le Dictatus Papae de Grégoire VII

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Claude le Liseur
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le Dictatus Papae de Grégoire VII

Message par Claude le Liseur »

Tout en vous demandant à tous pardon de ne pratiquement plus apporter de contribution à ce forum à cause de la pression des délais à respecter, je réponds ici à un correspondant qui m'a demandé le texte du Dictatus Papae de Grégoire VII auxquels j'ai fait plusieurs fois allusion sur ce forum. Je lui réponds sur le forum, car je crois ce texte susceptible d'intéresser plusieurs personnes.

Le moine toscan Hildebrand, devenu Grégoire VII en 1073 lors de son avènement sur le siège de l'Ancienne Rome, canonisé par Paul V en 1606, est l'une des idoles du catholicisme intégriste contemporain. On le comprend sans peine: peu d'hommes ont eu une pareille influence négative sur les destinées du monde. C'est lui qui a canonisé le système de Nicolas Ier pour rajouter à l'hérésie du filioquisme, adoptée à Rome en 1014, celle du papisme. Sa réforme a miné à jamais le monachisme et le clergé en Occident, notamment en imposant le célibat sacerdotal par de rudes moyens. Le pontificat de Grégoire VII marque le moment où la Papauté franke et filioquiste qui avait supplanté l'ancien patriarcat orthodoxe de Rome rompt ses liens de vassalité à l'égard de l'empereur germanique pour afficher des ambitions qui lui sont propres.
Le père Guettée décrit très justement Grégoire VII comme un homme qui a multiplié les "entreprises contre les Eglises et contre les trônes". S'il a réussi à humilier l'empereur germanique à Canossa en 1077, ses entreprises contre la France n'eurent pas le même succès. Son successeur Boniface VIII eut le tort de ne pas s'en souvenir deux siècles plus tard...

On comprend d'autant mieux la vénération que certains catholiques-romains de notre époque éprouvent à l'égard de Grégoire VII que l'on retrouve chez lui des traits de la Papauté post-concile Vatican II, à savoir à la fois l'affirmation de la toute-puissance papale et une islamophilie intéressante (il écrivit à un prince musulman "Nous croyons en un seul Dieu et l'honorons quoique d'une manière différente. Je vous souhaite la béatitude éternelle dans le sein d'Abraham.")
Je ne peux que souscrire au jugement sévère du père Guettée:
"Si Grégoire VII eut traité les rois chrétiens avec autant de tolérance, son pontificat n'aurait pas été rempli par des luttes qui couvrirent l'Europe occidentale de sang et de ruines. La papauté n'aurait pas autant dévié des vieux sentiers de l'orthodoxie, et le monde chrétien aurait revu les jours de son ancienne splendeur.
Grégoire VII était doué d'une activité prodigieuse. Mais grâce à la mauvaise direction qu'il donna à cette activité, il ne fit que du mal aussi bien à l'Eglise occidentale qu'à la société tout entière."

Au printemps 1075, Grégoire VII publia les 27 courtes thèses de son Dictatus Papae. L'historien jésuite Jean Mathieu-Rosay les a qualifiées de "principes qui resteront ceux de la papauté".

En attendant de trouver le texte latin et le texte complet des 27 points, j'en reproduis, pour répondre le plus vite possible à la demande de mon correspondant, les principaux:

"L'Eglise romaine a été fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ.

Le légat du pape, quoique d'un rang inférieur, préside tous les évêques dans les conciles.

Les causes majeures de tous les évêques doivent être portées au tribunal du pape.

L'Eglise romaine n'a jamais erré. (Il y avait encore des résistances au Filioque à ce moment-là, en Irlande, à Paris, en Provence, en Italie du Sud et à Rome même... -NdL)
On ne doit pas regarder comme catholique celui qui n'est pas d'accord avec l'Eglise romaine.

Le pape élu canoniquement devient incontestablement saint.

Le pape seul a le droit de porter les orenements impériaux.

On ne peut mentionner dans les offices d'autre nom que le sien.

