Le livre de JM Gourvil sur le "Notre Père"

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Antoine
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Message par Antoine »

On fait référence à la tentation au désert de Jésus pour la traduction du terme "tentation" en oubliant le rôle que le texte fait jouer à l'Esprit. Je réitère donc ma question ci-dessus:

Comment comprenez-vous ce passage de Math. IV,1: "Alors Jésus fut conduit par l'Esprit au désert pour être tenté par le Diable."

Ne trouvez vous pas bizarre que ce soit l'Esprit qui "conduise" le Christ à la tentation?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Antoine, j'insiste : les deux derniers paragraphes de la citation en italique ne sont pas de Maxime, qui ne parle sûrement pas de "karma", ni de "poncifs".

Si ces deux paragraphes ne sont pas de vous, c'est certainement au bulletin du père Cassien qu'il faut attribuer la confusion.

Mais quand il s'agit d'un texte de Maxime le Confesseur, il faut être très rigoureux et blâmer l'auteur de la confusion.

===========================

Je viens de regarder le texte qui figure sur le site du père Cassien (j'aurais dû le faire avant d'envoyer les lignes qui précèdent) mais j'aggrave mes accusations. Non seulement les deux derniers mais les trois derniers paragraphes ne sont pas de saint Maxime mais très probablement un ajout du père Cassien.
Dernière modification par Jean-Louis Palierne le ven. 02 juil. 2004 11:16, modifié 2 fois.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Jean-Louis merci beaucoup. J'avais aussi un doute car je n'ai jamais retrouvé l'original dans les oeuvres de Maxime dont je suis (comme Jean-Marie du reste) un lecteur assidu. Et il est vrai que certains termes ne font pas partie de son vocabulaire. Je regarde ça de plus près.

Mais ma question demeure:
On fait référence à la tentation au désert de Jésus pour la traduction du terme "tentation" en oubliant le rôle que le texte fait jouer à l'Esprit. Je réitère donc ma question ci-dessus:

Comment comprenez-vous ce passage de Math. IV,1: "Alors Jésus fut conduit par l'Esprit au désert pour être tenté par le Diable."

Ne trouvez vous pas bizarre que ce soit l'Esprit qui "conduise" le Christ à la tentation?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Maintenant j'essaie de réfreiner mon indignation et j'en viens à la question de la conduite de l'Esprit.

Ces paroles sont certes énigmatiques, mais n'oublions pas que l'Esprit est présent dans tout ce que fait le Verbe incarné, le Fils unique et Verbe de Dieu, comme nous le chantons à la Liturgie, et dès sa conception même comme homme. Lors de la Transfiguration, les Apôtres n'ont pas vu un spectacle surnaturel, ils ont vu la réalité même, celle qui échappe habituellement à la vue très myope de notre nature déchue. L'Esprit n'est jamais absent.

Pourquoi donc l'évangéliste dit-il que l'Esprit conduit au désert ? Pour nous montrer que c'est bien pour œuvrer à la grande Tâche du salut de l'homme que Jésus affronte l'Adversaire. Satan, comme les Apôtres avant la Transfiguration, ne voit pas que Jésus est Dieu. Il voit un homme. Il le tente, comme il tente tous les hommes. Il essuie un échec. Mais il n'en tire pas encore la conclusion qui s'impose, il s'obstine (comme s'obstineront ses serviteurs, les esprits aériens, lorsqu'ils viendront demander à notre âme ce qu'ils croient être leur dû, c'est-à-dire la part de nous mêmes que nous aurons omis de purifier lorsque notre âme se séparera de notre corps).

Il s'éloigne alors pour un temps. Et nous connaissons la fin de l'histoire : c'est lorsque le Christ se livrera volontairement que le Diable pourra croire qu'il a enfin triomphé. En fait il est prix à l'hameçon de la Croix, et c'est lui qui est vaincu.

