Du pseudo "Rite Occidental"

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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Merci de cette précision, Jean Louis. Ce que vous aviez entendu de Maxime n’a pas été répété par la suite et ne s’invente pas. Ne m’en veuillez pas si parfois je réclame à cor et à cris des précisions mais, d’une certaine façon, je retrouve souvent un type de situation qui a empoisonné mon adolescence et vous allez comprendre aisément. Je suis née juste après la guerre, ce qui veut dire que je ne pouvais avoir aucun souvenir personnel de l’occupation. Mais nos parents n’en parlaient pas et, pour savoir quelque chose de précis, il fallait ruser, chercher des sources d’information difficiles à atteindre surtout pour des gamins, parfois tempêter. De bric et de broc, les jeunes de ma génération reconstituaient plus ou moins le puzzle mais si, par hasard, nous émettions une opinion, on nous tonnait dessus parce que nous avions ignoré tel ou tel élément que nous aurions du savoir sans que personne ne nous l’ait dit. J’ai ce même sentiment vis à vis de la diaspora russe dans les années 20/30 et juste après guerre. Il faut tout savoir, ce qu’on reproche à Boulgakov, à Berdiaev, aux frères Kovalevsky voire à d’autres mais au travers d’un brouillard de non-dit ou d’allusions "que nos intelligents lecteurs comprendront, bien sûr". Alors de temps à autre, quand j’énonce mon vécu et qu’on me critique avec une allusion de cet ordre, je pète les plombs. Et je suis bien aise de les avoir pété cette fois-ci car, sinon, je n’aurais jamais su que Maxime avait sorti cette énormité.
Je vous avoue que « l’émigration saint-petersbourgeoise » n’a pas de visage pour moi. Je serais incapable de savoir qui venait de S.P., qui de Moscou ou qui de Kiev, de Minsk, des bords de la Volga ou d’un domaine perdu dans la campagne. Il est vrai que j’ai pensé cette diaspora en termes de personnalités et non de tendances ou de groupes. J’ai connu le mouvement de « renouveau liturgique » pré-Vatican II, mais vous pensez bien qu’aux lycéens de province utilisés pour expérimenter les psaumes de Gélineau ou d’autres choses du même ordre, on ne disait rien des mouvances et des échanges parisiens. Surtout quand on vivait dans l’orbite des jèzes de Lyon !
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Glicherie
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Message par Glicherie »

Pour ma part je considère comme significatif l'échec constant du monachisme au sein de l'ECOF. Je connais des personnes qui ont été explicitements découragées de s'y interesser, de prononcer des voeux autrement que pour une vie hors communauté, "dans la ville", sans lien avec des startsii mais seulement avec "l'évêque".
On m'a rapporté que Gilles Bertrand Hardy, qui fit le cas que l'on sait des voeux prononcés au monastère Antim de Bucarest, dit à ceux qui s'y interesse "A quoi ça sert un moine ?"
Hilaire pourra je crois confirmer.
Ce que rapporte Jean-Louis explique peut être ce rejet.
Cela étant, à l'époque où il était encore canonique, l'ex-évêque Germain a su envoyer quelqu'un comme Mgr Marc (Alric) dans un monastère roumain pour y essayer un noviciat.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Gilles Bertrand Hardy a toujours déclaré à qui voulait l'entendre qu'il avait été forcé à ces voeux monastiques, puisque c'était la condition obligée de l'épiscopat. C'est une vision des choses qui souligne son immaturité personnelle. Je crois qu'il a essayé sincèrement, au moins durant le temps de la Roumanie, de ne pas en dégoûter les autres mais, évidemment, il n'était pas le mieux placé pour les conseiller.
Ceux qui ont tissé des liens directement avec des monastères roumains -- Mgr Marc évidemment, mais aussi Robert qui est mort là bas, et nombre de fidèles ou de prêtres qui allaient chercher non une vocation mais un conseil spirituel -- ont eu une vision correcte du monachisme. Les autres... ont fait ce qu'ils ont pu sans soutien réel.
Je suis d'accord avec vous que cet échec constant est significatif.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

En ce qui concerne l’anti-monachisme de l’ÉCOF je pourrais raconter encore beaucoup de choses précises vues et entendues à une époque déjà ancienne. Mais il n’est pas possible de mettre ainsi en cause des personnes, et de toute façon la question ne vaut pas la peine qu’on s’y attarde.

