Orthodoxie et film

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Jean-Serge
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Orthodoxie et film

Message par Jean-Serge »

Existe-t-il des films traitant de l'orthodoxie.

A ce sujet, le film André Roublev de Tarkovski sera diffusé le 25/08 en plein air au parc de la Villette. Pour ceux qui s'ennuie... c'est gratuit.

Quelqu'un a-t-il vu ce film et qu'en pense-t-il?

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Priidite, poklonimsja i pripadem ko Hristu.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

J'ai vu ce film il y a bien longtemps, au moment où il sortait en France (si l'on peut me dire à quelle date, cela me fourniré un utile repère) C'est un film admirable et il m'a beaucoup remué, à une étape décisive. J'ai dû le voir 6 ou 7 fois.

Évidemment il faut avoir les nerfs solides, car il y a des scènes d'une extrême violence, mais il faut le regarder au troisième ou quatrième degré (ou plus… peut-être au septième!)

C'est alors qu'on peut admirer tout à la fin l'extraordinaire spiritualité des icônes de Roublev. Tout ce qui précède n'est plus là que pour faire arrière-plan.

Pour ceux qui ne savent pas: c'est une description extraordinairement réaliste de la vie de la Russie sous le joug tatare, du monachisme et du moine-iconographe André Roublev. On aperçoit aussi l'iconographe grec en exil Théophane le Grec.
Jean-Louis Palierne
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Jean-Serge
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Précision sur le film Andreï Roublev

Message par Jean-Serge »

Le film est sorti en 1967. Mais je crois que la version diffusée ce 25/08 sera la version courte car la longue ferait plus de 4 heures.... Celle-ci ne fait que 3h06 ce qui reste acceptable... malgré tout.
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Vasso
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Re: Orthodoxie et film

Message par Vasso »

Jean-Serge a écrit :Existe-t-il des films traitant de l'orthodoxie.

A ce sujet, le film André Roublev de Tarkovski sera diffusé le 25/08 en plein air au parc de la Villette. Pour ceux qui s'ennuie... c'est gratuit.

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J'aime beaucoup "Before the rain" du slavo-macédonien Milcho Manchevski. Ce film traite du cercle infernal de la violence qui a plongé la Yougoslavie dans l'horreur que l'on sait, d'un point de vue orthodoxe.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Before the Rain a été diffusé récemment sur Arte.

C'est un très beau film au scénario étonnant (les événements se déroulent sur une trame cyclique, de telle sorte que les scènes de la fin du film se déroulent chronologiquement avant celles du début) et à la photographie superbe dont les quinze ou vingt premières minutes se passent entièrement dans un monastère orthodoxe au bord du lac d'Ohrid. Et le film ne tourne pas du tout en ridicule la vie monastique.
Invité

Message par Invité »

Je confirme les commentaires de Claude. Before the rain est un film, ou plutôt un enchainement de trois courts métrages, remarquables qui présente avec sympathie un monastère même si ce n'est pas le thème du film. L'higoumène est un homme juste et d'une grande dignité.
Les trois films se suivent pour former une boucle, chacun dépendant des deux autres. Il faut raprocher ce choix du réalisateur à la phrase prononcée par le vieux moine à propos des enfants: "le cercle n'est jamais fermé". Seulement ces propos s'appliquent hélas à la violence et à la haine entre les populations.
GIORGOS
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OSTROV

Message par GIORGOS »

Je viens de voir avec ma femme, "Ostrov" (L'Île)[2008], film de Pavel Loungine (ou Lungin) lequel présente la vie d’un moine russe dans un petit monastère, avec allusions évidentes à passages du Synaxaire ou de la Vie des Pères du désert.
Je sais que au delà de une traduction un peu déficiente (autant au français que a l’espagnol), il a suscité d’intérêt dans le publique européen, en spécial parmi les orthodoxes. A lire les critiques j'avais pensé prèmierement dans un instrument missionnaire ou d'approche à la orthodoxie.
Il me semble, pour le dire avec sincérité, que le film est un peu chargé d’un sentimentalisme que peut être malsain.
Ma femme, par ailleurs, dit que le film n’ est pas fait pour les non-orthodoxes, avec preuves –on l’a fait voir pour des amis de tradition latine que n’ont pas compris beaucoup, ou ils ont été decus.

