Paraclésis a écit :
" ... je m'étonne de ne pas voir le bleu, utilisé entre autres pour la Théophanie, à cause de l'eau ai-je imaginé..."
Le texte de référence semble plutôt être en rapport avec les couleurs d'ornements liturgiques en usage dans le catholicisme romain - ce qui ne serait pas trop étonnant, s'agissant de l'ÉCOF dont la volonté d'établir une sorte de pont entre latinité et orthodoxie a souvent conduit à des choix qui rappellent parfois le mariage de la carpe et du lapin (dans d'autres domaines que les couleurs des ornements).
Ayant été catholique romain moi-même, mais il y a bien longtemps, je ne me souviens pas de chasubles bleues pour le Baptême du Christ : la Théophanie étant la première manifestation glorieuse du Christ, je ne pense pas que ce soit la couleur de l'eau qui puisse primer si on cherche à lui appliquer une couleur vraiment adaptée, symboliquement, mais plutôt le blanc (pour la Lumière) et l'or (pour la Gloire). Plus encore que le Baptême du Christ par le Précurseur et Baptiste Jean, l'Église célèbre ce jour-là la première manifestation de Jésus en tant que Verbe et Fils de Dieu, et sa reconnaissance publique par le Père, avec la manifestation du Saint Esprit sous forme de colombe - ce qui en fait aussi la toute première manifestation "en clair" de la Tri-Unité de Dieu - en tout cas dans le Nouveau Testament.
Par contre, je me souviens que les ornements bleus étaient classiquement utilisés dans les églises catholiques romaines pour les célébrations de fêtes mariales. D'où, probablement, le manteau ou la robe bleus qui sont les vêtements les plus courants attribués à la Mère de Dieu par les peintres religieux latins.
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Concernant la tradition de l'Église à ce sujet , on peut utilement se référer à un ouvrage (catholique romain)du P. Janin, consulteur de la Congrégation romaine Pro Ecclesia Orientali : "
Les Églises Orientales et les Rites Orientaux", éd. Letouzey et Ané (4ème édition : Paris 1955).
Je m'excuse de citer l'ouvrage d'un contempteur bien connu de l'Église orthodoxe ( accessoirement, Janin ne craint pas d'employer d'assez grossières contre-vérités quand il aborde les problèmes historiques, doctrinaux ou dogmatiques, et il le fait avec un esprit "bien de son temps" .. avant les grandes manoeuvres de l'oecuménisme à al mode vaticane moderne) mais sur le point qui nous intéresse ici, c'est un bon travail de spécialiste. En voici qques extraits qui, finalement, confirment surtout ce que Paraclésis appelle très justement la "liberté chérie de l'orthodoxie".
Pour la tradition byzantine, et décrivant le costume ordinaire des prêtres, Janin écrit de l'
antérion qu'il est :
"une espèce de soutane dont les deux pans sont croisés l'un sur l'autre par-devant et maintenus par une ceinture en étoffe et par des agraphes disposées sur le côté. Il est généralement noir mais il n'y a aucune prescription rigoureuse sur ce point et l'on peut voir parfois des prêtres avec un antérion de couleur mauve, jaune, verte ou violette." (pp. 32-33)
Décrivant les vêtements liturgiques proprement dits, il écrit au sujet du
sticharion que le diacre porte par-dessus son
antérion :
"C'est un vêtement long, souvent en soie, qui descend jusqu'à la cheville et qui correspond à l'aube latine. Il n'est pas nécessairement de couleur blanche mais la couleur doit toujours être claire...." (p.34)
Page 37, en conclusion de cette partie, il aborde les couleurs :
"Chez les Byzantins, les vêtements liturgiques étaient de trois couleurs. Le noir servait pour les messes [sic] des présanctifiés, le rouge pour le Carême et pour les cérémonies funèbres, le blanc pour toutes les autres circonstances... / ... Actuellement il n'y a plus de règle rigoureuse sur ce point, sauf peut-être en Russie. Cependant on a conservé l'habitude d'employer le noir pour les messes des présanctifiés et pour tous les offices du Carême, le rouge et le blanc pour les messes des morts. Le reste du temps, on emploie la couleur que l'on veut. Tous les vêtements devraient régulièrement être de la même étoffe et de la même couleur, mais pratiquement on ne tient plus aucun compte de cette règle. Cependant on évite dans le choix des couleurs celles dont l'assemblage choquerait par ses tons criards.""
A propos des Arméniens Grégoriens, Janin donne peu de détails, et uniquement touchant la couleur des vêtements ecclésiastiques, pas desz vêtements liturgiques :
" La coiffure est le pakegh, cylindre de carton recouvert d'étoffe, terminé en forme de cône, qui est toujours noir pour le clergé séculier. A léglise, les prêtres mariés revêtent par-dessus leur soutane un manteau de laine noire, appelé pilon ... (p.342)
... / ... Le costume du clergé régulier offre un peu plus de variété que celui du clergé séculier, bien qu'il soit le même dans son ensemble. Le pakegh est de couleur violette, mais il n'y a en cela aucune obligation. Le pilon est en soie noire; les simples vardapets [évêques, Nd'E.] le portent en soie brochée, et les vardapets suprêmes en soie violette..." (p.343)
En fait, dans un ouvrage de plus de 500 pages où l'auteur décrit avec soin l'organisation et les rites (y compris ceux de l'administration des mystères, ou pour la composition des offices, voire les vases sacrés) qui sont ceux des orthodoxes grecs, chypriotes, russes, ukrainiens, serbes, bulgares roumains, géorgiens - sans compter les églises arménienne, ruthène, uniates de diverses origines orientales, chaldéenne, maronite, copte, jacobite, nestorienne, syro-malabare, éthiopienne - il n'y a pas d'autre indication de couleurs liturgiques que celles que je viens de citer.
Les rares autres indications de couleurs concernent le vêtement ecclésiastique porté par le clergé ou les moines en dehors des cérémonies. Cela semble confirmer que la plus grande liberté a existé dans la plupart des Églises les plus anciennes (orthodoxes ou non), en ce qui concerne la couleur des vêtements liturgiques - et donc que les indications données par l'ECOF correspondent davantage à une inspiration para-latine (historiquement assez récente) qu'à une tradition ancienne réelle. Mais il serait évidemment utile de confronter ce qu'a pu recenser Janin avec d'autres ouvrages similaires, d'autre provenance.
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