De la gloire de l'Olivier - SONDAGE

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Sylvie
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Message par Sylvie »

Chère Anne-Geneviève,
Je ne vois pas le rapport entre le lien corps/univers tel que je décris et le nirvana.
Je suis d'accord que tel que vous le décrivez, il n'y a aucun lien avec le nirvana.

J'avais encore dans la pensée la phrase d'Olivier Clément : "Et c’est le monde glorifié qui sera son corps de gloire."


Amicalement


Sylvie
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

La formule d'OC est très ambiguë. Il frôle en permanence le syncrétisme avec on ne sait trop quoi, peut-être simplement les idées à la mode à la Sorbonne. Mais même cette formule de type consensus mou ne peut renvoyer au nirvana qui, je le répète, est un état de conscience, pas un univers et pas non plus le "cosmique" du new age.
Ce qui se rapprocherait le plus du nirvana, c'est la phrase précédente que j'ai citée:
Qu’est-ce qu’une personne, sinon un visage donné à la matière du monde ? Je pense que viendra un moment où l’Esprit soufflera si fort que toutes les haines, les bêtises, les séparations, les cruautés seront balayées et le monde apparaîtra transfiguré. Chacun de nous s’inscrira dans cette matière du monde transfiguré, et ce sera la résurrection de la chair - chaque personne, dans ce qu’elle a d’unique, assumant le monde transfiguré.
Là, oui, la transfiguration semble liée à la conscience que nous avons du monde et de nous mêmes. Cette façon de représenter le grand passage (en d'autres termes, la Grande Pâque) me semble à la fois puérile, pour ne pas dire bêtifiante, et trop vague. Où est le feu dont parle l'apôtre Paul ?
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eliazar
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Message par eliazar »

Anne Geneviève écrit :
.../... je ne comprends forcément non plus ce que tu veux dire, Eliazar, quand tu parles de ton corps. Relire l’apôtre Paul, I Cor. 15, 35-56. C’est une telle transformation que l’on peut difficilement maintenir une continuité avec le corps présent. D’ailleurs y a-t-il une seule cellule, une seule molécule de ton corps présent qui ait été présente dans ce corps à ta naissance ? ..../...
.../... Tu sais que tous ses composants ou presque auront disparu quelques années après la mort, et j’en conclus avec une logique de paysanne plutôt que d’universitaire que le corps de résurrection ne comportera pas une seule molécule du corps corruptible. Alors qu’est -ce qui va te faire dire que c’est bien ton corps, porteur de ton histoire, de ton péché et de ton baptême ?
Il me semble qu’il faudrait retraduire la phrase d’OC pour ce monde-ci. Puis-je dire que la personne puise dans le monde actuel un corps mortel et que c’est le monde qui est son corps ? Eh ben c’est une formule osée mais pas si fausse..../...
.../... Peux-tu aller jusqu’à dire que c’est le monde qui est ton corps ? Si l’on s’appuie sur la non-séparabilité, on peut aller jusque là mais c’est tout de même un raccourci un tantinet abrupt. Il manque quelques pas logiques pour l’expliquer. Sauf que c’est une notion plus familière peut-être aux lecteurs de Nouvelles Clés qu’à d’autres. Mais susceptible aussi d'interprétations assez éloignées de l'orthodoxie.
Quant à Antoine, il a écrit de son côté:
.../... on souhaiterait de la part de nos théologiens qu'ils affirment avec force , vigueur, et fidélité la foi orthodoxe face aux hétérodoxes et à leurs hérésies mutiples, face aux autres religions, et face à l'athéisme. A toujours chercher ce qui pourrait unir on finit par brouiller les spécificités de l'orthodoxie et on n'ose plus affirmer qu'elle seule détient la Vérité.../...
Ces deux thèmes (l'impermanence du corps face à la permanence de la personne - et la non affirmation de l'Unique Vérité face à ceux qui la fuient) sont absolument liés. Et pour parler de permanence, c'est malheureusement d'une permanence insupportable dans le discours que j'appelle oecuménisme au nom menteur - quelque soit celui qui professe, et où il le fait.

