Église et Tradition

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Wladimir
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La Tradition de l'Eglise

Message par Wladimir »

L'expresson "stage liturgico-canonique" est amusante. De mon côté ce n’est pas tout à fait sérieusement que j’ai parlé à son propos de « théologoumène ».

Cependant il me semble que ce qu’elle cherche à faire passer pose problème.

En somme vous distinguez au sein de la Tradition deux éléments : la tradition écrite du Nouveau Testament, et un ensemble de prescriptions et de règles conférées oralement et dont on retrouverait la trace dans des documents postérieurs comme la littérature canonique ou les décisions des Conciles.

Mais cette distinction me paraît très discutable. Le Nouveau Testament lui-même est tout entier sorti de la première tradition orale qui perpétuait les souvenirs des paroles prononcées par Jésus (loguia), des miracles accomplies par lui, ainsi que de sa mort et de sa résurrection. Cette tradition vivante et même foisonnante, comme en témoignent les divergences entre les différents textes, a fini par être fixée par écrit. Un choix a été opéré en fonction du projet de chaque évangéliste. Des traditions moins certaines que d’autres ont sans doute été écartées. Quoiqu’il en soit, les paroles et les miracles de Jésus qui n’ont pas trouvé leur place dans les Ecritures, n’ont pas été retenus par la Tradition. Celle-ci n’a d’ailleurs jamais cherché à en dresser un inventaire exhaustif. On a pu remarquer ainsi la discrétion de Saint Paul concernant les épisodes de la vie du Christ. Ce n’est pas pour autant que l’Eglise ancienne n’était pas centrée sur la personne du Christ, mais elle croyait (et croit toujours) détenir dans l’Esprit la plénitude de son enseignement

Bien entendu la rédaction des Evangiles, n’a pas mis fin à la Tradition orale, mais a pris place à l’intérieur de celle-ci. L’Evangile servait de support à la transmission de la foi et à la prédication, il s’insérait dans la liturgie dont des éléments importants ont longtemps conservé un caractère oral. Petit à petit des éléments de plus en plus importants de cette Tradition ont été notés constituant l’immense corpus de la littérature ecclésiale. En même temps le caractère secret de certains rites ou enseignements fut abandonné à mesure que l’Eglise cessait d’être une minorité persécutée et s’étendait à l’ensemble de l’Empire. Même si une grande discrétion prévalait (d’où la pratique des prières secrètes), les mystères chrétiens n’étaient plus des mystères au sens que leur déroulement aurait constitué un secret connu des seuls initiés. Il restèrent pourtant des mystères parce que leur réalité ne s’épuisait pas dans les formules ou dans prescriptions rituelles, mais était spirituelle et demeurait toujours accessible uniquement dans l’Esprit et par la foi.
Si la Tradition orale est toujours présente aujourd’hui et continue comme dans l’Eglise primitive à donner son sens à la Tradition écrite, c’est qu’elle n’est justement pas un code, une collection de formules transmises de génération en génération, mais la Tradition vivante de l’Esprit.

Nous avons à ce propos des témoignages non ambigus de l’Ecriture, par exemple dans les paroles que le Christ adresse à ses disciples lors de la Cène :.

Mais le Paraclet, l’Esprit Saint, qu’enverra la Père en mon nom, lui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit. (Jean 14,26)


Ainsi l’enseignement du Christ se conserve-t-il dans l’Eglise, parmi ses disciples, grâce à la présence de l’Esprit saint, qui continue à enseigner, bien que cet enseignement ne soit rien de nouveau, mais un constant rappel de l’enseignement du Christ.

Autrement dit la Tradition de l’Eglise se nourrit de deux sources, tire son autorité de deux instances. D’une par elle s’enracine dans la tradition apostolique, dans l’enseignement de ceux qui ont été les disciples du Christ et les témoins de sa Résurrection. L’Evangile, les épîtres de Paul, les témoignages des premiers pères qui étaient encore en contact avec la mémoire vivante des premiers temps, ainsi que les éléments les plus anciens du kérygme et de la liturgie en assurent la perpétuation. Mais ce n’est qu’une partie de la Tradition. L’autre fondement de celle-ci est la présence vivante et actuelle du Saint Esprit dans l’Eglise, qui fait que le depositum fidei qui est le nôtre n’est pas un corpus figé, mais une réalité vivante et spirituelle, non pas au sens d’une « évolution du dogme », mais dans ce sens que le dogme s’appuie à la fois sur la tradition des apôtres et sur l’expérience vivante de l’Eglise. Il me semble que votre formule de « stage canonico-liturgique » ne laisse pas une place suffisante à l’action du Saint Esprit dans l’Eglise. Ainsi les pères des Conciles n’ont-ils pas fait œuvre d’archivistes, cherchant dans leur mémoire collective des bribes conservées d’anciennes prescriptions, mais ont-ils tenté de formuler la foi vivante de l’Eglise sous la conduite de l’Esprit.

