Lourdes

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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

L'enquête canonique du père Cros a permis aux autorités ecclésiastiques romaines d'opérer un tri parmi les voyants et, avec l'aide des premiers fans de Bernadette, en particulier J.B. Estrade, de publier la version officielle. Enquête canonique = Cros était envoyé par Rome et il a fait remarquablement bien son boulot, qui était d'informer ses supérieurs hiérarchiques. C'est ce qui rend ses fiches si précieuses car on y voit les faits bruts et non la légende élaborée.Mais il n'y a pas de seconde enquête. Ensuite, il n'y a que le processus de récupération légendaire: on a choisi Bernadette, on l'envoie au couvent loin de la région dès que possible pour qu'elle ne vienne pas interférer, on explique que les autres, c'est le démon et on organise le pèlerinage.
Je ne peux pas mettre sur le forum un bouquin de plusieurs centaines de pages, même s'il n'est trouvable que chez les bouquinistes. Mais je vais essayer de vous débroussailler l'historique de l'élaboration. Un tout petit peu de patience.
Si cela peut intéresser quelqu'un, voici un article sur Lourdes que j'ai écrit il y a au moins 10 ans pour une revue de sciences humaines transdisciplinaire et qui a été repris par des copains ufologues sur leur site http://www.studiovni.com/
Il faut aller dans articles et il s'intitule "L'onirisme et le visionnaire".
Attention, ce n'est pas de la théologie, l'article au départ s'adressait à un groupe de recherche en sciences humaines comprenant psychologues, sociologues, ethnologues et onirologues.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Nikolas
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Re: Lourdes

Message par Nikolas »

zohra a écrit :Je voudrais savoir si les orthodoxes se rendent à Lourdes ou pas du tout.
Communiqué N°04-11 du Conseil de l’Archevêché - Réunion du 28 septembre 2011
Mgr Gabriel a donné sa bénédiction à l’organisation de célébrations liturgiques pour les fidèles orthodoxes russophones venant à Lourdes. Le travail pastoral dans cette ville est confié à l’archiprêtre Georges Ashkoff qui continuera à assurer son service à la paroisse de Biarritz
http://www.exarchat.eu/spip.php?article1208
Nikolas
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Re: Lourdes

Message par Nikolas »

Nikolas a écrit :
zohra a écrit :Je voudrais savoir si les orthodoxes se rendent à Lourdes ou pas du tout.
Communiqué N°04-11 du Conseil de l’Archevêché - Réunion du 28 septembre 2011
Mgr Gabriel a donné sa bénédiction à l’organisation de célébrations liturgiques pour les fidèles orthodoxes russophones venant à Lourdes. Le travail pastoral dans cette ville est confié à l’archiprêtre Georges Ashkoff qui continuera à assurer son service à la paroisse de Biarritz
http://www.exarchat.eu/spip.php?article1208
Le feuillet de l'Exarchat russe en Europe Occidentale (Patriarcat de Constantinople) du mois d'Avril, n°44, a pour thème de fond Lourdes, http://www.exarchat.eu/IMG/pdf/Feuillet ... il2012.pdf avec au sommaire:
- Un court article de Michel Stavrou (professeur de Dogmatique à l'Institut st Serge, Paris) intitulé "La place de la Mère de Dieu dans la piété orthodoxe".
- un article sur la toute jeune communauté orthodoxe de Lourdes
- Un bref résumer sur Lourdes
- Le témoignage de Métropolite Euloge (1868-1946) sur sa visite à Lourdes

Dans son article Mr Stavrou qui conclut par un paragraphe sur les apparitions de la Mère de Dieu à Lourdes, évoque un article du grand théologien Vladimir Lossky a ce sujet. Comme il ne me semble pas que cet article de Vladimir Lossky, sur les apparitions de Lourdes, figure dans ce fil je le reproduis dans le message suivant pour l'information du lecteur.
Nikolas
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Re: Lourdes

Message par Nikolas »

