Et bien, alors veut dire qu'il y a un erreur dans votre livre de référence.La médaille que j'ai décrite est bien attribuée à Jean VIII pape "paléologue" (page 1037 de l'édition citée)
Le pape Jean VIII
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Re: Jean VIII
Basile a écrit :Pour information
Nouveau Larousse Universel édition de 1949
Entrée papes :
Liste des papes depuis saint Pierre (33-64) jusqu'à Pie XII (1939-) avec mention des vacances. Précédée de la note : tirée du catalogue officiel de la Curie romaine, reproduit dans les médaillons de St Pierre-Hors- les-Murs.
Saint Jean VIII (872-882) y figure.
Entrée Jean :
Sous Jean 1er > Jean VIII : né à Rome, pape de 872 à 882. Il couronna empereurs Charles le Chauve et Charles le Gros, sacra le roi de France Louis le Bègue et excommunia Photius. Il mourut assassiné (représentation en médaille).(Ndlr : Il est qualifié de " paléologue ". Soit parce qu'il appartenait à une ancienne et illustre famille byzantine. Soit parce qu'il était un spécialiste des langues anciennes(?). Les deux peut être?).
Sur le pourtour de la médaile il est écrit : " ROMAION. OPALAIOLOGOC+IOANECH.BACILUS KAIAUTOKRATOR " (?). Le visage (sévère) est vu de profil le crâne étant couvert de ce qui pourrait (toute révérence gardée) ressembler à une casquette de jokey.
Egalement mentionné dans le Quillet Flammarion de 1963.
Cela m'étonnerait fort que le pape Jean VIII eut été appelé "paléologue", qui n'est pas un qualificatif, mais le nom d'une famille qui a régné sur l'empire des Romains de 1259 à 1453, et qui n'était ni ancienne, ni illustre, au IXe siècle. Le premier empereur Paléologue, Michel VIII, n'est d'ailleurs monté sur le trône que par usurpation. La médaille que vous avez cité signifie en grec: "Jean Paléologue, roi et empereur des Romains", "autocrate", que l'on traduit par "empereur" voulant dire "qui n'est vassal de personne" (c'est en fait la transcription dans la terminologie politique de l'autocéphalie de la terminologie ecclésiastique).
Le personnage que vous décrivez est Jean VIII Paléologue, empereur de 1425 à 1448 et principal artisan de la chute de la Ville bénie de Dieu.
Quant au pape Jean VIII, je ne sache pas qu'il ait été d'origine byzantine. La liste des papes "grecs" de Rome s'est terminée avec Zacharie (741-752). Jean VIII avait été archidiacre de l'Eglise de Rome pendant les vingt ans qui ont précédé son élection au pontificat en 872. Il n'y a en tout cas pas eu de pape "paléologue".
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Je me permets de revenir sur la question des deux conciles de 869-870 et 879-880 et sur la figure du pape Jean VIII.
La manière dont le faux concile antiphotien de 869-870, cassé par le concile œcuménique de 879-880, a été transformé en VIIIe concile œcuménique par la Papauté est un exemple intéressant d’une falsification (à côté d’autres comme les Fausses Décrétales ou la fausse Donation de Constantin) par laquelle la Papauté s’est construite. Il est toujours stupéfiant pour moi de constater que les gens refusent d’admettre la vérité, même si on leur met les documents sous les yeux.
Je ne sais pas à quelle époque a eu lieu cette extraordinaire substitution par laquelle on a réhabilité le pseudo-concile de 869-870. N’ayant pas sous la main un exemplaire du Décret de Gratien (1140), je ne sais pas si c’était déjà fait à ce moment-là. En revanche, il est clair que, encore plusieurs décennies après la séparation de la Papauté d’avec l’Eglise, la construction idéologique de la Papauté – malgré l’adoption du Filioque, le schisme de 1054 et la réforme grégorienne – n’en était pas parvenue au stade de la réhabilitation du concile de 869-870.