1° Je voudrais tout de même relativiser un peu le fait (par ailleurs indéniable) que "le corps de résurrection ne comportera pas une seule molécule du corps corruptible". Mon corps est-il uniquement un assemblage de molécules ? Ma mémoire par exemple, est-elle totalement spirituelle ? Ma raison, mon imaginaire, mes passions sont-ils totalement abstraits de mon corps ?
Si ma personne (là du coup j'ai envie de rétablir les guillemets clémentiens !) se souvient d'être Eliazar - alors qu'elle aura puisé dans le monde une nouvelle composition corporelle, c'est donc qu'Eliazar n'avait pas besoin d'avoir un corps pour être Eliazar. Et Dieu aurait fait oeuvre inutile en ne nous créant pas incorporels ?
Si à la résurrection je suis libre (étant en quelque sorte un esprit provisoirement désincarné...) de choisir, puiser, pomper un corps dans une matière que faute de mieux on appelle le monde glorifié - et donc de me fabriquer un corps qui n'a plus rien en soi de celui avec lequel j'ai vécu depuis ma conception et ma naissance, je ne suis pas un homme. Ou bien je suis un être démiurgique, ou bien une sorte d'éon, d'esprit (créé? mais quand même capable de se créer lui-même ?) qui serait capable de revêtir des formes, des masques, des "personae" divers, à son gré.

Et c'est cette créature curieuse que le Christ serait venu sauver ? C'est en cet être un peu hybride qu'Il se serait incarné ? Mais alors, ne serait-ce pas Mahomet , du coup, qui aurait raison de dire que le Christ Jésus n'est pas mort sur la Croix mais que les Juifs ont été trompés, et que c'est un ange de service qui a joué son rôle pendant quelques heures pendant que lui s'en allait s'asseoir dans un coin du ciel, en attendant de revenir....? Une énorme farce pour en mettre plein la vue à Son peuple élu ? Un cauchemar destiné à faire crever de trouille et de remords (inutile... en plus) le pauvre Ponce Pilate - et à l'envoyer dans un asile psychiatrique pour lui apprendre à se laver les mains ?

Mais au fait, si le corps glorifié de Jésus n'a plus rien à voir avec le corps du fils de Marie, il n'est plus Fils de David non plus ? Ni descendant d'Adam - ou si on préfère "Fils de l'homme" ? Çà rime à quoi, alors, toute cette histoire, de la Genèse à l'Apocalypse ? On aurait tout de même pu faire plus court, non ?

2° Suis-je vraiment le seul à voir sortir de cette phrase clémentienne une "théologie de l'absurde" en forme (informe) de poudoncanoie - qui n'a plus rien à voir avec l'Évangile ? Une espèce supérieure d'histoire de fou ?

3° Pour m'aérer un peu les méninges, je préfère redescendre au ras des pâquerettes, et constater avec Antoine qu'OC (et toute sa compagnie... car il n'est pas le seul de son espèce en théologie contemporaine : surtout du côté des ktos, une fois de plus) slalome magistralement entre les publics potentiels, et qu'avant d'écrire, il a dû tourner pas mal de fois sa plume dans l'encrier.
Au fond, il n'a sans doute jamais eu la moindre envie de témoigner de l'Incarnation, de la Mort et de la Résurrection de Jésus Christ vrai Dieu et vrai homme. Tout simplement parce que le lectorat des abonnés à Nouvelles Clés a vraisemblablement choisi de ne pas croire (mais là, pas du tout) à la doctrine enseignée par l'Église, la seule. Et le rédac-chef qui s'attendrit à la pensée qu'OC croit encore à la résurrection de la chair est bien plus proche d'OC que de l'orthodoxie (dont il n'a visiblement cure !), lorsque ce dernier "théologien orthodoxe" lui balance :
- Qu’est-ce qu’une personne, sinon un visage donné à la matière du monde ?
Moi qui croyais Adam créé pour donner des noms aux autres animaux du monde créé - voilà qu'il est (fondamentalement) "la matière du monde"... et là, y a plus besoin de noms, c'est à dire d'Eliazar ou d'Anne Geneviève. Le but du jeu n'était après tout que de mettre un visage sur la matière. Point, à la ligne.