Nikolas a écrit : Le feuillet de l'Exarchat russe en Europe Occidentale (Patriarcat de Constantinople) du mois d'Avril, n°44, a pour thème de fond Lourdes, http://www.exarchat.eu/IMG/pdf/Feuillet ... il2012.pdf avec au sommaire:
- Un court article de Michel Stavrou (professeur de Dogmatique à l'Institut st Serge, Paris) intitulé "La place de la Mère de Dieu dans la piété orthodoxe".
- un article sur la toute jeune communauté orthodoxe de Lourdes
- Un bref résumer sur Lourdes
- Le témoignage de Métropolite Euloge (1868-1946) sur sa visite à Lourdes

Dans son article Mr Stavrou qui conclut par un paragraphe sur les apparitions de la Mère de Dieu à Lourdes, évoque un article du grand théologien Vladimir Lossky a ce sujet. Comme il ne me semble pas que cet article de Vladimir Lossky, sur les apparitions de Lourdes, figure dans ce fil je le reproduis dans le message suivant pour l'information du lecteur.
L'article de Vladimir Lossky auquel fait référence Mr Stavrou est consacré au dogme catholique-romain de l'Immaculée Conception. Le passage où il évoque les apparitions de Lourdes figure dans les notes conjointes de l'article (1ère note).
LE DOGME DE L'IMMACULÉE CONCEPTION

par Vladimir Lossky

La Vierge royale, revêtue de vrai titres
de gloire et de dignités,
n’a pas besoin d’une fausse gloire.

Bernard de Clairvaux

Certaines personnes, se laissant tromper par une ressemblance d’expressions verbales ou par une fausse association d’idées, sont portées à confondre l’enseignement de l’Église romaine sur l’Immaculée Conception de Marie avec le dogme de la conception virginale de notre Seigneur Jésus Christ. Le premier de ces enseignements, représentant une innovation du catholicisme romain, se rapporte à la naissance de la Vierge elle-même, tandis que le second, trésor commun de la foi chrétienne, concerne la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ, « Qui, pour nous hommes et pour notre salut est descendu des cieux et s’est incarné de l’Esprit Saint et de Marie la Vierge, et s’est fait homme » (Symbole de Foi de Nicée-Constantinople).

La doctrine de l’Immaculée Conception prend son origine dans la dévotion particulière que certains milieux spirituels de l’Occident séparé vouaient à la Vierge depuis la fin du XIIIe siècle. Elle fut proclamée « vérité révélée » le 8 décembre 1854, par le pape Pie IX motu proprio (sans convocation de concile). Ce nouveau dogme fut promulgué dans l’intention de glorifier la Sainte Vierge, qui, en tant qu’instrument de l’Incarnation de notre Seigneur, devient Coopératrice de notre rédemption. D’après cette doctrine, elle jouirait d’un privilège particulier, celui d’être exemptée du péché originel dès le moment de sa conception par ses parents Joachim et Anne. Cette grâce spéciale qui la ferait, pour ainsi dire, rachetée avant l’oeuvre de la Rédemption, lui aurait été accordée en prévision du mérite futur de son Fils. Pour s’incarner et devenir « Homme parfait », le Verbe divin avait besoin d’une nature humaine, non contaminée par le péché : il fallait donc que le vase dans lequel il assumait son humanité fût pur de toute souillure, purifié d’avance. De là, selon les théologiens romains, la nécessité de prêter à la Vierge, bien que conçue naturellement et comme toute créature humaine, un privilège spécial, la plaçant en dehors de la postérité d’Adam et la libérant de la faute originelle commune au genre humain. En effet, d’après le nouveau dogme romain, la Sainte Vierge aurait participé, dès le sein de sa mère, à l’état du premier homme avant le péché.

