Je remercie vivement Jean-Louis, Pascal et Jean pour toutes ces précisions.
J’utilise le Grand livre d’Heures publié par le monastère de Chevetogne qui n’utilise pas toutes ces terminologies.
J’ai trouvé sur internet un article du père Placide Deseille sur l’office du matin :
http://perso.wanadoo.fr/eglise.orthodox ... RTHROS.htm
L'OFFICE DU MATIN DANS L'ÉGLISE ORTHODOXE*
du très révérend Archimandrite Placide Deseille
Higoumène du Monastère Saint Antoine le Grand
Extrait de Témoignage et Pensée Orthodoxes
Bulletin de la Métropole Grec-Orthodoxe de France N°9-10, Paris, 1e-2e trim.1999
La structure actuelle de l'office
L'office du matin, lorsqu'il est célébré selon toute son ampleur, comporte divers éléments.
Le premier est l'office de minuit (mésonycticon), qui est maintenant célébré immédiatement avant l'orthros, mais est souvent omis, pour des raisons pastorales.
Viennent ensuite:
L'office royal qui était à l'origine un office d'intercession pour l'empereur ou les fondateurs, propre à certains monastères.
L'orthros proprement dit, qui, comme nous le verrons, résulte de la fusion d'un office monastique avec l'office des églises séculières.
L'office de la Résurrection, propre au dimanche, qui a été inséré à des endroits variables de l'orthros, selon les époques, a dû jadis être placé avant les psaumes 148 - 149 - 150. Sa place "classique", pourrait-on dire, se situe entre la stichologie des psaumes et le psaume 50. C'est encore l'usage dans les monastères athonites et dans le rite slave. La pratique actuelle, en Grèce est de le placer avant la 9ème ode. Cet emplacement — non-traditionnel — a été motivé par des raisons pastorales : les fidèles qui n'assistent qu'à une partie de l'office peuvent ainsi entendre l'évangile de la Résurrection qui y est proclamé.
Aux fêtes des saints qui jouissent d'un degré supérieur, un office de l'évangile, calqué sur celui de la Résurrection, occupe la même place.
Il faut noter enfin qu'à certaines grandes fêtes, ou dans la nuit du samedi au dimanche, on célèbre dans les paroisses ou les monastères une "agrypnie": les grandes vêpres sont alors célébrées la veille au soir, normalement précédées des complies (apodipnon). Ces vêpres, qui comportent la litie et l'artoclasia, sont immédiatement suivies de l'orthros, l'office de minuit étant toujours omis. La célébration dure ainsi une grande partie de la nuit et s'achève, avec ou sans coupure, par la Liturgie.
Pour comprendre cette structure complexe, quelques notions d'histoire sont nécessaires.
Historique de l'office du matin.
L'examen de la structure de l'orthros montre qu'il est issu de la conjonction de deux offices distincts, l'un provenant des milieux monastiques, l'autre des églises séculières, ou de ce que les historiens de la liturgie appellent le "rite cathédral" (le terme est impropre, mais consacré par l'usage).
Dans les milieux monastiques, notamment en Basse-Égypte, où il avait existé une grande diversité d'usages, deux types de célébration de l'office semblent avoir existé au seuil du Vème siècle : une célébration relativement brève et une vigile pouvant durer toute la nuit. La première — qui se réfère à une règle donnée par un ange — consistait dans la récitation, matin et soir, de douze psaumes, ceux-ci, l'origine, semblent avoir été échelonnés au long des heures du jour et de la nuit ; ils auraient été réunis pour former deux synaxes quotidiennes. Ils pouvaient être distribués en deux séries de six psaumes, le dernier de chaque série étant antiphoné, avec l'Alleluia comme refrain. Nous ne possédons pas d'indications précises sur le choix de ces douze psaumes du matin et du soir, mais ils devaient simplement suivre l'ordre numérique du psautier. Ces synaxes, ou réunions de prière, pouvaient être célébrées par un moine seul ou par plusieurs, par exemple dans le cas d'un ancien entouré de ses disciples. Les usages ont d'ailleurs été très variés.
Un autre type de célébration, pratiqué soit occasionnellement, soit habituellement par des ascètes particulièrement zélés, consistait en une longue vigile qui occupait toute la nuit. Elle comportait la récitation intégrale des 150 psaumes, suivie de celle des cantiques bibliques et de la récitation de longs passages de l'Ancien et du Nouveau Testament (parfois un livre entier). Elle pouvait se poursuivre par l'adjonction de nombreux Kyrie eleison.
