Martyrs Chrétiens

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Sylvie
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Martyrs Chrétiens

Message par Sylvie »

Chers amis,

Reçu par Zénit :
Des extrémistes islamistes tuent six chrétiens aux Philippines
Après avoir frappé à la porte des maisons en demandant aux habitants s’ils étaient chrétiens

ROME, Jeudi 9 février 2006 (ZENIT.org) – Des extrémistes islamistes ont assassiné de sang froid, vendredi 3 février, six chrétiens dans le petit village de Patikul, sur l’île de Jolo.

Selon l’agence « AsiaNews », organe d’information de l’Institut pontifical des missions étrangères, les assaillants, des membres présumés du groupe terroriste Abbu Sayyaf, proche d’Al Qaeda, ont frappé à la porte des maisons demandant aux habitants s’ils étaient musulmans ou chrétiens.

Après avoir obtenu cette information et en fonction de la réponse, les assaillants sont revenus pour tirer sur ceux qui s’étaient déclarés chrétiens.

Le porte-parole des Forces armées des Philippines, le général Alexander Aleo, a confirmé l’information, révélant que parmi les morts se trouve également une enfant de neuf mois.

Le militaire a aussi expliqué qu’au cours de l’attaque cinq autres personnes ont été grièvement blessées, parmi lesquelles un enfant de trois ans.

Abu Sayyaf est un des groupes guerriers les plus craint parmi ceux qui opèrent au sud des Philippines. Depuis sa création en 1991, l’histoire d’Abou Sayyaf a été écrite avec le sang de ses victimes, dont des touristes et des religieux.
Habituellement, lorsque ce sont des catholiques qui sont tués, l'agence Zénit précise parfois jusqu'au noms et communauté des martyrs.

Mais comme elle ne mentionne que ce sont des Chrétiens, je me posais la question si c'était des Orthodoxes. Est-ce que quelqu'un est au courant de la nouvelle ?

J'aimerais aussi connaître les pays où les Orthodoxes sont persécutés à cause de leur foi par le martyr de sang. Je précise car par mon expérience nouvelle, j'ai l'impression que le martyre par parole est partout dans le monde pour les Orthodoxes.

Madeleine
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Les Philippins sont chrétiens à plus de 90% et, parmi les chrétiens, les catholiques romains doivent représenter près de 80%. Comme dans tous les pays pauvres, le protestantisme est en forte progression, sous sa forme pentecôtiste essentiellement. Mais une particularité des Philippines est qu'elle a une Eglise "nationale" (dans le style de l'Eglise catholique polonaise des Etats-Unis ou de l'Eglise catholique patriotique de Chine), c'est-à-dire une Eglise catholique non romaine, assimilée aux vieux- catholiques de l'Union d'Utrecht (dont elle est membre) et en intercommunion avec l'Eglise anglicane: l'Eglise aglipayenne, qui est issue du mouvement nationaliste philippin luttant pour le départ de l'Espagne à la fin du XIXe siècle. Malgré un déclin certain, les Aglipayens doivent encore représenter quelque 7 ou 8% de la population des Philippines. L'ancien président Ferdinand Marcos était aglipayen (mais je crois qu'il s'était converti au romano-catholicisme au moment de son mariage avec Imelda).
La présence orthodoxe est beaucoup plus faible, avec quelques paroisses dans les grandes villes et un monastère. Cette Orthodoxie philippine est surtout installée dans des régions où il n'y a pas de musulmans. (Les musulmans des Philippines sont concentrés dans l'extrême Sud). A ma connaissance, il n'y avait pas encore d'orthodoxes sur l'île de Jolo. Si les chrétiens qui y ont été massacrés par les musulmans n'étaient pas catholiques romains, ils devaient plus probablement être protestants, pentecôtistes ou aglipayans qu'orthodoxes.