L’Église orthodoxe qui a toujours rendu un culte particulier à la Mère de Dieu, exaltée au-dessus des esprits célestes, « plus vénérable que les chérubins et incomparablement plus glorieuse que les séraphins » (hymne du rite byzantin), n’a jamais admis – du moins dans le sens que lui prête l’Église de Rome – le dogme de l’Immaculée Conception. La définition : « privilège accordé à la Vierge en vue du mérite futur de son Fils » répugne à l’esprit de l’orthodoxie chrétienne ; elle ne peut accepter ce juridisme outrancier qui efface le caractère réel de l’oeuvre de notre Rédemption, ne voyant en elle qu’un mérite abstrait du Christ, imputable à une personne humaine avant la Passion et la Résurrection, avant même l’Incarnation du Christ et ceci par décret spécial de Dieu. Si la Sainte Vierge pouvait jouir des effets de la Rédemption avant l’oeuvre rédemptrice du Christ, on ne voit pas pourquoi ce privilège n’aurait pu être étendu à d’autres personnes, à tout le lignage du Christ, par exemple, à toute cette postérité d’Adam, qui contribua de génération en génération à préparer la nature humaine assumée par le Verbe dans le sein de Marie. En effet, cela eût été logique et conforme à l’idée que nous avons de la bonté de Dieu, et pourtant l’absurdité d’une telle conjecture est éclatante une humanité jouissant d’un « non-lieu » malgré sa chute, sauvée d’avance et attendant, néanmoins l’oeuvre de son salut par le Christ ! Ce qui semble absurde, appliqué â toute l’humanité antérieure au Christ, ne l’est pas moins lorsqu’il s’agit d’un seul être humain. Le contresens n’apparaît que plus manifeste : afin que l’oeuvre de la Rédemption pût s’accomplir pour toute l’humanité, il fallait qu’elle s’accomplit, au préalable, pour l’un de ses membres. Autrement dit, pour que la Rédemption eût lieu, il fallait qu’elle existât déjà, que quelqu’un jouît d’avance de ses fruits.

On nous répondra sans doute que ceci est légitime lorsqu’il s’agit d’un être aussi exceptionnel que la Sainte Vierge, prédestinée à servir d’instrument à l’Incarnation et, par cela même, à la Rédemption. Dans une certaine mesure ceci est vrai : la Vierge qui enfanta sans tache le Verbe, vrai Dieu et vrai homme, ne fut pas un être ordinaire. Mais peut-on la séparer d’une manière aussi absolue, dès le moment de sa conception par Joachim et Anne, du reste de la postérité d’Adam ? En l’isolant ainsi ne court-on pas le risque de déprécier toute l’histoire de l’humanité avant le Christ, d’abolir le sens même de l’Ancien Testament, qui fut une attente messianique, une préparation progressive de l’humanité à l’Incarnation du Verbe ? En effet, si l’Incarnation n’était conditionnée que par le privilège accordée à la Vierge « en vue du mérite de son Fils », la venue du Messie dans le monde pouvait s’accomplir à n’importe quel autre moment de son histoire ; à n’importe quel moment Dieu pouvait, par un décret spécial qui n’aurait dépendu que de l’arbitraire divin, créer l’instrument immaculé de son Incarnation, sans tenir compte de la liberté humaine dans les destinées du monde déchu ? Pourtant, l’histoire de l’Ancien Testament nous apprend autre chose : le sacrifice volontaire d’Abraham, les souffrances de Job, l’oeuvre des prophètes, toute l’histoire enfin du peuple élu avec ses ascensions et ses chutes, n’est pas seulement un assemblage de préfigurations du Christ, mais aussi une épreuve incessante de la liberté humaine répondant à l’appel divin, fournissant à Dieu, dans cet acheminement lent et laborieux, les conditions humaines nécessaires à l’accomplissement de sa promesse.

Toute l’histoire biblique se découvre ainsi comme une préparation de l’humanité à l’Incarnation, à cette « plénitude des temps », lorsque l’ange fut envoyé pour saluer Marie et recueillir de ses lèvres les paroles de consentement de l’humanité à ce que le Verbe se fît chair : Voici la servante de Dieu, qu’il me soit fait selon ta parole (Lc 1, 38).

Nicolas Cabasilas, un théologien byzantin du XIVe siècle, disait dans son homélie sur l’Annonciation : « L’Incarnation fut non seulement l’oeuvre du Père, de sa Vertu et de son Esprit, mais aussi l’oeuvre de la volonté et de la foi de la Vierge. Sans le consentement de l’Immaculée, sans le concours de la foi, ce dessein était aussi irréalisable que sans l’intervention des trois Personnes divines elles-mêmes. Ce n’est qu’après l’avoir instruite et persuadée, que Dieu la prend pour Mère, et lui emprunte la chair qu’elle veut bien lui prêter. De même qu’il incarnait volontairement, de même voulait-il que sa Mère l’enfantât librement et de son plein gré (édition Jugie, Patrologia orientalis, XIX, 2).