Je n’ai vu dans le Forum rien sur ce film.
Votre opinion ?
Giorgos
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J-Gabriel
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Un avis

Message par J-Gabriel »

Ce film a eu la chance de passer à Lausanne, au Cinéma Bellevaux.
Le cinéma de Bellevaux (c'est le nom du quartier) est une salle particulière. Particulière parce que le directeur fait un speech sur le film avant sa projection, et ça nous met, spectateurs, dans une ambiance pour ainsi dire; familière. Le directeur a aussi précisé qu'au début il n'avait pas beaucoup d'espoir sur ce film et surtout qu'il hésita avant de le prendre, et qu'ensuite il fut surpris du succès et que le cap des 2 semaines fut passé !

Peut-être que ce film reste plus familier pour un chrétien-orthodoxe, cela suppose que ce dernier a fréquenté un monastère et lu des apophtegmes.

Ce film est intéressant et il ne m'a pas marqué plus que ça. Mais il tient bien la route.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie et film

Message par Claude le Liseur »

Jean-Serge a écrit :Existe-t-il des films traitant de l'orthodoxie.

A ce sujet, le film André Roublev de Tarkovski sera diffusé le 25/08 en plein air au parc de la Villette. Pour ceux qui s'ennuie... c'est gratuit.

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Personne n'en parle jamais, mais, à la fin de la période communiste, les dirigeants bulgares ont eu un accès de nationalisme et se sont mis à produire des films qui exaltaient le passé de leur pays. Certains de ces films ont été réédités en DVD (naturellement, en bulgare, mais on comprend quand même l'essentiel), et, curieusement, la propagande communiste y est absente. En revanche, dans certains films, on découvre une présentation assez noire (et probablement assez réaliste) de la domination ottomane.
Ainsi, Време на насилие (Le temps de l'oppression), tourné en 1988 par Lioudmil Staïkov, est une adaptation du roman d'Anton Dotchev publié en français sous le titre Les cents frères de Manol dans une traduction d'Ivan Evstatiev Obbov (Actes Sud 1995). Le film raconte l'histoire de l'islamisation forcée d'une vallée bulgare au XVIIe siècle sur ordre de la Sublime Porte. Le processus d'oppression des non-musulmans, les réactions de résistance et celles d'apostasie de groupe, ainsi que la terreur permanente qui pèse sur le non-musulman soumis au pouvoir islamique, y sont très bien décrits. C'est un film qui fait réfléchir.

En 1983, le réalisateur bulgare Georges Stoïanov avait même tourné l'histoire de saints Cyrille et Méthode sous le titre Константин Философ (Constantin le Philosophe). Bien sûr, l'accent est plus mis sur le rôle culturel et sur la création d'une écriture pour les Slaves, mais cela reste intéressant.

Et il ne faut pas oublier le superbe film tourné dans les dernières années de la Yougoslavie communiste (1989) par Zdravko Šotra et récemment (2004) réédité en DVD, Бој на Косову (La bataille de Kosovo). Le film décrit la fameuse bataille du Champ des Merles qui vit, le 15 juin 1389, la mort pour le Christ du tsar serbe Lazare face aux Ottomans. En 1989, le titisme était bien mal en point et il était de nouveau possible de parler de religion. Le film raconte donc l'histoire de la bataille de Kosovopolje conformément au mythe de Kosovo - le choix fait par le saint prince Lazare entre le royaume terrestre et le royaume céleste - et la religion orthodoxe imprègne entièrement le film.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie et film

Message par Claude le Liseur »

Je pense qu'à cette liste il faut ajouter trois films de Serge Paradjanov (1924-1990), le cinéaste qui paya ses convictions de cinq ans de déportation au Goulag dans les années 1970, d'autant plus que tous ces films sont disponibles en version sous-titrée en français:

- Les chevaux de feu (titre original ukrainien: Тіні забутих предків; en russe: Тени забытых предков) (1965)
-Sayat Nova ou la couleur de la grenade (titre original arménien: Նռան գույնը - Nran Gouïne; en russe: Цвет граната) (1968)
- La légende de la forteresse de Souram (titre original géorgien: ამბავი სურამის ციხისა - Ambavi Souramis Tsikhisa; en russe: Легенда о Сурамской крепости) (1984).

Ce sont des films dans lesquelles la religion est omniprésente.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie et film

Message par Claude le Liseur »

Il faudrait aussi mentionner le film méconnu que le réalisateur serbe Aleksandar Petrović (1929-1994), considéré comme le précurseur du génial Emir Kusturica, avait tiré du roman de Michel (Mikhaïl) Boulgakov Le Maître et Marguerite (Мастер и Маргарита). Film tourné en 1972 en Italie par Petrović sous le titre Il Maestro e Margherita, avec Ugo Tognazzi dans le rôle du Maître (appelé Nicolas Maksoudov dans le film), Mimsy Farmer dans le rôle de Marguerite - son unique et éternel amour - et Alain Cuny dans le rôle de Woland.

