Chant du Symbole de Foi?

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Nikolas
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Chant du Symbole de Foi?

Message par Nikolas »

Bonjour,

Dans son livre La mystification fatale, C. Lampryllos écrit que l’usage de chanter le symbole au lieu de le réciter est une innovation. Il aborde ce sujet suite à une citation d’une phrase d’Alcuin (730-804) que je reproduis ci-dessous:
« Alcuin, le grand Alcuin, tonnant contre l’hérésie espagnole (ndlr: le filioque), « Hispanici erroris sectam », comme il l’appelait dans sa lettre aux Frères Lyonnais, « suivez dans la foi les traces des anciens Pères et rangez-vous à l’unanimité de la sainte Eglise universelle… ne tentez pas d’insérer des nouveautés dans le symbole de la foi catholique, et ne vous décidez pas à affectionner dans les offices ecclésiastiques des traditions inconnues dans les temps anciens 1 ».

Note :
1. Voyez Alcuini opera ed. Querétaro (Duchesne), Parisiis 1617 ; Epist. 69 ad. frat. Lugdunenses, edit. Migne, t. I, p. 281, sous le n° 90. - Henri Canisius dans son édition des œuvres d’Alcuin (collect. Basnage), range cette épitre sous le n°8, et il avoue loyalement que cette nouveauté, dont parle Alcuin, regarde l’addition du filioque. Nous y ajouterons que, par tradition ou usage inconnu des anciens, Alcuin entend parler de la nouveauté de chanter le symbole au lieu de le réciter. Voyez append. B.

La Mystification fatale, Etude orthodoxe sur le filioque, de Cyrique Lampryllos, Ed. L'Age d'Homme, Lausanne, 1987 ; p.28
APPENDICE B
Chant du Symbole (page 28)

L’usage de chanter le symbole au lieu de la réciter, n’a commencé à se développer dans le Nord et l’Occident de l’Europe, qu’à une époque postérieure à l’invasion des Barbares. Cette innovation ne s’introduisit que plus tard encore en Italie et à Rome, car nous avons vu qu’entre autres recommandations, Léon III engageait Charlemagne à défendre le chant du symbole, vu que cet usage n’était pas pratiqué à Rome. (Fleury 1. 45 ch.48).
Cette innovation me semble tirer son origine d’une méprise, provenant de l’ignorance dans laquelle se trouvaient alors les Barbares du Nord, relativement à la langue latine : Le verbe latin canere signifie non seulement chanter mais encore réciter (Voir le dictionnaire de Quicherat) ; il est donc très probable que lisant dans les formulaires des offices la rubrique : nunc canitur symbolum, ils aient pris ce verbe dans le sens de chanter ; trouvant ensuite le chant plus agréable que la simple récitation, ils s’attachèrent à cet usage, et n’en voulurent plus démordre.

[Je passe la dernière partie de cet appendice qui n’a pas d’utilité ici]

Op. cit. p.73
Henri (ndlr: Henri II empereur germanique, lors de son séjour à Rome en l’an 1014) demanda aux prêtres de Rome, pourquoi après la lecture de l’Evangile, ils ne chantaient pas le symbole de la foi comme il était d’usage dans les autres pays? Ils répondirent que l’Eglise romaine, n’ayant été jamais atteinte d’hérésie, n’avait pas besoin d’attester sa foi par l’énonciation du symbole qui la définit. Il n’appartient pas à mon sujet de parler de la bourde que contient la première partie de cette réponse. D’autres l’ont surabondamment prouvée ; mais, quant à la conclusion que ces prêtres en tiraient, c’était, comme à l’ordinaire, un piteux subterfuge, basé sur un mensonge capital, puisque avant la mesure prise par Léon III, dont nous avons parlé précédemment (ndlr: érection des blasons d’argent avec le Symbole de Foi dans la Basilique st Pierre de Rome), le symbole était récité pendant la Messe à Rome comme partout ailleurs. (…) Toutefois l’empereur persuada au pape Benoît de faire chanter le symbole à la Messe solennelle ; ce fut alors qu’à Rome pour la première fois le symbole, au lieu d’être récité, comme d’ordinaire, fut chanté, et qu’il y fut pour la première fois altéré par l’interpolation du filioque, c’est à dire adultéré. (Voir Fleury, liv. 58, qui s’en rapporte à Berno Augiensis, De rebus ad Missam pertinentibus cap. II).

Op. cit. p.64-65.
L’usage traditionnel orthodoxe serait donc de réciter le symbole?
Quelqu’un aurait il des informations à ce sujet ?

