statut d'Augustin d'Hippone

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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Le Aghiologhion tis Orthodhoxias de Christos Tsolakidhis, 2ème édition, Athènes 2001, p. 543, signale deux offices orthodoxes à Augustin d'Hippone, publiés à Smyrne en 1861 par le moine athonite Jacques et à Athènes en 1914 par l'archimandrite Jean (Dhanilidhis).

Le père Denis Guillaume a publié au tome VIII de son Supplément aux Ménées, à la date du 28 août, la traduction française d'un troisième office grec composé par le hiéromoine Gérasime de la Petite Sainte-Anne.

Il existe un office slavon composé par l'archimandrite Ambroise (Pogodine) à la demande du saint archevêque de Bruxelles Jean (Maximovitch), approuvé par le synode de l'Eglise russe hors frontières le 15 mai 1955 et traduit en anglais (probablement par le hiéromoine Séraphin vers 1980; cette traduction anglaise figure en annexe des éditions du livre du père Séraphin).
Dernière modification par Claude le Liseur le ven. 10 déc. 2004 2:25, modifié 1 fois.
P.Maxime Doyon
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Message par P.Maxime Doyon »

En theologie orthodoxe on ne peut se permettre d'exprimer des idées personnelles. En ce qui concerne Augustin (que j'eviterai d'appeler saint), les meilleures études sur sa doctrine (plus philosophique que théologique), ont été publiées par le P.Patrick Ranson, un des plus sûr théologien orthodoxe en France dans les ouvrages cités dans ces pages et par le P. Michael Azkoul: "Once delivered to th saints". Il y est clairement démontré qu'Augustin à inauguré une théologie étrangère à la Tradition patristique et qu'il fut l'initiateur de ce qui deviendra la théologie scolastique. Comment peut-on être saint et prêcher une doctrine hérétique? Par une vie ascétique peut être? A ce tarif là le Bouddha pourrait être aussi appelé saint!?
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

P.Maxime Doyon a écrit :A ce tarif là le Bouddha pourrait être aussi appelé saint!?
Vous ne croyez pas si bien dire: il figure au calendrier de l'Eglise sous le nom de saint Josaphat.

Cette canonisation indirecte est due au fait qu'il est considéré, à l'image des prophètes de l'Ancien Testament ou de certains philosophes du monde païen antique, comme un juste qui a préparé son peuple à recevoir l'illumination. Dans le cas du Bouddha, cette constatation a sans doute été faite à l'époque où saint Thomas a prêché au Kérala et au Tamil Nadu: en ce temps-là, le bouddhisme avait encore en Inde une influence qu'il a perdue par la suite (et définitivement quand les envahisseurs musulmans ont détruit la célèbre université de Nalanda).

Puisque vous avez voyagé en Roumanie, vous avez sans doute pu apprécier les "frises des philosophes" sur les murs extérieurs des monastères.
Jeanne Saint Gilles
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Bouddha...

Message par Jeanne Saint Gilles »

lecteur Claude a écrit : Vous ne croyez pas si bien dire: il figure au calendrier de l'Eglise sous le nom de saint Josaphat.
Je ne comprends pas : si Bouddha est Saint Josaphat, pourquoi ce changement de nom? Il y a-t-il des icônes de ce Saint Josaphat? Est-il dans le synaxaire; qu'y raconte-on? Et à quel jour? J'ypense, est-il vrai qu'en Roumanie, il y a des fresques dans les Eglises avec le Pape, Bush père et Gorbatchov? On m'a raconté cela mais ça m'a paru un peu "capillo-tracté".
Jérusalem quand pourrai-je te voir?
P.Maxime Doyon
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Message par P.Maxime Doyon »

J'avais déjà entendu parler ce saint Josaphat. En fait il ne peut être considéré comme saint car comme les philosophes grecs sur les murs de certaines églises en Roumanie et en Grèce sont considérés comme justes car ayant préparé la voie à la prédication évangélique. Il ne faut pas non plus oublier la polémique autour des "saints hésichastes" ou le bouddhisme est considérer comme une doctrine païenne à rejeter. Cela ne change rien à la question en cequi concerne Augustin. Dans la piété populaire souvent nous constatons des exagérations tels les reliques des saints innocents en Grèce qui ses sont parfois révélées commes des os de lapin!
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

P.Maxime Doyon a écrit : Cela ne change rien à la question en cequi concerne Augustin.
Dans ce cas, je vous rappelle que c'est vous-même qui avez fait la comparaison.