Le pape seul peut établir de nouveaux évêchés, partager les anciens ou les unir à d'autres, et faire de nouvelles lois.

Le pape peut déposer les empereurs et absoudre du serment de fidélité les sujets qui l'ont prêté à des princes injustes."
Dernière modification par Claude le Liseur le lun. 20 mars 2006 20:00, modifié 1 fois.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Chers tous,

J'ai trouvé sur un site allemand http://www.stabi.hs-bremerhaven.de/gbs2 ... dictat.htm le texte original latin du Dictatus Papae (accompagné d'une traduction allemande). Je donne ici le texte latin avec ma traduction, dont j'assume la responsabilité.

I.
Quod Romana ecclesio a solo Domino sit fundata.
Que l'Eglise romaine n'a été fondée que par le Seigneur.

II.
Quod solus Romanus pontifex iure dicitur universalis.
Que seul le pontife romain a le droit d'être appelé universel.

III.
Quod ille solus possit deponere episcopos vel reconciliare.
Que lui seul peut déposer les évêques ou les réconcilier.

IV.
Quod legatus eius omnibus episcopis presit in concilio etiam inferioris gradus et adversus eos sententia deponere possit dare.
Que son légat préside tous les évêques en concile, même s'il leur est inférieur en degré de sacerdoce, et qu'il peut prononcer contre eux la sentence de déposition.

V.
Quod absentes papa possit deponere.
Que le pape peut déposer les absents.

VI.
Quod cum excommunicatis ab illo inter cetera nec in eadem domo debemus manere.
Que nous devons pas, entre autres, rester dans la même maison que ceux qu'il a excommuniés.

VII.
Quod illi soli licet pro temporis necessitate novas leges condere, novas plebes congregare, de canonica abbatiam facere et contra, divitem episcopatum dividere et inopes unire.
Que lui seul a le droit, selon les nécessités du moment, de promulguer de nouvelles lois, de créer de nouvelles communautés, d'ériger une fondation canonique en abbaye et vice-versa, de diviser un évêché riche et de réunir des évêchés pauvres.

VIII.
Quod solus possit ut imperialibus inisgniis.
Que lui seul peut arborer les insignes impériaux.

IX.
Quod solus pape pedes omnes principes deosculentur.
Que tous les princes baisent les pieds du seul pape.

X.
Quod illius solius nomen in ecclesiis recitetur.
Que seul son nom est commémoré à l'église.

XI.
Quod hoc unicum est nomen in mundo.
Que son nom est unique au monde.

XII.
Quod illi liceat imperatores deponere.
Qu'il a le droit de déposer les empereurs.

XIII.
Quod illi liceat ad de sede ad sedem necessitate cogente episcopos transmutare.
Qu'il a le droit de transférer les évêques d'un siège à un autre en cas de nécessité.

XIV.
Quod de omni ecclesia quocunque voluerit clericum valeat ordinare.
Qu'il peut ordonner n'importe quel clerc de n'importe quelle Eglise locale.

XV.
Quod ab illo ordinatus alii ecclesie preesse potest, sed non militare; et quod ab alio episcopo non debet superiorem gradum accipere.
Que quelqu'un ordonné par lui peut commander à une autre Eglise, mais pas la servir; et qu'il ne peut pas accepter d'un autre évêque un degré du sacedoce supérieur à celui qu'il a reçu (du pape).

XVI.
Quod nulla synodus absque precepto eius debet generalis vocari.
Que nul concile ne peut être appelé général sans son ordre.

XVII.
Quod nullum capitulum nullusque liber canonicus habeatur absque illius auctoritate.
Qu'aucun article de loi et aucun livre ne peuvent être tenus pour canoniques sans sa sanction.

XVIII.
Quod sententia illius a nullo debeat retractarai et ipse omnium solus retractare posset.
Qu'aucune de ses décisions ne peut être cassée par quiconque et que lui seul peut casser les décisions de tous les autres.

