Le site abgar.free.fr me semble au contraire très partisan, avec des hypothèses à la Messadié dans le but de nier la Résurrection. Le militantisme tourne au grotesque lorsque l'auteur écrit "la bible" sans majuscule (ici:
http://abgar.free.fr/suaire.html#Chapitre_1 ), sans doute pour bien montrer qu'il est un esprit fort. Niveau d'argumentation aussi élevé que celui des communistes qui avaient improvisé une réforme de l'orthographe russe pour interdire d'écrire Бог (Dieu) avec une majuscule. On verra d'ailleurs plus bas un extrait de ce site où l'auteur écrit "dieu" sans majuscule dans la plus pure tradition soviétique, mais, là encore, en quoi est-ce un argument convaincant?
Je dois dire que je me suis régalé en lisant certains passages (presque du Léo Taxil!) et que la démarche intellectuelle me laisse perplexe. Voici donc le passage que j'annonçai plus haut, où le site abgar.free.fr nous donne son explication du miracle de la multiplication des pains et des poissons (conspirationnisme, quand tu nous tiens):
La multiplication des pains et des poissons implique (si c’est un miracle) que de la matière organique ait été fabriquée à partir de rien et cela en quelques heures. Biologiquement c’est possible mais seulement par la reproduction naturelle des poissons ou du blé. Ce sera peut-être possible un jour d’y arriver grâce à la science et à la technologie quand nous maîtriserons un peu mieux l’atome. Mais cela ne pourra pas se faire sans une infrastructure très lourde s’appuyant sur un savoir et une technologie ultra sophistiquée ; et pas sans mettre en jeu une quantité d’énergie absolument colossale ! Si l’on ne croit pas aux miracles et qu'on admet que les lois de la physique sont incontournables et que le 1er siècle ne possédait pas la technologie indispensable pour produire de la matière organique à partir de rien, il doit y avoir une explication plus simple à cette production de matière organique.
On sait que cette multiplication des pains s’est déroulée sur le sommet d’une colline. La position en contrebas de la population rendait possible un tour de passe-passe enfantin. Une cache pratiquée dans ce qui était peut-être une ancienne galerie de mine affleurant à la surface du monticule aurait aisément fait l'affaire pour remplir par en dessous de grands paniers tressés dont le fond se détachait. La position en contrebas du public offrant le double avantage de rendre le maître bien visible tout en garantissant l’invisibilité du remplissage.
Dans les évangiles, cet événement est présenté comme improvisé. Jésus suivi par des milliers de gens se voit sollicité par ses apôtres qui lui demandent, inquiets, comment il compte faire pour nourrir tout ce monde ? Les vivres et les finances sont loin d’être suffisantes et ces gens ont faim et on ne peut les renvoyer chez eux. Alors Jésus semblant improviser les mène tous vers une colline. Une fois sur place, il fait rassembler les pains et les poissons dans de grands paniers et le miracle se produit. Tout le monde est rassasié et il en reste même pour le lendemain ! Un publicitaire moderne dirait que le public est captif et entièrement réceptif au message de cet homme venant au nom de dieu faire un miracle très spectaculaire et fort utile. Les gens sont si reconnaissants et impressionnés par ce qu'ils voient et entendent qu'ils vont faire marcher à fond le bouche à oreille qui, comme chacun sait, est la meilleure des publicités. Les Romains régnaient sur la plèbe avec du pain et des jeux. Jésus captive le peuple avec des guérisons, de la nourriture, du spectacle et des promesses. Notre monde moderne a inventé la publicité et le supermarché . . . ainsi va le monde !
J'ai peine à comprendre. On peut évacuer le miracle en disant qu'il n'est décrit que par des Evangiles forcément partisans. Mais pourquoi vouloir à tout prix conserver le texte biblique et en même temps évacuer le miracle en donnant des explications aussi peu crédibles impliquant une logistique, des techniques du XXe siècle... et des galeries de mine abandonnées. L'auteur semble confondre la Palestine du Ier siècle et le bassin houiller du Nord au XIXe siècle. Il est vrai que ses connaissances du contexte du Ier siècle sont révolutionnaires, ainsi lorsqu'il écrit:
Qui était ce "disciple que Jésus aimait" dont nous parle St Jean ? Ce disciple dont l'évangéliste cache encore la véritable identité deux générations après les événements ? Plus personne aujourd'hui ne pense qu'il s’agissait de l'apôtre Jean. Certains historiens croient en revanche qu'il pouvait s'agir de Lazare. Ce riche aristocrate serait l'homme qui raconta ses souvenirs au rédacteur de l'évangile selon st Jean. Lazare que Jésus avait ressuscité juste avant son entrée à Jérusalem pouvait-il être un des membres de ces sympathisants de l'ombre ? Leur chef peut-être ? A moins que le chef ne fut Joseph d'Arimathie ? Les deux hommes et quelques autres dirigeaient-ils une coalition visant à renverser Hérode et à chasser l'occupant romain en se fondant sur la popularité et le statut quasi divin de Jésus ? Ces alliés de l'ombre après la mort de Jésus devaient-ils à tout prix faire croire à sa résurrection pour donner un sens à sa mort et en faire un envoyé de Dieu ? Devaient-ils faire cela pour pouvoir continuer à exploiter à des fins politiques les idées qu'il incarnait et propageait de son vivant
Jusqu'à l'apparition du site abgar.free.fr, on situait généralement la mort d'Hérode en 4 avant NSJC et la Passion en 30 après NSJC. Le site abgar.free.fr nous prolonge donc la vie du roi Hérode d'une bonne trentaine d'années par rapport à ce que les historiens croyaient savoir. On n'arrête pas le progrès. La Palestine du Ier siècle, avec ses galeries de mine et ses rois morts-vivants. Mieux que Bram Stoker.
