Eglise Autocéphale et Eglise Nationale

[hilaire]

il ne peut y avoir de pluralisme de l'Eglise car c'est un seul corps, tout ce qui n'est pas l'Eglise est autre chose, ça a l'air benêt comme formulation mais ça évite les théories du genre deux poumons et autre âneries qui ne véhiculent pas la Grâce. Si l'Eglise compte 1 prêtre et une poignée de fidèles, c'est toujours l'Eglise en plénitude, non ?

le reste pour ma part c'est secondaire.

et puis tout n'est pas perdu ! nous avons des évêques, des églises, et même des espaces d'expression sur internet !

Si le temps présent nous impose un martyr silencieux du fait que notre environnement est totalement déchristianisé, athée et en voie d'islamisation rempante... c'est ainsi, accomplissons nous dans cette configuration de notre environnement. A une époque les chrétiens se faisaient dévorer dans les arènes, aujourd'hui ils se font dévorer d'une autre manière, le temps passe, les épreuves restent en somme.

je pense que la France a beaucoup plus de chance d'être musulmane dans 20 ans qu'orthodoxe, (la France au sens institutionnel du terme).

je pense effectivement, comme le Lecteur Claude qu'il y a eu une occasion manquée, qui ne se reproduira plus de si tôt. Par contre, il se peut, on ne peut totalement l'exclure, que d'un affaiblissement apparent sorte une grande occasion de renouveau de la Foi comme disait Glicherie.

n'est ce pas par un affaiblissement apparent que Notre Seigneur a accompli ce qu'annaonçaient les prophètes?

[Jean-Louis Palierne]

Ça à mon avis c’est typique du raisonnement qui consiste à prolonger les tendances de l’instant pour prévoir à l’avenir. Ça me rappelle la planification des belles années 60, qui résolvait la crise du logement à coup de ZUP bourrées de logements en collectif, qui développait l’industrie lourde, qui prévoyait le développement de l’informatique en cartes perforées, avec d’énormes quartiers de sièges sociaux hypercentralisés. Beaucoup de choses se sonr passées d’une manière tout à fait non prévue.

Et maintenant dans le domaine du “religieux”. J’entrevois la société de consommation totalement monfialisée provoquant le déclin de l’Islam et du papisme, impuissants devant la modernité, et dans le désert spirituel ainsi créé l’essor irrésistible de l’Orthodoxie.

Arrêtons de lire dans la boule de cristal. Seul le Seignaur dirige son Église par les voies que lui seul connaît. Seul l’Esprit suscite les Prophètes. Faisons ce que nous avons à faire. Je ne suis pas du tout certain que la création de structures canoniques missionnaires canoniques orthodoxes dans les années 60 aurait donné quelque chose. Je ne suis pas plus certain que le blocage des juridictions ethnophylétistes que nous connaissons actuellement soit viable même à cours terme.

Que se passera-t-il ? Je ne sais. Rien ne me paraît évident, ni dans un sens ni dans l’autre.

[Anne Geneviève]

C’est long, 20 ans, Hilaire.
Il y a 20 ans, donc en 1986, si on m’avait demandé ce que serait la France en 2006 du point de vue religieux, j’aurais parié pour un mélange d’agnosticisme bienveillant et de bouddhisme. Je n’aurais jamais pensé, jamais prévu que l’islam se répandrait chez des jeunes qui réclament une loi divine, qu’il s’accompagnerait d’un mouvement du même esprit chez les Juifs et chez les ktos (et plus c’est contraignant, plus c’est bon). Aux marges de notre bonne vieille orthodoxie, d’ailleurs, on commence d’entendre des voix en faveur du voile des femmes avec une lecture légaliste de l’apôtre Paul… Je n’aurais jamais pensé non plus que ça réveillerait un athéisme militant sous le vocable de laïcisme.
Occasion manquée ? Non, puisque les immigrés des pays orthodoxes en France, Suisse et Belgique (je ne dirais pas pays francophones car le cas du Québec et des pays africains est très différent) n’étaient pas en état avant les années 60 d’avoir une vision missionnaire : traumatisme de la révolution de 17 et de la guerre civile, puis, ne l’oublions pas, nouveau traumatisme de l’occupation nazie. Seule la Suisse fut épargnée mais bien coincée géographiquement entre Allemagne, Autriche, France et Italie, avec toutes les angoisses que cela pouvait entraîner pour les réfugiés russes et autres. L’occasion ne pouvait pas être saisie, malgré la confrérie saint Photius.
Occasion manquée ? Quand on vit en région parisienne, que l’on voit le nombre croissant de Français dans les paroisses orthodoxes, on a plutôt le sentiment d’un germe fragile qui pousse à l’abri de l’ombre. Que sera-t-il dans 20 ans ? Un arbre, un buisson ou une plantule desséchée ? Je n’en sais rien et personne ne le sait.
J’ai vu pendant des années, puisque j’appartenais à une Eglise qui comptait une majorité de convertis et qui a servi de sas vers l’orthodoxie pour beaucoup, les difficultés et même les ravages que pouvaient amener les bases fausses, les mémoires parasites du catholicisme tridentin au fond de l’âme. J’ai vu aussi arriver au baptême des jeunes qui n’avaient aucune base, issus de familles agnostiques, du judaïsme si ce n’est de l’islam. C’était nettement plus simple pour eux d’entrer dans l’orthodoxie, ils n’avaient pas besoin en permanence de tirer sur des racines d’hérésie (c’est pire que les orties !) en eux-mêmes.
Claude, vous citez la parole du Christ : « Quand le Fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Qu’est-ce qui vous fait penser que c’est une parole pour notre temps ? Et que donc nous sommes très proches du second avènement…
Je pose là une vraie question, pas une fausse pour polémiquer. Votre vision des choses m’étonne et m’interroge de plus en plus.