XIX.
Quod a nemine ipse iudicari debeat.
Qu'il ne doit être jugé par personne.

XX.
Quod nullus audeat condemnare apostolicam sedem appellantem.
Que nul n'ose condamner celui qui fait appel au près du siège apostolique.

XXI.
Quod maiores cause cuiuscunque ecclesie ad eam referri debeant.
Qu'il faut lui soumettre les causes litigieuses les plus importantes de toutes les Eglises.

XXII.
Quod Romana ecclesia nunquam erravit nec imperpetuum scriptura testante errabit.
Que l'Eglise de Rome n'a jamais erré et que, selon le témoignage de l'Ecriture, elle ne tombera jamais dans l'erreur.

XXIII.
Quod Romanus pontifex, si canonice fuerit ordinatus, meritis beati Petir indubitanter effecitur sanctus testante sancto Ennodio Papiensi episcopo ei multis sanctis patribus faventibus, sicut in decretis beati Symachi pape continetur.
Que le pontife romain, s'il a été ordonné canoniquement, deveint indubitablement saint grâce aux mérites du bienheureux Pierre, comme en témoignent les écrits du saint évêque Ennodius de Pavie, approuvé par de nombreux saints Pères, comme l'affirment les décrets du bienheureux pape Symmaque.

XXIV.
Quod illius preceptus et licentia subiectis liceat accusare.
Que l'on peut accuser des sujets avec son ordre et son autorisation.

XXV.
Quod absque synodali conventu possit episcopos deponere et reconciliare.
Qu'il peut déposer et réconcilier des évêques sans convoquer de synode.

XXVI.
Quod catholicus non habeatur, qui non concordat Romane ecclesie.
Que l'on ne peut tenir pour catholique celui qui est en désaccord avec l'Eglise de Rome.

XXVII.
Quod a fidelitate iniquorum subiectos potest absolvere.
Qu'il peut délier les sujets de leur fidélité à des princes pécheurs.

(Prétention très utilisée par les papes du XVIème siècle pour organiser des complots contre Elisabeth Ière d'Angleterre - NdL.)
Dernière modification par Claude le Liseur le lun. 20 mars 2006 20:00, modifié 1 fois.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Je reconnais que ma traduction du Dictatus Papae du latin vers le français est trop littérale et horrible sur le plan stylistique. Cela s'explique sans se justifier par le fait que j'ai perdu la familarité avec le latin que j'avais au collège, n'ayant plus eu à faire de traduction du latin vers le français à partir de l'entrée à l'université.

Mais voici l'adresse d'un site Internet qui donne une traduction du Dictatus Papae dans un français élégant et pas en "traduit du":

http://www.encyclopedie-universelle.com ... enne2.html

Il faudrait, quand je serais libéré des mes obligations présentes, que je revienne sur ce déplorable personnage de Grégoire VII, car j'ai trouvé dans Les rois thaumaturges de Marc Bloch un passage qui va encore plus dans le sens du jugement du père Wladimir Guettée à propos de "ses entreprises contre les Eglises et contre les trônes".
Dernière modification par Claude le Liseur le lun. 20 mars 2006 20:01, modifié 1 fois.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Je fais remonter ce fil suite au dernier message d'Anne-Geneviève, qui y trouvera le texte original latin du Dictatus Papae du funeste Grégoire VII.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Merci, je me doutais bien qu'il avait déjà été vu sur le forum mais je n'avais pas eu le temps de chercher.
Gardons ce fil actif. J'ai mis mes derniers commentaires sur le fil nouveau pape, mais celui-ci est bien pour un travail plus historique.
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