Pourquoi l'évangéliste mentionne-t-il la présence de l'Esprit lorsque Jésus se retire au désert, alors qu'il ne le mentionne pas en tant d'autres endroits ? Il me semble que c'est pour nous avertir que nous, qui ne sommes pas encore conduits consciemment par l'Esprit, nous ne devons pas courir au-devant des tentations. Il y a un très beau texte dans les canons (je pourrais peut-être le publier ici) qui montre, entre autres choses avec quel courage et quel discernement nous devons nous comporter devant les grandes persécutions. Il nous conseille même de fuir.

Mais l'homme Jésus (son humanité était totalement obéissante à sa Divinité) alla au-devant de la Tentation du désert parce qu'il était conduit par l'Esprit, et il le fit en notre nom à tous.
Jean-Louis Palierne
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Jean-Marie Gourvil
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sur la "mystique" dans l'orthodoxie française

Message par Jean-Marie Gourvil »

Jean Louis Palierne, vous constatez qu'il y a un décalage entre la soif de "spiritualité" chez ceux qui intègrent la communion de l'Eglise orthodoxe et la conception de l'orthodoxie de ceux qui les accueillent. Vous allez même plus loin en disant que l'orthodoxie "francophone" est moins ouverte à cette demande que les représentant des Eglises ayant un enracinement dans des pays traditionnellement orthodoxes et dans les Eglises historiques de l'orthodoxie. Je partage ce point de vue qui mérite d'être développé... mais vous le faite. Je crois profondément que les occidentaux qui se tournent vers l'orthodoxie cherchent une Lumière que deux ou trois siècles d'Age Classique (Michel Foucault) ont enfoui. Oui Brémond nous a révélé des océans cachés. Louis Cognet dans "le crépuscule des mystiques" nous révèle les traumatisme culturels qui nous agitent, "les secrets de familles" qui provoquent nos cauchemards. Cet océan de Lumière nous le trouvons dans l'Eglise orthodoxe. Mais certains orthodoxes de souche (l'immigration russe parisienne entre autre) pour des raisons liées à une autre histoire, certe compréhensible, cherchent une spiritualité plus intellectuelle, moins radicale, plus humanitaire et plus conviviale. La soif "tragique" des uns ne rencontre pas l'envie d'adaptation à la culture occidentale des autres.
J'ai fait une conférence à Vézelay sur ce sujet il ya quelques années dans le cadre de la fraternité orthodoxe pour la paix. J'avais essayé de développer cette non rencontre de ces deux dynamiques contraires. Certaines personnes m'avaient suggéré de proposer ce texte à Contacts. La réponse fut négative mais bien argumentée. J'ai compris que sous l'argumentaire technique du refus il y avait malgré une amitié certaine, l'affrontement de deux paradygmes.
Ce long texte est toujours disponible à ceux qui souhaiteraient le lire et l'avoir par E-mail.
La question que vous posez est une question centrale : comment soutenir ceux qui se tournent vers l'orthodoxie, qui ont une soif évidente de la vie de l'Eglise et éviter qu'on ne leur présente qu'une voie édulcorée. Le débat sur la traduction du Notre Père est à placer dans ce contexte, dans ce débat culturel.
Makcim
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Message par Makcim »