Le Christ lui-même nous donne l’exemple de l’attitude à avoir face à la Tradition. Lui aussi était confronté à une situation où coexistaient une Loi écrite (la Torah) et un ensemble de prescriptions traditionnelles que les Evangiles désignent comme « la tradition des anciens », rejetées par les Saducéens, mais scrupuleusement respectées par les pharisiens. Le Christ se montre particulièrement sévère pour cette tradition, ses prescriptions rituelles et sa casuistique morale. A la question des pharisiens qui lui demandent pourquoi ses disciples ne se conduisent pas selon la tradition des anciens, le Christ répond par une condamnation sans appel :

Laissant de côté le commandement de Dieu vous vous attachez à la tradition des hommes. (…) Vous rejetez bel et bien le commandement de Dieu pour garder votre tradition. Moïse dit en effet : honore ton père et ta mère… (Marc 7, 8-9)


Jésus rappelle sans cesse à ses interlocuteurs la parole divine des Ecritures sous la lettre de laquelle il fait découvrir la réalité spirituelle et l’oppose au formalisme des pharisiens comme d’ailleurs au fondamentalisme des saducéens :

Si vous vous égarez, n’est-ce pas faute de connaître les Ecritures et la puissance de Dieu ? (Marc 12, 24)


C’est encore de lecture de l’Ecriture qu’il est question lors des apparitions du Christ ressuscité aux apôtres :

Alors il ouvrit leur intelligence pour qu’ils comprennent les Ecritures. (Luc 24,45)


C’est cette tradition spirituelle, celle du Christ, des synoptiques, de Saint Jean et de Saint Paul qui est notre tradition et nous devons faire attention à ne pas glisser vers un traditionalisme qui fige cette réalité vivante et la réduit à une lettre. Cette tradition vivante est celle de l’Eglise et c’est pourquoi il nous faut par dessus tout veiller à l’unité de celle-ci, qui est la source de notre dogme et de la vérité. Les formules dogmatiques ou liturgiques n’ont pas de valeur en elles-mêmes. Elles ne prennent sens qu’au sein de la vie inspirée de l’Eglise. L’erreur de l’intégrisme est de croire le contraire. La correction du rite et des formules dogmatiques devient le critère suprême de l’appartenance à l’Eglise et source d’une tension et d’une anxiété permanentes. Mais les intégristes oublient que ce précieux dépôt perd toute sa valeur une fois qu’il est détaché de la réalité vivante du Corps du Christ qui lui donnait sens. Les formules humaines les plus sacrées ne peuvent rien nous apprendre sur Dieu, sinon par l’Esprit qui, selon la promesse du Christ, demeure dans l’Eglise. Prétendre le contraire aboutit à une conception magique des formules de la Tradition, en fait une sorte de mantras ésotériques, ce qu’elles ne sauraient être.

Votre description de la Tradition orale sous les traits d’un dépôt reçu directement et littéralement du Christ, me semble amputer l’Eglise de cette source toujours actuelle de la tradition qu’est la présence en elle du Saint Esprit. Elle ne me semble pas prendre suffisamment en compte les paroles du Christ quand il dit qu’il doit partir pour que vienne le Consolateur. Poussée au bout de sa logique, elle risque de rabattre sans reste toute la Tradition vivante de l’Eglise sur un ensemble de prescriptions et de formules à l'instar du judaïsme de l’époque du Christ. C'est-à-dire finalement du substituer la loi de l’homme à la Loi de Dieu.
Obsecro autem vos fratres per nomen Domini nostri Jesu Christi ut id ipsum dicatis omnes et non sint in vobis scismata, sitis autem perfecti in eodem sensu et in eadem sententia (1Cor I,10)
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je ne vois pas pourquoi on voudrait que la Tradition non-écrite de l’Église soit nécessairement plus spirituelle et donc informulable que ce qui a été consigné par les Évangiles.

Et tout d’abord je m’insrge contre l’idée selon laquelle les Évangile seraient le résultat d’un processus lent et difficile d’un collationnement et d’une compilation de textes fragmentaires antérieures et de souvenirs des “logia” du Seigneur. Les très savantes recherches qui se sont accumulées sur ce sujet -- il fut un temps où je me passionnais pour ce sujet -- n’ont jamais abouti à aucune certitude, à aucune recomposition convaincante. On n’a jamais pu prendre en défaut la Tradition qui les attribue à la rédaction de témoins proches du Christ. Elle nous dit que Matthieu a d’abord écrit en hébreu. L’Église a perdu ce texte hébreu, et je prétends que si elle l’a oublié c’est qu’il ne nous aurait rien appris de plus. Elle nous dit que Jean a dicté à un secrétaire que la tradition nomme Prochore. Et alors ?

Pour le reste, les théories documentaires, qui ont accumulé un travail prodigieux, ne nous apprennent rien qui soit utile à la piété. Pourquoi la Tradition aurait-elle échoué à nous transmettre tout ce qui nous est nécessaire ? Je crois que, de même que les Auteurs des écrits néo-testamentaires ont écrit sous l’inspiration de l’Esprit (ce qui n’exclut pas la diversité de leurs approches), de même l’Église a fait le tri sous l’inspiration de l’Esprit et fixé le Canon du Nouveau Testament -- non sans hésitations du reste, comme on peut le voir pour l’Apocalypse, pour les Épîtres de Clément ou pour la Didachè. Mais si nous en savions plus sur les documents ou les trasmissions orales qui ont précédé la rédaction du Nouveau Testament, nous n'apprendrions rien qui soit utile au Salut des hommes.

S’il existe un enseignement plus spirituel (mais que faut-il entendre par là ?) c’est plutôt dans le Sermon sur la Montagne, dans l’Évangile de Jean et dans les Épîtres de Paul que nous pouvons le trouver, plus que dans une Tradition mystique et ésotérique. L’existence d’une Tradition non-écrite ne doit pas prêter à des spéculations de ce genre.

L’Église a roujours su nous écrire ce qu’il fallait nous écrire. Elle nous a transmis le texte (grec) du Nouveau Testament. Là se trouve la totalité du kérygme; c’est-à-dire de la proclamation par l’Église de la Bonne Nouvelle du Salut.