L'Eglise orthodoxe vit depuis la chute du communisme dans les années 1989-91 et depuis la fin de la guerre de Bosnie en 1995 une période d'accalmie comme elle n'en avait plus connue depuis 1914. Toutefois, sans parler des persécutions non sanglantes et pour s'en tenir aux persécutions sanglantes, il y a encore des martyrs orthodoxes à l'heure actuelle au Kosovo et en Tchétchénie. Il pourrait y en avoir en Albanie, où un terrorisme islamique commence à se manifester de temps à autre, s'il n'y avait le fait que les orthodoxes albanais sont très concentrés dans le sud du pays où ils forment un bloc assez compact et pour le moment à l'abri des attaques.
Les persécutions violentes venant du catholicisme romain ont cessé quand les Croates ont achevé le nettoyage dit ethnique (en fait religieux) de la république de Croatie. L'Etat croate est maintenant forcé d'accepter un semblant de liberté religieuse pour pouvoir préparer son entrée dans l'Union européenne. Il y a eu récemment un attentat contre une des rares églises orthodoxes du pays qui n'ait pas été détruite, mais cet attentat n'a pas été officiellement approuvé par les autorités de Zagreb.
S'il n'y en a pas dans des pays où les chrétiens subissent à l'heure actuelle des persécutions particulièrement violentes de la part de l'Islam, c'est parce que ces pays-là n'ont déjà plus de présence orthodoxe depuis longtemps à cause des aléas de l'Histoire (schismes nestorien et monophysite aux Ve et VIe siècles, destruction de l'Orthodoxie anatolienne entre 1914 et 1924, exode des orthodoxes d'Egypte sous Nasser). Par exemple, en Egypte, où l'importante communauté copte monophysite (4,5 millions de personnes environ) paie un lourd tribut humain (totalement passé sous silence en Occident) dans les émeutes et les attentats anti-chrétiens, les orthodoxes ne sont plus qu'une communauté trop petite (18'000 personnes environ) et trop concentrée dans quelques grandes villes pour être une cible significative. (Les violences anti-chrétiennes sont les plus sanglantes à la campagne.) En Irak, l'offensive anti-chrétienne est virulente depuis que les Etasuniens ont renversé le régime laïc de Saddam Hussein; mais, déjà avant la chute de Saddam Hussein, il n'y avait plus que 500 orthodoxes en Irak; on comprend dès lors que l'offensive se concentre surtout sur les autres communautés.
Au Moyen-Orient, les orthodoxes sont presqu'exclusivement présents en Syrie, au Liban, en Jordanie, en Israël et en Palestine. Aucun de ces pays ne connaît pour le moment de persécution anti-chrétienne. On peut même dire qu'au cours du XXe siècle, des pays comme la Syrie, le Liban et surtout la Jordanie ont été des havres de paix relatifs par rapport à l'Egypte ou surtout à la Turquie. Même l'Irak avait connu en 1933 des massacres anti-chrétiens organisés par le gouvernement et exécutés par l'armée, avant de connaître une période de calme pour les chrétiens sous les régimes de Kassem, des frères Aref et du Baas (1958-2003).
(En ce qui concerne le Liban, il y a toutefois eu de nombreux martyrs orthodoxes lors des offensives druses contre le Chouf et l'Iklim-el-Kharroub en 1983 et 1985.) Les événements de ces dernières semaines (victoire du Hamas en Palestine et saccage d'un quartier chrétien à Beyrouth dans le cadre de la vaste manipulation internationale à propos des caricatures de Mahomet) laissent supposer que la Palestine et le Liban ne resteront pas des pays de coexistence relativement pacifique, et que de nouveaux fronts du djihad (qui, bien sûr, serait "avant tout spirituel" si l'on en croit un récent intervenant catholique romain de ce forum...) vont s'ouvrir.
Sylvie
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Message par Sylvie »

Merci Lecteur Claude pour toutes ces informations de la situation Orthodoxe dans le monde.

En faisant des recherches sur ce forum à propos de la Croatie, j'ai trouvé quelques fils pertinents ;

Un post sur la situation démographique des Orthodoxes.
viewtopic.php?p=3153#3153

Un autre sur l'histoire de Stepinac.
viewtopic.php?t=125&start=0&postdays=0& ... ht=croatie

Ça m'ébranle énormément que l'Église Catholique puisse canoniser des persécuteurs. Ce n'est rien pour aider à l'unité. Je la crois impossible à réaliser.

Le dernier fil de discussion est sur l'histoire de Medjugorje.
viewtopic.php?t=31&start=0&postdays=0&p ... ht=croatie

Je vous avoue en rougissant que lorsque j'étais Catholique, j'espérais pouvoir un jour faire ce pèlerinage dans ce lieu bénit.

Bien entendu, dans les nouvelles qui nous étaient rapportées, c'était les Croates qui étaient les persécutés et non les persécuteurs.

Est-ce que l'Église Orthodoxe, pense canoniser ceux qui sont morts à cause de leur foi en réponse à la canonisation de Stepinac ? Ou bien elle ne le fait pas pour ne pas nuire à l'oecuménisme ?