Si nous nous reportons à l’édition universitaire catholique romaine des décrets des conciles œcuméniques (donc qui considère le faux concile de 869-870 comme concile œcuménique), nous pouvons trouver le fait intéressant qui suit.
« Yves de Chartres affirme clairement que « Le concile de Constantinople, qui a été fait contre Photius, n’est pas recevable. » » (Giuseppe Alberigo e.a, Les Conciles œcuméniques, tome II.1, 1ère édition italienne, Bologne 1973, édition française, Le Cerf, Paris 1994, p. 350). Yves de Chartres (1040-1116), canoniste renommé, écrivait donc à l’extrême fin du XIe siècle que ce concile n’était pas recevable. Je ne sais à quelle époque ni par quelle manœuvre on l’a soudain transformé en VIIIe concile œcuménique, mais le fait est intéressant quant à la manière dont fut construite l’idéologie papale.
C’est en tout cas d’une manière éhontée que le prêtre uniate Pierre-Périclès Joannou fait figurer à la suite de son édition des canons des conciles œcuméniques (Grottaferrata 1962) les canons du concile de 869-870, qui n’ont rien à faire dans une collection de canons reconnus par l’Eglise de Constantinople. Il faut se référer au Gouvernail de saint Nicodème l’Hagiorite (Πηδάλιον, Editions Basile Rigopoulos, Thessalonique 1998, reproduction anastatique de l’édition de Zante 1864 ; 1ère édition, Venise 1800) pour retrouver (pp. 361-366) les canons du vrai VIIIe concile œcuménique, celui de 879-880.
Or, ce qui en dit long sur l’état de l’Orthodoxie en terre francophone, la collection du R.P. Joannou représente la seule traduction française des canons, les orthodoxes n’ayant manifesté aucun empressement à traduire le Πηδάλιον de saint Nicodème, qui devrait pourtant être connu de tous, pour notre plus grand bien spirituel. (Mais il est vrai, du moins à ma connaissance, que les orthodoxes n’ont pas non pas fait non plus beaucoup d’efforts pour traduire le Кормчая Книга russe ou le Îndreptarea Legii roumain.)
Beaucoup d’orthodoxes, au moins jusqu’au XVe siècle, ont considéré le concile de 879-880 comme le VIIIe concile œcuménique. Un précieux petit catéchisme roumain (Vademecum creştin ortodox, Editions Sofia, Bucarest 2003, p. 20), donne une hypothèse intéressante quant à la raison pour laquelle les orthodoxes se seraient ensuite braqués sur un chiffre de sept conciles œcuméniques – alors que personne ne peut nier l’oecuménicité du concile de 879-880, ou des conciles palamites de 1341 et 1351, par exemple :
« Aceste şapte sinoade ecumenice sunt cei şapte stâlpi ai Bisericii Ortodoxe la care s-a referit în Sfânta Scriptura un autor inspirat de Duhul Sfânt : « Înţelepciunea şi-a zidit casă rezemată pe şapte stâlpi. » »
« Ces sept conciles œcuméniques sont les sept colonnes de l’Eglise orthodoxe auxquelles se réfère, dans les saintes Ecritures, un auteur inspiré par l’Esprit saint : « La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé ses sept colonnes » » (C’est une citation de Prov. IX :1 ; j’assume la responsabilité de la traduction du texte roumain, mais je cite le texte biblique dans la traduction française de John Nelson Darby, faite à partir du texte hébreu.)
On voit ainsi que le chiffre de sept conciles œcuméniques n’a qu’une valeur purement symbolique, et que, en tout état de cause, il faut bien considérer le concile de Sainte-Sophie de 879-880, réuni au temps de Jean VIII, comme un concile œcuménique.