Film mythique à bien des égards. En 1994 ou 1995 - très longtemps avant de lire le roman de Boulgakov dans la traduction française de Claude Ligny et Marianne Gourg - , j'avais pu en regarder dix minutes lors d'une rarissime diffusion de ce film sur une chaîne du câble - qui ne le diffuserait sans doute plus aujourd'hui, n'ayant plus les mêmes objectifs de qualité. Je n'ai depuis jamais pu imaginer Woland autrement qu'avec le visage et la prestance d'Alain Cuny. D'où ma déception quand je vois le dessin ridicule qui représente Woland en couverture de telle ou telle édition populaire russe du roman de Boulgakov. Après avoir vu ne serait-ce qu'une scène du film de Petrović, on ne peut voir Woland que sous les traits de Cuny!

C'était devenu pour moi le film introuvable par excellence. Une recherche sur Amazon me le donnait comme édité seulement en DVD zone 1 en Amérique du Nord. Et le plus grand des hasards m'a fait dénicher, dans une boutique de DVD d'occasion, à quelques kilomètres de mon domicile, une version française (audio français ou audio italien sous-titré français) du film. Ce que j'avais cru introuvable était à portée de la main. Inutile de dire que je me suis empressé d'acheter le DVD et de le déguster, depuis tant d'années que le souvenir de ces dix minutes vues par hasard trottait dans ma tête.

Le film ne durant qu'1h39 min, l'intrigue est considérablement condensée par rapport au roman. (Quand la télévision russe en a fait une adaptation en 2005 avec des moyens autrement plus importants que ceux dont Petrović avait disposé en 1972, on est arrivé à une durée totale de 10 heures!) Certains personnages disparaissent. Petrović n'a pu reconstituer la scène du bal chez Woland, qui est un des morceaux de bravoure du roman. En revanche, un autre morceau de bravoure, le spectacle donné par Woland au Théâtre des Variétés, est bien présente - et filmée avec quelle inventivité ! - dans le film de Petrović. Petrović accentue aussi l'identification - présente dans le roman - entre le Maître et Boulgakov lui-même, puisque, dans le film, le personnage joué par Ugo Tognazzi écrit à Staline une lettre qui contient les mêmes phrases que la lettre écrite par Boulgakov au gouvernement de l'Union soviétique le 28 mars 1930.

Le film de Petrović n'a pas rencontré le succès qu'il méritait. Le cinéaste serbe s'était montré trop précurseur pour son public en transposant le roman six ans seulement après sa première publication. Je doute aussi que le public italien ou français de 1972, à qui on servait encore une peinture lénifiante du communisme, eût été en mesure de comprendre la peinture que Petrović faisait de la lutte anti-religieuse dans le Moscou de 1926.

Une des particularités de ce film qui devrait être considéré à lui seul comme un élément du patrimoine européen est qu'au fur et à mesure que le Maître prend conscience de l'effrayante réalité de la nature de Woland - Woland qui se révélera si bienveillant à son égard, dans le roman comme dans le film... -, il commence à entendre défiler dans sa tête toute la divine liturgie de saint Jean Chrysostome. Ces magnifiques éctenies en slavon constituent aussi un des charmes, et un des éléments caractéristiques, du film de Petrović. Elles sont aussi révélatrices du travail d'adaptation du réalisateur, la place de la religion orthodoxe étant beaucoup plus importante dans le film que dans le roman.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie et film

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : Il faudrait aussi mentionner le film méconnu que le réalisateur serbe Aleksandar Petrović (1929-1994), considéré comme le précurseur du génial Emir Kusturica, avait tiré du roman de Michel (Mikhaïl) Boulgakov Le Maître et Marguerite (Мастер и Маргарита). Film tourné en 1972 en Italie par Petrović sous le titre Il Maestro e Margherita, avec Ugo Tognazzi dans le rôle du Maître (appelé Nicolas Maksoudov dans le film), Mimsy Farmer dans le rôle de Marguerite - son unique et éternel amour - et Alain Cuny dans le rôle de Woland.