Madeleine
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit :Les Philippins sont chrétiens à plus de 90% et, parmi les chrétiens, les catholiques romains doivent représenter près de 80%. Comme dans tous les pays pauvres, le protestantisme est en forte progression, sous sa forme pentecôtiste essentiellement. Mais une particularité des Philippines est qu'elle a une Eglise "nationale" (dans le style de l'Eglise catholique polonaise des Etats-Unis ou de l'Eglise catholique patriotique de Chine), c'est-à-dire une Eglise catholique non romaine, assimilée aux vieux- catholiques de l'Union d'Utrecht (dont elle est membre) et en intercommunion avec l'Eglise anglicane: l'Eglise aglipayenne, qui est issue du mouvement nationaliste philippin luttant pour le départ de l'Espagne à la fin du XIXe siècle. Malgré un déclin certain, les Aglipayens doivent encore représenter quelque 7 ou 8% de la population des Philippines. L'ancien président Ferdinand Marcos était aglipayen (mais je crois qu'il s'était converti au romano-catholicisme au moment de son mariage avec Imelda).
La présence orthodoxe est beaucoup plus faible, avec quelques paroisses dans les grandes villes et un monastère. Cette Orthodoxie philippine est surtout installée dans des régions où il n'y a pas de musulmans. (Les musulmans des Philippines sont concentrés dans l'extrême Sud). A ma connaissance, il n'y avait pas encore d'orthodoxes sur l'île de Jolo. Si les chrétiens qui y ont été massacrés par les musulmans n'étaient pas catholiques romains, ils devaient plus probablement être protestants, pentecôtistes ou aglipayans qu'orthodoxes.

J'ai sous les yeux l'annuaire du Patriarcat oecuménique de Constantinople (Ημερολόγιον του Οίκουμενικου Πατριαρχείου) pour l'année 2003, publié en grec à Thessalonique en novembre 2002.
Je suis désolé de n'avoir jamais réussi à me procurer une édition plus récente de ce gros ouvrage (1'275 pages dans cette édition!) qui est une véritable mine de renseignements et d'informations.
Page 962, l'annuaire indique que les Philippines ne comptaient en 2002 que trois églises orthodoxes (Manille, Los Banos et Masbate) et un petit monastère de femmes (quatre moniales) desservis par trois prêtres (les PP. Philémon Castro, Taraise Velasquez et Vincent Escarcha). Il y avait en plus une école orthodoxe avec 200 élèves. Une présence modeste et récente.

J'ai aussi sous les yeux l'annuaire de la métropole orthodoxe de Hong Kong et de l'Asie du Sud-Est, laquelle dépend du patriarcat de Constantinople, pour l'année 1999 (Orthodox Metropolitanate of Hong Kong and Southeast Asia 1999 Calendar) que j'avais déniché dans une librairie d'Athènes voici quelques années. Cet annuaire est plus compet sur ce sujet que l'annuaire général du Patriarcat, car il indique aussi les chapelles et les lieux de culte aux Philippines qui ne sont pas encore érigés en paroisses et il donne la localisation des paroisses orthodoxes sur une carte des Philippines. Tous ces lieux de culte se trouvent soit dans la grande île septentrionale de Luzon, soit dans les îles Visayan au centre des Philippines. Or, la population musulmane se trouve dans le sud de Mindanao et à Jolo. Je pense donc qu'il est peu probable que les chrétiens massacrés par les musulmans à Jolo aient été des orthodoxes; s'ils n'étaient pas catholiques romains, il devait s'agir de pentecôtistes ou de protestants. (Je crois que la présence aglipayenne est faible dans le sud des Philippines.)

J'ai aussi sous les yeux l'ouvrage Parlons tagalog du Docteur Marina Pottier de l'INALCO (L'Harmattan, Paris 1999). Pages 55-58, l'auteur donne quelques informations sur la situation religieuse aux Philippines. Elle estime la nombre des catholiques romains à 60 millions, celui des Aglipayens (Eglise vieille-catholique philippine fondée en 1902, membre de l'Union d'Utrecht et en intercommunion avec la Communion anglicane) à seulement 2 millions (chiffre beaucoup plus bas que les estimations antérieures) surtout dans le nord de Luzon, celui des fidèles de l'Eglise protestante indépendante Iglesia ni Kristo (fondée en 1914) à 6 millions et celui des musulmans à 5 millions, ce qui laissait en 1999 tout de même 2 millions de fidèles d'autres religions (animistes, bouddhistes, protestants d'autres obédiences et la petite présence orthodoxe).
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Sylvie a écrit :Merci Lecteur Claude pour toutes ces informations de la situation Orthodoxe dans le monde.