La Tradition non-écrite comprend d’abord la liste des livres qui constituent la Révélation écrite (Canon de l’Ancien et du Nouveau Testament) qu’elle authentifie de cette manière. Mais elle comprend également le Symbole, qui est en quelque sorte le “socle” de notre foi, les anaphores de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, qu’il me semble difficile de considérer comme des textes réglementaires desséchés, les décisions dogmatiques et canoniques des Conciles. Faut-il y dire que
Votre description de la Tradition orale sous les traits d’un dépôt reçu directement et littéralement du Christ, me semble amputer l’Eglise de cette source toujours actuelle de la tradition qu’est la présence en elle du Saint Esprit. ?
Lorsque saint Séraphim de Sarov révéla la Lumière incréée à Motovilov, a-t-il eu besoin de longs discours mystiques ?

La Tradition non-écrite est en fait largement connue. Sa diffusion était limitée, aux origines, à l’intérieur de l’Église. La petite histoire des enfants (probablement des fils de prêtres) que l’on peut trouver dans Le Pré spirituel de Jean Moschus montre que le secret qui entourait les paroles des saints Mystères de l’Église n’était pas très rigoureux. Ces enfants, qui servaient probablement l’évêque et les prêtres, en connaissaient au moins une partie. Mais ces paroles ne sortaient pas de l’Église, et les Pères les plus anciens les considéraient comme vérité révélée. C’est le “kérygme” (= proclamation) évangélique qui était annoncé en public, ainsi qu’il ressorte des collections d’homélies des Pères.

Il n’y a nul intégrisme à considérer que les prescriptions canoniques sont toujours valables pour l'Église, car ce ne sont pas des règlements desséchés. Ils nous apportent une révélation fondamentale pour le salut de l’homme : la nature de l’Église. Or avant de faire des exposés dogmatiques, ils procèdent par une description en quelque sorte de son anatomie et de sa physiologie. Ils décrivent sa forme, son contour, ses organes, ses fonctions et lui imposent des règles de santé.
Mais les intégristes oublient que ce précieux dépôt perd toute sa valeur une fois qu’il est détaché de la réalité vivante du Corps du Christ qui lui donnait sens.
Oui, il existe de tels intégristes. J’en connais; Je crois d’ailleurs qu’ils défendent en général plutôt l’Église du XIXème siècle que celle des Pères. Mais je connais aussi, à l’extrême opposé, des modernistes qui ne se préoccupent que de la « nécessité de répondre à notre temps ». Et en plus ils ont l’impression de satisfaire ainsi une obligation “spirituelle”. Je prétends pour ma part que c’est le retour au sources patristiques qui fournit la meilleure réponse aux besoins des hommes de notre temps;

J’assistais un jour à une Liturgie dans une paroisse composée essentiellement d’originaires d’un pays de tradition orthodoxe. Peu importe lequel. Le dépité-maire de la commune (qui avait je crois accordé quelques faveurs à cette communauté) était venu y assister, et suivit la Liturgie visiblement avec beaucoup d’attention et de respect. L’évêque était venu présider pour la circonstance. Après la Liturgie, il proposa au maire de dire quelques mots. Celui-ci déclara qu’il avait été très impressionné par le déroulement des cérémonies; « Vous avez gardé ce sens du sacré qui fait malheureusement défaut aujourd’hui aux Église traditionnelles d’Occident. » L’évêque répondit en assurant que nous entretenons d’excellents rapports avec nos frères catholiques et protestants. En l’occurence je crois que c’était bien le politicien qui exprimait le mieux la recherche spirituelle des Français, dont l’évêque ne connaissait même pas l’existence.

Je crois que les indigènes que nous sommes viennent à l’Église orthodoxe pour y rencontrer la Tradition spirituelle orthodoxe, parce qu’ils sont désemparés par l’appauvrissement spirituel qu’a produit la mode “de l’engagement dans le monde” dans nos Églises; Malheureusement les orthodoxe “de souche” nous assurent qu’ils ont compris toute la valeur des préoccupations sociales des chrétiens d’occident et estiment que le devoir d’une Église locale transplantée en Occident est de faire connaître les trésors de l’Occident aux Églises-mères des pays orthodoxes.
Jean-Louis Palierne
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Wladimir
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Message par Wladimir »

Anne-Genevève a écrit :Cela dit, pour répondre à Wladimir, ceux qui sont appelés par saint Jacques à mettre leur vie et leurs œuvres en conformité avec leur foi, ce sont les chrétiens en tant que personnes, pas l’Eglise, corps du Christ.
Je ne comprends pas très bien la distinction que vous faites entre l’Eglise et ses membres. Si l'on formule les choses ainsi, l’Eglise devient une institution. Or s’il existe des diocèses ou des paroisses, il n’existe pas d’institution appelée Eglise Orthodoxe (contrairement à ce qui se passe dans l’ecclésiologie romaine). Les chrétiens peuvent agir bien sûr individuellement ou bien en tant que communauté. Je ne vois pas la nécessité de tracer une ligne étanche entre les deux.
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Wladimir
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Message par Wladimir »

Jean-Louis Palierne a écrit :Je ne vois pas pourquoi on voudrait que la Tradition non-écrite de l’Église soit nécessairement plus spirituelle et donc informulable que ce qui a été consigné par les Évangiles.
Le problème n’est pas là. La tradition non-écrite n’est pas plus spirituelle que l’écrite, puisque dans l’Eglise tout fait partie de la vie dans l’Esprit. Elle n’est pas informulable, mais elle est vivante et se renouvelle grâce à l’action de l’Esprit Saint dans l’Eglise. On ne peut donc pas la présenter sous l’aspect d’un code fixé une fois pour toute. Elle n’est pas à rechercher seulement dans le passé, mais aussi dans l’expérience actuelle de l’Eglise. L’attitude du Christ lui-même par rapport aux Ecritures et aux traditions du judaïsme doit sans doute être notre guide.