[Claude le Liseur]

Claude, vous citez la parole du Christ : « Quand le Fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Qu’est-ce qui vous fait penser que c’est une parole pour notre temps ? Et que donc nous sommes très proches du second avènement…
Je pose là une vraie question, pas une fausse pour polémiquer. Votre vision des choses m’étonne et m’interroge de plus en plus.

Chère Anne-Geneviève,

Vous m'attribuez une citation du saint Evangile que je n'ai pas faite, mais qui a été faite par Antoine dans son message du 20 juin, dont il me semble que le sens était clairement qu'il n'y a rien d'hétérodoxe à ne pas faire preuve de triomphalisme quand il n'y a aucune occasion de se réjouir ou de faire des pronostics favorables.

Du moins, c'est ainsi que j'ai interprété cette citation, dans le contexte. Peut-être devriez-vous poser directement la question à Antoine.

Pour ma part, je ne sais pas si nous sommes proches ou non du second avènement.

Quant à ma vision des choses, je l'ai clairement exprimée, et, s'il le faut, je vais vous le dire encore plus clairement.

Les Suisses chantent dans la 4e strophe du cantique national:

"Des grands monts vient le secours;

Suisse, espère en Dieu toujours!

Garde la foi des aïeux,

Vis comme eux!

Sur l'autel de la patrie

Mets tes biens, ton coeur, ta vie!

C'est le trésor précieux

C'est le trésor précieux

Que Dieu bénira des cieux,

Que Dieu bénira du haut des cieux."

Dans le Feuerwon de Michel Lentz, les Luxembourgeois chantent quelque chose qui a à peu près le même sens:

Mir welle bleiwe wat mir sin.

"Nous voulons rester ce que nous sommes."

(OK, c'est du francique, mais c'est quand même pas si éloigné de l'allemand, wir wollen bleiben, was wir sind, non?)

Si d'autres ont fait d'autres choix collectifs, des choix de civilisation aux conséquences radicales, il est déplorable qu'ils prétendent l'imposer à leurs voisins. Aujourd'hui comme il y a 200 ans. Et c'est d'autant plus déplorable quand ces "autres" sont en même temps "les miens".

Je ne fais donc que constater l'existence de ce choix de civilisation, et je vous invite aussi à méditer le sens du mythe de Kosovopolje et du choix du saint prince Lazare.

A ce choix fondamental de civilisation s'ajoutent d'autres facteurs (adogmatisme, indifférentisme, goût pour les expériences religieuses de faible intensité, papisme exacerbé depuis un quart de siècle et qui est en train d'absorber complètement le catholicisme romain, manque de constance) qui m'amènent à une pronostic défavorable.

Sans prendre en compte d'autres facteurs qui sont, eux de nature ecclésiale (persistance de vieilles lunes comme l'oecuménisme, l'érastianisme, le césaropapisme, le phylétisme; querelles internes qui pèchent contre l'unité; incapacité à opposer une réponse ferme à des aventuriers qui se parent de titres d'apparence orthodoxe) et qui n'arrangent pas la situation.

D'un autre côté, je reconnais qu'il y a aussi d'autres facteurs qui font que la prophétie d'Aggée (Agg 2,9: "la dernière gloire de cette maison sera plus grande que la première") a bien sûr plus de chances de se réaliser aujourd'hui que du temps de l'archiprêtre Guettée. Parmi ces facteurs, il y a naturellement l'établissement du monachisme authentique dans les Alpes par l'archimandrite Placide (Deseille) et le travail extraordinaire de traduction mené par l'archimandrite Denis (Guillaume) et M. Jean-Louis Palierne.

