Renouveau religieux, vraiment?

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Claude le Liseur
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Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

Statistiques de Z. Żuchowska reproduites par Jerzy Kloczowski in Histoire du christianisme, tome 13, Desclée, Paris 2000, p. 414 sur les Eglises orthodoxes en Europe du Centre-Est vers 1995

Albanie 300'000 fidèles, 49 paroisses, 24 prêtres
Bulgarie 7'250'000 fidèles, 3'200 paroisses, 2'300 prêtres
République tchèque 19'400 fidèles, 54 paroisses, 28 prêtres
Slovaquie 70'600 fidèles, 103 paroisses, 109 prêtres
Pologne 571'000 fidèles, 250 paroisses, 250 prêtres
Roumanie 19'762'000 fidèles, 8'650 paroisses, 9'000 prêtres
Serbie 8'910'000 fidèles, 2'875 paroisses, 3'000 prêtres
Macédoine 1'500'000 fidèles, 745 paroisses, 300 prêtres
Hongrie 40'000 fidèles, 10 paroisses, 14 prêtres
Estonie (2 Eglises) 55'000 fidèles, 79 paroisses, 39 prêtres
Lettonie 300'000 fidèles, 153 paroisses
Lithuanie 100'000 fidèles, 41 paroisses
Bélarus (Biélorussie) 2'000'000 fidèles, 920 paroisses, 950 prêtres
Ukraine (3 Eglises) 10'000'000-15'000'000, 9'500 paroisses, 6'500 prêtres
Moldavie 1'500'000 fidèles, 870 paroisses, 740 prêtres

Ce qui appelle les remarques suivantes:

-Se baser sur le nombre de prêtres pour faire une estimation du nombre de fidèles (par exemple dans le cas de l'Ukraine) ne mène nulle part. Il est clair que les autocéphalistes sont plus nombreux que les fidèles de Moscou en Ukraine en 2022, quelque soit le nombre de prêtres de chaque faction. On voit bien dans cette estimation qu'il y avait un prêtre pour 12'500 fidèles en Albanie, alors qu'il y avait un prêtre pour 700 fidèles en Slovaquie.
-Les chiffres sont manifestement surévalués pour la Bulgarie et la Serbie, suite à une confusion entre ethnie et nationalité. Deux tiers des Serbes n'étaient pas baptisés en 1990. Il ne pouvait en aucun cas y avoir plus de 2'700'000 orthodoxes en Serbie en 1995. Sachant cela, on constate que l'Orthodoxie était minoritaire partout, sauf en Roumanie.
-Tous ces chiffres, en 2022, sont à la baisse, sauf en Lituanie où le nombre de baptisés orthodoxes se maintient autour de 100'000. Tous les recensements récents ont montré des chiffres plus bas (par exemple, 175'000 au lieu de 300'000 en Albanie; 145'000 au lieu de 571'000 en Pologne; 16'000 au lieu de 40'000 en Hongrie). Il faut noter que les anciennes républiques soviétiques se gardent bien de faire des recensements, de telle sorte que l'on n'a pas de chiffre "officiel" de la population orthodoxe en Ukraine, qui, avant le 24 février 2022 et l'exode d'une partie de la population ukrainienne, devait se situer autour de 4 à 5 millions de personnes plutôt que des 15 à 20 qui ressortaient des sondages et de la science à la Wikipédia.
Ce déclin s'explique par les facteurs suivants: baisse de la population totale dans tous ces pays (aucun de ces pays -même la Pologne ! - n'assure plus le renouvellement naturel de sa population), sachant qu'à l'effondrement de la natalité s'ajoute l'émigration qui a saigné à blanc un pays comme la Roumanie (mais une partie notable de ces exilés a réussi à constituer des paroisses et des diocèses en Europe occidentale; les Roumains ont fait de l'Orthodoxie la deuxième religion en Italie); assimilation à la religion dominante en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie; conversions au protestantisme en Ukraine; retours massifs à l'athéisme communiste en Bulgarie.

Il faut me rendre cette justice que j'ai toujours annoncé une proportion de 20% d'orthodoxes en Biélorussie, "laboratoire de l'athéisme" sous le régime soviétique, et où l'athéisme regroupait 90% de la population avant le début du processus de désintégration du communisme soviétique. Là, il y a eu un vrai renouveau religieux - comme en Russie. Mais on ne passe pas de 90% d'athées à 50% d'orthodoxes en trente ans, restons sérieux.