Jean-Louis Palierne a écrit :Et tout d’abord je m’insrge contre l’idée selon laquelle les Évangile seraient le résultat d’un processus lent et difficile d’un collationnement et d’une compilation de textes fragmentaires antérieures et de souvenirs des “logia” du Seigneur. Les très savantes recherches qui se sont accumulées sur ce sujet -- il fut un temps où je me passionnais pour ce sujet -- n’ont jamais abouti à aucune certitude, à aucune recomposition convaincante. On n’a jamais pu prendre en défaut la Tradition qui les attribue à la rédaction de témoins proches du Christ. Elle nous dit que Matthieu a d’abord écrit en hébreu. L’Église a perdu ce texte hébreu, et je prétends que si elle l’a oublié c’est qu’il ne nous aurait rien appris de plus. Elle nous dit que Jean a dicté à un secrétaire que la tradition nomme Prochore. Et alors ?
Pour le reste, les théories documentaires, qui ont accumulé un travail prodigieux, ne nous apprennent rien qui soit utile à la piété. Pourquoi la Tradition aurait-elle échoué à nous transmettre tout ce qui nous est nécessaire ? Je crois que, de même que les Auteurs des écrits néo-testamentaires ont écrit sous l’inspiration de l’Esprit (ce qui n’exclut pas la diversité de leurs approches), de même l’Église a fait le tri sous l’inspiration de l’Esprit et fixé le Canon du Nouveau Testament -- non sans hésitations du reste, comme on peut le voir pour l’Apocalypse, pour les Épîtres de Clément ou pour la Didachè. Mais si nous en savions plus sur les documents ou les transmissions orales qui ont précédé la rédaction du Nouveau Testament, nous n'apprendrions rien qui soit utile au Salut des hommes.
S’il existe un enseignement plus spirituel (mais que faut-il entendre par là ?) c’est plutôt dans le Sermon sur la Montagne, dans l’Évangile de Jean et dans les Épîtres de Paul que nous pouvons le trouver, plus que dans une Tradition mystique et ésotérique. L’existence d’une Tradition non-écrite ne doit pas prêter à des spéculations de ce genre.
Je n’ai jamais avancé que le processus de la mise par écrit de la première tradition écrite ait été lent, difficile, qu’il ait eu le caractère d’un collationnement minutieux, qu’il ait été le fait de tel ou tel auteur. J’ai seulement rappelé une évidence : l’Eglise a vécu un certain temps sans autre Ecriture que l’Ancien Testament. Toute la tradition était donc orale. Le Nouveau Testament est issu de cette première tradition. Le passage à l’écrit implique toujours une sélection et une mise en forme. L’Eglise y a sans doute fixé l’ensemble de son enseignement, mais pas d’une manière systématique et sans mettre en cause l’importance de l’enseignement oral.