Je ne vois pas non plus le lien entre les exemples donnés par le hiéromoine Séraphin (Rose) et les offices composés en grec au XIXème siècle et en slavon à la demande de saint Jean Maximovitch et l'histoire des os de lapin.
Claude le Liseur
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Re: Bouddha...

Message par Claude le Liseur »

Jeanne Saint Gilles a écrit : Je ne comprends pas : si Bouddha est Saint Josaphat, pourquoi ce changement de nom? Il y a-t-il des icônes de ce Saint Josaphat? Est-il dans le synaxaire; qu'y raconte-on? Et à quel jour? J'ypense, est-il vrai qu'en Roumanie, il y a des fresques dans les Eglises avec le Pape, Bush père et Gorbatchov? On m'a raconté cela mais ça m'a paru un peu "capillo-tracté".

Saint Joasaph est célébré le 26 août chez les Grecs et le 19 novembre chez les Slaves.


Il en a été longuement question sur l'ancien forum, et même sur le forum actuel, et il semble qu'un autre site Internet ait largement plagié ce qui avait été écrit sur notre forum sans indication de source.

Si vous voulez connaître l'histoire de saint Josaphat, vous pouvez acheter le savant ouvrage du caucasologue Jean-Pierre Mahé:

La sagesse de Balahvar. Une vie christianisée du Bouddha

traduit du géorgien, présenté et annoté par Annie et Jean-Pierre Mahé

Editions Gallimard, Paris 1993 (collection Connaissance de l'Orient); disponible aussi sur amazon.fr

Quant à la formation du nom:

Bôdhisattva en sanscrit est devenu Bûdasâf en arabe, Iodasaph en géorgien, et Josaphat en français après passage par le grec et le latin.

Si les "frises des philosophes" vous paraissent difficiles à contempler dans la lointaine Roumanie, sachez que vous pouvez aussi les admirer dans pas mal de monastères grecs.

Photios Kontoglou le grand iconographe, lui-même auteur de plusieurs fresques de ce genre, décrivait cette vieille tradition de faire figurer aux côtés des personnages de l'Ancien Testament les philosophes grecs et la Sybille de Cumes dans son Expression de l'iconographie orthodoxe: "Les anciens peintres d'icônes peignaient parfois ces sages païens sur le narthex des églises, parce qu'ils avaient prévu l'incarnation du Christ."

Toutefois, je vois mal le lien entre Gorbatchev (né en 1934) et le fait que l'on ait peint ces "frises des philosophes" sur les murs des monastères de Suceviţa et de Moldoviţa aux XVème-XVIème siècles.

Pour quitter la vieille tradition byzantine de peindre les philosophes de l'Antiquité sur les murs des églises (encore que cette tradition soit bien vivante, puisque j'ai pu contempler en 2003 à Athènes une icône récente des Trois Saints Docteurs saint Basile le Grand, saint Jean Chrysostome et saint Grégoire le Théologien où le peintre avait figuré en médaillon Socrate, Platon et Aristote) et pour revenir à saint Josaphat, voici ce qu'en écrivait le père Denis Guillaume (in Quand les chefs d'Etat étaient des saints, Diaconie apostolique, Parme 1992, pp. 156 s.):

"Cela nous émeut de penser que Bouddha (560-483), si semblable au Christ par tant d'aspects de sa compassion envers les hommes et précurseur de notre monachisme par sa vie ascétique, ait reçu sous un aspect chrétien une indirecte canonisation de la part des Eglises byzantines."

Ce qui appelle deux remarques de ma part: la première est que cette canonisation indirecte vient surtout du fait qu'il a préparé ceux qui le suivaient à la divine Illumination quand les temps seraient venus; la deuxième est que cette canonisation n'a pas été seulement le fait de l'Eglise orthodoxe, mais aussi de l'Eglise papale puisque saint Josaphat a été inséré dans le Martyrologe romain au plus tard dans l'édition imprimée en 1583 (à la date du 27 novembre).