Film mythique à bien des égards. En 1994 ou 1995 - très longtemps avant de lire le roman de Boulgakov dans la traduction française de Claude Ligny et Marianne Gourg - , j'avais pu en regarder dix minutes lors d'une rarissime diffusion de ce film sur une chaîne du câble - qui ne le diffuserait sans doute plus aujourd'hui, n'ayant plus les mêmes objectifs de qualité. Je n'ai depuis jamais pu imaginer Woland autrement qu'avec le visage et la prestance d'Alain Cuny. D'où ma déception quand je vois le dessin ridicule qui représente Woland en couverture de telle ou telle édition populaire russe du roman de Boulgakov. Après avoir vu ne serait-ce qu'une scène du film de Petrović, on ne peut voir Woland que sous les traits de Cuny!

C'était devenu pour moi le film introuvable par excellence. Une recherche sur Amazon me le donnait comme édité seulement en DVD zone 1 en Amérique du Nord. Et le plus grand des hasards m'a fait dénicher, dans une boutique de DVD d'occasion, à quelques kilomètres de mon domicile, une version française (audio français ou audio italien sous-titré français) du film. Ce que j'avais cru introuvable était à portée de la main. Inutile de dire que je me suis empressé d'acheter le DVD et de le déguster, depuis tant d'années que le souvenir de ces dix minutes vues par hasard trottait dans ma tête.

Le film ne durant qu'1h39 min, l'intrigue est considérablement condensée par rapport au roman. (Quand la télévision russe en a fait une adaptation en 2005 avec des moyens autrement plus importants que ceux dont Petrović avait disposé en 1972, on est arrivé à une durée totale de 10 heures!) Certains personnages disparaissent. Petrović n'a pu reconstituer la scène du bal chez Woland, qui est un des morceaux de bravoure du roman. En revanche, un autre morceau de bravoure, le spectacle donné par Woland au Théâtre des Variétés, est bien présente - et filmée avec quelle inventivité ! - dans le film de Petrović. Petrović accentue aussi l'identification - présente dans le roman - entre le Maître et Boulgakov lui-même, puisque, dans le film, le personnage joué par Ugo Tognazzi écrit à Staline une lettre qui contient les mêmes phrases que la lettre écrite par Boulgakov au gouvernement de l'Union soviétique le 28 mars 1930.

Le film de Petrović n'a pas rencontré le succès qu'il méritait. Le cinéaste serbe s'était montré trop précurseur pour son public en transposant le roman six ans seulement après sa première publication. Je doute aussi que le public italien ou français de 1972, à qui on servait encore une peinture lénifiante du communisme, eût été en mesure de comprendre la peinture que Petrović faisait de la lutte anti-religieuse dans le Moscou de 1926.

Une des particularités de ce film qui devrait être considéré à lui seul comme un élément du patrimoine européen est qu'au fur et à mesure que le Maître prend conscience de l'effrayante réalité de la nature de Woland - Woland qui se révélera si bienveillant à son égard, dans le roman comme dans le film... -, il commence à entendre défiler dans sa tête toute la divine liturgie de saint Jean Chrysostome. Ces magnifiques éctenies en slavon constituent aussi un des charmes, et un des éléments caractéristiques, du film de Petrović. Elles sont aussi révélatrices du travail d'adaptation du réalisateur, la place de la religion orthodoxe étant beaucoup plus importante dans le film que dans le roman.

Et comment oublier ce passage, à la fin du roman de Boulgakov:
Так говорила Маргарита, идя с мастером по направлению к вечному их дому, и мастеру казалось, что слова Маргариты струятся так же, как струился и шептал оставленный позади ручей, и память мастера, беспокойная, исколотая игами память стала потухать. Кто-то отпускал на свободу мастера, как сам он только отпустил им созданного героя. Этот герой ушел в бездну, ушел безвозвратно, прощенный в ночь на воскресение сын короля-звездочета, жестокий пятый прокуратор Иудеи, всадник Понтий Пилат.
Ainsi parla Marguerite, en se dirigeant avec le Maître vers leur maison éternelle, et le Maître eut le sentiment que les paroles de Marguerite coulaient comme un filet d'eau, comme coulait en murumurant le ruisseau qu'ils avaient laissé derrière eux.
Et la mémoire du Maître, cette mémoire inquiète, percée de mille aiguilles, commença à s'éteindre. Quelqu'un rendait la liberté au Maître, comme lui-même venait de rendre la liberté au héros crééé par lui: ce héros parti dans l'infini, parti sans retour, ce fils d'un roi astrologue qui, en cette nuit du samedi au dimanche, avait reçu sa grâce, le cruel cinquième procurateur de Judée, le chevalier Ponce Pilate.

