Au sujet du devenir du couple dans le Royaume, quasiment rien n’a été écrit. Toute position dans le sens d’une continuité ou non de cette union sera nécessairement de l’ordre du théologoumène, puisqu’il n’y a pas de dogme à ce sujet. Cependant, il n’est point besoin de dogme pour avoir un idée de la compréhension du mariage dans l’Eglise, dans la Tradition. Nous avons l’office du mariage, qu’Antoine a commenté en soulevant des choses très intéressantes. Il y a également un passage de l’homélie de St Jean Chrysostome sur Ephésiens, que je vous copie ici. St Jean « explique » à l’homme comment parler à sa femme, écrivant à la 1e personne :
Aussi ai-je tout dédaigné pour ne voir que les qualités de ton âme, que j'estime au-dessus de tous les trésors; car une fille sage, de sentiments élevés, et pieuse , vaut le monde entier. Voilà pourquoi je me suis attaché à toi ; voilà pourquoi je t'aime et te préfère à ma propre vie, car la vie présente n'est rien; mais je t'adresse mes prières, mes recommandations, et je fais tout pour qu'il nous soit donné, après avoir passé la vie actuelle dans un mutuel amour, d'être encore réunis et heureux dans la vie future. Tout ce qui est d'ici-bas est court et fragile : mais si nous avons su nous rendre dignes de la bonté de Dieu, au sortir de ce monde, nous serons éternellement avec Jésus-Christ, éternellement l'un avec l'autre, au sein d'une félicité parfaite.
Ce passage me semble suffisamment explicite. Jean Chrysostome est le seul Père à ma connaissance à avoir un peu développé la question du mariage. C’est sur ses homélies, qui reposent elles-mêmes sur les épîtres de Paul, que nous pouvons nous appuyer pour rechercher des éléments de compréhension théologique de ce mystère. Et ces éléments vont effectivement dans le sens d’une dimension eschatologique du mariage. Il ne me semble pas Jean-Louis que l’on puisse taxer St Jean Chrysostome de modernisme…
Il est vrai que, personnellement, je ne met pas tout au même niveau dans les homélies de St Jean qui touchent au mariage. Il y a des aspects de ces homélies qui relèvent pour moi du contexte de l’époque, mais dès que l’on touche au sens du mystère par contre, il n’est plus question d’époque.
Je ne vois pas d’arguments en faveur d’une compréhension purement actuelle du mariage qui est celle de Jean-Louis Palierne. Cette compréhension fait du mariage un contrat qui cesse avec la mort de l’une des partie, et lui ôte sa dimension mystèrique. Le mariage ne se réduit pas à la sexualité, et rien ne permet de dire qu’il n’en subsisterait rien après la résurrection de ce corps, qui sera le même mais autre, sans sexualité mais pas sans distinction homme/femme.
Le monachisme est la voie royale, mais le mariage peut aussi, comme le dit St Jean Chrysostome en plusieurs endroits dans ses homélies, ne pas lui être inférieur.
Faites vos prières en commun : allez chacun de votre côté à l'église : et qu'au retour le mari demande compte à sa femme, la femme à son mari de ce qui a été dit et lu... Eprouvez-vous quelque gêne ? Cite l'exemple de ces saints, comme Paul et Pierre, dont la gloire surpasse celle de tous les riches et de tous les monarques, et rappelle comment ils ont vécu en proie à la soif, à la faim : enseigne qu'il n'y a rien à craindre en ce monde, si ce n'est d'offenser Dieu. Un pareil mariage ne sera guère inférieur à la vie monastique; de tels époux auront peu de chose à envier aux. célibataires.
(Là je ne saisis pas trop pourquoi le mari et la femme vont prier en commun et après se séparer pour aller à l'église, et enfin se réunir pour s'édifier l'un l'autre en quelque sorte, mais ce n'était pas l'objet de ma citation).
Enfin
la voie royale reste celle des ascètes.
il me semble que toute vie en Christ est ascétique, pas seulement le monachisme, bien qu'il en soit sans conteste l'expression maximale. (que l'on me comprenne bien, je ne dis pas bien entendu que l'ascèse monastique est réalisable dans le mariage, ce serait un non sens, mais que la vie du couple a elle aussi une dimension ascétique, importante).