L'enfer non-définitif

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Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

Pouir revenir sur les fantômes j'ai pensé à l'histoire de Caïen dans la Genèse:peut-il être considéré comme le premier fantôme de l'humanité?
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je ne vois pas en quoi l’histoire de Caïn dans la Genèse peut passer pour une histoire de fantôme. Caïn est poursuivi par le remords et le souvenie de son frère qu’il a assassiné.

Dans le 1er livre de Samuël nous voyons SaUl s’adresser à la pythonisse d’En-Dor, qui fait "monter" l’esprit du prophète Samuel. mais cet esprit d’un prophète n’est pas vraiment un fantôme traînant son désespoir en ce monde. Il est comme une apparition divine. « La femme (la pythonisse) dit à Saül : J’ai vu un dieu qui montait de la terre. Il lui dit : Quelle forme a-t-il ? C’est, dit-elle, un vieillard qui monte, et il est enveloppé d’un manteau. Saül connut que c’était Samuel; il s’inclina le visage contre terre et se prosterna. » Et Samuel tance Saül pour ses péchés.

Il ne s’agit pas d’un fantôme. Si quelqu’un pense rencontrer un défunt, parler avec lui, le mieux à faire pour un chrétien est de prier pour cette âme qui s’est laissée trop retenir par le monde.
Jean-Louis Palierne
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Mon cher Claude, juste un point sur la traduction de la phrase de Michel Azkoul. Je traduirais plutôt « Ces mots ne préfigurent pas celui de transsubstantiation qui non seulement prétend déchiffrer l’inexplicable mais suppose une métaphysique aristotélicienne de ‘substance’ et ‘accidents’ », plutôt qu’adopte. Un mot n’adopte pas une doctrine mais son emploi peut l’impliquer, ce qui est le cas ici.

Pour ce qui est de la traduction de ousia, je préfère souvent pour ma part essence dans la mesure où ουσια dérive du verbe ειμι, être ; et essence, du latin essentia, dérive aussi du verbe esse, être. Mais j’accepte très volontiers consubstantiel, d’autant plus volontiers que je ne sais pas plus ce qu’est la substance que ce qu’est l’essence, si je veux être totalement honnête avec moi-même. Pour les rejoindre, philosophiquement, je passe en tremblant par la notion d’en-soi. Et scientifiquement, plus volontiers par celle de « réel voilé » chère à Bernard d’Espagnat ! Cela dit, je crains que, pour une bonne partie de nos contemporains, le platonisme et l’aristotélisme soient assez loin dans les brumes du passé philosophique et que l’essence n’évoque plus l’être mais seulement le carburant !
Peut-on assimiler substance et matière ? Le peut-on alors que la matière n’est qu’une conséquence de quelque chose de beaucoup plus fondamental que personne aujourd’hui ne sait nommer correctement (le « vide quantique » n’est en réalité ni vide ni quantique…) mais qui n’est pas non plus une évanescente idée platonicienne ? Je trouve d’ailleurs intéressant que, lorsqu’on veut sonder le substrat du monde, on ne puisse en décrire sans balbutier que l’énergie. Je ne fais pas de jeu de mot. C’est la cohérence avec la réponse du réel aux physiciens qui m’a convaincue il y a 25 ans de la vérité de la théologie hésychaste. A un certain niveau de profondeur, le monde et nous-mêmes sommes aussi inconnaissables que Dieu – et cet apophatisme est jubilatoire ! Car il est don de Dieu, comme son sceau imprimé sur la création.

Merci Jean Louis en tout cas pour ces textes importants sur le concile de Florence et cette analyse de l’opposition entre scolastique et hésychasme. Leur lecture m’a beaucoup apporté, mais c’est encore trop frais pour que je fasse un commentaire.