Si la Sainte Vierge avait été isolée du reste de l’humanité par un privilège de Dieu lui conférant d’avance l’état de l’homme avant le péché, alors son consentement libre à la volonté divine, sa réponse à l’archange Gabriel, perdraient le lien de solidarité historique avec les autres actes qui contribuèrent à préparer, au long des siècles, l’avènement du Messie ; alors serait rompue la continuité avec la sainteté de l’Ancien Testament qui s’accumulait de génération en génération pour s’achever enfin en la personne de Marie, Vierge toute pure dont l’humble obéissance devait franchir le dernier pas qui, du côté humain, rendait possible l’oeuvre de notre salut. Le dogme de l’Immaculée Conception, tel qu’il est formulé par l’Église romaine, déchire cette sainte continuité des justes ancêtres de Dieu qui trouve son terme final dans le Ecce ancila Domini. L’histoire d’Israël perd son sens intrinsèque, la liberté humaine est privée de toute sa valeur et la venue même du Christ qui s’effectuerait en vertu d’un décret arbitraire de Dieu, reçoit le caractère d’une apparition de deus ex machina, faisant irruption dans l’histoire humaine. Tels sont les fruits d’une doctrine artificielle et abstraite qui, en voulant glorifier la Vierge, la prive de son lien intime, profond, avec l’humanité et, en lui conférant le privilège d’être exemptée du péché originel dès le moment de sa conception, diminue singulièrement la valeur de son obéissance au message divin le jour de l’Annonciation.

L’Église orthodoxe rejette l’interprétation catholique romaine de l’Immaculée Conception. Pourtant, elle honore la Sainte Vierge par les appellations d’« immaculée », « sans tache », « toute pure ». Saint Éphrem le Syrien (IVe siècle) dit même : « Toi, Seigneur, ainsi que ta Mère, vous êtes seuls parfaitement saints, car tu n’as aucune tâche, Seigneur, et ta Mère n’a aucun péché » (Carp. Nisib. 27,8). Comment cela est-il possible en dehors des cadres juridiques (privilège d’exemption) du dogme de l’Immaculée Conception ?

D’abord, il faut distinguer entre le péché originel, en tant que faute commise envers Dieu et commune à toute l’humanité depuis Adam, et le même péché, force du mal opérant dans la nature de l’humanité déchue ; de même, il faut distinguer entre la nature commune â toute l’humanité et la personne propre à chacun en particulier. Personnellement, la Vierge fut étrangère à toute tache, à tout péché, mais, en vertu de sa nature, elle portait avec tous les descendants d’Adam la responsabilité de la faute originelle. Ceci suppose que le péché en tant que force du mal était inagissant dans la nature de la Vierge élue progressivement purifiée dans les générations de ses justes ancêtres et protégée en elle par la grâce dès le moment de sa conception.

La Sainte Vierge fut protégée de toute souillure mais non pas exemptée de la responsabilité de la faute d’Adam, faute qui ne pouvait pas être abolie dans l’humanité déchue que par la Personne divine du Verbe.

L’Écriture nous fournit d’autres exemples d’assistance divine et de sanctification dès le sein de la mère : David, Jérémie (Avant de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais et, avant que tu sortisses de ses flancs, je t’ai consacré (Jr 1,5), enfin Jean Baptiste (Lc 1,41). C’est dans ce sens que l’Église orthodoxe fête depuis l’antiquité le jour de la Conception de la Sainte Vierge (8 décembre), comme elle fête aussi la Conception de saint Jean Baptiste (24 septembre). Il faut noter, à ce sujet, que le dogme romain établit, en ce qui concerne la conception de la Vierge par Joachim et Anne, une distinction entre « conception active » et « conception passive », celle-là étant oeuvre naturelle de la chair, l’acte des parents qui engendrent, celle-ci ne concernant que l’effet de l’union conjugale ; le caractère d’« Immaculée Conception » ne s’applique qu’à l’aspect passif de la conception de la Vierge.