[Anne Geneviève]

Désolée d'avoir confondu les auteurs !

Sans rentrer dans la politique, ce dont j'essaie de m'abstenir le plus possible ici, je ne suis pas sûre qu'un choix collectif de civilisation ait été définitivement fait en France. Mais plutôt que les gens courbent le dos sous une propagande d'une rare ampleur, comme jusqu'ici on n'en a vu que dans les pays totalitaires.
La croûte est épaisse, je vous l'accorde, mais il y a de la vie par dessous. J'essaie de ne pas les confondre.
Qui aurait pensé que l'ordre soviétique s'effondrerait aussi vite qu'il l'a fait ?
Cela pose un problème grave, celui des rapports spirituels entre un peuple et ses dirigeants, qu'il s'agisse des politiques ou des "maîtres à penser" médiatiques. Nous ne sommes plus, heureusement, dans la mentalité hujus regio, cujus religio même si les "laïcistes" s'agitent.
Ou pour le dire autrement: je n'ai pas envie que nous restions ce qu'on essaie de nous forcer à être, et je ne suis sans doute pas la seule.
Merci d'avoir complété votre message pendant que j'écrivais le mien que, du coup, je reprends.
Ce que vous décrivez est bien présent mais... vous parlez du père Placide, ce n'est pas le seul monastère orthodoxe sur notre sol, ils se sont multipliés ces dix dernières années.
Il y a tout le travail de traduction mais aussi celui des musiciens, des chefs de choeur, il y a des conférences, des rencontres.
Nous sommes une minorité mais vivante.

La France va peut-être passer par des épreuves très chaotiques pour que la croûte se brise. Je le vois venir et non sans crainte pour ce et ceux que j'aime. Mais ce qui me donne à espérer, c'est justement ce germe vivant de l'orthodoxie. Et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, même si ce n'est pas grand chose, pour qu'il reste vivant.

[Jean-Louis Palierne]

Il y a une chose très frappante quand on a vu les communautés orthodoxes sur un certain nombre d’années, c’est l’obstination avec laquelle la plupart d’entre ces convertis piochent, approfondissent, l’Orthodoxie. Par la pratique de la Liturgie, par l’étude, par la prière, par les recontres, par les pélerinages et autres voyages, tous s’efforcent d’approfondir la Vérité.

Non pas tous, certes, il est vrai qu’il y a quelque “déchet” (pardon pour ce vilain mot) mais presque tous creusent leurs connaissances.

Ce ne sont pas des groupes constitués qui sont entrés dans l’Église orthodoxe, ce sont uniquement des individus dispersés, passant souvent par des itinéraires très inattendus. La plupart avaient connu des épreuves parfois très dures déjà avant leur entrée dans l’Église orthodoxe, des épreuves qui mêlaient problèmes de santé, problèmes familiaux, problèmes personnels ; des épreuves liées aussi aux grands bouleversements idéologiques, politiques et spirituels de l’après-Vatican II et de l’après-1968. Ils avaient été déstabilisés.

Lorsque certains parfois émettent l’opinion qu’une grande occasion a été manquée, cette réflexion désabusée vient pour une grande part de que l’on a pu croire que des reclassements collectifs allaient se produire dans les éventails idéologiques. Mais je crois que c’était une illusion. Les grands bouleversements en question sont survenus plus tard, avec la chute du communisme, ou bien commencent seulement à se produire en ce qui concerne le catholicisme. S’il doit y avoir un jour des mouvements structurels, ce n’est en tout cas pas pour demain.

C’est pourquoi je ne crois pas qu’on puisse parler d’une “occasion” manquée dans les années 30 ou 40. D’autant qu’on constate, à côté d’une désaffection croissante pour les idéologies d’hier et les idéologies d’aujourd’hui, un mouvement de “retour du spirituel” et il me paraît tout à fait impossible de faire aujourd’hui des prévisions sur ce qui va se passer.

Ce qui me paraît fort grave, c’est l’onconscience complète des appareils ecclésiaux orthodoxes actuels, qui ne semblent prendre en considération que ce qui se passe au niveau des institutions officielles. Les quelques faibles efforts qui avaient pu être constatés (en faisant très attention) dans les années 80 semblent gelés par l’urgence de répondre aux besoins des populations de l’Europe orientale attirées par les mirages des sociétés occidentales. Ce sont d’ailleurs de vrais besoins, mais je doute qu’on puisse leur apporter une réponse durable sans montrer que l’Orthodoxie n’est pas seulement un héritege ancestrale, mais que les occidentaux aussi en éprouvent le besoin.