En ce qui concerne le modernisme parisien il me semble que vous devriez lire avec beaucoup d’attention le compte rendu qui a été publié sur le site Orthodoxie.com d’un débat qui a eu lieu à Moscou autour du “Journal” d’Alexandre Schmemann. On y trouve une appréciation très nuancée, où sont exprimées avec prudence et retenue les réserves que certains peuvent faire sur cette théologie.
Jean-Louis Palierne
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Glicherie
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Message par Glicherie »

Comme certains sites internet produisent une citation de Mgr Kallistos pour nous laisser croire qu'il est un soutient du "pseudo rite occidental", il apparait utile, comme nous l'avons fait pour le père Schmemann, de produire ici sa vraie pensée sur le sujet. Il s'exprime sur la situation en Angleterre, mais ce qu'il dit est tout à fait transposable pour la France.


If we Orthodox are indeed to use a western rite, then there needs to be a full discussion on a pan-Orthodox level to clarify what western rite we should employ.

Third, the pastoral aspect : I will speak only of the situation in Britain, for I am not qualified to express an opinion about America. Here in Britain we Orthodox, few though we are in numbers, are fragmented into a multiplicity of "jurisdictions"; but at least we are united in the use of the same rite - the Divine Liturgy of St. John Chrysostom. If a "western rite" is introduced here, it will add still further to our fragmentation. Is this desirable? Greeks, Russians, Serbs and so on, attending such a "western rite" service, wi ll not feel at home or recognize it as being Orthodox. There is a real danger that "western rite" Orthodox will find themselves cut off and isolated from the rest of the Orthodox around them. Is this pastorally helpful?

If we wish to help western persons joining Orthodoxy, the best way is to offer them the possibility of attending the Divine Liturgy of St. John Chrysostom in the English language. There is nothing "oriental" or "ethnic" about this Liturgy. True, it was written in Greek and not in Latin; but then Plato and Sophocles wrote in Greek, yet we recognize them as part of our shared European culture. The same is true of St. John Chrysostom. We English can feel thoroughly at home in his Liturgy - as I know from m y own experience.

Bishop Kallistos (Ware) of Diokleia
The Priest. A Newsletter for the Clergy of the Diocese of San Francisco. Issue No. 5, May 1996


Traduction:

Si nous, Orthodoxes avons l’intention d’utiliser un rite occidental, alors il sera nécessaire d’avoir un vrai débat au plan pan-orthodoxe pour choisir le rite occidental a employer.
(...)
Troisièmement, l’aspect pastoral : je ne parlerai que de la situation en Grande Bretagne, car je ne suis pas qualifié pour exprimer mon opinion sur la situation en Amérique. Ici en Angleterre, les orthodoxes sont peu en nombre, et fragmentés en une multiplicité de juridictions ; mais au moins, nous sommes unis par le même rite, la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome. Si un « rite occidental » devait être introduit ici, cela créerait encore plus de division.
Est désirable ? Les grecs, les russes, serbes et autre qui assisteraient à un office de rite occidental, ne s’y sentirons pas chez eux et ne le reconnaîtrons pas comme orthodoxe.

Il y a un réel danger que les orthodoxes de rite occidental se trouvent séparés et isolés du reste des orthodoxes qui les entourent. Est-ce pastoralement bienfaisant ?

Si nous voulons aider des occidentaux à se joindre à l’Orthodoxie, la meilleure façon est de leur offrir la possibilité d’assister à la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome en langue anglaise. Il n’y a rien « d’oriental » ou « ethnique » dans cette Liturgie. Il est vrai qu’elle fut écrite en grec, et non en latin ; mais Platon et Sophocle ont écrits en grec et pourtant nous les considérons comme partie intégrante de notre culture européenne.

