas journaliste sur France 2!
Or, le public n'a jamais entendu parler de l'existence de l'Eglise orthodoxe.
2ème remarque: Si les orthodoxes en France avaient eu le dixième de la pugnacité et du courage des protestants pour affirmer leur droit à l'existence, ils seraient connus, même en dépit de leurs faibles effectifs.
L'EELF (Eglise évangélique luthérienne de France - celle des départements non-concordataires, pas la puissante ECAAL des départements concordataires) n'a pas hésité, malgré sa petite taille (46'000 fidèles), à créer une mission intérieure en France. Vous avez vu une attitude semblable de la part des orthodoxes?
Les protestants ont toujours inscrit leur action et leur identité dans le cadre du pays où ils vivaient et il est normal qu'ils en recueillent les fruits en étant connus du grand public et des
media et en jouissant d'un prestige certain.
Les orthodoxes, même en France depuis des générations, se sont toujours comportés comme des touristes de passage et pas comme des habitants du pays. Vous savez ce que disait Bonaparte à propos des concubins: "Ils ignorent le droit, le droit les ignore". Pourquoi voulez-vous que les media français (ou suisses, ou belges, etc.) aient le moindre intérêt pour des gens qui n'ont eux-mêmes aucun intérêt pour la France (ou la Suisse, ou la Belgique)?
Pour faire la comparaison entre des religions qui sont toutes issues de l'immigration, il est intéressant de voir l'enracinement du bouddhisme et de l'Islam en Europe occidentale (et leur capacité à attirer des Occidentaux) par rapport à l'évaporation de l'Orthodoxie. 450'000 orthodoxes en France vers 1930, 100'000 aujourd'hui...
En outre, à force d'entendre des prêtres orthodoxes dissuader les conversions de catholiques ou de protestants en leur expliquant que "l'union est pour demain", il n'y a rien de surprenant à constater qu'une Eglise qui se conforme à ce point-là au "devoir de non-être" finisse par être considérée comme inexistante.
Nous ne faisons que récolter ce que nous avons semé.
On revient toujours au même point: nos hiérarchies ont parfois justifié l'oecuménisme en disant qu'il permettrait de mieux faire connaître l'Orthodoxie en Occident; plus elles multiplient les bavardages oecuméniques (qui ne vaudront jamais une action pastorale), moins l'Orthodoxie est connue.
3ème remarque: Les
media français, lorsqu'ils chantent les louanges des Albanais du Kosovo ou des Tchétchènes, ne font que s'inscrire dans la lignée des porteurs de valise, ce qui n'est pas étonnant quand on sait le rôle joué à la télévision française par le citoyen algérien et adjoint de Ben Bella Hervé Bourges. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils soutiennent l'islamo-nationalisme tchétchène ou kosovalbanais après avoir soutenu l'islamo-nationalisme algérien en distillant tant et tant de désinformation depuis tant et tant d'années.
On ne peut pas leur reprocher de crier "Vive la Tchétchénie tchétchène!" après avoir si bien servi l'Algérie algérienne. Ils sont logiques avec eux-mêmes et dans la ligne de ce qu'ils ont toujours été.
Ici, en Suisse, le député Vert de Genève au Conseil national, Ueli Leuenberger, a aussi été pendant de longues années le directeur de l'Université populaire albanaise de Genève, qui a joué un rôle important dans la conscientisation et l'engagement islamo-nationaliste de l'émigration kosovalbanaise en Romandie. Là encore, cet engagement de la gauche romande aux côtés de l'islamo-nationalisme est parfaitement cohérent: il s'agit de continuer aux côtés de l'UCK le même combat contre le capitalisme mené autrefois aux côtés du FLN algérien ou de l'Union soviétique.
Je me souviens de ces manifestations contre la Serbie et "pour la libération de la Kosove" où l'on retrouvait parmi les organisateurs à la fois le parti socialiste genevois et Hani Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères Musulmans et dirigeant du Centre islamique de Genève, et je peux vous affirmer que tous ces gens avaient un air de famille. Ils étaient en tout cas motivés par les mêmes haines. Quant à l'antiracisme, à l'universalisme, au laïcisme et au féminisme de la gauche romande, ils m'avaient paru bien sélectifs, puisqu'on reconnaissait à
certains le droit d'être racistes, d'être nationalistes, d'être fanatiques religieux et d'être machistes. Tout, pourvu que ce soit des ennemis du capitalisme...
De même qu'elle me paraît bien sélective, la laïcité de la République française qui crée un "Conseil français du culte musulman".
Donc, je pense qu'il y a bien des choses qui s'expliquent sans avoir besoin d'agiter l'épouvantail de l'impérialisme étasunien, de la guerre froide et du "fascisme".