Nikolas a écrit :
Mgr Stephane de Tallinn a certes une vision claire et correcte de l'Eglise, Eglise locale, dans cet article fort intéressant ; mais il a cependant une interprétation erronée du 28e canon de Chalcédoine (lui faisant dire ce qu'il ne dit pas). Mais puisque cela n'est pas le sujet de ce fil, ni de son article, je ne développerai pas le sujet ici.
Dans son livre, Mgr Stéphane de Tallinn et de toute l'Estonie fait une allusion au 28e canon, toujours dans cette interprétation erronée qui étend la portée de ce canon de trois diocèses à la moitié de la planète. Il semble que tout théologien du patriarcat oecuménique doive une fois par livre sacrifier à ce rituel, mais le 28e canon est maintenant bien enrayé (je n'ai pu m'empêcher le jeu de mots - mille excuses) et l'on n'en fait guère plus usage. La réalité, c'est que les convulsions de l'Histoire, les nécessités pratiques, l'ouverture d'esprit de certains patriarches, bien plus que le droit canonique, qui ont conduit Constantinople à être une Église moins «ethnique», plus universelle que les autres, encore que, finalement, certaines des autres Églises locales tendent à sortir un peu, par la force des choses, du phylétisme à la mode 1900:
- depuis 1945, Alexandrie a cessé d'être une Église grecque en terre égyptienne pour assumer sa mission sur tout le continent africain;
- Antioche est l'Église des Arabes, mais elle a un appendice purement anglo-saxon assez conséquent aux États-Unis d'Amérique;
- Jérusalem a maintenant une paroisse qui célèbre en hébreu afin de tenir compte des réalités de la société israélienne et de toucher d'autres milieux que les Palestiniens orthodoxes;
- Moscou assure la traduction des textes liturgiques en thaï, et je suppose que le livre de prières bilingue slavon-lao qu'un ami de Moscou m'a fait parvenir suite à un voyage en Thaïlande doit être interprété comme l'amorce d'un projet missionnaire au Laos;
- les plus grandes communautés orthodoxes francophones en Europe sont sous la juridiction du patriarcat de Serbie;
- même le patriarcat de Bulgarie a un monastère germanophone (le seul monastère orthodoxe germanophone au monde!) en Allemagne, et même le patriarcat de Géorgie a un monastère anglophone aux États-Unis d'Amérique;
- aux États-Unis d'Amérique précisément, l'OCA est d'un pluralisme culturel étonnant quand on connaît le contexte de ce pays, puisqu'elle assure la célébration du culte en au moins quatre langues sur le territoire étasunien (anglais, slavon, roumain et albanais), auxquelles s'ajoutent l'espagnol au Mexique et le français au Canada et en Haïti, l'OCA ayant à Montréal la seule paroisse orthodoxe francophone de toute l'Amérique du Nord.
Il en reste néanmoins vrai que Constantinople est l'Église locale la plus ouverte sur le plan culturel et ethnique, et pas seulement grâce à ses deux Églises autonomes de Finlande et d'Estonie ou grâce à ses missions d'Amérique centrale, d'Inde, d'Indonésie et des Philippines. Mais il faut à mon avis y voir beaucoup plus une conséquence des vicissitudes du XXe siècle (privé de son troupeau par Mustafa Kemal en 1922, puis par Adnan Menderes en 1955, le patriarcat de Constantinople devait s'ouvrir ou périr) que d'un canon du Ve siècle...