L’abbaye d’Aniane était toujours sous la juridiction de l’évêque du lieu. Je n’ai plus la carte carolingienne en tête et je ne sais plus si c’était déjà celui de Maguelonne. Lorsque Charlemagne demande à Benoît d’Aniane de remettre de l’ordre dans les monastères et abbayes du royaume franc, il envoie des moines là où les abbés le lui réclament mais il n’y a aucun rattachement canonique de ces abbayes à Aniane, elles restent sous la bénédiction de leur évêque. On peut discuter de l’adaptation par Benoît d’A. de la règle de Benoît de Nursie, en particulier de son ordo liturgique mais il n’y a pas création d’ordre comme ce sera le cas un siècle plus tard avec Cluny.
Le premier ordre monastique, au sens strict, c’est l’ordre clunysien, suivi de ceux, tout aussi bénédictins, de Fleury et de Montmajour. Or il est fort intéressant de voir que la charte de fondation de Cluny émane du comte Guilhem d’Aquitaine, qu’il précise dans sa donation le patronage à donner au futur monastère – celui des apôtres Pierre et Paul, dont le tombeau à Rome était un pèlerinage couru depuis plusieurs siècles – et sa règle, sans oublier son abbé. Il met l’abbaye de Cluny, désormais propriétaire des biens donnés, sous la protection des apôtres et du pape. Protection canonique, comme il a souvent été écrit ? Nenni. Il s’agit de la protection temporelle, d’excommunier un éventuel voleur ou spoliateur, à l’encontre duquel suit une véritable exécration dans le plus pur style judaïsant. Tout cela pour fixer ensuite la compensation financière, selon la coutume la plus germanique !
Le recours à la protection canonique du pape en s’émancipant de l’évêque du lieu est plus probablement une initiative du premier abbé, Bernon. Il n’en est pas à son coup d’essai. En 894, devenu abbé de Baume les Messieurs où il applique la réforme de Benoît d’Aniane (ce qui signifie qu’elle n’avait pas encore pris partout), il obtient du pape Formose que les abbayes de Gigny (qu’il a fondée) et de Baume soient placées sous l’autorité directe de Rome. Dès qu’il ajoute Cluny à ses abbayes, il n’a de cesse de multiplier les fondations et les abbatiats – soi-disant pour accélérer la réforme monastique et installer l’ordo bénédictin, alors que ce cumul est en contradiction avec la règle des deux Benoît ! Toujours en contradiction avec la règle et la volonté du comte Guillaume ou Guilhem, il désigne lui-même ses successeurs pour l’ensemble, Guy et Odon.
C’est Odon, abbé en 927, qui obtiendra formellement pour Cluny le fameux « privilège de l’exemption », c’est à dire de sortir de l’obédience de l’évêque du lieu pour relever officiellement du seul pape, ainsi que l’autorisation de réformer les monastères du royaume franc et d’Italie.
Un siècle avant Hildebrand, Bernon. Les papes sont alors au plus bas de ce qu’ils ont pu être et Rome la proie de quelques familles aristocratiques qui se disputent surtout le patrimoine temporel. Il était facile à Bernon et à ses émules d’obtenir de tels privilèges anti-canoniques : il suffisait de graisser la patte de la personne la plus influente à Rome, qui n’était pas forcément le pape lui-même. Mais on voit bien que, de Bernon à Hildebrand, sous le terme toujours suspect de « réforme », il s’agit de mettre en place un système pré-défini.
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Message par Anne Geneviève »

