Là, j’aimerais comprendre comment
Jean Louis Palierne a écrit :une femme présente dans la maison de l’évêque (même si ce n’est qu’une conseillère) ne peut pas ne pas créer le risque d’imposer des vues personnelles. La conseillère devient une inspiratrice. Et l’homme, fût-il évêque, ne peut plus jouir de la totale indépendance qui est exigée de l’évêque.
J’aimerais comprendre en quoi ce risque est plus virulent avec une femme qu’avec disons le secrétaire homme qui travaille quotidiennement avec l’évêque, ou qu’un groupe de conseillers hommes, officiels ou non, comme il y en a toujours eu dans l’entourage des évêques. En quoi le fait d’être mâles les empêcherait-il d’avoir des vues personnelles et de les imposer ? En quoi le fait d’être femme prédisposerait-il à mal se soucier de la communauté ecclésiale ? Ou bien seriez vous en train d’insinuer, Jean Louis, que les femmes sont par nature incapables de comprendre et de soutenir la sainte Tradition ? Ou que les femmes par nature seraient sujettes à l’hérésie ? Que par nature leurs conseils ne pourraient être que pernicieux ?
Vous êtes vraiment sûr que nous autres femmes, nous avons une âme ?
Parmi les flash-info du SOP, on apprenait il y a peu qu’une jeune théologienne bulgare, Neli Iosifova, a été assassinée le 17 février dernier, égorgée en rentrant chez elle, probablement par un musulman en représailles des fameuses caricatures. Elle avait 35 ans et enseignait l’exégèse biblique à la faculté de théologie de Sofia.
Une théologienne – parmi d’autres. Martyre.
Faut-il rappeler le rôle d’autres femmes dans l’histoire de l’Eglise ? Par exemple des impératrices Irène, puis Théodora dans le retour à l’orthodoxie après la sanglante « querelle des icônes » ? Ou sainte Nino, apôtre de la Géorgie ? Ou cette Olga surnommée « la grand-mère de la sainte Russie » ?
Faut-il rappeler que, pas si loin de nous, tandis que les mâles du KGB infiltraient le clergé russe de manière à détruire tout l’enseignement catéchétique, ce furent des dizaines de babouchkas anonymes qui se chargèrent de faire baptiser les enfants, de les catéchiser, de maintenir une vie de prière et que, s’il restait une Eglise à faire renaître après la chute du communisme, on le leur doit pour une bonne part.
Mais je reviens à la question d’Isidore. Multiplier les canons multiplie-t-il les péchés de ceux qui les transgresseraient ? Cela revient à dire que les canons de l’Eglise sont l’équivalent de la Loi en Israël, selon l’exégèse qu’en fit l’apôtre Paul dans son épître aux Romains. Mais est-ce le cas ? Si vous reprenez l’A.T., la Loi est donnée à Moïse par Dieu et si vous scrutez chaque point abordé, vous verrez qu’elle enserre toute la vie quotidienne dans un réseau de rites profondément pédagogiques. Mais il n’y a rien de tel dans les canons de l’Eglise. Ce sont des outils qui permettent de la construire de manière harmonieuse et stable ; très peu de canons concernent la vie quotidienne des fidèles et même des prêtres et évêques. Si vous comparez aux religions païennes avec leurs rites et leurs tabous, au judaïsme ou à l’islam – ou même aux communautés chrétiennes hétérodoxes – vous verrez que ce que garantissent les canons, c’est un espace de liberté comme il n’y en a jamais eu dans les sociétés humaines. Et ceux qui subsistent pour régler la vie des fidèles, les jeûnes et les canons sur le mariage principalement, s’ils représentent effectivement une pédagogie spirituelle, n’entraînent pas une impureté rituelle contraignante en cas de transgression. Peut-être une prise de conscience de la faiblesse spirituelle, la conscience d’être pécheur. Mais c’est dans l’intimité de l’âme et chacun est pleinement responsable. Donc libre, même si ça vous semble une liberté paradoxale.
Pour revenir à l’exemple précis du canon qui demande que l’on choisisse un évêque parmi les moines ou du moins les prêtres célibataires, il a été rédigé lors du concile Quinisexte. Il entérinait un usage déjà largement admis. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque : c’était la fin des grandes querelles christologiques qui avaient vu surgir toutes les hérésies majeures (arianisme, nestorianisme, hérésie monophysite, etc.). Or dans ces débats, les moines avaient eu un rôle de premier plan et les grands évêques théologiens qui avaient pu maintenir l’orthodoxie, parfois contre l’empereur, étaient moines.
Par ailleurs, ici ou là, l’Eglise avait connu des problèmes à la mort d’évêques mariés, car il n’était pas simple de distinguer entre le patrimoine familial dont devaient hériter les enfants et le patrimoine de l’Eglise. L’Arménie (monophysite) avait résolu la question en créant de véritables dynasties d’évêques – le concile Quinisexte a choisi plus sagement la solution du monachisme qui permettait le choix d’un évêque en tenant compte de ses charismes et de ses qualités spirituelles. Ce faisant, il ouvrait la porte, dans les périodes de décadence locale, au népotisme qui n’est jamais qu’une dynastie par les collatéraux. Est-ce à dire que l’usage antérieur serait meilleur ou mieux adapté à notre temps comme on le lit ici et là ? Ce n’est pas sûr du tout.