En ce qui concerne Jean VIII, il faudrait encore rappeler deux faits. L’un, d’intérêt purement francophone, est qu’il vint à Troyes en Champagne en 878 pour présider un concile local. L’autre fait, d'intérêt panorthodoxe, est qu’il mourut assassiné dans des conditions sauvages – à coups de marteau – le 16 décembre 882. A la suite de feu l’archiprêtre Patric Ranson qui le considérait comme un martyr et qui semble avoir préparé une biographie de ce pontife au moment de sa mort prématurée en 1992, j’ai toutes les raisons de penser que les convictions religieuses orthodoxes de Jean VIII et sa politique à l’égard du saint patriarche Photios n’ont pas été étrangères à sa mort. Pour cette raison, dans le calendrier des saints publié sur ce forum, j’ai rajouté, à la date du 16 décembre, une mémoire de la mort du pape Jean VIII – ce qui ne revient pas à le canoniser, décision qui appartient à l’Eglise toute entière, mais simplement à demander de prier pour le repos de son âme, et aussi à lancer un appel aux orthodoxes pour qu’ils se décident à examiner si Jean VIII doit être considéré comme martyr (cf. viewtopic.php?t=1100 ).
L’honnêteté commande de signaler que d’autres orthodoxes ont à l’égard du personnage de Jean VIII une opinion bien moins favorable que feu l’archiprêtre Ranson. Par exemple, pour le prêtre Astérios Gérostergios, in St. Photios the Great, 2e édition, Institute for Byzantine and Modern Greek Studies, Belmont, Massachusetts, 1988, pp. 72 s., Jean VIII aurait eu la même ecclésiologie erronée que Nicolas Ier, même s’il faut le louer d’avoir réparé les crimes de ses prédécesseurs à l’égard de saint Photios.
Toutefois, il est évident que le monde chrétien a bien basculé après la date du 16 décembre 882. D’abord, le concile de 879-880 est le dernier où le patriarcat de Rome a participé à la symphonie conciliaire des saintes Eglises de Dieu. Si les oecuménistes recherchaient vraiment le retour à l’unité, ils commenceraient tout dialogue par cette affirmation évidente que les conclusions du concile de 879-880 représentent le point de départ indispensable de toute démarche vers le rétablissement de la communion entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique romaine, puisque c’est le dernier moment où tout le monde a été d’accord. Après l’assassinat de Jean VIII, il y a eu une chute immédiate des papes de Rome, tant sur le plan moral (ne mentionnons que Etienne VI et son concile du cadavre ou Serge III assassin de ses deux prédécesseurs) que dogmatique, malgré des périodes de rémission au moins jusqu’en 1014 (par exemple, le pontificat de l’Auvergnat Sylvestre II, en 999-1003, représente un redressement dogmatique et moral). On ne peut donc pas nier que quelque chose s’est effondré après la mort de Jean VIII, et cela plaide en faveur de son orthodoxie.
Plaiderait aussi en faveur de l’orthodoxie de Jean VIII la campagne de dénigrement dont il fut victime après sa mort – l’idéologie papale s’est aussi construite sur un enseignement du mépris envers les orthodoxes, dont nous avons encore vu des manifestations significatives au moment de l’agression de l’OTAN contre la Serbie, ou dans le comportement de certains croisés virtuels qui ont sévi sur ce forum. La campagne de dénigrement de Jean VIII, constamment présenté comme un pape faible, « contraint de payer tribut aux Sarrasins », nous dit le Larousse de 1949 cité par notre ami Basile (ce qui était tout de même moins grave que le sac de la basilique Sainte-Marie-Majeure par les mêmes Sarrasins en 846), atteindra son sommet avec Baronius repris par Voltaire. « Voltaire, dans le « Catalogue des Empereurs et des Papes, etc. » (ultime avatar du modèle Eusèbe-Jérôme), qui clôt son Essai sur les Mœurs (1756), ajouta au bénéfice du sourire sceptique le plaisir d’une explication de l’erreur, empruntée à Baronius : à propos de l’assassinat de Jean VIII (882), il note : « Ce n’est pas plus vrai que l’histoire de la papesse Jeanne. On