(Traduction française de Claude Ligny, révisée par Marianne Gourg, Robert Laffont, Paris 1993, p. 975.)
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie et film

Message par Claude le Liseur »

Jean-Serge a écrit :Existe-t-il des films traitant de l'orthodoxie.

A ce sujet, le film André Roublev de Tarkovski sera diffusé le 25/08 en plein air au parc de la Villette. Pour ceux qui s'ennuie... c'est gratuit.

Quelqu'un a-t-il vu ce film et qu'en pense-t-il?

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Trouvé une voix discordante à propos du film de Tarkovski dans le journal intime du protopresbytre Alexandre Schmemann, à la date du 11 octobre 1973.
Hier soir j'ai été voir Andreï Roublev, au Lincoln Center. J'attendais fort ce film après les louanges enthousiastes de Mgr Alexandre Semenoff-Tian-Chanski et de Nikita Struve, des hommes de goût, sans conteste, doués d'une oreille intérieure. Hélas, déception. Le film ne m'a pas une fois saisi, attiré en moi. Je comprends et «j'embrasse» toutes les bonnes intentions de Tarkovski, mais avec de bonnes intentions on fait un mauvais film. Tout son symbolisme (celui du film) est exalté et tressé avec une telle intensité, les détails, les fioritures sont tout le temps montrés si fort (voyez, n'est-ce pas, quelle technique impressionniste je possède): la queue du cheval et son train arrière pendant deux minutes! La cruauté, rendue un peu dans le genre Grand Guignol. Des réussites incontestables, ça et là; le talent est là. Mais dans l'ensemble, à mon avis, c'est raté. L'art, surtout l'art visuel, exige un «synergisme», une participation, une communion même du spectateur. Ici tout est mâché, servi, digéré, mais le spectateur reste à l'extérieur. Dans la salle, des centaines de connaissances. Serioja et moi avons filé rapidement dès la fin du film, mais j'entendais déjà d'avance toutes ces exclamations: «Fantastique !» (RP Alexandre Schmemann, Journal (1973-1983) ,publié sous la direction de Nikita Struve et traduit du russe par Anne Davidenkoff, Anne Kichilov et René Marichal, Les Syrtes, Paris 2009, p. 56.)
patrik111
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Re: Orthodoxie et film

Message par patrik111 »

Claude le Liseur a écrit :Il faudrait aussi mentionner le film méconnu que le réalisateur serbe Aleksandar Petrović (1929-1994), considéré comme le précurseur du génial Emir Kusturica, avait tiré du roman de Michel (Mikhaïl) Boulgakov Le Maître et Marguerite (Мастер и Маргарита). Film tourné en 1972 en Italie par Petrović sous le titre Il Maestro e Margherita, avec Ugo Tognazzi dans le rôle du Maître (appelé Nicolas Maksoudov dans le film), Mimsy Farmer dans le rôle de Marguerite - son unique et éternel amour - et Alain Cuny dans le rôle de Woland.

Film mythique à bien des égards. En 1994 ou 1995 - très longtemps avant de lire le roman de Boulgakov dans la traduction française de Claude Ligny et Marianne Gourg - , j'avais pu en regarder dix minutes lors d'une rarissime diffusion de ce film sur une chaîne du câble - qui ne le diffuserait sans doute plus aujourd'hui, n'ayant plus les mêmes objectifs de qualité. Je n'ai depuis jamais pu imaginer Woland autrement qu'avec le visage et la prestance d'Alain Cuny. D'où ma déception quand je vois le dessin ridicule qui représente Woland en couverture de telle ou telle édition populaire russe du roman de Boulgakov. Après avoir vu ne serait-ce qu'une scène du film de Petrović, on ne peut voir Woland que sous les traits de Cuny!

C'était devenu pour moi le film introuvable par excellence. Une recherche sur Amazon me le donnait comme édité seulement en DVD zone 1 en Amérique du Nord. Et le plus grand des hasards m'a fait dénicher, dans une boutique de DVD d'occasion, à quelques kilomètres de mon domicile, une version française (audio français ou audio italien sous-titré français) du film. Ce que j'avais cru introuvable était à portée de la main. Inutile de dire que je me suis empressé d'acheter le DVD et de le déguster, depuis tant d'années que le souvenir de ces dix minutes vues par hasard trottait dans ma tête.

[...]
Le DVD est proposé à la vente dans un supplément au catalogue papier de LCJ Éditions (section Collection cinéma italien, sans doute à cause de la présence de Tognazzi!) alors qu'il est absent de leur catalogue Web (ce qui ne veut pas forcément dire quelque chose).