Quoi qu'il en soit, la principale caractéristique de l'office monastique était la récitation des psaumes selon l'ordre numérique du psautier. Dans les églises séculières, où les réunions de prière du matin et du soir étaient devenues habituelles, sans que l'on puisse en discerner exactement la genèse, on ne lisait pas les psaumes dans l'ordre du psautier, mais on choisissait des psaumes ou des versets de psaumes appropriés à l'heure de la célébration ; on y adjoignait également des ecténies pour tous les besoins de l'église, ainsi que d'autres textes, également choisis en fonction du moment de la célébration. Ces choix pouvaient avoir leurs racines dans l'office juif synagogal à l'époque apostolique, mais celui-ci est mal connu, et les liturgistes ne peuvent formuler que des hypothèses à cet égard. On avait ainsi retenu pour l'office du soir le psaume 140 et la très ancienne hymne Phôs hilaron, qui évoquaient l'un, le sacrifice du soir, l'offrande de l'encens, et l'autre, la lumière des lampes que l'on allumait à la tombée de la nuit et qui symbolisaient la lumière sans couchant manifestée par le Christ ressuscité. Le matin, les textes les plus utilisés étaient les psaumes 62 et 50, peut-être aussi les psaumes 148, 149 et 150, et l'hymne antique “Gloire à Dieu au plus haut des cieux...”
Dans ces mêmes églises séculières, on développa le chant, afin de soutenir l'attention des fidèles et de favoriser leur participation, alors que les moines y voyaient plutôt, pour eux-mêmes, une source de distraction et un obstacle à la componction du cœur. Des tropaires furent composés pour être insérés entre les versets des psaumes et servir de refrains repris par le peuple. Ici encore, une grande diversité a existé à l'origine.
Un office cathédral byzantin complet exista jadis à Constantinople, mais il fut supplanté, aux XIème et XIIème siècles, par le typicon palestinien de Saint-Sabas, qui fusionnait des éléments empruntés aux deux traditions, monastique et cathédrale.
Situé dans le désert de Juda, mais proche de la Ville sainte, le monastère de Saint-Sabas était particulièrement qualifié pour opérer cette synthèse, qui eut des équivalents ailleurs pour d'autres rites. Dans son "Journal de voyage", la pèlerine Égérie nous raconte comment, à Jérusalem, dès la fin du IVème siècle, les offices de type cathédral étaient immédiatement précédés d'hymnes (c'est-à-dire de psaumes) et de prières célébrés conjointement par les moines, les vierges et les fidèles particulièrement fervents qui devançaient la venue de l'évêque. Il n'y a jamais eu, en effet, dans l'Église orthodoxe, deux spiritualités, l'une pour les moines, l'autre pour les laïcs, et les laïcs fervents ont toujours cherché, en tenant compte des exigences de leur condition, à se rapprocher des pratiques monastiques. La distinction entre rite cathédral et rite monastique ne se fonde pas sur une différence de nature entre deux genres de vie, mais sur des nécessités pastorales différentes. On peut donc estimer que la fusion des deux rites opérée par le typicon de Saint-Sabas, universellement reçu dans la suite par les Églises orthodoxes, correspondait à une inspiration authentique de l'Esprit-Saint.
Si nous considérons l'office actuel, issu de cette synthèse, nous pouvons faire les constatations suivantes :
L'office débute par six psaumes matinaux choisis — l'hexapsalme — dans l'esprit du rite cathédral, bien que leur mode d'exécution actuel soit plutôt monastique. Pendant cette lecture, le prêtre lit douze prières secrètes, qui sont comme un organe-témoin de l'ancien rite cathédral de Constantinople. Mais ces prières étaient alors réparties tout au long de l'orthros, où elles précédaient l'ecphonèse des petites synapties placées après chaque groupe de psaumes antiphonés.
Après l'hexapsalme et la litanie qui le suit, nous trouvons un choix de versets antiphonés. Aujourd'hui, en dehors des jours de jeûne, le texte utilisé est le psaume 117 qui, selon l'interprétation des saints Pères, est un psaume d'action de grâces pour la Résurrection. Autrefois, ce psaume était réservé au dimanche, et on chantait durant la semaine, avec l'Alleluia comme refrain, des versets du cantique d'Isaïe 26, 9-20, qui exprime le sens de la vigile nocturne quotidienne :
“La nuit, mon esprit veille devant toi, ô Dieu,
car tes commandements sont une lumière sur la terre...”
