Glicherie a écrit :Antoine,
Ce que vous écrivez revient à dire que les "Eglises" qui ne sont pas Orthodoxes n'ont pas la grâce, et n'ont pas de mystères valides, et donc ne sont pas l'Eglise.
Croyez vous que les Patriarcats, et leurs représentants en France soient prêt à dire cela ?
Soyez remercié de cette question.
Les oecuménistes reprochent effectivement sans cesse à ceux qui ne le sont pas un soi-disant manque d'amour et de charité envers les frères chrétiens hétérodoxes. Cette accusation repose toujours sur ce confusionisme délirant qui sépare la Vérité de l'amour et qui réduit ainsi la charité à un simple sentiment humain. Reprochera-t- on au Christ lui-même ces paroles si difficiles à entendre : "N'allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive. Oui, je suis venu dresser l'homme contre son père, la fille contre sa mère, la bru contre sa belle-mère; et l'on aura pour ennemis ceux de sa propre maison; qui aime père ou mère plus que moi n'est pas digne de moi; qui aime fils ou fille plus que moi n'est pas digne de moi. (Matt 10, 34-37)
Vous trouverez ci-dessous des extraits de deux documents:
- Le premier émane de Rome . Il est une Note récente de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur l'expression « Églises soeurs ».
Cette clarification montre que pour Rome (qui s'auto-proclame eglise Mère) il n'est pas question de considérer toute autre eglise que les eglises particulières catholiques romaines comme eglises soeurs. Pour Rome seules celles qui reconnaissent sa suprématie son t considérées comme soeurs. Alors qu'est-ce qu'une Eglise qui n'est pas soeur? Il est évident qu'elle n'est pas une Eglise. Il y a Eglise Mère et eglises soeurs. Ecclésiologiquement Eglise tout court n'a pas de sens sauf à globaliser Eglise Mère + Eglises soeurscatholiques romaines. Vous verrez ainsi qu'il y a un double langage permanent de JP II et que l'oecuménisme n'est qu'un leurre.
Le deuxième document est constitués d'extraits empruntés au "Document de l'Assemblée extraordinaire jubilaire de l'Église orthodoxe russe sur le dialogue oecuménique " publié en aout 2000.
J'ai mis en gras les éléments qui devraient répondre à votre question.
Je n'ai cessé de répéter sur ce forum que seule l'Eglise orthodoxe était l'Eglise et que je ne considérais pas les hétérodoxes comme appartenant à l'Eglise. Je les appelle toujours "communautés". Il y a ainsi des communautés
chrétiennes qui ne sont pas dans l'Eglise et cette situation est une véritable souffrance pour tout orthodoxe. Surtout dans un pays comme le nôtre ou cette souffrance est encore accentuée par sa dimension familiale. Ne pas pouvoir communier avec le reste de sa famille qui est chrétienne hétérodoxe n'est pas quelque chose de facile à vivre.
Les paragraphes 1-14, 1-15, 1-16, 1-17 répondent également à votre question sur la grâce.
Vous remarquerez que ce document parlent de "l'unité des Chrétiens" mais jamais de "l'unité des Eglises" car cette terminologie n'a aucun sens.
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Premier Document
Sur l'usage approprié de l'expression « Églises soeurs »
Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur l'expression « Églises soeurs »
Avant la publication du document Dominus Iesus, le 5 septembre dernier, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avait fait parvenir, fin juin, une note aux évêques du monde entier sur l'usage approprié de l'expression « Églises soeurs ». Ce document devait rester confidentiel et de fait n'a pas été rendu public par le Saint-Siège. Cependant, dans plusieurs pays, à partir d'une version anglaise publiée fin août par l'agence américaine CNS, cette note, signée par le cardinal Joseph Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et Mgr Tarcisio Bertone, Secrétaire, a été l'objet de nombreux commentaires.
Cette introduction ci-dessus n'est pas de moi mais de la Documentation Catholique
10. En effet, au sens propre, les Églises soeurs sont uniquement les Églises particulières entre elles (ou les regroupements d'Églises particulières, par exemple les Patriarcats entre eux ou les Provinces ecclésiastiques entre elles) (7). Il doit toujours rester clair, même quand l'expression Églises soeurs est utilisée dans ce sens propre, que l'Église universelle, une, sainte, catholique et apostolique, n'est pas la soeur, mais la mère de toutes les Églises particulières (8).