lui attribua le rôle de cette papesse parce que les Romains disaient qu’il n’avait pas montré plus de courage qu’une femme contre Photius. » » (Alain Boureau, La Papesse Jeanne, Flammarion, Paris 1993, p. 283 ; 1ère édition Aubier, Paris 1988). Il est probable que le peuple romain de la fin du IXe siècle, au contraire, se réjouissait d’avoir un patriarche pleinement orthodoxe et romaïque, et que le lien entre la supposée faiblesse de Jean VIII et la légende de la papesse Jeanne, qui est du XIIIe siècle, ait été fait en des temps où le fanatisme anti-orthodoxe avait atteint des sommets, aux XVe-XVIe siècles. L’archiprêtre Wladimir Guettée, dans son Histoire de l’Eglise, tome VI, p. 404 (édition définitive, Fischbacher, Paris v. 1889 ; reproduction anastatique, Editions du Monastère orthodoxe de l'Archange Michel, Lavardac 1995), montre bien le caractère subversif de l’interprétation de Baronius : « Mais Baronius n’a pas fait observer que, dans toutes les lettres de Jean, on remarque une très grande énergie, et qu’il n’a pu se prononcer en faveur de Photius, sans condamner ouvertement ses prédécesseurs Nicolas Ier et Adrien II, ce qui n’était certes pas un acte de faiblesse. L’explication du cardinal Baronius est donc absolument contraire à la vérité historique ; elle est même ridicule. »
Chacun est libre d’en tirer les conclusions qu’il veut. Pour ma part, je considère toujours Jean VIII comme l’artisan d’un retour du siège de Rome dans le sein de l’Eglise.
La manière dont le faux concile antiphotien de 869-870, cassé par le concile œcuménique de 879-880, a été transformé en VIIIe concile œcuménique par la Papauté est un exemple intéressant d’une falsification (à côté d’autres comme les Fausses Décrétales ou la fausse Donation de Constantin) par laquelle la Papauté s’est construite. Il est toujours stupéfiant pour moi de constater que les gens refusent d’admettre la vérité, même si on leur met les documents sous les yeux.
Je ne sais pas à quelle époque a eu lieu cette extraordinaire substitution par laquelle on a réhabilité le pseudo-concile de 869-870. N’ayant pas sous la main un exemplaire du Décret de Gratien (1140), je ne sais pas si c’était déjà fait à ce moment-là. En revanche, il est clair que, encore plusieurs décennies après la séparation de la Papauté d’avec l’Eglise, la construction idéologique de la Papauté – malgré l’adoption du Filioque, le schisme de 1054 et la réforme grégorienne – n’en était pas parvenue au stade de la réhabilitation du concile de 869-870.
Si nous nous reportons à l’édition universitaire catholique romaine des décrets des conciles œcuméniques (donc qui considère le faux concile de 869-870 comme concile œcuménique), nous pouvons trouver le fait intéressant qui suit.
« Yves de Chartres affirme clairement que « Le concile de Constantinople, qui a été fait contre Photius, n’est pas recevable. » » (Giuseppe Alberigo e.a, Les Conciles œcuméniques, tome II.1, 1ère édition italienne, Bologne 1973, édition française, Le Cerf, Paris 1994, p. 350). Yves de Chartres (1040-1116), canoniste renommé, écrivait donc à l’extrême fin du XIe siècle que ce concile n’était pas recevable. Je ne sais à quelle époque ni par quelle manœuvre on l’a soudain transformé en VIIIe concile œcuménique, mais le fait est intéressant quant à la manière dont fut construite l’idéologie papale.
C’est en tout cas d’une manière éhontée que le prêtre uniate Pierre-Périclès Joannou fait figurer à la suite de son édition des canons des conciles œcuméniques (Grottaferrata 1962) les canons du concile de 869-870, qui n’ont rien à faire dans une collection de canons reconnus par l’Eglise de Constantinople. Il faut se référer au Gouvernail de saint Nicodème l’Hagiorite (Πηδάλιον, Editions Basile Rigopoulos, Thessalonique 1998, reproduction anastatique de l’édition de Zante 1864 ; 1ère édition, Venise 1800) pour retrouver (pp. 361-366) les canons du vrai VIIIe concile œcuménique, celui de 879-880.