Ainsi, lorsque le site abgar.free.fr nous proclame doctement
Il ne sert à rien de chercher à démontrer une fois de plus que les grandes religions monothéistes sont fondées sur des croyances et des impostures. Il existe suffisamment de mystifications flagrantes et de montages théologiques évidents dans la bible pour que chacun puisse se faire une opinion sur ce sujet s'il le veut.
il est malheureusement permis de faire remarquer qu'il faut une bonne dose de naïveté pour se rallier aux croyances du site.
Malheureusement, quand on veut démonter le christianisme, il faut avoir des munitions dont le site en question ne dispose vraisemblablement pas.
Ainsi, lorsque ce site affirme (
http://abgar.free.fr/suaire.html#La_passion_: ):
On pourrait aussi évoquer ce surprenant "mon dieu, mon dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" qu'il prononce sur la croix juste avant de mourir. A ce moment-là, il semble constater amèrement qu'il s'est trompé et que dieu n'interviendra plus ni pour apaiser ses souffrances, ni pour le sauver. En prononçant ces mots, il montre qu'il n'envisageait peut-être pour lui-même qu'une grande souffrance mais pas la mort et apparemment pas ou plus la résurrection.
Le "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" (Mt 27.46; Mc 15.34) n'est surprenant que si l'on n'a aucune culture biblique et que l'on ne sait donc pas que le Seigneur Jésus ne faisait que réciter le Psaume 21. Pour un chrétien orthodoxe, qui connaît l'importance du Psautier dans la vie liturgique orthodoxe, cela n'a rien de surprenant et cela ne fait que souligner les préfigurations du Nouveau Testament dans l'Ancien Testament, préfigurations auxquelles l'Orthodoxie est très sensible. Bref, ce n'est pas parce que nous avons tout conservé et rien perdu que nous devons sans cesse nous taire devant ceux qui ont tout perdu.
Ceci étant, ce site, bien que quelque peu messadien ou dan-brownien, a du moins le mérite de rappeler un point que les sindonophiles n'oublient que trop, à savoir qu'à vouloir trop prouver, on risque de ne rien prouver. Vouloir absolument fonder la foi sur un objet dont la première apparition publique est, au demeurant, postérieure de quelque 1'327 années à la fondation de l'Eglise (dont on se demande comment Elle a pu exister pendant ces 1'327 années sans manifestation du futur suaire de Turin) est un pari risqué, d'autant plus risqué que de nombreuses zones d'ombre entourent l'objet et qu'il existe autour de lui un halo de sensationnalisme qui n'est pas sans rappeler les émissions dont nous gratifiait TF1 à sa grande époque, où, sur fond de musique assourdissante, le reportage sur la sainte tombe d'Arles-sur-Tech précédait celui sur l'extra-terrestre de Roswell.
Je note aussi que le site abgar.free.fr veut aussi absolument établir une identité entre le suaire de Turin et le Mandylion (appelé voile d'Edesse sur ledit site), mais ne se donne pas la peine d'en apporter la moindre démonstration.
On en reste donc toujours au même point. J'ai tout de même assez de familiarité avec les synaxaires et les martyrologes pour savoir que l'Eglise a créé des fêtes pour commémorer toutes les reliques importantes (déposition de la ceinture de la sainte Vierge, invention du chef de saint Jean-Baptiste, transfert du Mandylion d'Edesse à Constantinople, etc.) On sait par exemple que l'extraordinaire popularité du culte de saint Claude vient de la redécouverte de son corps incorrompu au XIIe siècle, alors qu'il ne faisait pas, auparavant, l'objet d'une vénération plus importante que d'autres saints abbés de Condate. On pourrait faire des remarques similaires, en Russie, à propos du culte de saint Basile de Mangazéïa. Même le voyage des reliques de saint Nicolas volées par les Italiens à Myre a donné lieu à une commémoration liturgique. Bref, je continue à ne pas comprendre pourquoi une relique aussi insigne aurait pu être conservée à Constantinople jusqu'en 1204 sans que ni sa découverte, ni son transfert, ni sa déposition, ne fissent l'objet d'une commémoration liturgique, pas plus que je ne peux comprendre comment les Croisés l'auraient dérobée à Constantinople en 1204 et conservé au secret jusqu'aux ostensions de Lirey en 1357 -soit pendant plus d'un siècle et demi -quand on sait l'importance que la moindre relique pouvait revêtir à leurs yeux.