Jean-Louis Palierne a écrit :L’Église a roujours su nous écrire ce qu’il fallait nous écrire. Elle nous a transmis le texte (grec) du Nouveau Testament. Là se trouve la totalité du kérygme; c’est-à-dire de la proclamation par l’Église de la Bonne Nouvelle du Salut.
Certes pour le contenu et pour l’essentiel. Mais certaines formulations ont pu continuer à être transmises oralement. Les textes du Nouveau Testament ne sont-ils pas à l’origine destinés à la communauté des croyants et non à l’annonce de la Bonne Nouvelle à ceux de l’extérieur ? Ils ne se rapporteraient donc pas initialement au kérygme, même s’ils le nourrissaient.
Jean-Louis Palierne a écrit :La Tradition non-écrite comprend d’abord la liste des livres qui constituent la Révélation écrite (Canon de l’Ancien et du Nouveau Testament) qu’elle authentifie de cette manière. Mais elle comprend également le Symbole, qui est en quelque sorte le “socle” de notre foi, les anaphores de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, qu’il me semble difficile de considérer comme des textes réglementaires desséchés, les décisions dogmatiques et canoniques des Conciles. Faut-il y dire que
Citation:
Votre description de la Tradition orale sous les traits d’un dépôt reçu directement et littéralement du Christ, me semble amputer l’Eglise de cette source toujours actuelle de la tradition qu’est la présence en elle du Saint Esprit. ?
Lorsque saint Séraphim de Sarov révéla la Lumière incréée à Motovilov, a-t-il eu besoin de longs discours mystiques ?
Je ne comprends pas très bien ce dernier argument : Saint Séraphin n’est pas à l’origine de la Tradition de l’Eglise, il en est un des témoins. Son exemple prouve, s’il en est besoin, que la Tradition de l’Eglise est d’abord une tradition spirituelle et vivante. Autrement dit, la tradition n’est pas à rechercher seulement dans le passé.
Je ne comprends pas non plus sur quoi se fonde l’inventaire de la « tradition non-écrite ». Je trouve paradoxal que chaque fois qu’il est question de « tradition non-écrite », les exemples renvoient à des textes. Au moins en ce qui nous concerne, il s’agit bien d’une tradition écrite.
Jean-Louis Palierne a écrit :La Tradition non-écrite est en fait largement connue. Sa diffusion était limitée, aux origines, à l’intérieur de l’Église. La petite histoire des enfants (probablement des fils de prêtres) que l’on peut trouver dans Le Pré spirituel de Jean Moschus montre que le secret qui entourait les paroles des saints Mystères de l’Église n’était pas très rigoureux. Ces enfants, qui servaient probablement l’évêque et les prêtres, en connaissaient au moins une partie. Mais ces paroles ne sortaient pas de l’Église, et les Pères les plus anciens les considéraient comme vérité révélée. C’est le “kérygme” (= proclamation) évangélique qui était annoncé en public, ainsi qu’il ressorte des collections d’homélies des Pères.
Je ne suis pas convaincu par cette distinction entre d’une part une tradition écrite largement diffusée (kérygme) et une tradition non écrite à diffusion restreinte, voire secrète. Ainsi je ne suis pas sûr que les Evangiles pas plus que les épîtres de Saint Paul, dans la mesure où ils abordent le sujet des mystères, aient été destinés dès les premiers temps aux non-croyants. Inversement tous les éléments de la tradition non-écrite n’étaient pas forcément secrets. Ce sont deux choses différentes.
Je suis encore moins convaincu par l’idée que les évêques et les prêtres aient constitué dans l’Eglise ancienne une caste sacerdotale dépositaire de secrets inaccessibles à de simples fidèles. Il me semble au contraire que les paroles de l’eucharistie, les formules du baptême devaient être connues de tous les baptisés et que la conception même d’une doctrine ésotérique au sein même de l’Eglise est étrangère au christianisme. Bref il n’y a pas dans le christianisme plusieurs étapes d’initiation, mais une diversité de charismes.
Jean-Louis Palierne a écrit :Il n’y a nul intégrisme à considérer que les prescriptions canoniques sont toujours valables pour l'Église, car ce ne sont pas des règlements desséchés. Ils nous apportent une révélation fondamentale pour le salut de l’homme : la nature de l’Église. Or avant de faire des exposés dogmatiques, ils procèdent par une description en quelque sorte de son anatomie et de sa physiologie. Ils décrivent sa forme, son contour, ses organes, ses fonctions et lui imposent des règles de santé.
Entièrement d’accord. Je n’ai jamais prétendu que les dispositions canoniques ne fussent pas valables, ni qu’elles fussent vides de tout contenu spirituel. Je refusais simplement d’en faire remonter la lettre aux premiers temps de l’Eglise. Ce sont des décisions prises dans certaines circonstances précises, par l’Eglise assemblée en Concile et animée par l’Esprit Saint. C’est de là, comme de leur conformité à la tradition constante de l’Eglise qu’elles tirent leur autorité. On remarque d’ailleurs qu’une grande partie de ces dispositions ne se présentent pas sous forme de préceptes généraux, mais plutôt sous celle de réponses à des problèmes particuliers.

Jean-Louis Palierne a écrit :Citation:
Mais les intégristes oublient que ce précieux dépôt perd toute sa valeur une fois qu’il est détaché de la réalité vivante du Corps du Christ qui lui donnait sens.

Oui, il existe de tels intégristes. J’en connais; Je crois d’ailleurs qu’ils défendent en général plutôt l’Église du XIXème siècle que celle des Pères. Mais je connais aussi, à l’extrême opposé, des modernistes qui ne se préoccupent que de la « nécessité de répondre à notre temps ». Et en plus ils ont l’impression de satisfaire ainsi une obligation “spirituelle”. Je prétends pour ma part que c’est le retour aux sources patristiques qui fournit la meilleure réponse aux besoins des hommes de notre temps;
Le tropisme intégriste est, hélas, une maladie ancienne dans notre Eglise. Le mouvement des Vieux-Croyants, si intimement lié au caractère de la piété populaire russe, en est l’exemple le plus marquant. Le Vétéro-Calendarisme, d’inspiration assez semblable, en est une expression moderne. L’Eglise Russe Hors-Frontières a toujours été accueillante pour ces tendances. Sont statut canonique ambigu qui s’accommodait de prises de position ou d’agissements qui ont pu être carrément schismatiques à certains moments (contacts avec les vieux-calendaristes, négation des sacrements de l’Eglise de Russie, prétention à être la véritable Eglise de Russie, voir la véritable Eglise orthodoxe) a longtemps empêché d’y voir clair. La clarification qui doit venir avec le rétablissement de la communion avec l’Eglise de Russie sera sans doute bienvenue.
Il y a une vérité du traditionalisme, faite de piété, d’abnégation, d’humilité devant le don reçu, d’amour de la tradition. On peut comprendre aussi la volonté de ménager un refuge dans un monde perçu comme devenu fou, au risque de faire de l’Orthodoxie une « voie » dans le sens oriental du terme, c'est-à-dire une pratique menant au salut personnel, plutôt qu’une foi constituant un ferment de sanctification. Mais à sacraliser la forme et la lettre du passé, il y a un danger à en sacrifier l’esprit, à remplacer la tradition vivante du Christ par une tradition morte et à aboutir au contraire de l’Evangile avec toutes les apparences de la tradition parfaitement sauvegardée. Ce triomphe de la lettre prive l’intégrisme de tout sentiment de perspective : tout est sur le même plan, le moindre détail devient vital, l’amour et l’unité sont sacrifiés à une fidélité exacerbée à la lettre, et remplacés par la haine et la division qui s’affirment avec un discours volontiers agressif. En somme il y a dans l’intégrisme une constante confusion entre ce qu’il y a d’humain dans la Tradition et le divin. Or la confusion entre l’humain et le divin est proprement la définition de l’idolâtrie.
Face au tropisme intégriste, il me semble très important de garder pour critère essentiel de l’Orthodoxe le souci de l’unité de l’Eglise et de la paix qui doit y régner, et de rejeter très fermement comme non orthodoxe, parce que contrevenant à la discipline ecclésiale, mais aussi à l’esprit même de l’Eglise et de sa Tradition, tout attitude qui mettrait en question cette unité et érigerait tel ou tel groupe particulier en unique gardien du dogme. C’est pour la même raison que je tiens pour nocif l’usage indiscriminé du terme « hérésie ».
J’aimerais aussi que nous puissions nous accorder sur ce que vous appelez « modernisme » et sur ce que vous entendez par l’expression « nécessité de répondre à notre temps » : en cette matière tout ne dépend-il pas du caractère de la réponse ?
Je crois pour ma part qu’il ne faut pas abuser de l’étiquette de « modernisme » et qu’il est préférable de parler d’une manière plus précise par exemple de modernisme théologique ou de modernisme liturgique, lorsqu’il y a rupture avérée avec la Tradition constante de l’Eglise dans tel ou tel domaine. Ainsi prôner l’ordination des femmes serait du modernisme. Mais se déclarer en Russie pour l’utilisation de la langue vernaculaire conjointement au slavon, chose qui passe pour la pire des hérésies dans certains milieux rigoristes, ne l’est pas nécessairement. Au contraire, c’est adopter une positions plus conforme à la Tradition constante de l’Eglise, qui a toujours fait le choix des langues vernaculaires.
Le retour aux sources patristiques, mais aussi bibliques me semble à moi aussi une excellente réponse, à condition qu’on ne fasse pas de l’Orthodoxie une « Voie des pères » et qu’on ne privilégie par à l’excès la tradition livresque sur l’expérience vivante de la vie de l’Eglise. Répéter ce qu’ont dit les pères ne signifie pas qu’on reprend la démarche des pères, qui, eux, ne se sont pas contentés de répéter leurs prédécesseurs. C’est la démarche des pères, leur esprit qu’il s’agit, au-delà de la lettre, de retrouver.