En faisant des recherches sur ce forum à propos de la Croatie, j'ai trouvé quelques fils pertinents ;

Un post sur la situation démographique des Orthodoxes.
viewtopic.php?p=3153#3153

Un autre sur l'histoire de Stepinac.
viewtopic.php?t=125&start=0&postdays=0& ... ht=croatie

Ça m'ébranle énormément que l'Église Catholique puisse canoniser des persécuteurs. Ce n'est rien pour aider à l'unité. Je la crois impossible à réaliser.

Le dernier fil de discussion est sur l'histoire de Medjugorje.
viewtopic.php?t=31&start=0&postdays=0&p ... ht=croatie

Je vous avoue en rougissant que lorsque j'étais Catholique, j'espérais pouvoir un jour faire ce pèlerinage dans ce lieu bénit.

Bien entendu, dans les nouvelles qui nous étaient rapportées, c'était les Croates qui étaient les persécutés et non les persécuteurs.

Est-ce que l'Église Orthodoxe, pense canoniser ceux qui sont morts à cause de leur foi en réponse à la canonisation de Stepinac ? Ou bien elle ne le fait pas pour ne pas nuire à l'oecuménisme ?

Madeleine

En ce qui concerne Medjugorje, il faut rappeler que l'épiscopat croate lui-même a refusé de reconnaître ces "apparitions" unanimement considérées comme une mise en scène des franciscains de l'endroit.

En ce qui concerne la canonisation des nouveaux-martyrs orthodoxes tombés sous Pie XII, Stepinać et Pavelić, cette canonisation était tout simplement impossible du temps du régime communiste yougoslave (il est vrai dirigé pendant trente-cinq ans par le Croate Joseph Broz dit Tito). Le régime communiste niait toutes les oppositions ethniques et religieuses. Il était donc interdit de dire que le catholicisme croate avait exterminé un million d'orthodoxes qui voulaient rester fidèles à leur foi; ces derniers devenaient de vagues "victimes du fascisme". Or, dans le cas du génocide perpetré par l'Etat indépendant de Croatie, les vrais fascistes, c'est-à-dire l'armée de Mussolini, ont au contraire déployé des troupes pour protéger les églises orthodoxes dans leur zone d'occupation des déprédations des Oustachis. On a donc mis sur le dos du fascisme quelque chose qui était la responsabilité du papisme.

Mais, depuis la chute du communisme, le patriarcat orthodoxe de Belgrade a pu commencer la vénération liturgique de ces nouveaux-martyrs. Il existe au calendrier liturgique, à la date du 15 juin, une mémoire de tous les nouveaux-martyrs serbes tombés depuis la bataille du Champ des Merles en 1389, et cela inclut les nouveaux-martyrs du régime oustachi. Ils ont aussi leur icône que j'espère reproduire sur ce forum à l'occasion. Et plusieurs de ces martyrs, en particulier des évêques, ont déjà eu leur canonisation officielle. Ce qui a ralenti le processus de canonisation n'était pas l'oecuménisme, mais le communisme.