L’Église orthodoxe, étrangère à cette aversion devant ce qui se rapporte à la nature charnelle, ne connaît pas de distinction artificielle entre « conception active » et conception passive ». En célébrant la conception de la nativité de la Sainte Vierge et de saint Jean Baptiste, elle rend témoignage au caractère miraculeux de ces naissances, elle vénère la chaste union des parents en même temps que la sainteté de leurs fruits. Pour la Vierge comme pour Jean Baptiste, cette sainteté ne réside pas dans un privilège abstrait de non-culpabilité, mais dans un changement réel de la nature humaine progressivement purifiée et rehaussée par la grâce dans les générations précédentes. Cette ascension incessante de notre nature, destinée à devenir celle du Fils de Dieu incarné, se poursuit dans la vie de Marie ; par la fête de sa Présentation au Temple (21 novembre) la Tradition témoigne de cette sanctification continue, de cette protection exercée par la grâce divine contre toute souillure du péché. La sanctification de la Vierge est consommée au moment de l’Annonciation lorsque l’Esprit Saint la rendit apte à une Conception immaculée, dans la valeur plénière de ce mot : la Conception virginale du Fils de Dieu devenu Fils de l’homme.

Note conjointe à la publication de l’article - Du dogme de l’Immaculée Conception

Écrite il y a plus de douze ans [c. 1942], cette mise au point sur le dogme catholique romain de l’Immaculée Conception aurait dû être entièrement refondue et considérablement développée. Espérant le faire un jour, nous nous contenterons pour le moment, afin de ne point retarder sa parution cette année, de compléter le texte de ce bref aperçu par deux remarques qui doivent écarter certains malentendus.

1°Quelques orthodoxes, animés d’un zèle très compréhensible pour la vérité, se croient obligés de nier l’authenticité de l’apparition de la Mère de Dieu à Bernadette et refusent de reconnaître les manifestations de la grâce à Lourdes, sous prétexte que ces phénomènes spirituels servent à confirmer le dogme mariologique étranger à la tradition chrétienne. Cette attitude, croyons-nous, n’a pas de justification, car elle provient d’un manque de discernement entre un fait d’ordre religieux et son utilisation doctrinale par l’Église romaine. Avant de porter un jugement négatif sur l’apparition de Notre Dame à Lourdes, en courant le risque de commettre un péché contre la grâce illimitée de l’Esprit Saint, il aurait été plus prudent (et plus juste) d’examiner avec la sobriété d’esprit et l’attention religieuse les paroles entendues par la jeune Bernadette et les circonstances dans lesquelles ces paroles lui ont été adressées. Pendant toute la période de ses quinze apparitions à Lourdes, la Sainte Vierge a parlé une seule fois pour se nommer. Elle dit : « Je suis l’Immaculée Conception ». Or, ces paroles ont été prononcées le 25 mars 1858, à la fête de l’Annonciation. Leur sens direct reste clair à ceux qui ne sont pas obligés de les interpréter en dépit de la saine théologie et des règles de la grammaire : la Conception immaculée du Fils de Dieu est le suprême titre de gloire de la Vierge sans tache.

2° Les auteurs catholiques romains insistent souvent sur le fait que la doctrine de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge a été reconnue, explicitement ou implicitement, par plusieurs théologiens orthodoxes, surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les listes impressionnantes des manuels de théologie rédigés à cette époque, pour la plupart dans la Russie du sud, témoignent en effet jusqu’à quel point l’enseignement théologique à l’Académie de Kiev et dans d’autres écoles d’Ukraine, de Galicie, de Lituanie ou de BiéloRussie a été affecté par les thèmes doctrinaux et dévotionnels propres à l’Église de Rome. Tout en défendant héroïquement leur foi, les orthodoxes de ces régions limitrophes subissaient inévitablement l’influence de leurs adversaires catholiques romains, car ils appartenaient au même monde de civilisation baroque, avec ses formes particulières de piété.