En revanche, là où je me suis trompé, c'est que les statistiques globales de l'Ukraine montrent que ce pays n'a pas été relativement épargné comme je le croyais et comme on le disait généralement. De Kiev (92% d'athées en 1998) à Donetsk (94,5% d'athées en 1998) s'étend une zone où le triomphe de l'athéisme soviétique a été total. La croyance religieuse ne s'est maintenue que dans les territoires qui étaient polonais et tchécoslovaques avant 1939, et qui ne furent soviétisés qu'à partir de 1945.D'où le fait que, vers 1998, le rapport entre catholiques romains (2'9000'000) et orthodoxes (7'600'000) ne reflétait absolument pas ce qu'il était en 1918 dans les frontières politiques actuelles. Il s'agit d'un rapport de 1 à 2,6 qui était de 1 à 7 en 1918. Les catholiques ont bénéficié de leur concentration dans les régions occidentales, qui n'ont pas connu le Holodomor en 1933 et n'ont été soviétisées qu'à partir de 1945.
Il est à noter que, dans l'Ukraine de 2022, le chiffre des orthodoxes doit avoir diminué dans des proportions considérables du fait des conversions au protestantisme. Toutefois, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ces conversions ébranlent aussi le bastion catholique romain.

Le renouveau religieux annoncé à grands renforts de trompettes à l'époque de la désintégration du communisme en Europe est donc resté, sauf en Albanie, en Biélorussie et en Russie, un slogan de propagande, un truc publicitaire dont le plus grand héraut était le pape polonais Jean-Paul II.

Il n'en reste pas moins que, si ce renouveau a été illusoire pour les orthodoxes, sauf dans les trois pays cités plus haut, il a tourné à la catastrophe pour les Eglises protestantes historiques qui étaient majoritaires en Estonie, en Lettonie et en Allemagne de l'Est, ainsi que pour le catholicisme romain dans certains pays. La chute du catholicisme en Tchéquie et en Slovaquie depuis 1989 est le démenti le plus éclatant infligé par la réalité aux slogans de feu Jean-Paul II.
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

Précisons que je n'ai pas de statistiques sur la pratique religieuse. 10% de baptisés orthodoxes en Ukraine ne veut pas dire 10% de la population qui fréquentent l'église. Il y a fort à parier que la majorité de ces 10% n'a jamais mis les pieds dans une église.

Un des raisonnements les plus étonnants qui étaient tenus en Europe occidentale pour soutenir le mythe du "renouveau religieux" dans l'ancien bloc soviétique cher à Jean-Paul II était celui des voyageurs qui revenaient béats d'admiration en disant cette phrase que j'ai entendu mille fois: "là-bas, les églises sont pleines".

En Europe occidentale nous avions en moyenne une église (catholique romaine ou protestante selon les pays) pour mille habitants, encore dans les années 1980. Les églises avaient souvent une contenance de 500 places. Si j'avais un banc sur cinq occupé dans l'église, elle était vide, mais cela voulait toujours dire que 10% de la population venaient à l'église.

Dans des pays où il y avait une église pour dix mille habitants, les églises avaient souvent une contenance de 100 places. Donc l'église pouvait être "pleine" et susciter l'enthousiasme des observateurs occidentaux; cela ne faisait toujours que 1% de la population qui venait à l'église.

Plus de trente ans après la chute du régime soviétique, et à l'heure des bilans, il faut tenir compte aussi de la sociologie post-communiste.

Le fait est moins frappant dans les pays qu'Emmanuel Todd, à la suite de David Cayla, appelle les "nations ouvrières*" que dans les anciennes républiques soviétiques, mais la sociologie héritée du communisme est très défavorable à la religion.

*Il s'agit des pays, grâce aux délocalisations de l'industrie allemande, reconstruire un appareil industriel puissant. Il est en effet clair que s'opposent désormais, en Europe, les "nations ouvrières" (Tchéquie: 37% de la population active dans l'industrie; Slovaquie 36%; Hongrie 33%; Slovénie 33%; Pologne 32%; Roumanie 30%; Bulgarie 30%), et les pays qui ne sont même plus capables de fabriquer des masques contre la Covid-19 (France 20%; Royaume-Uni 18%) (cf. Emmanuel Todd, Où en sont-elles ?, Le Seuil, Paris 2022, pp. 363-364).
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

En effet, dans les anciennes républiques soviétiques, la richesse, seule source de statut social, n'est en général pas le produit d'une réussite entrepreneuriale (d'autant plus qu'il n'y a pas eu de passage au capitalisme dans la plupart de ces Etats), mais le résultat d'une ancienne proximité avec le Parti communiste et, souvent, la police politique.