On chante ensuite l'apolytikion du jour, puis commence la stichologie des psaumes, élément caractéristique du rite monastique.
Vient ensuite le psaume 50, qui était jadis antiphoné, selon la tradition du rite cathédral. Il est suivi des odes du canon. Les neuf odes bibliques étaient considérées comme un appendice du psautier ; elles figurent déjà à cette place dans le codex Alexandrinus de Londres, du Vème siècle. Dans leur vigile nocturne, les moines les récitaient à la suite des psaumes. Mais, dans l'orthros sabaïte, ces cantiques bibliques ont subi une transformation conforme à l'esprit du rite cathédral : on composa des tropaires destinés à être insérés entre les versets bibliques. Seul le second cantique de Moïse, sans doute en raison de sa longueur, fut écarté de l'office quotidien et réservé pour le carême. Mais il semble qu'à une certaine époque, l'office quotidien ne comportait que trois cantiques, l'ensemble des neuf étant réparti sur la semaine (nous aurions un vestige de cet usage dans les “triodes” de carême). L'ensemble des tropaires insérés entre les versets des cantiques bibliques constitua les "canons" de l'orthros.
Toutefois, ces canons n'ont été composés qu'à partir du VIIème siècle.
Auparavant, on insérait, au cours du chant des odes bibliques, un Kondakion, sorte de longue homélie métrique, dont le peuple reprenait les derniers mots de chaque strophe à la manière d'un refrain. Le kondakion et l'ikos qui ont subsisté après la sixième ode du canon sont un organe-témoin de ces compositions poétiques, dont notre hymne acathiste est un bon exemple.
Les psaumes 148, 149 et 150 faisaient évidemment partie de la grande vigile monastique. Mais certains historiens de la liturgie pensent qu'ils faisaient également partie, à titre de laudes matutinales, de l'ancien office cathédral, où leur présence pouvait remonter à une antique tradition juive (qui n'est toutefois attestée que tardivement). Quoi qu'il en soit, ils ont été pourvus eux aussi de stichères.
La grande doxologie, on l'a vu, est, comme le Phôs hilaron, une hymne ancienne qui a dû être utilisée très tôt dans les réunions de prière du matin.
Les apostiches sont un élément de type cathédral, qui a été introduit, à l'imitation de la finale des vêpres, dans l'orthros de semaine. Aux vêpres, ils correspondent à la procession au calvaire qui avait lieu, à Jérusalem, à la fin de l'office du soir, selon la description qu'en donne Egérie.
L'office dominical de la Résurrection — quelle que soit la place où il se situe — est d'origine hiérosolymite, et nous est également décrit par Égérie. Il comportait trois psaumes et une lecture de l'Évangile. Les trois psaumes devaient être les psaumes 115,117 et 135; seul a subsisté dans notre office actuel le psaume 135, que précède le psaume 134 (polyéléos). A l'époque d'Égérie, on lisait non seulement un récit de la résurrection, mais aussi celui de la passion, le mystère de la Pâque du Seigneur consistant inséparablement dans son passage de la mort à la Vie.
Le sens spirituel de l'orthros
Dans la mesure où l'orthros est précédé du mésonycticon et comporte une stichologie psalmique célébrée de nuit, il constitue une "vigile", une veillée de prière, dont la signification est essentiellement eschatologique. Veiller dans la nuit, c'est attendre la venue de l'Époux, se préparer au jugement — ce qui explique la part faite à la prière pour les défunts dans la seconde partie du mésonycticon (omise le dimanche, où tout ce qui évoque le deuil est écarté). C'est aussi s'associer à la louange incessante des anges, ces veilleurs qui ne dorment jamais et chantent sans cesse le trisagion. Les tropaires de l'office de minuit, repris à l'orthros des premiers jours de la Grande semaine, expriment admirablement cet aspect.