La même chose s’applique à la Liturgie de Saint Jean Chrysostome.
Nous anglais pouvons nous sentir pleinement chez nous dans cette Liturgie, comme je l’ai personnellement expérimenté.

Evêque Kallistos de Diokleia.
Antoine
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Message par Antoine »

Les raisons exprimées ci -dessus me semblent bien pauvres en regard du problème traité.
Ce n'est pas la crainte de divisions ou encore des craintes identitaires qui sont à évoquer pour ce sujet, mais celui de la Tradition de l'Eglise, de la liturgie comme expression de sa Théologie, de la Vie en l'Esprit Saint.
Or seule la liturgie de St jean Chrysostome s'est enrichie fidèlement au cours des siècles de la foi des Pères et reste l'enseignement et la pratique vivante de cette foi qui est la notre. Il est impossible d'inventer autre chose sans se couper de cette Tradition vivante. Les expériences tentées ont toutes mené à l'hérésie.
C'est plutôt cela que j'aimerais voir développé par un Ware car les propos cités sont eux beaucoup trop conciliants et tout à fait récupérables par les adeptes de l'innovation et du modernisme.
Claude le Liseur
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Re:

Message par Claude le Liseur »

hilaire a écrit :Cher Augustin,

je pense que l'on peut distinguer piété et pietisme comme l'on peut différencier vénération et bigoterie.

Le grand philosophe orthodoxe de la bioéthique, Herman Tristram Engelhardt, voit dans le piétisme historique (celui du luthérien alsacien Spener, qui s'est ensuite répandu dans les diverses confessions protestantes, puis a contaminé l'Orthodoxie, en Russie à l'époque de saint Tikhon de Zadonsk, en Roumanie avec Oasta Domnului et en Grèce avec la Zoï) un puissant facteur de sécularisation:

Important also in the later development of the Enlightenment was Philipp Jakob Spener (1635-1705), who founded pietism which, despite the original intentions of the pietists, led in its final secularized version to a kind of democratic immanentism. Once this pietism was deprived of its supernatural orientation, it could easily provide energies for a kind of social gospel, as one finds in that child of pietism, Immanuel Kant. Among other things pietism supported (1) a larger role of the laity in church governance, (2) a friendlier response to heretics, (3) a more individualistic attitude, (4) a greater emphasis on the pratical side of religion, and (5) an opposition to narrow dogmatic concerns.

(H. Tristram Engelhardt Jr., The Foundations of Christian Bioethics, Sweets & Zeitlinger, Lisse 2000, note 72 page 119.)
Ma traduction:

Philipp Jakob Spener (1635-1705) joua aussi un rôle important dans le développement ultérieur des Lumières en fondant le piétisme, qui, malgré les intentions originelles des piétistes, conduisit dans sa version sécularisée finale à une sorte d'immanentisme démocratique. Une fois ce piétisme privé de son orientation supernaturelle, il pouvait aisément fournir des énergies pour une sorte de christianisme social, tel qu'on le rencontre chez ce rejeton du piétisme qu'était Kant. Le piétisme soutenait entre autres (1) un rôle plus important des laïcs dans l'administration ecclésiastique, (2) une réaction plus amicale à l'égard des hérétiques, (3) une attitude plus individualiste, (4) un accent plus important sur le côté pratique de la religion et (5) une opposition aux préoccupations étroitement dogmatiques.

Voilà ce qui me paraît un excellent résumé de ce qu'est le piétisme et de son essence quelles que soient les formes qu'il revêt.
Tout le livre d'Engelhardt est à recommander. Il va d'ailleurs bien au-delà du problème de la bioéthique pour montrer la différence totale de message, de nature et de conception du monde entre le christianisme orthodoxe d'une part, et les christianismes catholique romain et protestant d'autre part.
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