Visage pour visage ("personne" pour "persona"), franchement, plutôt que le balaise d'un mètre 65 et 160 kg que citait Antoine, je voudrais profiter de mon passage vers le Royaume (enfin, si Dieu veut...) pour me puiser dans la matière du monde un beau "visage" ...d'éléphant blanc. Moi, je préfère vraiment les éléphants, docteur. C'est bien plus beau, et çà ne se crucifie pas si facilement que les fils d'homme; j'avoue que lire de l'Olivier Clément me donne envie de changer un peu d'espèce; l'homme, vrai, j'en ai soupé.

Question subsidiaire : à quoi sert encore un théologien orthodoxe, après Teilhard de Chardin ?

Ou bien le but était-il simplement de ne pas laisser Teilhard tout seul dans la cour du Vatican ? Concurrence déloyale ... dans la cour de St Serge ?

Pstt ! Est-ce que j'ai le droit de rajouter cette deuxième question au sondage ?
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Eliazar en éléphant blanc, ce serait un spectacle à ne pas manquer !
Mais je crois que tu n'as pas non plus vu où je voulais en venir, autant pour moi qui n'ai pas su être assez explicite avec toutes mes questions. En tout cas, je ne voulais pas dire que le corps n'était que molécules ni qu'il n'y aurait aucune parenté entre le corps de résurrection et le corps actuel. Et je suis même sûre de n'avoir pas dit ça. Je ne crois pas à l'arbitraire. Ni que la mémoire soit une abstraction. Mais là encore il me faut un peu de temps pour répondre et le cybercafé ne m'en laissera pas autant que j'en ai besoin. Donc, à suivre.
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