Bonjour à tous,
Etant enfin parvenu à m'inscrire je peux directement faire ici la mise au point que j'ai faite en écrivant directement à Jean Louis Palierne. Voici donc cette mise au point :
Voilà la deuxième fois (la première c'était sur l'ancien forum) que je lis sur le forum-orthodoxe.com un extrait d'un passage de Maxime le Confesseur suivi d'un commentaire dont je ne comprends absolument pas ce qu'il fait là et qui m'intrigue plus qu'un peu.
En effet ce commentaire a été écrit par moi certainement en 1998 ou 1999 alors que je me trouvais dans une période d'interrogation et de doute qui m'a fait envoyer, comme une bouteille à la mer, à plusieurs adresses d'ecclésiatiques orthodoxes un extrait de mon journal personnel comme questionnement attendant une réponse. Je ne comprends absolument pas comment ce message est parvenu jusqu'à Antoine. Ce que je sais c'est qu'aucun moine ni prêtre ayant une adresse électronique connue de moi à l'époque n'a donné de réponse vraiment satisfaisante à mon attente. Ce qui m'a confirmé dans le constat douloureux que nous manquons avant tout dans notre Eglise ( et pas seulement en France car j'ai des correspondants aux Etats Unis où il en est de même) de ce qui devrait la caractériser le plus par rapport aux moralismes, juridismes et autres monstrueux ismes de toutes les hétérodoxies et hérésies qui ne nourrissent en rien les affamés du Royaume quand ils ne les empoisonnent pas... ce dont nous manquons cruellement donc, disais-je, c'est de Pères spirituels, de Geronda, de Starets, d'Anciens bref... peut-être de Saints ou à défaut de maître expérimentés.
Je suis heureux tout de même d'avoir constaté que vous avez répéré l'ajout au texte de Maxime le Confesseur dont l'auteur est aussi un Maxime, qui est plutôt un Minime en l'occurence par rapport à son saint patron.
Je vous remercie de m'accueillir sur votre forum. Mon nom est Maxime que j'ai orthographié Makcim à la russe puisque mon homonyme russe l'a orthographié à la française
Bénédictions de Notre Seigneur, Dieu et Maître Jésus Christ à tous.
Makcim
Antoine
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Message par Antoine »

Makcim vous écrivez:
je peux directement faire ici la mise au point que j'ai faite en écrivant directement à Jean Louis Palierne. Voici donc cette mise au point :
Voilà la deuxième fois (la première c'était sur l'ancien forum) que je lis sur le forum-orthodoxe.com un extrait d'un passage de Maxime le Confesseur suivi d'un commentaire dont je ne comprends absolument pas ce qu'il fait là et qui m'intrigue plus qu'un peu.
En effet ce commentaire a été écrit par moi certainement en 1998 ou 1999 alors que je me trouvais dans une période d'interrogation et de doute qui m'a fait envoyer, comme une bouteille à la mer, à plusieurs adresses d'ecclésiatiques orthodoxes un extrait de mon journal personnel comme questionnement attendant une réponse. Je ne comprends absolument pas comment ce message est parvenu jusqu'à Antoine.

L'article a été publié sur le site du Père Cassien VCO Matthéiste.
http://perso.club-internet.fr/orthodoxie/
dans le bulletin 89 daté de Mars 2000 sous le titre "sur la prédestination."
Il est présenté de telle façon qu'on a l'impression que l'ensemble du texte est de St Maxime ce qui génère une confusion.
Vous devriez donc voir ce problème avec Hm Cassien, à l'adresse suivante:
orthodoxie@club-internet.fr
L'article a toujours été cité sur notre forum avec sa référence:
http://perso.club-internet.fr/orthodoxie/bul/89.htm

A qui se fier de nos jours , ma bonne dame? Quand je verrai Antoine je lui dirai de mieux vérifier ses textes avant de les proposer au Forum; mais il ne m'écoute jamais...En plus je lui avais dit que c'était louche.

Il n'en reste pas moins vrai que votre article est excellent.
Dernière modification par Antoine le ven. 02 juil. 2004 1:41, modifié 1 fois.
Antoine
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Message par Antoine »