CHARTE DE LA FONDATION DE CLUNY, 909 ou 910
"Il est clair aux esprits clairvoyants que la providence Divine a si bien pourvu certains hommes riches que, par le moyen de leurs biens temporaires, s'ils les emploient bien, ils peuvent faire en sorte de mériter la récompense éternelle. En vérité, en ce qui concerne cette chose, la parole divine montrant la chose possible et la conseillant au même moment : "la richesse d'un homme est le rachat de son âme" (Prov. XIII). Nous, Guillaume, Comte et duc par la grâce de Dieu, soupesant consciencieusement cela et désirant pourvoir à mon propre salut tandis que je le peux encore, avons considéré qu'il est recommandable, qui plus est au plus haut point nécessaire, que des biens temporels qui m'ont été conférés, je me dois d'en céder une petite partie pour le gain de mon âme. Je fais cela, en vérité, afin qu'ayant ainsi augmenté mes richesses, je ne puisse pas, par accident, être finalement accusé d'avoir tout dépensé pour le soin de ma personne, mais plutôt pour pouvoir me réjouir, quand le destin finalement m'arrachera toutes choses, d'avoir réservé quelque chose pour moi-même. Cette finalité, en effet, ne semble pas accessible d'une autre manière plus appropriée que celle qui vient d'être dite, selon l'enseignement du Christ : "je me ferai pauvre pour mes amis" (Luc XVI, 9), et en faisant un acte non pas provisoire mais durable, je m'oblige à prendre à ma charge une communauté de moines. Et c'est ma foi, c'est mon espoir que, malgré mon incapacité à mépriser toutes choses, tout en recevant le mépris de ce monde, ce que j'estime être juste, je puisse recevoir la récompense du juste. Ainsi, qu'il soit connu de tous ceux qui vivent dans l'unité de la foi et qui attendent la miséricorde du Christ, et à ceux qui leur succéderont et qui continueront d'exister jusqu'à la fin du monde, que, pour l'amour de Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, je remets de ma propre autorité aux saints apôtres Pierre et Paul les biens dont je dispose, à savoir la ville de Cluny, avec son courtil, sa manse dominicale et son église en l'honneur de sainte Marie mère de Dieu et de saint Pierre, le prince des apôtres, tout ceci avec ce qui s'y rapporte, les villae, bien sûr, les chapelles, les serfs des deux sexes, les vignes, les champs, les prés, les bois, les milieux aquatiques et leurs évacuations, les moulins, les produits et les revenus, ce qui est cultivé et ce qui ne l'est pas : toutes ces choses dans leur intégralité. Ces choses appartiennent ou dépendent du pays de Mâcon, chacune entourée de ses propres bornes. Je donne toutes ces choses auxdits apôtres, moi Guillaume, et ma femme Ingelberge, premièrement pour l'amour de Dieu, puis pour mon âme. Pour mon Seigneur Roi Eudes, ou mon père et mère; pour moi et ma femme (pour le salut de nos âmes et corps) et tout autant pour Ava, qui m'a laissé ces choses par sa volonté; pour les âmes de nos frères et sœurs et neveux et de tous nos parents des deux sexes; pour nos fidèles qui se mettent à notre service; pour l'avancement, aussi et l'intégrité de la religion catholique. Finalement, puisque nous tous, Chrétiens, sommes unis par un devoir commun d'amour et la foi, faisons de cette donation un bien de tous, à savoir les orthodoxes des temps passés, présents ou futurs. Cependant, je donne ces choses à la condition qu'il soit érigé à Cluny un monastère régulier en l'honneur des apôtres saints Pierre et Paul, et que là se réunissent des moines vivant sous la règle de saint Benoît possédant, détenant et gouvernant à perpétuité les choses concédées, de sorte que cette maison devienne la véritable demeure de la prière, emplie sans cesse de vœux fidèles et de supplications pieuses et qu'on y recherche à jamais avec ardeur les merveilles du dialogue avec le Ciel, ainsi qu'on y adresse assidûment prières, supplications et exhortations à Dieu, autant pour moi que pour tous, selon l'ordre dont il a été fait mention ci-dessus. Et laissez les moines eux-mêmes, ensemble avec tous les biens susmentionnés, être sous le pouvoir et l'autorité de l'abbé Bernon, qui, tant qu'il vivra, les dirigera avec constance, selon ses connaissances et ses capacités. Mais après sa mort, ces mêmes moines auront le pouvoir et l'autorisation d'élire quelqu'un de leur ordre qu'il leur plaira comme abbé et recteur, suivant la volonté