Tant crie-l'on <Noël!> qu'il vient...
Publié : mar. 13 déc. 2005 11:26
Ce vieux proverbe franchiman plairait au directeur du site étasunien www.lewrockwell.com , qui vient de publier un article de tête sur les problèmes qu'agite en ce moment, au sujet de la célébration de Christmas aux Etats-Unis, la puissante minorité religieuse qui soutient le Président actuel.
Le Post Office ayant l'habitude d'imprimer en fin d'année un timbre représentant la Mère de Dieu et l'Enfant, le Mouvement Evangélique d'Amérique a été récemment saisi d'une véritable fièvre, incitant ses adeptes à lancer une campagne de protestations indignées : le bruit avait couru que le Post Office, cette année, n'en éditerait pas !
Entretemps, le Post Office a heureusement mis son timbre traditionnel sur le marché, mais la fièvre n'est pas tombée pour autant, car la carte de vœux de la Maison Blanche pour 2005-2006 ne comporte même pas le mot CHRISTMAS ! Bush Jr n'a pas l'air de se rendre compte du nombre de votes qu'il risque de perdre encore, avec de telles bourdes ! Aussi "son" Mouvement le lui rappelle-t-il à cor et à cris.
Cette tempête dans un verre d'eau n'est pas aussi innocente qu'il y paraît, vue de ce côté de la mare aux harengs, car aux Etats-Unis le monde politique et la société tout court sont partagés en camps de frères ennemis qui se surveillent mutuellement du coin de l'oeil sur de tels sujets - bien plus semble-t'il que sur le nombre de morts inutiles en Irak ou sur l'extension de la torture dans les camps de prisonniers officiels ou secrets, organisés par la CIA ou par l'armée étasunienne - sujets qui ont tout de même obligé Mme Condoleezza Rice à faire une spéciale tournée des popotes européennes, pour assurer les instances gouvernementales des pays traditionnellement alliés qu'il ne fallait pas croire ce que tout le monde en dit.
Non: le sujet important est pour l'heure de décider si une carte de voeux de la Maison Blanche a mandat de refléter les convictions de la famille Bush, ou celles du peuple étasunien. Grave sujet dans une société où les lobbys les plus puissants (à part le dit Mouvement Evangélique, bien sûr) sont ouvertement non chrétiens. D'ici que les Bush déclenchent une guerre de religion sur le continent nord-américain aussi ...
Deux porte-paroles importants de la droite chrétienne (minoritaire), le catholique William Donohue et l'Evangélique Joseph Farah ont déclaré gravement ces jours-ci que "L'administration Bush accuse un grave manque de volonté, et vient de capituler devant les pires éléments de [notre] culture ..." [...étasunienne, naturellement - NdEMV]
Tandis que Monsieur Bill O'Reilly déclarait de son côté que "ce manque de courage pour afficher ses convictions n'est qu'un premier pas : le second, on peut le craindre, pourrait bien être de légaliser la prostitution, les drogues, l'avortement, les mariages homosexuels et pourquoi pas d'abolir les lois qui interdisent d'acheter des liqueurs le dimanche"...
Ce journaliste connu, dont le patronyme confirme de toute évidence les origines irlandaises, aurait pourtant quelques raisons de s'inquiéter des méfaits de ces lois sur les ventes de whisky : cette année, Noël tombera justement un Dimanche !
Ce ne serait cependant pas la première fois que la fête de la Nativité du Christ irrite le bon peuple étasunien, ou ses élites dirigeantes. Ainsi au XVIIème siècle, la Colonie britannique du Massachusetts avait-elle pris la décision d'interdire purement et simplement la fête de Noël. Il est vrai que l'époque était au Puritanisme pur et dur, mais le pli était pris et ce n'est qu'au milieu du XIXème siècle que Christmas devint un jour de joie officiellement admis aux USA - à la seule exception semble-t-il de la seule ville de Boston, où seuls les Anglicans fêtèrent la Nativité dès 1686.