Il s'ensuit que, si dans les pays capitalistes, les milieux qui ont le plus de capital (social et/ou financier) sont souvent, malgré le phénomène bobo, les ultimes refuges du conservatisme et de la pratique religieuse (et d'un patriarcat résiduel: cf. Emmanuel Todd, Où en sont-elles ?, Le Seuil, Paris 2020, pp. 221 s.), dans les anciennes républiques soviétiques, ces milieux sont souvent caractérisés par le curieux mélange d'un substrat soviétique et d'un superstrat anglo-saxon.

Dans les anciennes républiques soviétiques, le christianisme reste donc la religion d'une fraction des classes populaires. Plus on s'élève en fortune et en influence, plus on est athée militant.

Il s'ensuit donc que les positions du christianisme sont encore plus fragiles que ne le suggèrent les chiffres bruts: non seulement la proportion de baptisés reste faible, mais ceux-ci sont concentrés dans les couches pauvres et opprimées, l'athéisme restant la religion de l'élite.

Il ne faut pas non plus oublier que la rupture totale avec la culture chrétienne et la sociologie chrétienne se déroule en ex-Union soviétique (sauf territoires annexés en 1939-1945) entre mars 1917 (abdication de Nicolas II) et novembre 1920 (évacuation de la Crimée par l'armée du baron Wrangel), alors que ce processus s'étale en Europe occidentale à partir de 1960 environ. Le passé chrétien est donc plus ancien, plus difficile à appréhender, et beaucoup moins connu qu'en Europe occidentale. Il n'y a pas en ex-Union soviétique d'équivalent du catholicisme zombie de la France ou du protestantisme zombie de la Suède (cf. Emmanuel Todd, Où en sont-elles ?, Le Seuil, Paris 2022, p. 183).
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

Toutefois, il ressort de mon expérience personnelle que les milieux les plus complètement hostiles au christianisme que j'ai connus n'étaient pas issus de l'ex-Union soviétique, mais de l'ex-Yougoslavie. Il s'agissait de personnes d'origine serbe, monténégrine ou macédonienne, des classes d'âge 1960 à 1985, nées en Suisse ou y ayant immigré en bas âge.

Leur athéisme militant n'était pas un signe d'intégration réussie, puisque la Suisse des années 1990 était encore un pays christianisé. Il était directement importé du pays d'origine. De même que, dans l'ensemble, ces populations se sont moins intégrées dans la vie économique que les musulmans albanophones, souvent à l'origine d'entreprises dynamiques dans le bâtiment et les travaux publics.

C'est la seule communauté originaire de l'ancien bloc soviétique où j'ai rencontré des personnes qui se disaient encore de "tradition communiste" (à mon avis plutôt un communisme de boîte de nuit, mais bon..) longtemps après la fin de l'Union soviétique.

Il est certes extravagant de continuer à se réclamer de Tito en 2022, alors que tout est connu des crimes de ce bouffon sanglant et que plus personne ne se réclame de Lénine ou de Staline. Cela suffirait à laisser supposer que le communisme a mieux réussi à implanter sa marque dans la partie orientale de la Yougoslavie que dans l'ancien Empire russe, alors qu'il n'a disposé que de 47 ans dans un cas et de 74 dans l'autre. Redoutable efficacité du titisme, donc.

Toutefois, plus je réfléchis, moins j'attribue cette mentalité, cet antichristianisme et cette identification au communisme à la politique menée par Josip Broz dit Tito lors de sa conquête du pouvoir (1941-1944) et lors de son interminable dictature (1944-1980). L'éloignement par rapport au monde européen et à la tradition chrétienne est en effet beaucoup plus grand que chez les ex-Soviétiques où la déchristianisation avait pour l'essentiel abouti vers 1920. Il est donc impossible que la situation actuelle soit le résultat d'une déchristianisation postérieure à 1941.