On sait que la théologie « latinisée » des Ukrainiens a provoqué un scandale dogmatique à Moscou vers la fin du XVIIe siècle au sujet de l’épiclèse. Le thème de l’Immaculée Conception était d’autant plus assimilable qu’il s’exprimait dans la dévotion plutôt que dans une doctrine théologique définie. C’est sous cette forme dévotionnelle qu’on trouve quelques traces de mariologie romaine dans les écrits de saint Dimitri de Rostov, prélat russe d’origine et d’éducation ukrainienne. C’est le seul nom important parmi les « autorités » théologiques que l’on cite habituellement pour montrer que le dogme de l’immaculée Conception de Marie est acceptable pour les orthodoxes. Nous n’allons pas dresser, à notre tour, une liste (combien plus imposante !) de théologiens de l’Église de Rome, dont la pensée mariologique s’oppose résolument à la doctrine transformée en article de la foi, il y a un siècle. Il suffira de citer un seul nom, celui de saint Thomas d’Aquin, pour constater que le dogme de 1854 va à l’encontre de tout ce qu’il y a de plus sain dans la tradition théologique de l’Occident séparé. Que l’on relise les passages du Commentaire aux Sentences (I, 111, 3, I, art. 1 et 2 ; 4, I) et de la Somme théologique (IIIa, 27), ainsi que d’autres écrits où le Docteur angélique traite la question de l’Immaculée Conception de la Vierge : on y trouvera l’exemple d’un jugement théologique sobre et précis, d’une pensée clairvoyante, sachant utiliser les textes des Pères occidentaux (saint Augustin) et orientaux (saint Jean Damascène) pour montrer le vrai titre de gloire de la très Sainte Vierge et Mère de notre Dieu. Depuis cent ans, ces pages mariologiques de saint Thomas d’Aquin sont scellées pour les théologiens catholiques romains, obligés de se conformer à la « ligne générale » mais elles ne cesseront pas d’être un témoignage de la tradition commune pour ceux des orthodoxes qui savent apprécier le trésor théologique de leurs frères séparés.

Vladimir LOSSKY
En la fête de la Conception
de la très Sainte Vierge Marie

Article paru dans
Le Messager de l’Exarcat du Patriarcat russe en Europe occidentale n° 20, décembre 1954.
http://www.pagesorthodoxes.net/mere-de- ... .htm#dogme
Claude le Liseur
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Re: Lourdes

Message par Claude le Liseur »

Cela confirme une fois de plus que l'Orthodoxie officielle parisienne a depuis longtemps des positions très particulières sur un fond de relativisme dogmatique qui se confirme d'année en année. Cette indifférence spirituelle et ce relativisme nous ont causé, nous causent et nous causeront encore le plus grand tort, à nous petite minorité dans les pays francophones, mais n'ont heureusement guère de conséquence pour l'Orthodoxie dans son ensemble. Il n'y a rien de plus provincial, soit dit entre parenthèses, que ce pseudo-universalisme parisien englobant sur pied d'égalité toutes les croyances vraies ou fausses.

Que le renouveau religieux assez ambigu auquel on assiste dans l'ex-Union soviétique - sur un fond d'inculture religieuse encore plus prégnante que chez nous - se traduise par la soudaine adoption par des fidèles russes de pratiques typiques du catholicisme ultramontain des années 1860-1960 comme le pèlerinage à Lourdes ou la vénération du suaire de Turin est un fait regrettable, mais qui n'est guère étonnant dans le contexte dans lequel il se manifeste. Il n'est pas plus surprenant à cet égard que, dans les pays de l'ancien bloc communiste, ce soit des évêques particulièrement connus par ailleurs pour leur adogmatisme, leur implication dans la politique et leur orientation séculière qui se fassent les promoteurs les plus fervents de ces pratiques: on reprend la tactique du clergé ultramontain du XIXe siècle - c'est-à-dire abreuver le peuple de surnaturel douteux plutôt que de lui transmettre la tradition apostolique. Il est plus regrettable que des orthodoxes qui, eux, n'ont pas l'excuse d'avoir subi la politique de déchristianisation communiste, ne fassent preuve d'aucun esprit critique devant ce genre d'opérations. J'attends avec impatience que l'on nous publie les justifications théologiques de Fatima, Medjugorje et Dozulé.