Tant en Angleterre que dans la Nouvelle Angleterre, le puritanisme avait fermement établi dans les esprits un rapport entre la fête de Noël et les "Lords of Misrule", c'est à dire la violence, les bagarres et l'alcoolisme. Au point que le Massachusetts décréta une amende de cinq shillings pour quiconque se permettrait de fêter Noël, publiquement ou en famille. Et en Angleterre même, le Parlement Puritain avait aboli toute observance de Noël, de Pâques, de la Pentecôte, des fêtes des saints et généralement de tous les "jours saints" - dont le nom même (holydays) en est resté dans l'usage anglophone l'équivalent des "vacances". Cette suppression massive de jours fériés traditionnels ne fut certainement pas étrangère à la suprématie de l'industrie lourde qui allait faire du Royaume Uni, au XIXème siècle, le pays champion du travail des enfants (spécialement dans les mines) et de la longueur de la journée de travail.
Pour revenir à la Nouvelle Angleterre, la loi n'y allait pas de main morte : tout travail, tout divertissement et tout déplacement étaient interdits le Jour du Seigneur - et la loi, sans pour autant préciser dans laquelle de ces trois catégories on devait classer l'activité sexuelle, l'interdisait aussi dans la foulée. Etait-ce un travail ? un divertissement? ou un petit voyage ? En tout cas le Baptême était généralement refusé aux enfants nés un dimanche - car la croyance voulait à l'époque que la naissance d'un enfant tombe le même jour que celui de sa conception. Où l'on voit que les problèmes de calendrier ne sont pas de pure forme, ni l'apanage non plus des seules nations orthodoxes !
Ce curieux usage tomba heureusement en désuétude lorsque l'épouse de l'un des plus féroces défenseurs de l'interdiction, un renommé prédicateur du nom d'Israel Loring, donna naissance à des jumeaux... précisément un dimanche. A quelque chose malheur est bon, durent penser un certain nombre de femmes de cette époque! Mais en 1670, un couple d'amoureux avait néanmoins été traîné devant les tribunaux pour "s'être assis côte à côte sous un pommier le Jour du Seigneur". Leur condamnation devait faire longtemps jurisprudence aux USA.
Heureux pays que la France actuelle, où nous n'en sommes pas encore à supprimer Noël pour ne pas offusquer nos puissantes "minorités non chrétiennes"... Et comme me le déclara un jour un hiérarque uniate du Moyen-Orient, malheureusement bien au fait d'autres intolérances : Vous ne connaissez pas votre chance d'être citoyens d'un état officiellement laïque.
Le Post Office ayant l'habitude d'imprimer en fin d'année un timbre représentant la Mère de Dieu et l'Enfant, le Mouvement Evangélique d'Amérique a été récemment saisi d'une véritable fièvre, incitant ses adeptes à lancer une campagne de protestations indignées : le bruit avait couru que le Post Office, cette année, n'en éditerait pas !
Entretemps, le Post Office a heureusement mis son timbre traditionnel sur le marché, mais la fièvre n'est pas tombée pour autant, car la carte de vœux de la Maison Blanche pour 2005-2006 ne comporte même pas le mot CHRISTMAS ! Bush Jr n'a pas l'air de se rendre compte du nombre de votes qu'il risque de perdre encore, avec de telles bourdes ! Aussi "son" Mouvement le lui rappelle-t-il à cor et à cris.
Cette tempête dans un verre d'eau n'est pas aussi innocente qu'il y paraît, vue de ce côté de la mare aux harengs, car aux Etats-Unis le monde politique et la société tout court sont partagés en camps de frères ennemis qui se surveillent mutuellement du coin de l'oeil sur de tels sujets - bien plus semble-t'il que sur le nombre de morts inutiles en Irak ou sur l'extension de la torture dans les camps de prisonniers officiels ou secrets, organisés par la CIA ou par l'armée étasunienne - sujets qui ont tout de même obligé Mme Condoleezza Rice à faire une spéciale tournée des popotes européennes, pour assurer les instances gouvernementales des pays traditionnellement alliés qu'il ne fallait pas croire ce que tout le monde en dit.
Non: le sujet important est pour l'heure de décider si une carte de voeux de la Maison Blanche a mandat de refléter les convictions de la famille Bush, ou celles du peuple étasunien. Grave sujet dans une société où les lobbys les plus puissants (à part le dit Mouvement Evangélique, bien sûr) sont ouvertement non chrétiens. D'ici que les Bush déclenchent une guerre de religion sur le continent nord-américain aussi ...