11. On peut aussi parler d'Églises soeurs, au sens figuré, en référence à des Églises particulières catholiques et non catholiques ; et donc même l'Église particulière de Rome peut être dite soeur de toutes les Églises particulières. Mais, comme rappelé ci-dessus, on ne peut dire, au sens propre, que l'Église catholique soit soeur d'une Église particulière ou d'un groupe d'Églises. Il ne s'agit pas seulement d'une question de terminologie, mais surtout du respect d'une vérité fondamentale de la foi catholique :
celle de l'unicité de l'Église du Christ. Il existe, en effet, une unique Église (9), et le pluriel Églises ne peut se référer qu'aux Églises particulières.
Par conséquent,
il faut éviter l'usage de formules comme « nos deux Églises », parce qu'elles sont sources de malentendus et de
confusion théologique : elles insinuent, si elles sont appliquées à l'Église catholique et à l'ensemble de l'Église orthodoxe (ou à une Église orthodoxe), une pluralité non seulement au niveau des Églises particulières, mais à celui de l'Église une, sainte, catholique et apostolique, proclamée dans le Credo, dont l'existence est ainsi offusquée.
Joseph cardinal RATZINGER
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Deuxième document
PRINCIPES FONDAMENTAUX RÉGISSANT LES RELATIONS
DE L'ÉGLISE ORTHODOXE RUSSE AVEC L'HÉTÉRODOXIE
Document de l'Assemblée extraordinaire jubilaire de l'Église orthodoxe russe sur le dialogue oecuménique
Sur convocation du Patriarche Alexis II, les 148 évêques, avec le responsable de l'Église autonome du Japon, se sont retrouvés à Moscou, du 13 au 16 août 2000, pour un Synode exceptionnel de l'Église orthodoxe russe. Ils représentaient les pasteurs de millions de fidèles, membres des 19 417 paroisses, et les 545 monastères.[…]. Lors du Synode, un très important document a été approuvé et publié pour énoncer " les fondements de la conception sociale de l'Église orthodoxe russe " qui définit ainsi le nouveau statut de l'Église vis-à-vis de l'État (DC 2000, n. 2233, p. 848). La Commission théologique a rédigé un deuxième document sur l'unité des chrétiens et sur les relations que l'Église orthodoxe russe établit et entretient avec les autres Églises et communautés chrétiennes : " Principes fondamentaux régissant les relations de l'Église orthodoxe russe avec l'hétérodoxie " :
1. L'unité de l'Église et le péché des divisions humaines
1.1.
L'Église orthodoxe est la véritable Église du Christ, fondée par notre Seigneur et Sauveur lui-même, l'Église que l'Esprit Saint a établie et qu'il remplit, l'Église dont le Sauveur lui-même a dit : " Je bâtirai mon Église et les portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre elle " (Mt 16, 18). Elle est l'Église Une, Sainte, Catholique (2) et Apostolique, gardienne et dispensatrice des Sacrements saints dans le monde entier, " colonne et fondement de la vérité " (1 Tm 3, 15).
Elle porte en plénitude la responsabilité de diffuser la Vérité de l'Évangile du Christ, de même que la plénitude du pouvoir de témoigner de la " foi, transmise aux saints une fois pour toutes " (Jd 3).
1.2.
L'Église du Christ est une et unique (s. Cyprien de Carthage, De l'unité de l'Église). L'unité de l'Église - corps du Christ - consiste en ceci qu'en elle il y a une seule Tête - le Seigneur Jésus-Christ (Ep 5, 3) et qu'agit un seul Esprit Saint, vivifiant le Corps de l'Église et unissant tous ses membres au Christ comme à sa Tête.
1.3. L'Église est l'unité de " l'homme nouveau dans le Christ ". Par son incarnation, le Fils de Dieu fait homme " a de nouveau ouvert une longue lignée d'êtres humains " (s. Irénée de Lyon), en fondant un peuple nouveau, un peuple comblé de grâce, descendance spirituelle du Second Adam. L'unité de l'Église surpasse toute unité humaine et terrestre, elle est donnée d'en haut, comme un don parfait et divin. Les membres de l'Église sont unis dans le Christ, par Lui-même, unis comme les sarments de la vigne, enracinés en lui et rassemblés dans l'unité de la vie éternelle et spirituelle.