On ne peut sûrement pas saucissonner la nature humaine, avec le corps d’un côté, la mémoire, la raison, l’imaginaire, les passions, l’âme en un mot dans un autre sac. Et ce n’est pas ma pensée !
En ce qui me concerne, très vite j’oublie la phrase d’Olivier Clément et je commence à gamberger sur le corps de résurrection, mais j’oublie en même temps que c’est d’Olivier Clément qu’il faut parler sur ce fil et même d’une phrase précise. Et puis j’y reviens ou tu m’y fais revenir, Eliazar, et j’ai l’impression qu’elle colle aux doigts comme le sparadrap du capitaine Haddock. Elle commence à me sortir par les trous de nez, à vrai dire, et tant pis pour l’incohérence de mes métaphores.
Je n’ai pas compris « puiser » comme une espèce de liberté suspendue dans le vide avec des pinces à linge sans fil qui permettrait de se donner n’importe quelle apparence de manière démiurgique. Mais tu as raison : on peut comprendre comme ça la phrase de Clément. Il frôle le gnosticisme vraiment de très, très près en ce cas – de si près que je ne vois plus très bien la différence. L’ennui, c’est qu’on peut aussi comprendre « puiser » de manière beaucoup plus banale. Tu le lis comme une description anthropologique précise et je l’ai lu comme une figure de style. Ce genre d’ambiguïté est tout de même fort gênant lors d’un entretien où Clément est censé expliquer à des non chrétiens ce qu’enseigne l’orthodoxie.
Résultat, je suis allée lire l’original de l’article sur le site de Nouvelles Clés, en continu, sans commentaires autres. Il en ressort trois points qui me semblent très graves.
1. Il cite en permanence les doctrines non chrétiennes (hindouisme, bouddhisme, soufisme, islam) et le catholicisme comme sérieux et respectables mais de la théologie orthodoxe, il ne prend que des anecdotes, des histoires qu’il présente comme « un peu ridicules » ou « ayant l’air naïf, voire idiot », une version édulcorée, puérile.
2. Les « pères de l’Eglise » qu’il cite sans les nommer sont Origène et Evagre le Pontique (paragraphe sur la métempsycose), Boulgakov est le plus grand théologien par sa sophiologie et, cerise sur le gâteau, il emploie l’expression « ère du Saint Esprit », ce qui nous ramène à un millénarisme déjà bien connu. Là, il ne frôle plus le gnosticisme, il saute dedans à pieds joints.
3. Et quand il se lamente sur le sort des intellectuels « ouverts » en Russie, il lie ce qu’il appelle conservatisme à l’ethnophylétisme.
On est en plein dans le mondialisme culturel et « spirituel ». Il accumule les hérésies à plaisir et pas des toutes neuves !
Mais le sondage sur une phrase, je ne suis pas sûre qu’il mène très loin parce qu’il s’arrange toujours, l’animal, pour avoir une formulation qui se rapproche de l’orthodoxie, qu’un esprit bien trempé d’orthodoxie peut interpréter comme telle mais qu’un lecteur venu d’autres horizons pourra aussi bien prendre pour une confirmation de sa propre croyance. Mais que croit-il vraiment, lui ? Mystère et boule de gomme.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Mon corps est aussi un assemblage de molécules, mais ces molécules vont et viennent, dans un échange permanent avec l'environnement physique. Cet échange n'affecte pas véritablement l'identité et la permanence de notre corps. Mon corps est plutôt composé de cellules. Ce sont des ensembles infiniment plus complexes. Chez le jeune enfant ces cellules se renouvellent rapidement. Puis certains ensembles de cellules ralentissent et stoppent leur renouvellement. Puis notre cerveau s'appauvrit et la mémoire baisse. La mort est non seulement l'arrêt des fonctions vitales, mais aussi la cessation de tout renouvellement. Et la décomposition survient rapidement. Mais avant qu'on ne retrouve plus rien, on retrouve quans même des ossements.

Le miracle de tout être vivant c'est qu'il existe en lui un principe viral qui lutte, et avec efficacuté pour un certain temps, contre l'érosion naturelle de tout système, l'entropie. Et même un être vivant est capable de croître, de se reproduire et de se multiplier. C'est tout à fait contraire aux lois cosmiques, c'est pourquoi je crois qu'il faut souligner un saut ontologique entre la matière et la vie. Mais cette lutte contre l'érosion reste éphémère, un corps vivant peut être broyé, brûlé, tué de diverses manières (mais les professionnels disent que ce n'est pas si facile). Un être vivant ne se réduit pas aux éléments de la matière cosmique, mais il lutte en permanence contre l'usure du temps et pour se reproduire.

Quelque chose encore fait que l'homme est tout autre chose qu'une simple espèce animale. Il est un partenaire en dialogue avec Dieu. Depuis Adam, depuis Noé, depuis Abraham, depuis Moïse, Dieu et l'homme se disent tu. Les Psaumes ne sont qu'un long dialogue. Le corps que l'homme se fabrique depuis sa conception est une fabrication toute personnelle.

L'homme a été créé parfaitement libre de répondre Oui à Dieu, c'est-à-dire de choisir entre l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du Bien et du mal. Il a raté sa vie. La mort nous a été donnée pour que nous ayons une existence provisoire, éphémère, soumise aux illusions diaboliques, pour que nous puissions nous incorporer à l'Église, édifier notre cœur et passer à travers la mort dans l'attente du Jour du Seigneur. Alors le Seigneur rappellera et rassemblera les éléments dispersés de notre corps et le reformera, identique à celui qu'il avait été, mais transfiguré (Il lui suffira d'activer notre ADN).