En ce qui concerne la question des fantômes, des phénomènes de grande hantise comme celui que décrit Virasak existent et sont même plus fréquents qu’on ne le pense. Ils ne signifient pas obligatoirement que l’âme d’un défunt soit attachée à ces lieux. Ce qui frappe tous ceux qui ont étudié ces manifestations sans a priori philosophique, c’est leur caractère répétitif, un peu comme un disque vinyl rayé, qui ne suggère pas la présence d’une personne mais une sorte d’enregistrement, une mémoire. Le plus souvent la mémoire d’un événement dramatique, bien qu’il y ait aussi des hantises positives, même si elles sont plus rares ou moins repérées. Ces phénomènes qu’il m’est arrivé de rencontrer, encore que de façon moins spectaculaire, me font penser au dialogue entre Caïn et Dieu, lorsque Caïn ne veut pas reconnaître son meurtre et que Dieu lui réplique : « La voix du sang de ton frère crie du sol vers moi. Tu es maintenant maudit du sol qui a ouvert la bouche pour recueillir de ta main le sang de ton frère. »
En incise pour répondre aussi à un autre fil : ce n’est pas Dieu qui maudit Caïn et surtout pas sa descendance, c’est le sol, la terre. Itou lors de la chute : « le sol sera maudit à cause de toi », dit Dieu à Adam. Ce que, pour ma part, je comprends comme une altération du rapport entre l’homme et le reste de la création, altération conséquence du péché, à cause des liens intimes entre la nature humaine et la Terre – pas comme une punition divine de type anselmien. Fin de parenthèse.
Ce que j’ai constaté en étudiant les phénomènes de grande hantise quand je me suis intéressée aux apparitions, c’est qu’effectivement un événement soit unique mais émotionnellement intense, soit répété avec une certaine ferveur imprime sa marque non seulement dans le psychisme humain ou dans cette mémoire partagée, profonde, qu’on appelle inconscient collectif mais aussi dans les lieux, dans la matière. La terre garde une mémoire qui transforme son rapport à l’homme. Mais elle ne piège pas les âmes.
Le plus étonnant, c’est qu’effectivement quand on demande à voir, une image se forme, soit extériorisée comme dans ce que raconte Virasak, soit sous forme d’image mentale, alors que les effets les plus fréquents sont un malaise émotionnel sans cause et, si le phénomène est vraiment intense, des sons. Je n'ai pas et personne n'a l'explication de cette phénoménologie mais elle est trop constante pour qu'il n'y ait pas un phénomène naturel derrière.
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Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

Anne Geneviève a écrit :Cela dit, je crains que, pour une bonne partie de nos contemporains, le platonisme et l’aristotélisme soient assez loin dans les brumes du passé philosophique et que l’essence n’évoque plus l’être mais seulement le carburant !
La confusion est à son comble lorsque energie et essence sont assimilées,identifiées à une même réalité.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Dans les brumes philosophiques de notre époque post-moderne le platonisme et l’aristotélisme ne sont pas très loin de nous. L’idéalisme réanime le vieux mythe de la caverne, qui n’était mort qu’en apparence, et l’on tente toujours de découvrir les lois de l’histoire pour aboutir à proposer la cité idéale que Platon avait déjà tenté d’esquisser. Les idées mènent le monde, structurées en idéologie et veulent nous faire croire qu’elles ont trouvé l’essence des choses. "Essence" devient alors un mot noble, intellectuel, à côté des misérables contingences de la substance.

Les esprits libres, du moins, s’efforcent de raisonner clairement selon les bons vieux préceptes de la logique aristotélicienne. Lorsque la Révélation divine leur est apportée, cette logique reste utile.

Les Pères Occidentaux, latins, ont eu beaucoup de mal à s’habituer à la distinction ousia-hypostase, que depuis le Concile de Nicée nous devons traduire par "substance" (pour ousia) et "hypostase". On peut à la rigueur traduire hypostase par personne, mais il faut alors lui donner toute la vigueur nécessaire, ce qui n’est pas toujours évident dans les lagues modernes. Chaque hypostase est un personnage de drame, et chacune représente un drame unique entre Dieu et elle. Notre sens de la personne est toujours tiraillé entre l’individualisme (or l’hypostase n’est pas un pur individu) et le communautarisme (en particulier diverses utopies modernistes). Et si nous reconnaissons que le modèle unique de toute chose est en Dieu, n'allons pas dire que notre Dieu est une essence unique en trois hyopistases. C'est une substance unique qu'ont en commun les trois Hypostases. Elles sont con-substantielles, et elles nous donnent notre Vie dans le Pain pro-substantiel (ce serait cela la traduction exacte de "epiousion")