Jean-Louis Palierne a écrit :J’assistais un jour à une Liturgie dans une paroisse composée essentiellement d’originaires d’un pays de tradition orthodoxe. Peu importe lequel. Le dépité-maire de la commune (qui avait je crois accordé quelques faveurs à cette communauté) était venu y assister, et suivit la Liturgie visiblement avec beaucoup d’attention et de respect. L’évêque était venu présider pour la circonstance. Après la Liturgie, il proposa au maire de dire quelques mots. Celui-ci déclara qu’il avait été très impressionné par le déroulement des cérémonies; « Vous avez gardé ce sens du sacré qui fait malheureusement défaut aujourd’hui aux Église traditionnelles d’Occident. » L’évêque répondit en assurant que nous entretenons d’excellents rapports avec nos frères catholiques et protestants. En l’occurrence je crois que c’était bien le politicien qui exprimait le mieux la recherche spirituelle des Français, dont l’évêque ne connaissait même pas l’existence.
Il me semble qu’il s’agit d’un tout autre sujet, qui porte non pas tant sur la nature de l’Eglise (quoique il engage tout de même, je le concède, une conception de l’Eglise), que sur la mentalité des immigrés des pays « orientaux » et leur rapport complexe à l’Occident.

Jean-Louis Palierne a écrit :Je crois que les indigènes que nous sommes viennent à l’Église orthodoxe pour y rencontrer la Tradition spirituelle orthodoxe, parce qu’ils sont désemparés par l’appauvrissement spirituel qu’a produit la mode “de l’engagement dans le monde” dans nos Églises; Malheureusement les orthodoxe “de souche” nous assurent qu’ils ont compris toute la valeur des préoccupations sociales des chrétiens d’occident et estiment que le devoir d’une Église locale transplantée en Occident est de faire connaître les trésors de l’Occident aux Églises-mères des pays orthodoxes.
Il est naturel que les gens viennent à l’Eglise pour des raisons différentes. Il est, hélas, humain que chacun voie midi à sa porte. Mais l’Eglise orthodoxe en France ou en Europe occidentale regroupe les uns et les autres, et ne se développera pas dans l’exclusive et la division. La diversité, vécue d’une manière ecclésiale, est une richesse plutôt qu’un obstacle à l’unité. Elle nous ramène à une situation qui n’est pas sans rappeler l’Eglise primitive. Par ailleurs, il y a de moins en moins de différence sociologique entre les « indigènes », venus essentiellement du catholicisme, et les descendants d’immigrés, pleinement assimilés dans leur pays de naissance, qui, même nés dans l’orthodoxie, en deviennent des membres actifs à la suite d’un choix personnel et d’une démarche de conversion. Il y a peut-être un rapport à la foi légèrement différent chez les « orthodoxes de souche » (souvent français depuis trois ou quatre voire cinq générations…) et les « indigènes ». Mais ce genre de nuances, me semble-t-il, ne peuvent que nous enrichir, pas nous opposer.
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit :Saint Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022) écrit à propos de la parabole du Jugement: " Ton âme était assoiffée et tu ne l'as pas nourrie avec la parole de Dieu. Elle était dénuée de vertus et vous ne l'avez pas habillée de vertus. Elle était malade du péché et tu ne l'as pas soignée. Elle était tenue en prison par les passions et tu ne l'as pas libérée. Parce que J'avais faim de ton repentir et que tu ne M'en as pas nourri. J'étais assoiffé de ton salut, et tu ne M'as rien donné à boire. J'étais dénué de tes actes vertueux et tu ne M'en as pas vêtu. J'étais dans l'étroite prison obscure et polluée de ton coeur, et tu n'as pas eu le désir de Me visiter et de Me conduire dans la Lumière. Tu as vu comment J'étais malade à cause de la maladie de ta propre négligence et de ton inaction et tu n'as rien fait pour Me servir par de bonnes actions. Alors, éloigne-toi de Moi."