De même, en Roumanie, il faut se souvenir que le nord de la Transylvanie, soit une région de 44'216 km2, alors peuplée de 2'667'000 habitants dont 49,2% de Roumains ethniques (le reste étant des Magyars, des Sicules, des Juifs, des Saxons, des Tsiganes et des Ruthènes) avait été livré à la Hongrie par Hitler lors du prétendu "arbitrage de Vienne" du 29 août 1940. Pendant quatre ans, jusqu'à la libération totale de cette région par l'armée roumaine le 25 octobre 1944 (le jour de l'anniversaire du roi Michel...), l'occupant y a pratiqué une politique féroce visant à modifier l'équilibre ethnique et religieux de cette région. Il y avait des expulsions massives d'habitants roumains, touchant 217'942 personnes chassées de leur foyer. (Mais l'occupant allemand a fait la même chose vis-à-vis des Alsaciens-Lorrains en 1940; qui se souvient des 57'655 Mosellans expulsés en dix jours, du 12 au 22 novembre 1940, et que le Garde des sceaux du maréchal Pétain, le Docteur Alibert, pleurant de rage et de honte, fut le seul ministre à accueillir sur les quais de la gare des Brotteaux à Lyon ?) Il y avait des massacres (ce qu'il n'yeut pas en Alsace-Lorraine), comme à Ip, le 13 septembre 1940, avec l'assassinat de 157 villageois roumains. Il y avait la persécution de la langue roumaine (et aussi, d'une manière plus feutrée, de la langue allemande). Mais, ce qui rapproche le cas de l'occupation hongroise en Transylvanie du Nord de la situation de l'Etat indépendant de Croatie, c'est la tentative d'éradiquer l'Orthodoxie, les prêtres orthodoxes étant les premiers visés (comme le prêtre martyr Aurèle Munteanu), tandis que la population se voyait fermement inviter à se convertir aux religions "hongroises" comme le catholicisme romain, le calvinisme ou l'unitarisme. (Alors qu'il y a toujours eu en Hongrie une minorité orthodoxe assez bien tolérée!) Devant l'échec de ces tentatives, le régime hongrois en vint même, comme le fit aussi le régime croate, à inventer de toutes pièces une Eglise orthodoxe à sa dévotion, confiée en Croatie et territoires occupés par la Croatie à l'évêque russe Hermogène et en Hongrie et territoires occupés par la Hongrie au prêtre russe Popoff. Certes, le régime de l'amiral Horthy était quand même plus civilisé et nettement moins terroriste que celui de Pavelić et du "bienheureux" Stepinać. Le bilan humain des persécutions anti-orthodoxes en Transylvanie du Nord en 1940-1944 est sans doute cinq cents, ou mille fois, moins sanglant que celui de l'action des Pavelić, Kvaternik, Stepinać, Budak, Sarić, Filipović et autres ilustrations du cléricalisme en Croatie. Mais il y a beaucoup de points communs entre ces deux séries d'événements. Et ils ont été présentés de la même façon par le régime communiste qui, en Translyvanie aussi, a transformé les persécutions à base ethnique ou religieuse en manifestations du "fascisme" polymorphe et fantasmatique, alors que l'amiral Horthy était l'ennemi des fascistes hongrois. Et c'est ainsi que les victimes de la persécution anti-roumaine et anti-orthodoxe en Transylvanie du Nord devinrent des victimes du "fascisme", présentation bien commode reprise aujourd'hui encore par les guides touristiques publiés en Europe de l'Ouest; par exemple, le guide Petit Futé Roumanie, édition 2003, pourtant fort bien fait, nous informe (p. 241) qu'à Treznea "se trouve un mémorial aux victimes des massacres (près de 250 victimes) perpétués par les pro-nazis en 1940 à Treznea et Ip"; les "pro-nazis" en question étaient naturellement l'armée hongroise, l'armée régulière du très calviniste et pas du tout nazi amiral Horthy Miklós, et ces massacres ayant eu beaucoup plus à voir avec le filioquisme qu'avec le nazisme... Mais il y a des mots qui fâchent, alors il est bien plus commode de tout mettre sur le dos du "fascisme", n'est-ce pas?

La bibilographie sur le génocide oustachi est assez abondante, grâce au courage de Vladimir Dimitrijević qui publia en 1998 à L'Âge d'Homme à Lausanne la traduction française de la somme de Marc-Aurèle Rivelli, Le génocide occulté, à l'origine écrit en italien mais dont le Vatican empêchait la publication en Italie. (L'auteur lui-même me l'a raconté.) En revanche, personne n'a encore traduit en français le livre de Vladimir Dedijer sur l'enfer du camp croate de Jasenovać, seulement traduit en allemand aux éditions Ahriman Verlag sous le titre Das jugoslawische Auschwitz und der Vatikan (L'Auschwitz yougoslave et le Vatican).