La seconde moitié de l'orthros correspond au moment du lever du soleil. Elle traduit le souci de consacrer à la louange divine les prémices du jour et évoque, même en dehors du dimanche, le moment de la Résurrection du Christ. Ces lignes d'un auteur contemporain expriment bien le sens que la tradition chrétienne a attaché à l'office du matin:
“Que savons-nous encore, nous modernes. qui n'avons plus ni crainte, ni respect de la nuit, de la grande joie qu'était pour nos pères et pour les premiers chrétiens le retour de la lumière chaque matin ? Voulons-nous réapprendre quelque chose de la louange que, dès le matin, nous devons rendre au Dieu trinitaire, à Dieu le Père et le Créateur qui nous a protégés pendant la nuit et réveillés pour nous donner un nouveau jour ; à Dieu le Fils, sauveur du monde qui, pour nous, a triomphé de la mort et de l'enfer, et vit en vainqueur parmi nous ; à Dieu le Saint-Esprit qui, dès le matin, fait briller dans nos cœurs la parole divine, en chasse complètement les ténèbres et le péché, et nous enseigne a bien prier ? Nous pourrons aussi alors pressentir la joie de ceux qui vivent ensemble bien unis lorsqu'ils se retrouvent dès le matin pour louer Dieu, écouter sa parole et prier en communauté. Le matin n'appartient pas à l'individu mais à l'Église du Dieu trinitaire, à la communauté familiale et fraternelle des chrétiens.
“La vie en commun sous l'autorité de la Parole commence par le culte matinal en commun [...]. La tranquillité profonde des premières heures du matin n'est troublée que par la prière et le chant de l'Église [...].
“La journée du chrétien ne doit pas être d'emblée gênée et encombrée par les tâches multiples qui l'attendent. Chaque jour qui commence est dominé par le Seigneur qui l'a créé. Seule la clarté de Jésus Christ et de sa parole qui sonne le réveil est capable de dissiper l'obscurité, la confusion de la nuit et de ses rêves. Elle chasse toute inquiétude, toute impureté, tout souci et toute crainte. Que nous commencions donc nos journées en faisant taire toutes les pensées et toutes les paroles inutiles, et que notre première parole et notre première pensée aillent vers celui auquel nous appartenons tout entiers. Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'éclairera (Eph. 5,14)”
Ces paroles d'un moderne ne sont elles pas un écho parfait des recommandations qu'un canoniste antiochien du IVème siècle formulait ainsi, et qui serviront de conclusion :
“Dans ton enseignement, ô Évêque, recommande au peuple et persuade le de fréquenter l'Église assidûment, chaque jour, matin et soir, de ne s'en dispenser d'aucune manière, mais de s'y réunir sans cesse, de ne pas mutiler l'Église en s'en retranchant, et de ne pas amputer d'un membre le corps du Christ ; car voici des paroles qui ne concernent pas seulement les prêtres, mais les laïcs ; chacun d'eux, s'il réfléchit, doit entendre que c'est pour lui-même que le Seigneur a dit : "Qui n'est pas avec moi est contre moi, et qui n'amasse pas avec moi dissipe" (Mt 12,30). Puisque vous êtes les membres du Christ, ne vous désagrégez donc pas en manquant les assemblées ; puisque selon sa promesse vous avez comme tête le Christ [...], ne vous négligez pas vous-mêmes, ne dépouillez pas le Sauveur de ses propres membres, ne divisez pas son corps, ne dissipez pas ses membres et ne préférez pas les affaires séculières à la parole divine, mais chaque jour rassemblez-vous matin et soir pour psalmodier et prier dans les maisons du Seigneur, le matin en disant le psaume 62, le soir, le psaume 140.
“ Surtout le jour du sabbat et le jour de la résurrection du Seigneur, le dimanche, mettez encore plus de zèle à vous réunir, pour adresser votre louange à Dieu [...]. Comment se justifiera-t-il devant Dieu celui qui ne se joint pas à l'assemblée ce jour-là pour entendre la doctrine salutaire sur la résurrection ? Ce jour-là, debout, nous adressons trois prières en mémoire de celui qui est ressuscité le troisième jour; nous faisons ce jour-là des lectures des prophètes, la proclamation de l'évangile, l'offrande du sacrifice et le don de la nourriture sacrée”.
* Communication du très rév. Archimandrite Placide Deseille, higoumène du Monastère St Antoine le Grand et professeur à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge de Paris, à la Synaxe Cléricale de la Métropole grec-orthodoxe de France (23.2.1999).
D. Bonhœffer, De la vie communautaire, (coll. Foi vivante 83), Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1958, p. 37-40.
Constitutions apostoliques II, 59.