Les Pères latins ont un certain temps été troublés par le parallélisme étymologique entre sub-stance et hypo-stase — ce qui prouve qu’ils avaient conscience de la parenté des langues indo-européennes, qui ne sera découverte que mille ans plus tard. Il fallut leur expliquer que le mot grec “hypostase” — au cœur des débats trinitaires, - désigne le sujet porteur de l’ousia, sa substance ou sa nature, cependant que le mot latin “substantia” ne désigne qu’une matière informe et indivise, prête à recevoir tous les découpages et toutes les conformations. “Substantia” est donc à classer du côté des équivalents d’”ousia” et “hypostase” aurait comme équivalents “personne”, ou bien… “hypostase”, qui n’est qu’un calque latin du grec.

La maturation de la pensée occidentale vers une complète christianisation s’est arrêtée en chemin. il lui reste encore à bâtir un véritable personnalisme orthodoxe.
Jean-Louis Palierne
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Mon cher Jean Louis, vous avez parfaitement raison, dans vos traductions et dans votre résumé historique, mais surtout lorsque vous dites qu'il reste à bâtir un véritable personnalisme orthodoxe. L'idée que le sujet est premier et que l'ousia dépend de lui aurait été plus aisément comprise d'un chamane du paléolithique ou même d'un prêtre suméro-babylonien que d'un philosophe grec ou védantiste et, au delà, de tous les hérétiques qui ont tenté de soumettre Dieu à quelque chose d'abstrait, de général et d'impersonnel, fût-ce sa propre essence/substance.
Je vais peut-être vous étonner ou vous agacer, d'ailleurs, en remarquant que c'est aujourd'hui l'un des enjeux des grandes querelles de la physique fondamentale. Si l'on veut être tout à fait cohérent avec la théorie quantique, il faut admettre que l'homme, comme le dit John A. Wheeler, est observateur-participant dans sa lecture du cosmos, que ce n'est pas une simple lecture mais, comme vous le dites fort bien, la résultante d'une multiplicité de drames. Mais les physiciens admettent la théorie quantique contraints et forcés par le réel, en traînant des pieds, tant l'idéologie de "l'essence" est forte.
Ce personnalisme viendra plus aisément quand les vieilles habitudes de pensée ne pourront plus tenir.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

J’en suis bien conscient, et Einstein avait tort, mais il faut aussi admettre que l’homme, et la vie dont il est le couronnement, et l’univers qui l’environne, ne sont soumis à la loi de la décadence et de la mort que du fait de la chute d’Adam. Ce temps qui nous est proposé pour notre épreuve n’est qu’un temps intermédiaire, qui n’a pas sa fin en soi, et retrouvera son état primitif, sa gloire primitive, lors de la venue du Royaume.
Jean-Louis Palierne
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Nectari
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Message par Nectari »

Sur la doctrine latine du “feu purificateur”, du “purgatoire”, son origine, à mon avis, c’est l’écrit de Julien de Toledo, s. VII: Prognosticon futuri seculi libri tres. Migne PL 96, col 453-544D. Ce texte c’est la racine du la doctrine de Pierre Lombard, s. XII, sur le “feu purificateur” défendu a le pseudo-concile de Ferrara-Florence.

Pour le moment je ne pas vu aucune texte liturgique hispanique avec reference a le « feu purificateur ».

Nectari
Erg74
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Re: le Fleuve de Feu (II)

Message par Erg74 »

Frères en Christ, l’athéisme est la négation du Dieu catholique romain et protestant. Notre véritable ennemi n’est pas l’athéisme, mais ce « christianisme » falsifié et dénaturé.
C'est exactement ça; l'évidence ce que je n'arrivais pas à voir, à comprendre.
Je trouve ici, sur votre forum, beaucoup de réponses (grâce à la fonction recherche). J'espère que vos écrits sont bien sauvegardés car ils sont d'une très grande richesse.
Bravo pour votre travail et un grand merci !!!
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