En revanche, sur la persécution de l'Eglise orthodoxe dans le nord de la Transylvanie en 1940-44, je ne connais qu'un seul livre:
Dr Michel Fătu
Biserica românească din nord-vestul ţării sub ocupaţia horthystă (1940-1944) (L'Eglise roumaine du nord-ouest du pays sous l'occupation horthyste)
Editions de l'Institut biblique et de mission de l'Eglise orthodoxe roumaine
Bucarest 1985
(cf. pp. 57 sur le massacre à Ip, pp. 86-88 pour le martyre du prêtre Aurèle Munteanu, pp. 131-136 pour la tentative de confier une Eglise orthodoxe horthyste au prêtre déchu Popoff, pp. 197-203 pour des photographies des expulsions de masse...)
Alexandr
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Message par Alexandr »

lecteur Claude a écrit : L'Eglise orthodoxe vit depuis la chute du communisme dans les années 1989-91 et depuis la fin de la guerre de Bosnie en 1995 une période d'accalmie comme elle n'en avait plus connue depuis 1914. Toutefois, sans parler des persécutions non sanglantes et pour s'en tenir aux persécutions sanglantes, il y a encore des martyrs orthodoxes à l'heure actuelle au Kosovo et en Tchétchénie.
En Tchétchénie? Est-ce que vous pourriez expliciter? Le patriarche de Moscou n'a pas l'air mécontent de "l'opération anti-terroriste".
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :
lecteur Claude a écrit : L'Eglise orthodoxe vit depuis la chute du communisme dans les années 1989-91 et depuis la fin de la guerre de Bosnie en 1995 une période d'accalmie comme elle n'en avait plus connue depuis 1914. Toutefois, sans parler des persécutions non sanglantes et pour s'en tenir aux persécutions sanglantes, il y a encore des martyrs orthodoxes à l'heure actuelle au Kosovo et en Tchétchénie.
En Tchétchénie? Est-ce que vous pourriez expliciter? Le patriarche de Moscou n'a pas l'air mécontent de "l'opération anti-terroriste".
Les rebelles tchétchènes ont assassiné des prêtres, en général après les avoir enlevés et séquestrés. Il me paraît évident que ces prêtres ont bien été assassinés en haine de la foi. D'après certaines sources que j'ai citées (sources toutefois contestées par notre ami Eliazar), il y aurait eu au moins un cas où un soldat russe de confession orthodoxe, Eugène Rodionov, capturé par les rebelles tchétchènes, se serait vu donner le choix entre la conversion à l'Islam et la mort, et aurait préféré mourir plutôt que d'apostasier, ce qui est incontestablement un martyre. Vous pouvez vous reporter au fil que j'avais ouvert le 23 février 2004 sur le nouveau-martyr Eugène Rodionov, fil qui contient aussi la contestation de mes sources par Eliazar. Faute d'informations supplémentaires, je ne peux donc pas me prononcer sur la réalité du martyre du soldat Eugène Rodionov. En revanche, pour les prêtres assassinés, c'est incontestable. Même si les media passent en général sous silence de tels événements, ce qui, je suppose, explique votre perplexité devant mon affirmation qu'il y a des martyrs orthodoxes en Tchétchénie de nos jours.

Voici un lien vers le fil sur l'affaire Eugène Rodionov: viewtopic.php?t=481

D'une manière générale, je doute fort du caractère national de la lutte tchétchène, de même que je mets en doute le caractère national de la rébellion du FLN algérien en 1954. Les nationalistes libanais ou syriens qui demandaient le départ de la France en 1943 ou les nationalistes égyptiens qu demandaient le départ des troupes britanniques en 1951 étaient sans doute de vrais nationalistes. Mais, pour le mouvement tchétchène, je suis très sceptique. Cela m'a surtout l'air d'une continuation du djihad de l'imam Chamil au XIXe siècle. Mais puisqu'un intervenant catholique romain est venu expliquer sur ce forum , par deux fois et sous deux pseudos différents, que le djihad est avant tout spirituel, je dois sans doute me tromper. De même que je dois sans doute déduire de cet oracle qu'il n'y a pas eu de guerre d'islamisation du sud du Soudan dans les années 1990, et probablement aussi, tant qu'on y est, que Mehmet II n'a jamais pris Constantinople. Après tout, ce n'est pas plus mensonger que Le Point qui faisait en décembre 2004 de saint Nicolas de Myre un évêque turc...
Antoine
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Message par Antoine »

Alexandr a écrit :En Tchétchénie? Est-ce que vous pourriez expliciter? Le patriarche de Moscou n'a pas l'air mécontent de "l'opération anti-terroriste".
Quelles déclarations précises vous permettent d’affirmer qu'il <<n’a pas l'air mécontent de "l'opération antiterroriste">> que vous mettez entre guillemets.
Pouvez vous étayer vos propos par des citations ?
Alexandr
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Message par Alexandr »

Antoine,

Quand je mets entre guillemets " l'opération anti-terroriste", je parlais de le guerre de Tchétchénie, que Poutine fait passer pour une simple opération anti-terroriste. Les guillemets sont là pour montrer mon septicisme pour le terme utilisé.
Après, ce que j'ai dis au sujet du patriarche, je l'ai vu ou entendu par oui-dire, et comme ça fait longtemps, j'ai juste gardé l'impression qu'il n'était pas mécontent de la guerre de Tchétchénie. Finalement, j'ai trouvé ceci : http://www.amnesty.asso.fr/02_agir/24_c ... odoxie.htm

Qu'en pensez vous?



