Jean-Serge a écrit :Euh je trouve cette icône un peu spéciale... pas vraiment une icône. On dirait un dessain de BD? Répond-elle aux règles?
Pour ce qui est de l'allusion à la BD, je vous rassure, il y a encore des pays où une partie de la jeunesse lycéenne s'intéresse plus à la peinture d'icônes qu'à la
Star Academy.
Le dessin de l'icône est parfaitement conforme aux règles canoniques, mais il n'est pas possible d'arriver à plus de précision dans le trait en peignant sur verre.
La tradition de la peinture sur verre est propre à la Transylvanie, à la Crişana et au Maramureş, et s'est développée parce que l'impératrice Habsbourg Marie-Thérèse avait fait massacrer les moines orthodoxes de ces régions en 1762. La disparition des moines avait entraîné celle des iconographes. Les paysans orthodoxes ont alors eu recours à la peinture sur verre parce qu'elle permettait de "décalquer" les anciens modèles et de s'initier ainsi à l'iconographie alors même qu'il n'y avait plus de professeurs. La technique de la peinture sur verre (
icoane pe sticla) a ainsi permis la survie de l'iconographie orthodoxe et de tout ce qu'elle transmettait, malgré les persécutions.
Depuis, la technique de la peinture sur verre est restée un héritage transmis de génération en génération dans ces régions, alors même qu'après leur libération en 1918 il y a eu de nouveau des monastères, des écoles d'iconographie et de la peinture sur bois.
Jean-Louis Palierne a en effet raison: le dessin se conforme à la tradition byzantine, mais la surface utilisée pour la peinture ne permet pas une plus grande finesse de trait.
Le résultat est infiniment plus orthodoxe et spirituel que le 90% de la peinture d'église du XIXème siècle dont nous avons quelques spécimens en Europe occidentale. (Si vous voulez voyager plus loin, la cathédrale d'Athènes offre un exemple abouti du n'importe quoi architectural et iconographique du XIXème siècle, tandis que la nouvelle cathédrale du Pirée ou celle d'Egine sont en revanche caractéristiques de la renaissance de l'art sacré orthodoxe sous l'influence de Photios Kontoglou.)
En tout cas, moi, j'aime cette icône roumaine de saint Martin et je la trouve parfaitement orthodoxe.
A l'église des Trois Saints Hiérarques à Jassy, l'influence revendiquée de Puvis de Chavannes et de Lecomte de Noüy n'en a pas moins abouti à un résultat d'une grande orthodoxie parce que ces influences ont été maintenues dans le cadre des canons iconographiques.
Il en va de l'iconographie comme de beaucoup d'autres aspects de la foi: nous avons une grande marge de manoeuvre encadrée par des garde-fous. Les canons donnent des règles de peinture sur certains points et laissent une liberté à l'iconographe pour certains autres points. Contrairement à la plus grande partie de la production du XIXème siècle (Nesterov par exemple - et Dieu sait comme j'aime la peinture de Nesterov, mais je ne la considère pas comme iconographique), cette icône sur verre de saint Martin se situe à l'intérieur des garde-fous.
Maintenant, si vous avez une icône de saint Martin qui vous convient mieux, pourquoi ne pas la numériser et la poster dans ce fil?