Les Pères nous disent que nous serons à la fleur de notre âge, l'âge qu'avait le Christ durant la vie publique, même ceux qui sont morts dans la décadence de la vieillesse, même ceux qui ne sont pas sortis[ du sein de la mort, affranchis des faiblesses de la chair, même ceux dont l'esprit a toujours été défaillant, affranchis des contraintes matérielles cosmiques, comme le Seigneur franchissait les murs, mais participants de la vie du monde, com”me le Seigneur mangeait avec ses disciples. Mais surtout nous entrerons dans la joie du Père, frères et co-héritiers du Fils de Dieu, portant le sceau des dons du Saint Esprit.

Le réalisme de ces promesses que le Seigneur nous a faites est tel que beaucoup s'acharnent à les faire entrer dans le cadre des conventions de la vie présente. Il y a une tentation permanente dans l'Orthodoxie française à présenter la Tradition orthodoxe comme une voie parmi d'autres pour le “développement personnel”, simplement une voie un peu plus spiritualiste (et aussi gnostique. Anne-Geneviève en fait une excellente analyse :
1. Il cite en permanence les doctrines non chrétiennes (hindouisme, bouddhisme, soufisme, islam) et le catholicisme comme sérieux et respectables mais de la théologie orthodoxe, il ne prend que des anecdotes, des histoires qu’il présente comme « un peu ridicules » ou « ayant l’air naïf, voire idiot », une version édulcorée, puérile.
2. Les « pères de l’Eglise » qu’il cite sans les nommer sont Origène et Evagre le Pontique (paragraphe sur la métempsycose), Boulgakov est le plus grand théologien par sa sophiologie et, cerise sur le gâteau, il emploie l’expression « ère du Saint Esprit », ce qui nous ramène à un millénarisme déjà bien connu. Là, il ne frôle plus le gnosticisme, il saute dedans à pieds joints.
3. Et quand il se lamente sur le sort des intellectuels « ouverts » en Russie, il lie ce qu’il appelle conservatisme à l’ethnophylétisme.
On est en plein dans le mondialisme culturel et « spirituel ».
La critique me paraît fort pertinente. Je voudrais simplement ajouter que dans la Tradition orthodoxr nous devons pas oublier que le Notre Père est une prière qui concerne le monde présent seulement, ce monde provisoire et mortel, où nous devons demander le pain substantiel, la remise de nos dettes et la délivrance des illusions du Malin. Le Royaume à venir n'est pas seulement le “Point Omega” de l'Évolution spirituelle. Il y a toute une dimension dramatique de notre existence présente que nous ne devons jamais oublier. C'est vrai, il ne faut pas refaire du Teilhard de Chardin.
Jean-Louis Palierne
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eliazar
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Message par eliazar »

Un immense merci à Jean-Louis et à Anne-Geneviève.
Enfin, grâce à eux deux, les choses sont dites clairement et de manière compréhensible. Non que les réponses d'Antoine, par exemple, n'aient pas apporté elles aussi une clarté - mais cette clarté est quasi imperceptible pour qui (comme moi) n'a pas fait d'études spécialisées. Et çà, c'est très dangereux. C'est pour çà que j'ai souligné dans ma réponse à Antoine mon désaccord - non à ce qu'il écrivait, mais à la manière de le faire qui passait (à mon avis) au-dessus de la tête de bon nombre de nos lecteurs "silencieux".

C'est le drame (insupportable pour moi) de cette continuelle mise en vitrine d'Olivier Clément par ses amis du petit club parisien. Je crois personnellement qu'il a une foi sincère (et du reste, cela ne me regarde pas), mais cette évidente volonté de se proclamer "Ami de tout le monde, messieurs! " à la manière du Sganarelle de Molière, dès qu'il s'agit de la doctrine orthodoxe me rend irascible.