Jean-Louis, quand vous dîtes:
Pourquoi l'évangéliste mentionne-t-il la présence de l'Esprit lorsque Jésus se retire au désert, alors qu'il ne le mentionne pas en tant d'autres endroits ? Il me semble que c'est pour nous avertir que nous, qui ne sommes pas encore conduits consciemment par l'Esprit, nous ne devons pas courir au-devant des tentations.
Cela implique donc qu'il n'y a pas lieu de demander dans le Notre Père "ne nous laisse pas entrer dans la tentation", car cette demande ne vise en aucun cas une modération de notre ardeur à un combat par bravade contre le malin et ne peut non plus viser une demande que l'Esprit ne nous conduise pas à la tentation car cela laisserait supposer que nous nous égalions au Christ.
Si je vous suis, le terme d'épreuves serait plus approprié et il faut donc garder celui de tentation pour les combats de ceux qui, arrivés à un degré élevé de sainteté comme St Antoine par exemple, sont appelés par l'Esprit à des duels avec Satan plus spécifiques?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Nous ne devons pas courir témérairement vers la tentation et les Pères parlent sévèrement de ceux qui s'y livrent de cette manière. Mais quand vient l'heure où elle est incontournable, nous ne devons évidemment pas y cogner de sa gloire, car c'est Lui qui nous viendra en aide autant que nous en aurons besoin. Satan sera incapable d'exiger de nous plus que le tarif maximum fixé par Dieu. Mais si nous étions livrés à nous-mêmes, nous en serions incapables. D'où cette demande de sa Grâce : « Garde-nous de consentir à la tentation, mais délivre-nous du Malin. »
Jean-Louis Palierne
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Makcim
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Message par Makcim »

Merci Antoine pour l'information,
Je peux donc faire l'hypothèse que j'avais écrit à cette époque à Père Cassien également et qu'il a collé mon commentaire au texte de mon Saint Patron pour je ne sais quelle raison c'est ce que je vais vérifier effectivement.
Pour ce qui est de votre passionnant échange sur la traduction du Pater imon et de la formulation de l'avant dernière supplique je suis tout à fait en accord avec cette dernière formulation et ses fondements théologiques.
Je fais cette proposition également en utilisant la ponctuation qui est si importante en français, et dont on ne saurait se priver, qui peut faire varier totalement le sens d'une phrase :
"ET DANS LA TENTATION, NE NOUS ABANDONNE PAS".

Personnellement d'ailleurs, mais il ne s'agit que d'une formulation à usage domestique, je ne demande pas mais j'affirme, pour affermir ma foi que Notre Dieu pourvoit à tout, au milieu de toutes les joies et peines, les doutes et les incompréhensions qu'offre la vie :

Notre Père, quand nous te prions,
Ton Nom se sanctifie, ton Règne advient, ta volonté se fait sur la terre comme au ciel
Tu nous donnes chaque jour le pain de la vraie vie
Tu nous remets nos dettes comme nous les avons remises à nos débiteurs
Et dans la tentation, Tu ne nous abandonnes pas
mais Tu nous délivres du Malin
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Message par Makcim »

Avez-vous pris connaissance du livre de Marc Philonenko "Le Notre Père" de la prière de jésus à la prière des disciples" chez Gallimard ? Je ne pense pas l'avoir vu cité dans le fil, c'est l'ouvrage du doyen honoraire de la faculté protestante de Strasbourg. Bien que que nous puissions toujours avoir quelque réserve à priori sur l'origine protestante du texte (dont le travail de la TOB peut laisser plus que méfiant) ce travail est remarquable.
Makcim
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Jean-Marie Gourvil :

Vous posez la question, qui est notre question à tous :
comment soutenir ceux qui se tournent vers l'orthodoxie, qui ont une soif évidente de la vie de l'Eglise et éviter qu'on ne leur présente qu'une voie édulcorée ?
Oui, je crois que la soif de “spiritualité” (c’est un mot très contestable, mais la réalité est bien vivante) des Français orthodoxes est considérable. Mais je ne crois pas que l’attitude du "groupe moderniste russe de Paris" soit imputable à l’histoire russe récente, c'est-à-dire qu'il soit le résultat des persécutions de l'ère soviétique. L'origine de ce groupe remonte à la grande tentation moderniste de l’Église russe, soit au moins au début du XXème siécle.

C’est ce complot qui est responsable de ce qu’au désir d’Orthodoxie des occidentaux on présente une bouteille qui porte une étiquette mensongère. Dessus il est écrit “Orthodoxie” ; dedans on trouve une autre mixture.