Ou encore, du même saint Syméon le Nouveau Théologien, dans la belle traduction du RP Joseph Paramelle, sj: "Dieu qui désire te faire dieu, de même que lui est devenu homme, tout ce que tu fais envers toi-même, Il le compte comme fait à Lui et Il te dit: "Tout ce que tu as fait à cette toute petite, à ton âme, c'est à Moi que tu l'as fait."" (Catéchèses IX, 134-138.)


La première citation que je faisais de saint Syméon le Nouveau Théologien était une traduction au carré. Etant serré à la gorge par le manque de temps, je m'étais contenté de traduire de l'anglais cette citation que j'avais trouvée dans la traduction anglaise de l'ouvrage de l'archimandrite Basile (Bakoyiannis) sur la vie après la mort et que je n'étais pas parvenue à retrouver dans l'original grec. Une semaine après, je remédie à cet expédient et je recopie ici la traduction française de référence, faite par le jésuite Joseph Paramelle d'après le texte grec de saint Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022) établi par l'archevêque Basile (Krivochéine) de Bruxelles.

Voici donc ce texte.

"Nous les hommes, nous devons être sur nos gardes et veiller sur nous, nous tous fidèles et infidèles, petits et grands: infidèles, nous avons à parvenir à la connaissance et à la foi du Dieu qui nous a faits; fidèles, à nous montrer par notre bonne conduite agréables à ses yeux en toute oeuvre bonne (cf. Hb XIII:21); petits, à être soumis aux grands à cause du Seigneur et, grands, disposés envers les petits comme envers de véritables enfants à cause du commandement du Seigneur qui dit: "Tout ce que vous avez fait à l'un quelconque de ces tous petits, c'est à moi que vous l'avez fait." (Mt XXV: 40) Ce n'est pas seulement pour les indigents, comme d'aucuns le croient, et pour ceux à qui manquent la nourriture du corps, que le Seigneur a dit cela, mais encore pour tous nos autres frères que consume non pas la disette de pain et d'eau, mais la disette de l'inertie et de la désobéissance aux commandements du Seigneur. Car autant l'âme est plus précieuse que le corps (Mt VI:25; Lc XII:23), autant la nourriture spirituelle s'avère plus nécessaire que la nourriture corporelle; et c'est même d'elle, je pense, que le Seigneur dit: "J'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire" (Mt XXV:42), pour elle et non pour la nourriture périssable du corps."
(saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèse IX, 27-45)

Traduction française in Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses II, Sources chrétiennes n° 104, Le Cerf, Paris 1964, p. 107.
Dernière modification par Claude le Liseur le lun. 28 nov. 2005 19:06, modifié 1 fois.
hilaire
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Message par hilaire »

merci pour ce très beau texte lecteur Claude
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

hilaire a écrit :merci pour ce très beau texte lecteur Claude
Heureux que ce texte vous ait intéressé. J'essaierai de le compléter au fil des semaines, de même que j'essaierai de recopier le très beau texte du Docteur Kalomiros sur l'enfer. Mais cela prendra plusieurs semaines. Je suis désolé, mais j'aurai très peu de temps à consacrer au forum ces prochains mois.
hilaire
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Message par hilaire »

celui qui est paru chez l'age d'homme? je l'ai si vous voulez je peux m'y atteler, ça vous fera gagner du temps
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

hilaire a écrit :celui qui est paru chez l'age d'homme? je l'ai si vous voulez je peux m'y atteler, ça vous fera gagner du temps
Oui, celui-là même. Si vous voulez bien le saisir, ce serait en effet très aimable de votre part et nous ferait gagner du temps. Il s'agirait en fait de répondre à la question fondamentale posée par Louis dans le fil "l'enfer non définitif" quand il demande comment un Dieu qui aime ses créatures peut tolérer un enfer éternel.

De mon humble point de vue, c'est une des questions les plus intéressantes qui aient été posées sur le forum et il est infiniment plus utile de parler de ce sujet qui concerne notre destinée à tous que de lire pour la millième fois le brouet sans argumentation par lequel on veut nous imposer le Filoque. Et je dois dire - toujours d'un point de vue subjectif - que le fait d'avoir une fois à répondre à une personne qui se pose la question de ce qu'il adviendra de son âme après la mort permet de supporter mille attaques contre le "forum qui se dit orthodoxe".
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit :
lecteur Claude a écrit :Saint Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022) écrit à propos de la parabole du Jugement: " Ton âme était assoiffée et tu ne l'as pas nourrie avec la parole de Dieu. Elle était dénuée de vertus et vous ne l'avez pas habillée de vertus. Elle était malade du péché et tu ne l'as pas soignée. Elle était tenue en prison par les passions et tu ne l'as pas libérée. Parce que J'avais faim de ton repentir et que tu ne M'en as pas nourri. J'étais assoiffé de ton salut, et tu ne M'as rien donné à boire. J'étais dénué de tes actes vertueux et tu ne M'en as pas vêtu. J'étais dans l'étroite prison obscure et polluée de ton coeur, et tu n'as pas eu le désir de Me visiter et de Me conduire dans la Lumière. Tu as vu comment J'étais malade à cause de la maladie de ta propre négligence et de ton inaction et tu n'as rien fait pour Me servir par de bonnes actions. Alors, éloigne-toi de Moi."