Déjà parce que j'y vois une énorme hypocrisie, et çà, de la part d'un théologien aussi réputé, c'est insupportable. Hypocrisie parce que de ce "tout le monde", O.C. exclue ses propres frères orthodoxes lorsqu'ils s'en tiennent à la foi héritée des Pères et se refusent à le suivre sur les terrains glissants qu'il affectionne. Glissants... pour ne pas dire boueux : Anne-Geneviève a raison d'enfoncer le clou, toutes ses palinodies cachent l'ombre portée d'hérésies dix fois condamnées. Mais c'est fait de manière si habile, en jonglant si magistralement avec les mots qui lui facilitent les plus efficaces ambiguïtés, qu'il faut se pincer pour ne pas rêver sur ses traces.

Ensuite parce que je l'ai entendu, de mes propres oreilles, affirmer que la finalité de l'orthodoxie, en Occident, doit être de revenir dans le sein du Patriarcat de Rome. Et pas du tout que le Patriarcat de Rome doive abandonner ses hérésies, avant. Du reste, il n'a pas hésité à s'afficher avec JP2, et même à afficher en quelque sorte la présence officielle de l'orthodoxie francophone (en sa docte personne) dans une soumission mal voilée à la primauté vaticane. Je m'explique : aller prêcher au cours d'un chemin de croix dirigé par JP2 à Rome, dans le lieu où tant de martyrs orthodoxes ont péri dans les persécutions, et le faire avec toute la publicité que le Vatican est si habile à faire à ses comparses des "autres religions" dès qu'une telle occasion se présente pour ses services - c'est un appel public du pied en faveur du Ralliement.

Etre professeur à St Serge et faire cela, c'est inadmissible - même (et surtout) si une partie des bourses qui permettent à des élèves (et futurs prêtres) étrangers de venir faire leur théologie à St-Serge arrivent effectivement du Vatican - ce qui n'est pas innocent, on s'en doute. Il est clair que le but latin est d'obtenir dans un avenir à moyen terme un pourcentage de plus en plus élevés d' "obligés du Pape" parmi nos futurs prêtres, et même nos futurs Évêques (pourquoi pas ?!).

J'en arrive, sans paranoïa excessive je pense, à me demander si le retard sempiternellement apporté à la réunion du grand concile pan-orthodoxe du siècle (mais lequel, de siècle ?...) n'a pas pour but d'attendre le moment où les principaux sièges seront occupés par des sympathisants (plus ou moins discrets) des thèses papistes. Et dans ce petit jeu assassin en eau trouble, Olivier Clément est une pièce maîtresse de l'échiquier - profitant de sa qualité de théologien laïc, c'est à dire non réellement soumis à quelque synode que ce soit.

Ceci dit, je rassure Anne-Geneviève : je ne parlais de rajouter une deuxième queston au sondage que par humour un brin provocateur. C'était au fond pour souligner l'inquiétante parenté entre une certaine théologie kto (Teilhard n'est pas le seul, mais il est le plus habilement flou... comme O.C.) et celle de notre Olivier national, dont la gloire est en effet relancée partout et toujours, dans la presse comme dans les maisons d'éditions, à la radio, dans les salles de conférences, dans les paroisses, dans les bulletins destinés aux fidèles - à la fois comme parapluie pour abriter les menées plus effacées de certains prêtres qui, en s'affichant eux mêmes, risqueraient trop de se démasquer - et déjà statufié en tant que maître à penser, maître à prier, maître d'histoire de l'orthodoxie et prophète à peine voilé de son avenir - tel qu'il est souhaité par la petite clique.

Alors, on pourra me reprocher peut-être d'employer des qualificatifs dépourvus d'indulgence, mais je les emploie volontairement, car en France et dans le domaine de la foi de l'Église, je crois fortement qu'on ne peut plus se permettre de filtrer le moucheron pour laisser le chameau passer en force.

Cette attitude faussement fraternelle reviendrait à aider l'hérésie rampante, qui est bien me semble-t-il la pire de toutes les hérésies.
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Message par Anne Geneviève »

C'est surtout la flemme des journalistes que l'on a instrumenté. Quand ils ont quelqu'un dans leur carnet d'adresse, pourquoi chercheraient-ils un autre "expert" ?
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Message par eliazar »

C'est même souvent plus tordu que cela - encore.