Or, ce qui en dit long sur l’état de l’Orthodoxie en terre francophone, la collection du R.P. Joannou représente la seule traduction française des canons, les orthodoxes n’ayant manifesté aucun empressement à traduire le Πηδάλιον de saint Nicodème, qui devrait pourtant être connu de tous, pour notre plus grand bien spirituel. (Mais il est vrai, du moins à ma connaissance, que les orthodoxes n’ont pas non pas fait non plus beaucoup d’efforts pour traduire le Кормчая Книга russe ou le Îndreptarea Legii roumain.)
Beaucoup d’orthodoxes, au moins jusqu’au XVe siècle, ont considéré le concile de 879-880 comme le VIIIe concile œcuménique. Un précieux petit catéchisme roumain (Vademecum creştin ortodox, Editions Sofia, Bucarest 2003, p. 20), donne une hypothèse intéressante quant à la raison pour laquelle les orthodoxes se seraient ensuite braqués sur un chiffre de sept conciles œcuméniques – alors que personne ne peut nier l’oecuménicité du concile de 879-880, ou des conciles palamites de 1341 et 1351, par exemple :
« Aceste şapte sinoade ecumenice sunt cei şapte stâlpi ai Bisericii Ortodoxe la care s-a referit în Sfânta Scriptura un autor inspirat de Duhul Sfânt : « Înţelepciunea şi-a zidit casă rezemată pe şapte stâlpi. » »
« Ces sept conciles œcuméniques sont les sept colonnes de l’Eglise orthodoxe auxquelles se réfère, dans les saintes Ecritures, un auteur inspiré par l’Esprit saint : « La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé ses sept colonnes » » (C’est une citation de Prov. IX :1 ; j’assume la responsabilité de la traduction du texte roumain, mais je cite le texte biblique dans la traduction française de John Nelson Darby, faite à partir du texte hébreu.)
On voit ainsi que le chiffre de sept conciles œcuméniques n’a qu’une valeur purement symbolique, et que, en tout état de cause, il faut bien considérer le concile de Sainte-Sophie de 879-880, réuni au temps de Jean VIII, comme un concile œcuménique.
En ce qui concerne Jean VIII, il faudrait encore rappeler deux faits. L’un, d’intérêt purement francophone, est qu’il vint à Troyes en Champagne en 878 pour présider un concile local. L’autre fait, d'intérêt panorthodoxe, est qu’il mourut assassiné dans des conditions sauvages – à coups de marteau – le 16 décembre 882. A la suite de feu l’archiprêtre Patric Ranson qui le considérait comme un martyr et qui semble avoir préparé une biographie de ce pontife au moment de sa mort prématurée en 1992, j’ai toutes les raisons de penser que les convictions religieuses orthodoxes de Jean VIII et sa politique à l’égard du saint patriarche Photios n’ont pas été étrangères à sa mort. Pour cette raison, dans le calendrier des saints publié sur ce forum, j’ai rajouté, à la date du 16 décembre, une mémoire de la mort du pape Jean VIII – ce qui ne revient pas à le canoniser, décision qui appartient à l’Eglise toute entière, mais simplement à demander de prier pour le repos de son âme, et aussi à lancer un appel aux orthodoxes pour qu’ils se décident à examiner si Jean VIII doit être considéré comme martyr (cf. viewtopic.php?t=1100 ).
L’honnêteté commande de signaler que d’autres orthodoxes ont à l’égard du personnage de Jean VIII une opinion bien moins favorable que feu l’archiprêtre Ranson. Par exemple, pour le prêtre Astérios Gérostergios, in St. Photios the Great, 2e édition, Institute for Byzantine and Modern Greek Studies, Belmont, Massachusetts, 1988, pp. 72 s., Jean VIII aurait eu la même ecclésiologie erronée que Nicolas Ier, même s’il faut le louer d’avoir réparé les crimes de ses prédécesseurs à l’égard de saint Photios.