Ou encore, du même saint Syméon le Nouveau Théologien, dans la belle traduction du RP Joseph Paramelle, sj: "Dieu qui désire te faire dieu, de même que lui est devenu homme, tout ce que tu fais envers toi-même, Il le compte comme fait à Lui et Il te dit: "Tout ce que tu as fait à cette toute petite, à ton âme, c'est à Moi que tu l'as fait."" (Catéchèses IX, 134-138.)


La première citation que je faisais de saint Syméon le Nouveau Théologien était une traduction au carré. Etant serré à la gorge par le manque de temps, je m'étais contenté de traduire de l'anglais cette citation que j'avais trouvée dans la traduction anglaise de l'ouvrage de l'archimandrite Basile (Bakoyiannis) sur la vie après la mort et que je n'étais pas parvenue à retrouver dans l'original grec. Une semaine après, je remédie à cet expédient et je recopie ici la traduction française de référence, faite par le jésuite Joseph Paramelle d'après le texte grec de saint Syméon le Nouveau Théologien (+ 1022) établi par l'archevêque Basile (Krivochéine) de Bruxelles.

Voici donc ce texte.

"Nous les hommes, nous devons être sur nos gardes et veiller sur nous, nous tous fidèles et infidèles, petits et grands: infidèles, nous avons à parvenir à la connaissance et à la foi du Dieu qui nous a faits; fidèles, à nous montrer par notre bonne conduite agréables à ses yeux en toute oeuvre bonne (cf. Hb XIII:21); petits, à être soumis aux grands à cause du Seigneur et, grands, disposés envers les petits comme envers de véritables enfants à cause du commandement du Seigneur qui dit: "Tout ce que vous avez fait à l'un quelconque de ces tous petits, c'est à moi que vous l'avez fait." (Mt XXV: 40) Ce n'est pas seulement pour les indigents, comme d'aucuns le croient, et pour ceux à qui manquent la nourriture du corps, que le Seigneur a dit cela, mais encore pour tous nos autres frères que consume non pas la disette de pain et d'eau, mais la disette de l'inertie et de la désobéissance aux commandements du Seigneur. Car autant l'âme est plus précieuse que le corps (Mt VI:25; Lc XII:23), autant la nourriture spirituelle s'avère plus nécessaire que la nourriture corporelle; et c'est même d'elle, je pense, que le Seigneur dit: "J'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire" (Mt XXV:42), pour elle et non pour la nourriture périssable du corps."
(saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèse IX, 27-45)

Traduction française in Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses II, Sources chrétiennes n° 104, Le Cerf, Paris 1964, p. 107.

Comme promis, même si j'ai mis trois mois pour tenir cette promesse, voici le passage entier tiré de la 9e catéchèse de saint Syméon le Nouveau Théologien, et qui me paraît un sujet intéressant de méditation en ce dimanche du Jugement:

« Nous les hommes, nous devons être sur nos gardes et veiller sur nous, nous tous fidèles et infidèles, petits et grands: infidèles, nous avons à parvenir à la connaissance et à la foi du Dieu qui nous a faits; fidèles, à nous montrer par notre bonne conduite agréables à ses yeux en toute oeuvre bonne (cf. Hb 13, 21); petits, à être soumis aux grands à cause du Seigneur et, grands, disposés envers les petits comme envers de véritables enfants à cause du commandement du Seigneur qui dit: « Tout ce que vous avez fait à l'un quelconque de ces tous petits, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40) Ce n'est pas seulement pour les indigents, comme d'aucuns le croient, et pour ceux à qui manquent la nourriture du corps, que le Seigneur a dit cela, mais encore pour tous nos autres frères que consume non pas la disette de pain et d'eau, mais la disette de l'inertie et de la désobéissance aux commandements du Seigneur. Car autant l'âme est plus précieuse que le corps (Mt 6, 25; Lc 12, 23), autant la nourriture spirituelle s'avère plus nécessaire que la nourriture corporelle; et c'est même d'elle, je pense, que le Seigneur dit: « J'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire » (Mt XXV:42), pour elle et non pour la nourriture périssable du corps. Car c’est une soif véritable qu’il éprouve pour le salut de chacun d’entre nous, une soif et une faim ; or, notre salut consiste à nous abstenir de tout péché ; mais cette abstention de tout péché, en dehors de la pratique des vertus et de l’accomplissement de tous les commandements, c’est un idéal irréalisable, puisque c’est par l’accomplissement des commandements que, normalement, se nourrit en nous notre Maître et Dieu, le Seigneur de l’Univers. Car, selon ce que disent nos Pères saints, de même que nos mauvaises actions nourrissent et fortifient les démons contre nous, mais que, si nous renonçons au mal, ils souffrent d’inanition et perdent toute vigueur, de même aussi, à ce que je pense, celui qui s’est appauvri pour notre salut (II Cor 8,9) trouve chez nous sa nourriture ou au contraire est délaissé, (réduit) à la disette. Et c’est de quoi nous pouvons nous instruire et nous renseigner par la vie même des saints : puisqu’il faut laisser de côté les autres, trop nombreux, dépassant le chiffre (des grains) de sable (Ps 138, 18), j’en prendrai un, une sainte, pour enseigner votre Charité. »
(saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèse IX, 27-60)


(suivent des réflexions sur la vie de sainte Marie l'Egyptienne)
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