Dans la tradition liturgique russe actuelle, l’usage est de chanter le symbole alors qu’a ma connaissance (quelques monastères de juridiction grec en France) l’usage grec est de le réciter.
Faut il donc voir dans l’usage slave une influence latine, qui serait de même origine et de même époque que l’influence latine sur le chant russe au XVIIe siècle, qui engendra le chant russe actuel ?
Nikolas
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Re: Chant du Symbole de Foi?

Message par Nikolas »

Dans un autre fil, JL Palierne répond à ma dernière question:
« Auparavant, en Occident comme en Orient on disait le Credo et le Notre Père. C'est pourquoi il n'en existait pas en musique grégorienne ancienne. L'Église russe a adopté l'usage latin de les chanter depuis l'introduction de la musique latine au XVIIème siècle. »
viewtopic.php?p=8938#p8938
Mais il en soulève de nouvelles, dans un message d’un autre fil,
nous voyons dans la pratique de la “Liturgie des Gaules” réalisées un grand nombre des modifications que les modernistes voulaient apprter dans l’Église orthodoxe
Parmi le liste qu'il dresse de ces modifications, on trouve:
« chant collectif du Symbole et du Notre Père »
viewtopic.php?p=2592#p2592
L'influence latine sur le chant liturgique russe est donc le précurseur du modernisme actuelle?
Le chant collectif du Symbole est il une aberration liturgique?
Et que vient faire cette innovation dans cette liste en rapport avec l'ECOF et les neo-modernistes alors qu'elle est déjà pratiqué dans la tradition russe comme nous l'avons dit.

Dans le message suivant de ce fil, Antoine répond :
« Par exemple le fait que le symbole soit chanté était déjà une controverse dans l'Eglise ancienne (…)»
viewtopic.php?p=2593#p2593
Quelle fut cette controverse?

Est il contraire à l'Orthodoxie de chanter le Symbole de Foi plutot que de le réciter?
Personnellement je ne vois pas en quoi, même si il est clairement établit, comme le montre C. Lampryllos, que du point de vue historique cet usage franko-germanique arriva à Rome (en même temps que le filioque) en 1014, et ce qui devint un usage de l'Eglise latine passa dans l'Eglise Russe au XVIIe siècle (en même temps que la modification du style de chant liturgique).
Claude le Liseur
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Re: Chant du Symbole de Foi?

Message par Claude le Liseur »

Le Père Guettée parle aussi de cette lettre d'Alcuin dans La Papauté schismatique.

Ceci étant, le problème était l'insertion du Filioque dans le Credo: probablement que ce qui avait toujours été récité, c'était le Credo sans Filioque et que ce qui était chanté, c'était le Credo avec l'insertion du Filioque.

Dans le rit des Gaules, à ma connaissance, il n'y avait pas de Credo à la liturgie - ce qui, au demeurant, a dû affaiblir la conscience dogmatique du peuple et faciliter la mystification fatale.
Nikolas
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Re: Chant du Symbole de Foi?

Message par Nikolas »

Claude le Liseur a écrit : Ceci étant, le problème était l'insertion du Filioque dans le Credo: probablement que ce qui avait toujours été récité, c'était le Credo sans Filioque et que ce qui était chanté, c'était le Credo avec l'insertion du Filioque.
Oui c'est aussi ce que je pense.
Claude le Liseur a écrit : Dans le rit des Gaules, à ma connaissance, il n'y avait pas de Credo à la liturgie - ce qui, au demeurant, a dû affaiblir la conscience dogmatique du peuple et faciliter la mystification fatale.
Merci pour cette information.
FABRE
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Re: Chant du Symbole de Foi?

Message par FABRE »

pardon Claude, mais si, dans le rit des Gaules il y a le Credo chanté et sans ajout du Filioque.
Claude le Liseur
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Re: Chant du Symbole de Foi?

Message par Claude le Liseur »

FABRE a écrit :pardon Claude, mais si, dans le rit des Gaules il y a le Credo chanté et sans ajout du Filioque.
A ma connaissance, il n'en allait pas ainsi dans le rit des Gaules avant sa reconstitution par Mgr Jean de Saint-Denis (Eugraphe Kovalevsky) au XXe siècle. Pour autant que je sache, aucune des liturgies latines, aussi bien de tradition gallicane (rit des Gaules, rit wisigothique, rit celtique, rit milanais ou ambrosien) que de tradition romaine ou de tradition africaine, ne connaissait la récitation du Credo à la liturgie. Il me semble bien que l'usage, dans les Eglises de langue latine, a été imposé par Charlemagne à la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle à la fin du VIIIe siècle (ce qui a permis, soit dit en passant, de faire gober le Filioque au bon peuple ignorant).
Encore aujourd'hui, les paroisses orthodoxes qui célèbrent le rit des Gaules ne chantent le Credo que les dimanches et les fêtes du Seigneur et l'omettent lorsqu'il a été confessé avant la liturgie au cours d'un baptême ou d'une confession de la foi orthodoxe (cf. Michel Mendez - aujourd'hui évêque Grégoire de l'Eglise orthodoxe des Gaules -, La messe de l'ancien rite des Gaules. Origine et restauration, L'Harmattan, Paris 2011, p. 215 - livre que je recommande sans réserves malgré le peu de compréhension que j'ai pour les positions du groupe auquel appartient l'auteur).