J’aimerais bien connaître votre exposé de Vézelay d’il y a quelques années. Il me semble d'ailleurs me souvenir que j’en avais alors indirectement entendu parler. Pourriez-vous me le communiquer ?

Le groupe moderniste, la Fraternité, fait peser sur l’Orthodoxie en France une censure implacable, qui interdit toute expression d’une opinion différente de la leur, non seulement dans les formes d’expression qu’ils contrôlent directement (SOP, Contacts, Messager, Saint Serge, diverses formes de colloques et de sessions d’étude) mais même dans les lieux d’expression où ils ne devraient pas pouvoir intervenir (édition, presse et radio) grâce à l’iappui de leurs amis “les responsables de l’œcuménisme catholique”, qui les informent et qui relaient leurs interventions.

Seuls échappent au pouvoir des modernistes quelques éditeurs marginaux (comme l’Âge d’homme) et notre Forum, grâce à la liberté d’expression sur Internet. Il est beaucoup plus lu que ne pourrait le laisser croire le nombre des intervenants, et il est surveillé par ceux qu’il inquiète. (je précise que je suis loin d’approuver la totalité de ce qui s’y écrit, mais il est bon qu’on puisse y écrire librement)

Un effet pervers de cette censure est que les orthodoxes “critiques” sont isolés les uns des autres et ne se connaissent pas, ne peuvent pas s’informer, ni affiner leurs analyses, ni échanger leurs réactions.

Que peut-on faire ? Il y une seule chose qu’ils ne peuvent pas empêcher, c’est la publication d’ouvrages orthodoxes. Ils peuvent seulement empêcher qu’on en parle (et ils en entravent donc la diffusion. Mais il y aura toujours des lecteurs (et il y a aussi les bibliothèques). Et on devrait pouvoir un jour faire lever cette censure totalement anticanonique
. Savez-vous que des orthodoxes — qu'en général je ne connais même pas — se sont organisés pour diffuser mon livre ?

Le groupe des activistes modernistes est en voie d’érosion démographique. Il comprend une poignée de personnes âgées et usées et une autre poignée de plus jeunes, dévorés par une vie active très prenante. Il n’y a pratiquement pas de relève. Ils avaient jadis fondé l’orthodoxie francophone en espérant que cette communauté (échappant nécessairement un peu à l’inertie des hiérarques et des “juridictions”) pourrait un jour fournir un modèle et des cadres pour la rénovation de l’Église russe délivrée du joug communiste. Ils pensaient pouvoir y accueillir une petite élite d’intellectuels occidentaux venant des milieux extérieurs aux Églises d’Occident (dont ils admiraient la présence dans la science theologique académique, et dans l’action sociale). C'est dans cette perspective, et seulemant dans cette perspective, qu'ils ont mis en avant le mot d'ordre d'"Église locale".

L’épreuve des faits leur a apporté un triple désaveu.

1. Ils n’ont pas été capables de renouveler les effectifs de leur groupe. Même les émigrés d’origine russe finissent par s’intégrer dans la société française, souvent à un haut niveau, et même si ils se souviennent encore (rarement) de leur Église, ils n’ont pas de temps à lui consacrer. C’est ce que je disais plus haut. Il faut ajouter qu’ils pensaient qu’ils pensaient pouvoir toujours trouver des évêques-marionnettes, recrutés parmi des veufs très pieux et influençables.

2. Peu avant la chute du communisme, le groupe moderniste de Moscou faisait sa réapparition. Il a été balayé par la ruée des néo-fidèles russes vers le traditionnalisme, parfois sous ses formes les plus rétrogrades. Et “l’École de Paris” a été dénoncée par ceux qui retournent à l’Orthodoxie. Et il ne jouit plus d’aucun prestige dans le monde orthodoxe non-russe.

3. Les modernistes n’avaient pas prévu l’intérêt que ressentiraient les occidentaux pour l’enseignement spirituel orthodoxe. Ils n’avaient pas prévu que ce seraient des occidentaux qui justement voient dans l’obsession d’engagement social des Églises d’Occident l’une des causes de leur décadence spirituelle.