J'ai plutôt l'impression d'une déchristianisation très ancienne, mais qui ne pouvait pas s'exprimer dans le cadre de l'Empire ottoman à cause de l'absence de laïcité des institutions (système du millet orthodoxe). Il me semble que la sortie de la religion s'est faite dès le XIXe siècle, lorsqu'après la fin du joug ottoman il a été possible de bâtir un Etat sur des bases ethnolinguistiques et non plus confessionnelles. On remarquera d'ailleurs l'empressement des Serbes et des Bulgares à s'affronter dès qu'ils ont cessé de faire partie du millet orthodoxe au sein de l'Empire ottoman. Il était d'autant plus difficile d'établir des Etats sur des bases ethnolinguistiques que les peuples étaient proches par la langue et la culture et qu'ils avaient fait partie de la même structure administrative (à base confessionnelle et non à base ethnique).

La déchristianisation était donc largement achevée quand Tito est parvenu au pouvoir. Le culte de Tito a donc servi de religion de substitution et continue à jouer ce rôle, avec de plus en plus de difficulté, jusqu'à aujourd'hui.
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

De toute façon, le roi a été nu quand la guerre russo-ukrainienne de 2022 a conduit à un afflux de réfugiés ukrainiens en Europe occidentale et qu'on a pu constater un taux de pascalisants de... 0,2%. Ce qui laisse supposer une pratique régulière de l'ordre de 0,1% ou 1% des 10% de baptisés orthodoxes.

A comparer avec la désinformation massive des instituts de sondage ukrainiens et des centres de recherches sociologiques ayant essayé de présenter ce qui n'est fondamentalement qu'une république soviétique comme une espèce de bastion chrétien en Europe du type Italie, Pologne, Grèce ou Roumanie.

Pour rire (jaune), il suffit de se référer à l'article de Wikipédia (en anglais) sur le sujet https://en.wikipedia.org/wiki/Religion_in_Ukraine .

C'est délirant. Le chiffre de la population orthodoxe est, selon les cas, multiplié par six, sept ou dix par rapport à la réalité.

Il est difficile de croire que le Donbass aurait compté "50,6%" (je suppose que la décimale vise à faire authentique) d'orthodoxes et 6% de musulmans en 2016, alors qu'un de ses deux oblasts comptait 94,5% d'athées en 1998. Disons que ce serait une progression extraordinaire par rapport à l'époque soviétique s'il y avait 5% d'orthodoxes dans le Donbass en 2022. Bien entendu, je ne parle même pas de 5% d'orthodoxes fréquentant l'église; là, je n'ose même pas imaginer les chiffres. Et tant pis pour la "sainte Russie" dont se réclament les séparatistes du Donbass. Cette région reste un curieux lieu de rencontre entre l'Islam et l'athéisme militant.

Il ne peut évidemment pas y avoir deux fois plus d'orthodoxes que d'uniates en Ukraine occidentale.

Le même article de Wikipédia reproduit des estimations au niveau de chaque oblast, produites un an plus tôt (2015) par le même institut Razumkov. Les données produites par le même centre de recherches ne sont même pas cohérentes entre elles. (Les Ukrainiens ont des progrès à faire en matière de désinformation, mais ils apprennent très vite de leurs maîtres anglo-saxons.) Il faut se moquer du monde à un degré à peine croyable pour annoncer en 2015 97% (!!!) d'orthodoxes dans l'oblast de Volhynie ou 69% dans l'oblast de Donetsk (athée à près de 95% en 1998).

Et puis, patatras !, l'édifice de mensonges s'écroule lorsqu'on voit débarquer, suite à la guerre de 2022, ces Ukrainiens qu'on nous a présentés comme aussi religieux que des Italiens ou des Grecs et qu'on constate une assistance à la liturgie pascale de 0,2%. A peine une minime fraction du catholicisme français, pourtant réputé en pleine déliquescence.

On nous prend pour des imbéciles, et on a eu raison en ce qui me concerne.

Pour le reste, on ne m'ôtera pas de la tête que les autocéphalistes ukrainiens et le patriarcat de Moscou se disputent des monuments historiques (genre la laure des grottes de Kiev) dans un pays athée militant de culture soviétique et où les rares chrétiens orthodoxes se sont évaporés dans les sectes néo-protestantes importées d'Amérique du Nord. Je me demande bien quelle a pu être l'action pastorale du patriarcat de Moscou ou celle des autocéphalistes en Ukraine depuis 1991, au vu d'une chute aussi énorme.
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

Selon le Wikipédia polonais https://pl.wikipedia.org/wiki/Polski_Au ... %C5%82awny , l'Eglise orthodoxe de Pologne revendiquait 503'996 fidèles (ici encore, la précision est supposée faire authentique...) fin 2020. Mais le recensement de 2011 n'en avait trouvé que 156'300.