Dans un livre ahurissant de haine anti-chrétienne et que nous devrions tous avoir lu pour savoir à quelle sauce on prétend nous manger, l'ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris, cheikh Si Hamza Boubakeur, naturellement incapable de comprendre la vision chrétienne orthodoxe de l'Histoire du Salut, nous faisait le reproche de "manque de probité intellectuelle":

"On n'a pas hésité à insinuer qu'Aristote était chrétien avant la lettre ou pour mieux dire avant le Christ. Plus ahurissante encore la canonisation du sage hindou Çâkyamuni (Bouddha) par l'Eglise chrétienne sous le nom de saint Joasaf." (in Traité moderne de théologie islamique, 2ème édition, Maisonneuve et Larose, Paris 1993, p. 405)

Le savant théologien de la Mosquée de Paris ne savait pas que le Bouddha avait au contraire rompu avec l'hindouisme pour adopter une forme plus exigeante d'ascèse personnelle. Je me demande surtout ce qu'il serait resté de l'héritage intellectuel et scientifique du monde ancien si c'était la foi de cheikh Si Hamza Boubakeur, et non le christianisme orthodoxe, qui avait eu à prendre en main la civilisation de l'Empire romain au IVème siècle.

Le rôle de saint Josaphat dans la préparation des peuples de l'Asie à la réception de la sainte Illumination du baptême a trouvé sa concrétisation au XIXème siècle quand les missionnaires orthodoxes russes sont entrés en contact aux confins de la Mongolie et de la Sibérie avec un bouddhisme qui s'était conservé pur. Pour citer un auteur catholique romain qui nous était hostile, Anatole Leroy-Beaulieu (in L'Empire des tsars et les Russes, Robert Laffont, Paris 1990, pp. 1347 s.; réédition de l'édition de 1898):

"Le bouddhisme, en Europe du moins, n'offre pas la même force de résistance que l'islamisme. De toutes les religions professées dans l'Empire russe, c'est croyons-nous, la seule dont le nombre des adhérents diminue. Cela tient moins peut-être aux mystérieuses affinités de forme ou d'esprit, si souvent signalées entre le christianisme et le lamaïsme, qu'à l'isolement des tribus qui avaient apporté en Europe la foi du Bouddha. (..) Le bouddhisme ne s'est peut-être pas autant corrompu dans les glaces du Nord qu'au Tonkin ou au Japon. Les Bouriates de Sibérie ont parfois des lamas instruits, versés dans les livres sacrés. (...) A l'inverse des musulmans, les bouddhistes peuvent cependant parfois faire d'excellents chrétiens. Il en est qui paraissent avoir abandonné, en toute conviction, Siddhârta pour Jésus. D'anciens lamas, hommes instruits dans les lettres mongoles, se sont faits prêtres et sont devenus de zélés missionnaires du Christ. Une des choses qui paraissent le plus frapper ces Asiatiques, dressés par le bouddhisme même à l'admiration des rites, c'est la beauté des cérémonies chrétiennes. A en croire certains récits, la messe et les choeurs, que l'on a soin de chanter en mongol, feraient plus de conversions que la prédication."

Le Bouddha avait préparé son peuple à recevoir l'Illumination et tous les bouddhistes ne sont pas devenus chrétiens. Les justes et les prophètes de l'Ancien Testament avaient préparé leur peuple à recevoir l'Illumination et tous les Hébreux ne sont pas devenus chrétiens. Mystère de la liberté de l'homme.

Avant l'Incarnation, il peut y avoir des précurseurs. Après l'Incarnation, il n'y a plus que des imposteurs et de fausses révélations. Voilà une réflexion qui pourrait guider nos rapports avec les religions non chrétiennes.