Il suffit d'un coup de fil "amical" signalant au directeur du journal, ou au rédacteur en chef, que la personne qu'il aurait voulu joindre n'a pas la réputation, dans le domaine orthodoxe, d'être bien sérieuse - mais qu'il ferait mieux de demander son article à tel autre qui, lui, ne présente aucun problème.

Il suffit d'une bonne camaraderie, bien placée dans l'échelle des valeurs reconnues, pour éliminer définitivement un possible "opposant".
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Message par cathaga »

Anne-Geneviève, ne trouvez-vous pas que les journalistes ont bon dos ? Il ne faut pas oublier qu'il y a des politiques éditoriales édictées par les patrons de presse. Souvenons-nous de la désinformation générale au moment de la guerre yougoslave. En réalité, il y a une pression oecuméniste pour que l'orthodoxie soit évoquée dans son aspect "modéré".
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Message par Anne Geneviève »

Je connais l'espèce journalistes: j'y ai plusieurs amis très chers et il m'arrive d'en être moi-même. Améliorer son carnet d'adresses, dans un métier où il faut galoper presque devant l'événement, n'est pas toujours la priorité, je le maintiens. Mais je reconnais aussi le rôle des grands patrons, leurs ententes, le lobbying subreptice, etc. C'est bien pourquoi j'ai dit qu'on avait instrumenté cette flemme là.
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Message par Anne Geneviève »

Pour revenir aux questions de fond
Teilhard n’était plus vraiment catho, même s’il y eut après Vatican II toute une entreprise de récupération de type publicitaire. Sa pensée était à mille lieues de la théologie de la satisfaction encore brandie par Rome – une version déiste de la religion d’ordinaire agnostique de l’Evolution, le clone déiste de sir Julian Huxley ou de Jean Rostand. Actuellement, sa niche écologique a été reprise par Hubert Reeves qui se dit plutôt hindouiste que chrétien.
Ce n’est pas du gnosticisme. La gnose « au nom menteur », qu’il s’agisse des mouvements de l’antiquité tardive ou de la Naturphilosophie allemande du XIXe siècle, a le sens du tragique, de cette « dimension dramatique de notre existence » dont parle Jean Louis. Son erreur est, entre autres, de séparer les composantes de la nature humaine et de lier la chute ou le péché exclusivement à l’une d’elle, en général le corps, voire uniquement le ventre, les organes de la digestion et de la reproduction. C’est cette même mentalité qui confond distinction et séparation qui a par ailleurs engendré Apollinaire ou Nestorius.
Dans la pensée teilhardienne, il n’y a pas de dimension dramatique puisque il n’y a pas de chute. L’homme est le fruit de la création et va la porter à son incandescence ultime, le point Oméga. La seule chose qui le distingue d’Huxley, c’est qu’il admet un Dieu créateur et non la matière, le hasard et la nécessité, cette trinité parodique ou hellénisante de Jacques Monod, à l’origine de l’Evolution. Il se peut même qu’il admette l’incarnation du Verbe divin (le statut exact de Jésus n’est jamais très clair dans son œuvre) mais comme une étape, un nouveau coup de pouce donné à l’Evolution. Seule compte l’eschatologie, le temps s’épuise en un demain perpétuel. C’est le culte des descendants, en somme, inversion du très archaïque culte des ancêtres.
D’une certaine manière, encore plus sensible chez Hubert Reeves d’ailleurs, c’est la description de la création telle qu’elle aurait pu être sans la chute. Objection, votre honneur ! Chute il y a et ses fruits visibles au quotidien.
Est-ce qu’OC se rallie à cet imaginaire de l’Evolution (à ne pas confondre avec le fait indéniable de la complexification de l’écosystème global au cours du temps) qui nie ou minimise la chute ? Ce n’est pas impossible. Revoir la phrase que j’ai citée tout au long de la discussion.
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