Deux porte-paroles importants de la droite chrétienne (minoritaire), le catholique William Donohue et l'Evangélique Joseph Farah ont déclaré gravement ces jours-ci que "L'administration Bush accuse un grave manque de volonté, et vient de capituler devant les pires éléments de [notre] culture ..." [...étasunienne, naturellement - NdEMV]
Tandis que Monsieur Bill O'Reilly déclarait de son côté que "ce manque de courage pour afficher ses convictions n'est qu'un premier pas : le second, on peut le craindre, pourrait bien être de légaliser la prostitution, les drogues, l'avortement, les mariages homosexuels et pourquoi pas d'abolir les lois qui interdisent d'acheter des liqueurs le dimanche"...
Ce journaliste connu, dont le patronyme confirme de toute évidence les origines irlandaises, aurait pourtant quelques raisons de s'inquiéter des méfaits de ces lois sur les ventes de whisky : cette année, Noël tombera justement un Dimanche !
Ce ne serait cependant pas la première fois que la fête de la Nativité du Christ irrite le bon peuple étasunien, ou ses élites dirigeantes. Ainsi au XVIIème siècle, la Colonie britannique du Massachusetts avait-elle pris la décision d'interdire purement et simplement la fête de Noël. Il est vrai que l'époque était au Puritanisme pur et dur, mais le pli était pris et ce n'est qu'au milieu du XIXème siècle que Christmas devint un jour de joie officiellement admis aux USA - à la seule exception semble-t-il de la seule ville de Boston, où seuls les Anglicans fêtèrent la Nativité dès 1686.
Tant en Angleterre que dans la Nouvelle Angleterre, le puritanisme avait fermement établi dans les esprits un rapport entre la fête de Noël et les "Lords of Misrule", c'est à dire la violence, les bagarres et l'alcoolisme. Au point que le Massachusetts décréta une amende de cinq shillings pour quiconque se permettrait de fêter Noël, publiquement ou en famille. Et en Angleterre même, le Parlement Puritain avait aboli toute observance de Noël, de Pâques, de la Pentecôte, des fêtes des saints et généralement de tous les "jours saints" - dont le nom même (holydays) en est resté dans l'usage anglophone l'équivalent des "vacances". Cette suppression massive de jours fériés traditionnels ne fut certainement pas étrangère à la suprématie de l'industrie lourde qui allait faire du Royaume Uni, au XIXème siècle, le pays champion du travail des enfants (spécialement dans les mines) et de la longueur de la journée de travail.
Pour revenir à la Nouvelle Angleterre, la loi n'y allait pas de main morte : tout travail, tout divertissement et tout déplacement étaient interdits le Jour du Seigneur - et la loi, sans pour autant préciser dans laquelle de ces trois catégories on devait classer l'activité sexuelle, l'interdisait aussi dans la foulée. Etait-ce un travail ? un divertissement? ou un petit voyage ? En tout cas le Baptême était généralement refusé aux enfants nés un dimanche - car la croyance voulait à l'époque que la naissance d'un enfant tombe le même jour que celui de sa conception. Où l'on voit que les problèmes de calendrier ne sont pas de pure forme, ni l'apanage non plus des seules nations orthodoxes !
Ce curieux usage tomba heureusement en désuétude lorsque l'épouse de l'un des plus féroces défenseurs de l'interdiction, un renommé prédicateur du nom d'Israel Loring, donna naissance à des jumeaux... précisément un dimanche. A quelque chose malheur est bon, durent penser un certain nombre de femmes de cette époque! Mais en 1670, un couple d'amoureux avait néanmoins été traîné devant les tribunaux pour "s'être assis côte à côte sous un pommier le Jour du Seigneur". Leur condamnation devait faire longtemps jurisprudence aux USA.
Heureux pays que la France actuelle, où nous n'en sommes pas encore à supprimer Noël pour ne pas offusquer nos puissantes "minorités non chrétiennes"... Et comme me le déclara un jour un hiérarque uniate du Moyen-Orient, malheureusement bien au fait d'autres intolérances : Vous ne connaissez pas votre chance d'être citoyens d'un état officiellement laïque.