1.4. L'unité de l'Église surmonte les barrières et les frontières, y compris celles que mettent les races, les langues, les classes sociales. La bonne nouvelle du salut doit être annoncée à tous les peuples, afin de les amener en un seul tout, de les unir par la force de la foi, par la grâce du Saint Esprit (Mt 28, 19-20 ; Mc 16, 15 ; Ac 1, 8).
1.5. Dans l'Église l'hostilité et l'ostracisme sont surmontés et l'unité dans l'amour de l'humanité divisée par le péché s'accomplit, à l'image de la Trinité Unisubstantielle.
1.6. L'Église est l'unité de l'Esprit par le lien de la paix (Ep 4, 3), la plénitude et le règne sans fin de la vie de la grâce et de l'expérience spirituelle. " Là où est l'Église, là est l'Esprit de Dieu, et là où est l'Esprit de Dieu, là est l'Église et toute grâce " (s. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, L. 3, ch. 24). Dans l'unité de la vie de la grâce réside la base de l'unité et l'invariabilité de la foi ecclésiale. Toujours et invariablement " l'Esprit Saint enseigne l'Église par la médiation des saints Pères et Docteurs. L'Église universelle ne peut pécher, ni errer et confesser le mensonge au lieu de la vérité : car le Saint Esprit, qui agit sans cesse à travers les fidèles Pères et Docteurs de l'Église, la protège de tous errements (Encyclique des Patriarches Orientaux).
1.7. L'Église a un caractère universel. Elle existe dans le monde sous la forme d'Églises locales distinctes, mais l'unité de l'Église n'en subit aucune diminution ; éclairée par la lumière du Seigneur, elle diffuse ses rayons par le monde entier ; mais la lumière partout répandue est une et l'unité du corps reste indivis. " Par toute la terre elle étend ses branches chargées de fruits, ses eaux abondantes courent vers des espaces lointains, et néanmoins la tête reste unique, unique le principe, unique la mère, riche de la profusion de sa fécondité " (s. Cyprien de Carthage, De l'unité de l'Église).
1.8.
L'unité ecclésiale se trouve en lien indissoluble avec le sacrement de l'Eucharistie, dans lequel les fidèles, par la communion à l'unique Corps du Christ, sont rassemblés authentiquement et effectivement en un corps un et universel, dans le sacrement de l'amour du Christ et la force transfigurante de l'Esprit. " Car si "nous avons part à un seul pain", alors tous nous formons un seul corps (1 Co 10, 17), car le Christ ne peut être divisé. C'est pourquoi l'Église est appelée Corps du Christ et nous des membres distincts, selon la conception de l'apôtre Paul (1 Co 12, 27) " (s. Cyrille d'Alexandrie).
1.9. L'Église Une, Sainte et Catholique est l'Église Apostolique. Par le sacerdoce divinement institué les dons du Saint Esprit sont communiqués aux fidèles. La succession Apostolique de la hiérarchie depuis les saints Apôtres est la base de la communion et de l'unité de la vie de grâce.
Se séparer de la sainte hiérarchie c'est se séparer du Saint Esprit, du Christ lui-même. "Suivez tous l'évêque comme Jésus-Christ suit son Père et suivez les prêtres comme les Apôtres. Les diacres, honorez-les comme les commandements de Dieu. Sans l'évêque, que personne ne fasse rien touchant l'Église. [...] Où sera l'évêque, là doit être le peuple, de même que là où est le Christ, là aussi est l'Église universelle " (s. Ignace d'Antioche. Smyrn. 8).
1.13. Au long de l'histoire chrétienne se sont séparés de l'Église orthodoxe non seulement des chrétiens individuels, mais des groupes chrétiens entiers. Certains d'entre eux ont disparu au fil de l'histoire, d'autres se sont conservés au long des siècles. Les scissions les plus substantielles du premier millénaire, qui se sont maintenues jusqu'ici, se sont produites par suite du refus d'une partie des communautés chrétiennes de recevoir les décisions des IIIe et IVe Conciles oecuméniques. Il en résulte que se sont trouvées en état de séparations des Églises qui subsistent jusqu'à ce jour : l'Église assyrienne orientale, les Églises préchalcédoniennes copte, arménienne, syro-jacobite, éthiopienne, malabare.