Les revendications de l'Eglise orthodoxe de Pologne sont sans doute aussi crédibles que les 321 millions de francophones (!!!!) de l'Organisation internationale de la Francophonie. Comme si l'inflation des chiffes pouvait tenir lieu de valeur spirituelle ou culturelle.
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

Les résultats du recensement bulgare de 2021 sont désormais disponibles https://en.wikipedia.org/wiki/Religion_in_Bulgaria

En 1995, Z. Żuchowska estimait à 7'250'000 le nombre des orthodoxes en Bulgarie.
Le recensement de 2021 en a trouvé 4'091'780.
Un déclin de 43,56%(presque la moitié) en un quart de siècle n'est pas un renouveau.

Dans le même temps, la population bulgare dans son ensemble a baissé de 23,18% - moitié moins vite que la population orthodoxe.

En toute logique, le christianisme orthodoxe a baissé de 83,4% de la population en 1992 à 62,7% en 2021.

La plupart des cris de triomphe à propos de la "nouvelle évangélisation", du "renouveau religieux" postcommuniste, du "mysticisme slave", reposent sur des statistiques dépassées... ou sur l'absence de statistiques.

Il faudra peut-être renoncer un jour à la politique de l'autruche et regarder la réalité en face.
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

Toutes ces statistiques sont bien entendu à prendre avec précaution.

S'agissant en particulier de l'ex-Yougoslavie et des autres territoires qui faisaient partie de l'Empire ottoman, l'auto-désignation comme "orthodoxe" à un recensement revient dans la plupart des cas à revendiquer une appartenance ethnique ("Je dis que je suis orthodoxe pour dire que je suis Macédonien ethnique et pas Albanais ethnique") ou à rejeter une appartenance ("Je dis que je suis orthodoxe pour dire que je ne suis pas musulman").

On le constate en Suisse, où, à l'époque où il y avait encore des recensements, on constatait un gouffre béant entre le nombre de personnes qui se déclaraient orthodoxes au recensement et la fréquentation des lieux de culte, parce que plusieurs dizaines de milliers d'ex-Yougoslaves athées (Serbes, Monténégrins, Macédoniens) se déclaraient orthodoxes au recensement.

L'application de critères objectifs ou de sociologie religieuse conduirait à des résultats beaucoup plus bas que ceux qu'indiquent les recensements serbes, bulgares, macédoniens, et même, maintenant, grecs et roumains.

Il n'y a certainement pas 4 millions d'orthodoxes en Bulgarie, mais le nombre réel des orthodoxes n'y a certainement pas non plus baissé de 40% en trente ans. Il s'agit de fluctuations d'une désignation sur base ethnique, appelée à baisser au fur et à mesure que le lien entre ethnie et religion s'effacera et que les anciens territoires de l'Empire ottoman s'aligneront sur une conception civique de la nationalité. (Il n'y a pas besoin de se dire catholique romain pour s'affirmer Français).
Claude le Liseur
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Re: Renouveau religieux, vraiment?

Message par Claude le Liseur »

Il convient avant tout de signaler que, malgré une augmentation générale du niveau de vie depuis la chute du communisme dans la plupart des pays de l'ex-bloc soviétique - la Pologne ou les pays baltes, bien entendu, mais aussi la Roumanie ou la Slovaquie -, ces pays connaissent un mouvement d'émigration que rien, jusqu'à présent, ne semble enrayer.

La Bulgarie a perdu 23,18% de sa population entre 1992 et 2021.

La Lituanie a perdu 22,78% de sa population entre 1991 et 2022.

La Roumanie a perdu 16,47% de sa population entre 1992 et 2021.

Seule exception, la Pologne, très catholique et féconde, a vu sa population augmenter de 3,1% de 1989 à 2022 - mais, en réalité, cette augmentation est intervenue dans les années 1990 et, depuis 1998, c'est le déclin.

Il faut garder à l'esprit le contexte général de pays qui ont fait d'énormes progrès sur le plan économique, mais qui connaissent une situation démographique plus que préoccupante.
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