Le mot d'ordre d'"Église locale" se retourne contre les projets primitifs.

Pour le moment, le groupe moderniste arrive encore à paralyser l’épiscopat orthodoxe. Pour combien de temps ?
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Jean-Louis Palierne propose:
« Garde-nous de consentir à la tentation, mais délivre-nous du Malin. »
Garde-nous de

Garde nous est magnifique; Sans aucun doute ce qu'il y a de mieux.
D'abord il est en terme positif; Il rappelle tout ce que les Pères enseignent au sujet de la "garde du coeur" , la "garde des pensées". Un état permanent de vigilence. Etre sur ses gardes.
Ensuite il contient la miséricorde divine qui nous garde comme on garde des enfants. La référence au Christ qui en tant que bon pasteur garde le troupeau.
Il contient également la "mise en garde" énoncée dès la genèse de ne pas consommer de l'arbre de la connaissance.
Celui qui "monte la garde" est aussi nécéssairement dans l'obéissance, et là encore le verbe renvoie à "que ta volonté" On pourrait trouver une infinité de corrélations tant le verbe garder est riche et tant il résume à lui seul toute la spiritualité orthodoxe.

Consentir à

"Consentir" est aussi très riche. Il ne s'agit pas simplement de donner un accord; "sentir" fait références aux sens dont Saint Maxime souligne le détournement de la nature originelle opéré lors de la chute."Dieu en créant la nature des hommes n'a uni à elle selon la sensation ni plaisir ni douleur, mais une certaine puissance selon le "noûs" pour le plaisir, par laquelle elle puisse jouir de Lui indiciblement. Cette puissance, je veux dire l'élan selon la nature du "noûs" vers Dieu, le premier homme, en même temps que sa venue à l'existence, l'a investie dans la sensation; selon ce premier mouvement vers les sensibles, opérant contre nature par l'intermédiaire des sens, il a connu le plaisir"
Il s'agit donc dans ce "consentement" d'un usage contre nature de nos facultés; Adam s'est détourné de Dieu et s'est aliéné dans les réalités sensibles. Le Christ nous "régénère" par le baptème, rétablit le processus de notre nature originelle en vue de la déification. Nous savons que nous rechuterons mais le Christ nous permet de nous relever par la vie mystérique de l'Eglise.
Augustin écrira :"celui qui n'est pas spirituel jusque dans son corps est charnel jusque dans son âme." C'est ce poids charnel qui alourdit l'âme lors de son passage des péages.

Tentation.

Le débat n'est pas clos. Mais si la phrase commence par "garde nous de" alors évidemment le terme de tentation a plus de sens que celui d'épreuve; et "garde nous de consentir à" est si puissant que, rien que pour cette formule, ça vaut le coup d'employer "tentation"

Mais délivre nous.

Grammaticalement la conjonction de coordination "mais" ne peut plus s'employer puisque "garder" étant à la forme affirmative, il n'y a plus d'opposition entre les deux verbes "garder" et "délivrer". Il faut donc la remplacer par la copule "et". A moins que Jean-Louis ne la maintienne volontairement (comme cela peut se faire en poésie contemporaine) pour faire éclater l'opposition entre consentir et malin.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Petite rectification : ce n'est pas de moi, mais de l'abbé Jean Carmignac "Recherches sur le Notre Père", Letouzey 1969. C'était une thèse. On n'a pas trouvé mieux depuis. Je ne l'ai plus sous la main depuis longtemps, et le "de" est sûrement une erreur de ma mémoire. Bien sûr il faut "mais.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Carmignac dans son livre 317 à 319 repris p397 choisit à la place du "mais" qui <<marque une opposition entre une première phrase négative et une seconde phrase affirmative>> la tournure "et surtout" qui rend compte de <<la nuance emphatique du grec et de l'hébreux.>>

<<Garde nous de consentir à la tentation
et surtout éloigne nous du malfaiteur >>

<<et surtout débarassez nous du démon.>>
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