Au second millénaire, à la sécession de l'Église romaine ont fait suite les divisions internes du christianisme occidental liées à la Réforme et aboutissant à un processus incessant de formation d'une multitude de dénominations chrétiennes qui ne sont pas en communion avec le siège de Rome. Sont apparues aussi des ruptures d'unité avec les Églises orthodoxes locales et entre autres avec l'Église orthodoxe russe.
1.14. Les erreurs et les hérésies apparaissent comme la suite d'une auto-affirmation et d'un isolement égoïstes.
Toute scission, tout schisme conduisent à un degré ou à un autre à déchoir de la plénitude ecclésiale. La division, même si elle ne provient pas pour des raisons de nature doctrinale, est une atteinte à la doctrine de l'Église et en fin de compte conduit à des altérations dans la foi.
1.15.
L'Église orthodoxe affirme par la bouche des saints Pères, que le salut ne peut être atteint que dans l'Église du Christ. Mais en même temps, les communautés déchues de l'unité avec l'Orthodoxie, n'ont jamais été considérées comme totalement privées de la grâce divine. La rupture de la communion ecclésiale conduit inéluctablement à la dégradation de la vie de grâce, mais pas toujours à sa complète disparition dans les communautés séparées. C'est à cela que se rattache la pratique de la réception dans l'Église orthodoxe de personnes venant de communautés hétérodoxes, pas uniquement par le sacrement du baptême. Malgré la rupture de l'unité, il reste une certaine communion incomplète,
qui agit comme le gage de la possibilité du retour à l'unité dans l'Église dans la plénitude et l'unité catholique.
(
Note d'Antoine: C'est pour cela que plusieurs fois j'ai commenté la citation "L'Esprit saint souffle où il veut" non pas comme étant une affirmation scripturaire de la façon dont s'exerce la grâce mais comme signifiant que "l'Esprit souffle où il veut" pour amener tout homme à l'Eglise, seul lieu en lequel il recevra la grâce. Dire qu'il n ya plus de grâce dans telle ou telle communauté revient à dire que Dieu aurait abandonné les personnes qui constituent cette communauté. Cela est impossible; mais en aucun cas ce souffle de l'Esprit-qui-ramène-le-troupeau au sein de l'Orthodoxie n'est à confondre avec la grâce sacramentelle.)
1.16. La situation ecclésiale des séparés ne se prête pas à une définition univoque. Dans le monde chrétien divisé, il y a un certain nombre de signes qui l'unissent : ce sont la Parole de Dieu, la foi au Christ comme Dieu et Sauveur venu dans la chair (1 Jn 1, 1-2 ; 4, 2, 9) et une piété sincère.
1.17. L'existence de divers modes de réception (par le Baptême, par la Chrismation, par la Pénitence) montre que l'Église orthodoxe a une approche différenciée des autres confessions. Le critère est la mesure dans laquelle ont été conservées la foi et les institutions ecclésiastiques, ainsi que les normes de la vie spirituelle chrétienne. Mais en établissant divers modes de réception,
l'Église orthodoxe ne porte pas de jugement sur le degré de conservation ou d'altération de la vie de grâce dans l'hétérodoxie, estimant que c'est le secret de la Providence et du jugement divin.
1.18.
L'Église orthodoxe est la véritable Église, dans laquelle sont conservées inaltérées la Sainte Tradition et la plénitude de la grâce salvatrice de Dieu. Elle a conservé dans leur totalité et dans leur pureté l'héritage des Apôtres et des saints Pères. Elle reconnaît l'identité de sa doctrine, de sa structure liturgique et de sa pratique avec la prédication apostolique et la Tradition de l'Église Ancienne.
1.19. L'Orthodoxie n'est pas un " attribut national et culturel " de l'Église d'Orient.
L'Orthodoxie est une qualité interne de l'Église, la conservation de la vérité doctrinale, de la structure liturgique et hiérarchique et des principes de la vie spirituelle demeurant sans interruption ni changement dans l'Église depuis les temps apostoliques.