Dans le rit romain, l'usage de chanter le Credo à la liturgie était inconnu jusqu'à l'intervention de l'empereur germanique Henri II en 1014 - d'où, là encore, adoption du Filoque (Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien, 3e édition, Fontemoing, Paris 1903, note 1 p. 172).

Il faut aussi préciser que, dans le rit byzantin, l'usage de réciter le Credo de Nicée-Constantinople à la liturgie est postérieur de plusieurs décennies au concile de Constantinople de 381. Selon Mgr Duchesne, reprenant Théodore le Lecteur, cet usage fut introduit d'abord à Antioche par l'évêque Pierre le Foulon en 474, puis à Constantinople par le patriarche Timothée en 511. Mgr Duchesne pense que, ces deux évêques appartenant au parti monophysite, l'insistance sur la proclamation du Credo de Nicée-Constantinople était une manière de protestation contre toute formule de foi de postérieure au concile de 381, et donc en particulier contre la définition de Chalcédoine que le lecteur intéressé pourra trouver en grec, en latin et en français sur le présent forum viewtopic.php?f=8&t=2428 . L'idée de ces deux patriarches de tendance monophysite fut toutefois trouvée bonne, et conservée lorsque leurs sièges furent revenus à la foi orthodoxe (cf. Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien, 3e édition, Fontemoing, Paris 1903, p. 84).
Nikolas
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Re: Chant du Symbole de Foi?

Message par Nikolas »

Claude le Liseur a écrit :Il faut aussi préciser que, dans le rit byzantin, l'usage de réciter le Credo de Nicée-Constantinople à la liturgie est postérieur de plusieurs décennies au concile de Constantinople de 381. Selon Mgr Duchesne, reprenant Théodore le Lecteur, cet usage fut introduit d'abord à Antioche par l'évêque Pierre le Foulon en 474, puis à Constantinople par le patriarche Timothée en 511. Mgr Duchesne pense que, ces deux évêques appartenant au parti monophysite, l'insistance sur la proclamation du Credo de Nicée-Constantinople était une manière de protestation contre toute formule de foi de postérieure au concile de 381, et donc en particulier contre la définition de Chalcédoine que le lecteur intéressé pourra trouver en grec, en latin et en français sur le présent forum viewtopic.php?f=8&t=2428 . L'idée de ces deux patriarches de tendance monophysite fut toutefois trouvée bonne, et conservée lorsque leurs sièges furent revenus à la foi orthodoxe (cf. Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien, 3e édition, Fontemoing, Paris 1903, p. 84).
En poursuivant ma lecture du fort instructif recueil d'article de l'archevêque Georges Wagner (1930-1993) : La liturgie, Expérience de l'Eglise ; je suis tombé sur un passage qui complémentera vos propos ci-dessus.
Ce patriarche antiochien, adversaire acharné du Concile de Chalcédoine, est surtout connu dans l'histoire pour son ajout monophysite au texte du trisagion - innovation que la tradition orthodoxe byzantine a toujours rejetée. Mais son patriarcat mouvementé (465-475) est encore caractérisé par au moins quatre innovations liturgiques importantes - innovations que l'historien byzantin Nicéphore Calliste au XIVe siècle appelera des "innovations très utiles (ou positives) pour l'Eglise universelle".*
Ces quatre innovations liturgiques de Pierre le Foulon sont, selon le témoignage de Théodore le Lecteur (un auteur écrivant vers l'an 530) :
- la consécration du saint myron en présence de tout le peuple,
- la consécration de l'eau aux vêpres de la Théophanie,
- la récitation du Symbole de la foi à chaque liturgie (tandis qu'avant, il n'était utilisé qu'une fois chaque année : le Grand Vendredi pendant la "traditio symboli" aux candidats du baptême),
- la commémoration de la Théotokos pendant chaque prière (nous devons peut-être penser aux conclusions de nos litanies byzantines : Τής παναγίας...).

* Nicéphore calliste, Historia Ecclesiastica XV, 28 ; PG 147, 84 B.

La liturgie, Expérience de l'Eglise. Etudes liturgiques. Edition des Presses Saint-Serge - Institut de théologie orthodoxe, Paris 2003. La consécration du myron, p.148-149.
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