LCJ Éditions
9, rue des Suisses
92380 Garches
France

Eh oui, cher Claude, rue des Suisses!
Patrik111
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie et film

Message par Claude le Liseur »

patrik111 a écrit :
Eh oui, cher Claude, rue des Suisses!
Sachant qu'il s'agit probablement d'une référence aux gardes suisses de Sa Majesté Très-Chrétienne dépecés le 10 août 1792 et dont le sacrifice est commémoré par le célèbre monument du Lion expirant (appelé en allemand Monument du Lion, Löwendenkmal) de Lucerne, il faut se dépêcher d'écrire à cette adresse avant que la rue ne soit rebaptisée rue-des-Martyres-de-Femen, rue-du-Mariage-pour-Tous ou rue-des-Joyeux-Fellagha et que l'adresse ne soit plus valable...

Merci du tuyau.

Pour le reste, je pourrais compléter la liste par un certain nombre de films russes en costumes sortis ces dernières années, et où la religion refait une apparition (exemple: Prince Yaroslav de Dmitri Korobkine).

La Russie nous préparerait un téléfilm sur la conversion des Ruthènes (tout de même plus bref que d'écrire Slaves orientaux) qui commencerait par une adaptation du célèbre récit d'Ibn Fadlan autrement plus spectaculaire et fidèle à l'Histoire que celles auxquelles les Anglo-Saxons ont procédé dans Le 13e Guerrier (pratiquement coupée au montage) ou dans le feuilleton télévisé Vikings.

A l'époque communiste, le clergé orthodoxe faisait quelques apparitions dans les films à grand spectacle que la Roumanie de Ceaușescu faisait tourner par Sergiu Nicolaescu, mais le sujet n'était jamais abordé sous l'angle religieux: il y avait assez régulièrement un personnage de prêtre de paroisse ou de moine qui accompagnait dans la lutte patriotique le héros (du type Michel le Brave) que célébrait le film.

Le cinéma roumain, le cinéma bulgare et le cinéma serbe me semblent dans le coma depuis une vingtaine d'années. Le cinéma grec - lui aussi en grande difficulté - a depuis longtemps tourné le dos aux films en fustanelle qui célébraient les héros de la guerre d'indépendance. En revanche, le cinéma russe doit, selon toute probabilité, être remonté au quatrième ou cinquième rang mondial et nous promet sans doute encore beaucoup de films où la religion orthodoxe apparaîtra ne serait-ce qu'en toile de fond.

Enfin - je m'excuse de m'y référer encore, mais j'aime beaucoup ce feuilleton - il y a quelque chose à tirer du très beau feuilleton que la télévision ukrainienne avait consacré à Hürrem Sultan, l'épouse ukrainienne de Soliman le Magnifique, Роксолана (curieusement tourné en deux époques: 1996 et 2005), avec Olha Sumskaïa (Ольга Сумская , née en 1966). La moitié de l'Europe est en pâmoison devant l'interminable soap opera que la télévision turque a consacré en 2011 au même sujet, Muhteşem Yüzyıl avec Meriem Userli. Force est pourtant de constater qu'avec infiniment moins de moyens, le feuilleton ukrainien de 1996 est infiniment supérieur au feuilleton turc de 2011. Dans la version ukrainienne de 1996, les premiers épisodes se passent dans un village de Galicie, mais la Galicie d'avant l'uniatisme, et il y a une louable reconstitution de la vie religieuse d'un village orthodoxe de cette région au XVIe siècle (églises en bois), etc. L'aspect religieux reste en filigrane dans le téléfilm ukrainien, puisque après son enlèvement par les Tatars de Crimée, l'héroïne reste chrétienne puis crypto-chrétienne. Il y a une scène dans un des épisodes qui se passe à Kaffa et qui met en opposition le comportement de Roxelane / Nastya avec celui de certaines autres esclaves qui passent immédiatement à l'Islam par opportunisme. Même si cela semble surtout flatter le patriotisme ukrainien et ne paraît pas conforme à la vérité historique (selon laquelle il semble que c'est plutôt Roxelane qui était très opportuniste sur le plan religieux), cela reste aussi une des très rares productions audiovisuelles à aborder le sujet des crypto-chrétiens restés présents en Turquie jusqu'à nos jours, deuxième sujet rare et intéressant après les traditions orthodoxes de la Galicie avant sa conversion forcée à l'uniatisme par les Polonais.
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