2. Efforts pour rétablir l'unité
2.1. Le but le plus important des relations que l'Église orthodoxe entretient avec l'hétérodoxie est le rétablissement de l'unité des chrétiens (Jn 17, 21), qui entre dans le dessein divin et appartient à l'essence même du christianisme. C'est une tâche d'importance primordiale pour l'Église orthodoxe à tous les niveaux de son existence.
2.2. L'indifférence face à cette tâche ou son rejet constitue un péché contre le commandement divin de l'unité. Selon les paroles de saint Basile le Grand " ceux qui travaillent en sincérité et vérité pour le Seigneur doivent uniquement appliquer leurs efforts à ramener à l'unité de l'Église ceux qui sont divisés entre eux en tant de fractions ".
2.3. Néanmoins, tout en reconnaissant la nécessité de rétablir l'unité chrétienne détruite, l'Église orthodoxe affirme que
l'unité authentique n'est possible que dans le sein de l'Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Tous les autres " modèles " de l'unité sont irrecevables.
2.4. L'Église orthodoxe ne peut admettre la thèse selon laquelle, en dépit des divisions historiques, l'unité de principe, l'unité de fond des chrétiens n'aurait soi disant pas été détruite et que l'Église doit être comprise comme coïncidant avec l'ensemble du " monde chrétien ", que l'unité chrétienne existerait par dessus les barrières dénominationnelles et que la division des Églises n'affecte que le niveau imparfait des relations humaines. Selon cette conception, l'Église demeure une, mais cette unité se manifeste insuffisamment dans des formes visibles. Dans ce modèle d'unité la tâche des chrétiens est comprise non comme le rétablissement d'une unité perdue, mais comme la manifestation d'une unité subsistant d'une manière inamissible. Dans ce modèle se répète la doctrine apparue dans la Réforme de " l'Église invisible ".
2.5.
Absolument inacceptable et liée avec celle qui vient d'être exposée est la théorie dite " des branches ", qui affirme comme normale et providentielle l'existence d'un christianisme en forme de " branches " distinctes.
2.6. Pour l'Orthodoxie est inacceptable l'affirmation selon laquelle les divisions des chrétiens sont une imperfection inévitable de l'histoire chrétienne, qu'elles n'existent qu'à la surface de l'histoire et qu'elles peuvent être guéries ou maîtrisées moyennant des accords de compromis entre dénominations.
2.7.
L'Église orthodoxe ne peut reconnaître l'" égalité des dénominations ". Ceux qui ont déchu de l'Église ne peuvent lui être à nouveau unis dans l'état où ils se trouvent actuellement ; les divergences dogmatiques existantes doivent être surmontées et pas seulement contournées. Cela signifie que le chemin de l'unité est un chemin de repentance, de conversion et de renouveau.
2.8.
Elle est inacceptable, la pensée que toutes les divisions sont des malentendus tragiques, que les désaccords ne paraissent inconciliables que par manque d'amour mutuel, par refus de comprendre,
qu'en dépit de toute la différence et de toute la dissemblance il y a une unité et un accord suffisants " dans l'essentiel ". Les séparations ne peuvent pas être ramenées à des passions humaines, à l'égoïsme, ni à plus forte raison aux circonstances culturelles, sociales ou politiques.
Est également inacceptable l'affirmation selon laquelle ce qui distingue l'Église orthodoxe des communautés chrétiennes avec lesquelles elle n'est pas en communion sont des questions d'un caractère secondaire. On n'a pas le droit de réduire toutes les divisions et les désaccords à divers facteurs non théologiques.
2.9. L'Église orthodoxe rejette également la thèse selon laquelle l'on ne peut restaurer l'unité du monde chrétien que par la voie d'un service du monde accompli en commun par les chrétiens. L'unité chrétienne ne peut pas être rétablie par une entente sur des questions séculières, grâce à laquelle les chrétiens apparaîtront unis sur le secondaire et continueront comme devant à diverger sur l'essentiel.
2.10.
Il est inadmissible de limiter l'accord dans la foi à un cercle étroit de vérités nécessaires, pour concéder au delà la " liberté dans les choses douteuses ".
L'attitude de tolérance à l'égard des divergences en matière de foi est de soi inacceptable. Ceci dit, il ne faut pas confondre l'unité de la foi et les modes de l'exprimer.