Toutefois, il est évident que le monde chrétien a bien basculé après la date du 16 décembre 882. D’abord, le concile de 879-880 est le dernier où le patriarcat de Rome a participé à la symphonie conciliaire des saintes Eglises de Dieu. Si les oecuménistes recherchaient vraiment le retour à l’unité, ils commenceraient tout dialogue par cette affirmation évidente que les conclusions du concile de 879-880 représentent le point de départ indispensable de toute démarche vers le rétablissement de la communion entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique romaine, puisque c’est le dernier moment où tout le monde a été d’accord. Après l’assassinat de Jean VIII, il y a eu une chute immédiate des papes de Rome, tant sur le plan moral (ne mentionnons que Etienne VI et son concile du cadavre ou Serge III assassin de ses deux prédécesseurs) que dogmatique, malgré des périodes de rémission au moins jusqu’en 1014 (par exemple, le pontificat de l’Auvergnat Sylvestre II, en 999-1003, représente un redressement dogmatique et moral). On ne peut donc pas nier que quelque chose s’est effondré après la mort de Jean VIII, et cela plaide en faveur de son orthodoxie.
Plaiderait aussi en faveur de l’orthodoxie de Jean VIII la campagne de dénigrement dont il fut victime après sa mort – l’idéologie papale s’est aussi construite sur un enseignement du mépris envers les orthodoxes, dont nous avons encore vu des manifestations significatives au moment de l’agression de l’OTAN contre la Serbie, ou dans le comportement de certains croisés virtuels qui ont sévi sur ce forum. La campagne de dénigrement de Jean VIII, constamment présenté comme un pape faible, « contraint de payer tribut aux Sarrasins », nous dit le Larousse de 1949 cité par notre ami Basile (ce qui était tout de même moins grave que le sac de la basilique Sainte-Marie-Majeure par les mêmes Sarrasins en 846), atteindra son sommet avec Baronius repris par Voltaire. « Voltaire, dans le « Catalogue des Empereurs et des Papes, etc. » (ultime avatar du modèle Eusèbe-Jérôme), qui clôt son Essai sur les Mœurs (1756), ajouta au bénéfice du sourire sceptique le plaisir d’une explication de l’erreur, empruntée à Baronius : à propos de l’assassinat de Jean VIII (882), il note : « Ce n’est pas plus vrai que l’histoire de la papesse Jeanne. On lui attribua le rôle de cette papesse parce que les Romains disaient qu’il n’avait pas montré plus de courage qu’une femme contre Photius. » » (Alain Boureau, La Papesse Jeanne, Flammarion, Paris 1993, p. 283 ; 1ère édition Aubier, Paris 1988). Il est probable que le peuple romain de la fin du IXe siècle, au contraire, se réjouissait d’avoir un patriarche pleinement orthodoxe et romaïque, et que le lien entre la supposée faiblesse de Jean VIII et la légende de la papesse Jeanne, qui est du XIIIe siècle, ait été fait en des temps où le fanatisme anti-orthodoxe avait atteint des sommets, aux XVe-XVIe siècles. L’archiprêtre Wladimir Guettée, dans son Histoire de l’Eglise, tome VI, p. 404 (édition définitive, Fischbacher, Paris v. 1889 ; reproduction anastatique, Editions du Monastère orthodoxe de l'Archange Michel, Lavardac 1995), montre bien le caractère subversif de l’interprétation de Baronius : « Mais Baronius n’a pas fait observer que, dans toutes les lettres de Jean, on remarque une très grande énergie, et qu’il n’a pu se prononcer en faveur de Photius, sans condamner ouvertement ses prédécesseurs Nicolas Ier et Adrien II, ce qui n’était certes pas un acte de faiblesse. L’explication du cardinal Baronius est donc absolument contraire à la vérité historique ; elle est même ridicule. »
Chacun est libre d’en tirer les conclusions qu’il veut. Pour ma part, je considère toujours Jean VIII comme l’artisan d’un retour du siège de Rome dans le sein de l’Eglise.