Je renvoie une fois de plus à l'article que La Voie orthodoxe avait publié voici une quinzaine d'années sur la prudence dont il convenait de faire preuve à l'égard des manifestations du monde invisible en dehors de l'Eglise orthodoxe.
Nikolas
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Re: Lourdes

Message par Nikolas »

J'en profite pour vous remercier Claude, de nous avoir fait partager cet article de moine Gorazd de Jordanville ( http://stranitchka.pagesperso-orange.fr ... html#note1 ) qui est en effet très clair et instructif sur la question des apparitions hors de l'Eglise, en analysant plus particulièrement les apparitions de Fatima, St Sebastien de Garabandal, et de Medjugorje en montrant leur caractère totalement illusoire, démoniaque et non-orthodoxe. Critique que l'on pourrait étendre d'ailleurs a beaucoup d'autres apparitions, dont Dozulé que vous mentionné (qui a d'ailleurs subi plusieurs critiques de la part des responsables latin http://fr.wikipedia.org/wiki/Dozul%C3%A9#Apparitions).

Quant à Lourdes, la question mérite, à mon sens, une étude. Puisque même le moine Gorazd écrit que "Bien sûr, nous ne nions pas la possibilité de véritables apparitions du monde invisible non seulement aux hétérodoxes mais aussi aux païens." Dommage qu'il ne s'y penche pas dans son article.

Mais je partage entièrement l'appel à la prudence, plutôt que de lancer des communiqués du genre : "Communiqué N°04-11 du Conseil de l’Archevêché - Réunion du 28 septembre 2011" que j'avais précédement cité.
patrik111
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Références exactes du livre du R.P. Cros, SVP

Message par patrik111 »

Anne Geneviève a écrit :Zohra,
[...]
Ce qu'on raconte en général des apparitions de Lourdes est au minimum un mensonge par omission, au pire un montage de politique ecclésiastique de l'Eglise catholique romaine au siècle dernier.
Si vous lisez les témoignages bruts, tels qu'on les trouve dans les fiches de l'enquête canonique du père Cros (publiées, mais le livre épuisé ne se trouve que chez les bouquinistes ou dans certaines bibliothèques, au moins à la BN) [...]
S'agit-il de l'ouvrage suivant:
R.P. CROS, L.J.M., Histoire de Notre-Dame de Lourdes d'après les documents et les témoins. I. Les Apparitions, 11 février-7 août 1858?

Si oui, je vois sur Internet qu'il y a eu au moins deux éditions, l'une chez Beauchesne en 1925, l'autre chez Lethielleux en 1957. La seconde est-elle fiable et la première est-elle fidèle à l'édition d'origine (je suppose que celle-ci remonte au XIXe siècle)?

J'ai demandé aux libraires qui les proposent de me faire parvenir la table des matières de chacun de ces deux ouvrages. Mais si quelqu’un sur ce forum peut me répondre, je lui en serais très reconnaissant.

Patrik
Patrik111
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Demande de précisions sur l'enquête du R.P. Cros

Message par patrik111 »

Bonjour à tous.

Suite à mon précédent message où je demandais les références exactes de l'ouvrage du R.P. Cros et où j'indiquais avoir interrogé des libraires en ligne proposant un titre de ce religieux, j'ai reçu de l'un d'eux la réponse suivante:
La Table des matières fait deux pages et contient 18 chapitres correspondant
à une enquête sur les 18 apparitions de Bernadette Soubirous. Cette enquête
a été effectuée de Novembre 1877 à Décembre 1879 sur les événements survenus
en 1858.
Ce qui m'étonne, ce sont les dates mentionnées pour l'enquête ecclésiastique, soit vingt ans après les faits. J'ai cru comprendre des posts d'Anne-Geneviève que cette enquête avait eu lieu immédiatement après lesdits faits. Quelqu’un peut éclairer ma lanterne à ce sujet? Merci par avance.

Patrik
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Nikolas
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Re: Lourdes

Message par Nikolas »

Et un sanctuaire mariale catholique de plus, celui de Banneux en Belgique, où des Orthodoxes se rendent, paraît il.
Ce qui a engendré l'ouverture d'une chapelle orthodoxe sur le site du Sanctuaire, récit dans les liens suivant:
http://www.exarchat.org/spip.php?article1314
http://info.catho.be/2012/09/27/une-cha ... e-banneux/
http://iconruss.e-monsite.com/pages/nos-projets.html
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