de Dieu et la règle promulguée par saint Benoît, dont la sagesse veut que personne, ni par notre intervention, ni par aucun autre pouvoir, ne peut être empêché de procéder à une élection purement canonique. Tous les cinq ans, lesdits moines paieront à Rome dix sous à l'église apostolique romaine pour la fourniture des leurs éclairages, et ils auront la protection desdits apôtre et du pontife romain. Ces moines peuvent de tout leur cœur et de toute leur âme bâtir le lieu susdit. Nous voulons, de surcroît, qu'en notre temps et en celui de nos successeurs, selon les opportunités et les possibilités offertes par ce lieu, qu'il y soit fait quotidiennement des actions miséricordieuses envers les pauvres, les nécessiteux, les étrangers et les pèlerins. Il nous a plu aussi d'insérer dans cet acte qu'à compter de ce jour, lesdits moines ne soient aucunement soumis ni à notre joug, ni à celui de nos parents, du pouvoir royal ou d'une quelconque puissance terrestre. Et, par Dieu, par ses saints, et par le jour redoutable du jugement, j'exhorte et j'adjure qu'aucun prince séculier, ni comte, ni évêque, ni même le pontife romain, n'envahisse les biens de ces serviteurs de Dieu, ou ne les confisque, ou n'en soustraie quelque chose, ou bien ne les échange, ne les donne en bénéfice à quiconque ou leur impose la volonté de quelques uns . Que de tels actes impurs soient encore plus proscrits quand ils sont le fait d'hommes violents et mauvais, je vous le conjure, saints apôtres, princes glorieux de ce monde, Pierre et Paul et vous, ô suprême Pontife, que, par l'autorité canonique et apostolique vous avez reçue de Dieu, vous excluiez de la communion de la Sainte Église de Dieu et de la vie éternelle les voleurs et les envahisseurs de ces biens que je vous donne d'un cœur joyeux et d'une ferme volonté, pour que vous soyez les protecteurs et les gardiens dudit lieu de Cluny et des serviteurs de Dieu qui y habitent, et de toutes ses possessions, par la clémence et la miséricorde du plus saint Rédempteur. Si quelqu'un, fût-il voisin ou étranger et quelque fût sa condition, tente d'user, par une quelconque ruse, d'actes de violence contraire au don que nous avons ordonné d'être écrit pour l'amour de Dieu tout-puissant et pour la vénération des chefs des apôtres Pierre et Paul (Ce que ne permet pas le Ciel, ce que la pitié de Dieu et la protection des Apôtres empêcheront, je pense, de se produire), qu'on le laisse d'abord encourir la colère du Dieu tout-puissant. Laissez Dieu le faire disparaître du monde des Vivants et ôter son nom du Livre de Vie, et laissez ce qu'il lui reste rejoindre ceux qui ont dit au Seigneur Dieu : Eloignez-vous de nous; Et avec Dathan et Abiron, pour qui la terre, ouvrant ses mâchoires, les engloutit en enfer toujours vivant, laissez le encourir la damnation éternelle. Et, étant fait compagnon de Judas, laissez-le être poussé en bas vers des tortures éternelles et laissez le paraître aux yeux des humains passer impunément dans ce monde, qu'il sente dans sa propre chair les tourments de sa future damnation, partageant le double malheur avec Héliodore et Antioche, l'une échappant de justesse à la mort par la pointe et l'autre qui, terrassée par la volonté divine, ses membres dispersés et putréfiés par la vermine, périt le plus misérablement. Laissez -le partager ce sacrilège avec d'autres qui recherchent à piller les trésors de la maison de Dieu et laissez-le, à moins qu'il se mette à ouvrir les yeux, être comme un ennemi, comme quelqu'un qui refuse l'entrée dans le Paradis béni, gardé par celui qui détient les clefs de l'Eglise et rejoint au dernier jour par saint Paul, dont il aurait pu obtenir la médiation. Cependant, tant qu'existeront les lois temporelles, il sera nécessaire que la justice le contraigne de payer cent livres d'or à ceux à qui il a nui. Sa tentative d'agression ayant été contrée, ne sera suivi d'aucun effet. Mais la validité de cette charte de donation, revêtue de toute l'autorité, elle, demeurera inviolée et inattaquable, tout cela ensemble, tel qu'il a été dit.
Fait publiquement dans la cité de Bourges. Moi, Guillaume, j'ai ordonné que cela soit fait, rédigé et ratifié de ma main."
( Signé par Ingelberge et un certain nombre d'évêques et de nobles)
Tiré du site http://www.encyclopedie-universelle.com
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