Lecteur Claude,

Mais, n'y a-t-il pas une composante nationaliste dans la guerre de Tchétchénie? La république de Tchétchénie de 1994 avait certains caractéristiques d'un état plus soviétique qu'islamiste.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :

Lecteur Claude,

Mais, n'y a-t-il pas une composante nationaliste dans la guerre de Tchétchénie? La république de Tchétchénie de 1994 avait certains caractéristiques d'un état plus soviétique qu'islamiste.
Au l'origine de la guerre, vous avez raison et je ne nie pas une composante nationaliste. Mais maintenant, la composante nationaliste est pour ainsi dire absorbée par la composante religieuse. Et il y a implication dans le conflit d'une Internationale islamiste, ce qui est précisément le contraire du nationalisme ou la substitution d'une idéologie à un mouvement national.
Claude le Liseur
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Re:

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : J'ai sous les yeux l'annuaire du Patriarcat oecuménique de Constantinople (Ημερολόγιον του Οίκουμενικου Πατριαρχείου) pour l'année 2003, publié en grec à Thessalonique en novembre 2002.
Je suis désolé de n'avoir jamais réussi à me procurer une édition plus récente de ce gros ouvrage (1'275 pages dans cette édition!) qui est une véritable mine de renseignements et d'informations.
Page 962, l'annuaire indique que les Philippines ne comptaient en 2002 que trois églises orthodoxes (Manille, Los Banos et Masbate) et un petit monastère de femmes (quatre moniales) desservis par trois prêtres (les PP. Philémon Castro, Taraise Velasquez et Vincent Escarcha). Il y avait en plus une école orthodoxe avec 200 élèves. Une présence modeste et récente.

J'ai aussi sous les yeux l'annuaire de la métropole orthodoxe de Hong Kong et de l'Asie du Sud-Est, laquelle dépend du patriarcat de Constantinople, pour l'année 1999 (Orthodox Metropolitanate of Hong Kong and Southeast Asia 1999 Calendar) que j'avais déniché dans une librairie d'Athènes voici quelques années. Cet annuaire est plus compet sur ce sujet que l'annuaire général du Patriarcat, car il indique aussi les chapelles et les lieux de culte aux Philippines qui ne sont pas encore érigés en paroisses et il donne la localisation des paroisses orthodoxes sur une carte des Philippines. Tous ces lieux de culte se trouvent soit dans la grande île septentrionale de Luzon, soit dans les îles Visayan au centre des Philippines. Or, la population musulmane se trouve dans le sud de Mindanao et à Jolo. Je pense donc qu'il est peu probable que les chrétiens massacrés par les musulmans à Jolo aient été des orthodoxes; s'ils n'étaient pas catholiques romains, il devait s'agir de pentecôtistes ou de protestants. (Je crois que la présence aglipayenne est faible dans le sud des Philippines.)

J'ai aussi sous les yeux l'ouvrage Parlons tagalog du Docteur Marina Pottier de l'INALCO (L'Harmattan, Paris 1999). Pages 55-58, l'auteur donne quelques informations sur la situation religieuse aux Philippines. Elle estime la nombre des catholiques romains à 60 millions, celui des Aglipayens (Eglise vieille-catholique philippine fondée en 1902, membre de l'Union d'Utrecht et en intercommunion avec la Communion anglicane) à seulement 2 millions (chiffre beaucoup plus bas que les estimations antérieures) surtout dans le nord de Luzon, celui des fidèles de l'Eglise protestante indépendante Iglesia ni Kristo (fondée en 1914) à 6 millions et celui des musulmans à 5 millions, ce qui laissait en 1999 tout de même 2 millions de fidèles d'autres religions (animistes, bouddhistes, protestants d'autres obédiences et la petite présence orthodoxe).