Mais nous nous sommes beaucoup éloignés du bienheureux Augustin.
Yiannis
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Philosophes antiques et Christianisme orthodoxe

Message par Yiannis »

A propos de la considération des philosophes antiques - non nécessairement Grecs- par l'Eglise, je vous conseille l'excellent livre de l'hieromoine Damascène Christensen, Christ the Eternal Tao (en anglais), publié par la fraternité de Saint-Germain d'Alasca à Platina, Californie. Père Damascène, frère du monastère Saint-Germain d'Alasca, a une connaissance profonde de la religion et de la culture chinoises; en plus, il est un excellent théologien et un des représentants éminents de l'Orthodoxie américaine.
Il serait bien que ce livre soit un jour traduit en français. Vous pouvez le trouver chez amazon.com.
Makcim
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Message par Makcim »

Merci pour vos intelligentes interventions Lecteur Claude et Yiannis. Trop de stupidités, dangereuses de surcroît, se disent et se lisent en trop de lieux par des personnes trop peu expérimentées spirituellement autant que peu cultivées sur tout cela.
Makcim
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Encore faudrait-il distinguer entre Augustin et l'augustinisme postérieur. A ce titre, je signale un important article en italien de M. Sauveur Taranto de l'université de Messine en Sicile.

Salvatore TARANTO, "Giovanni Cassiano e Agostino: la dottrina della grazia", in BADILITA Cristian et JAKAB Attila, Jean Cassien entre l'Orient et l'Occident, Beauchesne / Polirom, Paris / Jassy 2003, pp. 65-132.

Pour M. Taranto, toute la source de l'augustinisme érigé en système se trouve non pas chez Augustin (+ 430), mais chez Prosper d'Aquitaine (+ vers 463), qui n'a retenu de la pensée complexe et contradictoire de l'évêque d'Hippone que ce qui allait dans le sens de ses propres conceptions. L'augustinisme aurait été forgé par Prosper d'Aquitaine dans sa controverse avec les saints moines de Provence (il dirigeait particulièrement ses flèches contre saint Jean Cassien et contre saint Vincent de Lérins). Dans ses écrits polémiques, Prosper aurait à la fois déformé la pensée de saint Jean Cassien (qu'il attaquait) et celle du bienheureux Augustin (qu'il était censé défendre).

A ce propos, je dois dire, puisque j'ai appris hier qu'un monastère orthodoxe du sud-ouest de la France faisait vénérer des reliques de Prosper d'Aquitaine, que je ne l'ai pas retenu quand j'ai rédigé le calendrier des saints de ce forum. En effet, il me semble qu'il y a eu une véritable captation pour lancer le culte de Prosper d'Aquitaine et que ce personnage, bien qu'historien et théologien considérable, n'ait pas été considéré comme particulièrement vénérable dans l'Eglise ancienne.
La lecture des Petits Bollandistes de Mgr Guérin est édifiante à cette égard. Dans l'édition de 1874, le culte de "saint" Prosper d'Aquitaine est mentionné au 25 juin... en profitant du fait que le Martyrologe romain mentionne pour ce jour un autre saint Prosper, qui fut évêque de Reggio Emilia en Emilie-Romagne à la même époque. Ce qui renforce cette hypothèse d'une confusion plus ou moins volontaire, c'est que Mgr Guérin mentionne Prosper d'Aquitaine comme évêque et docteur de l'Eglise. Or, les suppléments à l'ouvrage de Mgr Guérin, écrits par Dom Paul Piolin, maintiennent la mémoire de "saint" Prosper d'Aquitaine au 25 juin, tout en mentionnant qu'il ne fut ni évêque, ni docteur de l'Eglise, mais seulement écrivain ecclésiastique, et qu'il ne faut pas le confondre avec saint Prosper, évêque de Reggio, fêté le même jour!
Ce qui fait que le Martyrologe romain ne connaît qu'un seul saint Prosper, celui d'Emilie, et que je ne trouve donc aucune mention d'un culte ou d'une inscription au calendrier de Prosper d'Aquitaine avant le XIXème siècle. Cela ressemble beaucoup à un tour de passe-passe pour justifier une "tradition" récente et anti-ecclésiale.
Pour cette raison, malgré l'importance de l'oeuvre historique de Prosper d'Aquitaine et les mérites de sa personne, je ne me suis pas senti autorisé à l'insérer dans nos listes, puisqu'un des principes que je suivais était de ne faire figurer des personnes nées en Europe de l'Ouest et au Maghreb que dans la mesure où leur sainteté avait fait l'objet d'une reconnaissance publique avant 1054.
Néanmoins, je serais très intéressé par des informations allant en sens contraire.
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