2.11.
La division du monde chrétien est une division dans l'expérience de la foi et pas seulement dans les formules doctrinales. Il faut atteindre l'accord plein et sincère dans l'expérience même de la foi et non seulement dans son expression formelle. L'unité formellement confessée dans le credo n'épuise pas l'unité de l'Église, encore qu'elle en constitue l'une des conditions nécessaires.
2.12.
L'unité de l'Église est avant tout unité et communion dans les sacrements. Mais l'authentique communion dans les sacrements n'a rien de commun avec la pratique appelée " intercommunion ". L'unité ne peut se réaliser que dans l'identité de l'expérience et de la vie dans la grâce, dans la foi de l'Église, dans la plénitude de la vie sacramentelle dans l'Esprit Saint.
3. Le témoignage orthodoxe face au monde hétérodoxe
3.1.
L'Église orthodoxe est la gardienne de la Tradition et des dons de grâce de l'Église ancienne ; aussi considère-t-elle comme sa tâche principale dans ses relations avec l'hétérodoxie de porter un témoignage permanent et insistant qui amène à découvrir et à accueillir la vérité exprimée dans cette Tradition. Comme il est dit dans la décision de la Troisième Conférence préconciliaire panorthodoxe (1986) : " L'Église orthodoxe dans sa conviction profonde et sa conscience ecclésiale d'être la porteuse et le témoin de la foi et de la Tradition de l'Église une, sainte, catholique et apostolique, croit fermement qu'elle occupe la place centrale dans l'oeuvre de promotion des chrétiens vers l'unité dans le monde contemporain... La mission et le devoir de l'Église orthodoxe est d'enseigner dans toute sa plénitude la vérité contenue dans la Sainte Écriture et la Sainte Tradition, et qui confère à l'Église son caractère universel... Cette responsabilité de l'Église orthodoxe, de même que sa mission oecuménique touchant l'unité de l'Église, ont été exprimées par les Conciles oecuméniques. Ils ont particulièrement souligné le lien entre la droiture de la foi et la communion dans les sacrements. L'Église orthodoxe s'est toujours efforcée d'attirer les diverses Églises et confessions chrétiennes à la recherche en commun de l'unité perdue des chrétiens, afin que tous parviennent à l'union dans la foi... ".
4. Dialogue avec l'hétérodoxie
4.4.
Du point de vue des orthodoxes, pour l'hétérodoxie le chemin du retour à l'unité est un chemin de guérison et de transfiguration de la conscience dogmatique. Sur ce chemin doivent être de nouveau pris en compte les thèmes qui ont été examinés à l'époque des Conciles oecuméniques. Dans le dialogue avec l'hétérodoxie apparaît comme importante l'étude de l'héritage spirituel et théologique des saints Pères, interprètes de la foi de l'Église.
5. Dialogues multilatéraux et participation au travail des organisations inter-chrétiennes
5.2. Sur la question d'appartenance aux diverses organisations chrétiennes en qualité de membre, il convient de se tenir aux critères suivants : l'Église orthodoxe russe ne peut prendre part à des organisations chrétiennes internationales (régionales ou nationales) dans lesquelles
a) la charte, les règles ou la procédure exigent que l'on s'écarte de la doctrine ou des traditions de l'Église orthodoxe,
b) l'Église orthodoxe n'a pas la possibilité de témoigner d'elle-même comme de l'Église Une Sainte Catholique et Apostolique,
c) le mode de prise de décision ne prend pas en compte la conscience ecclésiologique que l'Église orthodoxe a d'elle-même,
d) les règles et la procédure présupposent le caractère obligatoire de l'" opinion de la majorité".
5.5. Tout en soulignant la priorité du dialogue théologique, l'étude des normes de la foi, de l'institution ecclésiale et des principes de la vie spirituelle, l'Église orthodoxe russe, de même que d'autres Églises locales orthodoxes, estime possible et utile de prendre part au travail de diverses organisations internationales dans le domaine du service du monde - la diaconie, l'action sociale, l'action en faveur de la paix. L'Église orthodoxe russe collabore avec diverses dénominations chrétiennes et diverses organisations chrétiennes internationales pour la cause d'un témoignage commun face à une société sécularisée.