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J’ai ici le Dictionnaire des Conciles publié en 1764 à Paris « aux dépens de la Compagnie, avec approbation et privilège du roi ». A l’entrée Constantinople, celui de 866 est désigné comme « non reconnu », celui de 869 comme « VIIIe concile général » et celui de 879 comme « faux VIIIe ». Il y a des couleuvres que les gens du XVIIIe siècle durent avoir du mal à avaler, comme celle-ci, à propos de Jean VIII : « On lut la lettre du Pape à l’Empereur, traduite en grec, mais altérée dans tous les endroits peu favorables à Photius, sans que les trois légats y trouvassent à redire… » C’est-y pas beau ? On aurait falsifié le texte papal et les légats seraient restés de marbre ? D’autant qu’à la page suivante où l’on raconte la clôture dudit concile, on précise que « les Légats souscrivirent les premiers : ils déclarèrent qu’ils recevoient Photius comme Patriarche légitime ; qu’ils rejettoient le Concile assemblé contre lui à Constantinople ; & que si quelques Schismatiques s’éloignoient encore de Photius, leur Pasteur, ils seroient excommuniés jusqu’à ce qu’ils revinssent à la Communion. » Mieux encore : « A la fin des Actes donnés par M. Fleury, on y voit une lettre du Pape Jean, où il fait entendre clairement que l’Eglise Romaine n’avoit point encore ajouté Filioque au Symbole : il range avec Judas ceux qui ont osé le faire : mais ajoute-t-il, on ne doit contraindre personne à la quitter. »
Tout l’article est de cette eau. Il se termine par une diatribe contre Photius, avec les insultes de rigueur. Ce qui veut dire que les auteurs du XVIIIe siècle s’arrangeaient pour faire filtrer la vérité par les caves tout en donnant en apparence des gages à la version officielle. Exactement comme les dissidents sous la botte stalinienne.
Je n’arrive pas non plus à dater le basculement dans la reconnaissance des Conciles mais ce que l’on peut dater, c’est sa fixation. Je pense qu’elle a lieu lors de la « réforme grégorienne » avec la publication des Décrétales en 1234. On sait que Grégoire IX avait chargé de la compilation et de la réécriture de tout le droit canon le dominicain Raymond de Peñafort, rédacteur également d’un manuel de procédure inquisitoriale. Gratien n’a fait qu’une compilation érudite sans autorité canonique, c’est Peñafort qui a verrouillé le droit canon romain. Il s’agit d’une étape clef de la construction de la papauté, après les croisades d’Innocent III et ses décisions cléricalistes (communion du peuple au seul Pain eucharistique, interdiction de lecture de la Bible en langue vernaculaire, restrictions du droit de prêche).
Tout l’article est de cette eau. Il se termine par une diatribe contre Photius, avec les insultes de rigueur. Ce qui veut dire que les auteurs du XVIIIe siècle s’arrangeaient pour faire filtrer la vérité par les caves tout en donnant en apparence des gages à la version officielle. Exactement comme les dissidents sous la botte stalinienne.
Je n’arrive pas non plus à dater le basculement dans la reconnaissance des Conciles mais ce que l’on peut dater, c’est sa fixation. Je pense qu’elle a lieu lors de la « réforme grégorienne » avec la publication des Décrétales en 1234. On sait que Grégoire IX avait chargé de la compilation et de la réécriture de tout le droit canon le dominicain Raymond de Peñafort, rédacteur également d’un manuel de procédure inquisitoriale. Gratien n’a fait qu’une compilation érudite sans autorité canonique, c’est Peñafort qui a verrouillé le droit canon romain. Il s’agit d’une étape clef de la construction de la papauté, après les croisades d’Innocent III et ses décisions cléricalistes (communion du peuple au seul Pain eucharistique, interdiction de lecture de la Bible en langue vernaculaire, restrictions du droit de prêche).
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."