Je découvre qu'à côté des missions du patriarcat de Constantinople, le patriarcat d'Antioche a aussi fondé quatre paroisses missionnaires aux Philippines: http://www.antiochianarch.org.au/manila.aspx#ncr001

Entre nous soit dit, si l'on s'en tenait à l'organisation ecclésiastique traditionnelle, tout ce qui est à l'est d'Ankara devrait relever du patriarcat d'Antioche, dans la mesure où l'ancien catholicossat de Séleucie-Ctésiphon a rompu tous les ponts avec l'Orthodoxie depuis plus de quinze siècles: c'est bien Antioche qui a le titre de "tout l'Orient", et, à l'époque lointaine où il y avait des communautés orthodoxes en Asie centrale (notamment le catholicossat de Tachkent viewtopic.php?f=1&t=2109&p=13611 ), celles-ci relevaient de la juridiction du patriarcat d'Antioche. Celui-ci, dont les circonstances ont fait l'Eglise des Arabes... et des Anglo-Saxons (communautés importantes d'orthodoxes de rit occidental en Amérique du Nord), devrait aussi être l'Eglise d'Asie.
J-Gabriel
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Message par J-Gabriel »

Claude le Liseur a écrit :Entre nous soit dit, si l'on s'en tenait à l'organisation ecclésiastique traditionnelle, tout ce qui est à l'est d'Ankara devrait relever du patriarcat d'Antioche, dans la mesure où l'ancien catholicossat de Séleucie-Ctésiphon a rompu tous les ponts avec l'Orthodoxie depuis plus de quinze siècles: c'est bien Antioche qui a le titre de "tout l'Orient", et, à l'époque lointaine où il y avait des communautés orthodoxes en Asie centrale (notamment le catholicossat de Tachkent viewtopic.php?f=1&t=2109&p=13611 ), celles-ci relevaient de la juridiction du patriarcat d'Antioche. Celui-ci, dont les circonstances ont fait l'Eglise des Arabes... et des Anglo-Saxons (communautés importantes d'orthodoxes de rit occidental en Amérique du Nord), devrait aussi être l'Eglise d'Asie.
Va falloir que l'on s'organise comme le système des fuseaux horaires du méridien de Greenwich...
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :

J'ai aussi sous les yeux l'ouvrage Parlons tagalog du Docteur Marina Pottier de l'INALCO (L'Harmattan, Paris 1999). Pages 55-58, l'auteur donne quelques informations sur la situation religieuse aux Philippines. Elle estime la nombre des catholiques romains à 60 millions, celui des Aglipayens (Eglise vieille-catholique philippine fondée en 1902, membre de l'Union d'Utrecht et en intercommunion avec la Communion anglicane) à seulement 2 millions (chiffre beaucoup plus bas que les estimations antérieures) surtout dans le nord de Luzon, celui des fidèles de l'Eglise protestante indépendante Iglesia ni Kristo (fondée en 1914) à 6 millions et celui des musulmans à 5 millions, ce qui laissait en 1999 tout de même 2 millions de fidèles d'autres religions (animistes, bouddhistes, protestants d'autres obédiences et la petite présence orthodoxe).
Il y a bien des années, Madeleine avait posé la question de la mission orthodoxe aux Philippines. J'avais mentionné l'existence de l'Eglise aglipayenne et de l'Iglesia ni Kristo aux côtés de la majorité catholique romaine, et nous avons découvert l'existence de missions dépendant du patriarcat de Constantinople et du patriarcat d'Antioche.

Pour l'anecdote, signalons que 4 petites paroisses d'Aglipayens viennent de rejoindre l'Orthodoxie, mais cette fois-ci par le biais du patriarcat de Moscou. Signalons au passage que ces 187 Aglipayens ont été reçus dans l'Orthodoxie par le baptême, par deux prêtres du patriarcat de Moscou, les RP Stanislav Raspoutine et Silouane Thompson.

En français sur le site orthodoxie.com : http://orthodoxie.com/philippines-pres- ... ns-locean/
En russe sur le site pramvir: http://www.pravmir.ru/pravoslavie-na-filippinah/
En anglais sur le site pramvir: http://www.pravmir.com/nearly-200-filip ... -orthodox/
Page Facebook de cette mission: https://www.facebook.com/philippineorth ... 6284070145 avec 33 photos montrant le baptême dans la mer, la chrismation et la communion.

Bienvenue à ces nouveaux chrétiens orthodoxes, et gloire à Dieu.
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