La réforme liturgique catholique romaine

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Antoine
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Message par Antoine »

Date : 02.05 16h16
auteur : Axel

(Suite 05)


Le rite postconciliaire du sacrement de l'ordre Dès qu'on entreprend l'étude du rite réformé de Paul VI, on ne peut s'empêcher de constater la similitude qui existe entre cette réforme et celle de Cranmer au seizième siècle. Dans les deux cas, les réformateurs se sont ingéniés à supprimer, les premiers, tout ce qui, dans le rite catholique, fait nettement ressortir la dignité et les devoirs du sacerdoce, les seconds, tout ce qui dans le rite traditionnel peut heurter les frères séparés. Ainsi le nouveau rite de Paul VI contient bien, dans sa forme latine, le mot prêtre, mais pas plus que dans son prototype anglican on n'y trouve spécifiée la nature sacrificatoire de la prêtrise catholique.
Dans l'étude qu'il en a faite, Michæl Davies porte sur ce rite l'appréciation suivante : «Le rite traditionnel de l'ordination a été remanié "de la façon la plus radicale", et, à l'exemple de Cranmer, cela a été réalisé principalement par la suppression de "prières et de cérémonies en usage auparavant", prières et cérémonies qui donnaient une signification sacerdotale explicite à la formule indéterminée que Pie XII donne pour la forme essentielle. Cette formule déclare bien que les candidats à l'ordination doivent être élevés à la prêtrise, mais la formule anglicane le dit aussi. D'autre part, alors que dans le contexte du pontifical romain traditionnel il n'y avait pas la moindre ambiguïté, dans le nouveau rite de Paul VI l'ambiguïté est certaine. Sans doute le nouveau rite ne suggère nulle part que l'on n'a pas l'intention d'ordonner des prêtres sacrificateurs, mais là où il fait mention du sacrifice de la messe, il le fait comme en sourdine. De plus, il insiste tellement sur le ministère de la Parole qu'il est évident que ce changement a été calculé pour plaire aux protestants...
Enfin, non seulement le nouvel ordinal de Paul VI est dénué de presque toute référence formelle au sacrifice de la messe, mais, comme elle l'avait été par Cranmer, l'expression sacrificium missæ, sacrifice de la messe, a été bannie aussi bien de la version latine de Paul VI que de la version anglaise de 1968». Michæl Davies fait également remarquer que, si la forme utilisée dans le nouveau rite ne diffère pas beaucoup de celle qui a été spécifiée par Pie XII, elle ne contient rien toutefois «à quoi un protestant pourrait trouver à redire», rien qui soit «tant soit peu incompatible avec la doctrine protestante».
Mais alors, si, d'une part, la forme est «indéterminée» et si, d'autre part, le reste du rite ne spécifie pas l'intention d'ordonner des prêtres sacrificateurs, le nouveau rite de Paul VI souffre des mêmes défauts que son prototype anglican. Et puisque c'est pour ce motif que le rite anglican a été condamné par Léon XIII,nous sommes en droit de mettre en doute la validité du rite de Paul VI.
Michæl Davies se trompe quand il déclare que le rite postconciliaire n'a pas changé la forme du sacrement pour l'ordination des prêtres. Nous allons le montrer en considérant les paroles qui constituent la forme telle que Pie XII l'a spécifiée :
Da, quæsumus, omnipotens Pater, in hos famulos tuos presbyterii dignitatem. Innova in visceribus eorum spiritum sanctitatis, ut acceptum a Te, Deus, secundi meriti munus obtineant ; censuramque morum exemplo suæ conversationis insinuent.
Père tout-puissant, accordez, nous Vous en supplions, à Vos serviteurs que voici,la dignité de la prêtrise. Renouvelez dans leur cœur l'esprit de sainteté afin qu'ils exercent cette fonction du second ordre que Vous leur confiez et que l'exemple de leur vie corrige les mœurs.
Le caractère sacro-saint de la substance d'une forme sacramentelle a été étudié plus haut. Le pape Pie XII a précisé que, pour la validité du sacrement de l'ordre, les paroles doivent «signifier d'une façon univoque les effets sacramentels, à savoir le pouvoir de l'ordre et la grâce de I'Esprit Saint». (Sacramentum ordinis)
En examinant cette forme, nous voyons que dans sa première partie elle exprime le pouvoir de la prêtrise, non la grâce du Saint-Esprit : «Père tout-puissant, accordez, nous Vous en supplions, à Vos serviteurs que voici la dignité de la prêtrise». Au cours des derniers siècles, le mot de «prêtrise» a perdu sa signification spécifiquement catholique. Aussi est-il précisé dans le rite traditionnel par la seconde partie de la forme qui apporte une double précision : elle spécifie que la prêtrise est un «office de second rang» et que la «grâce de I'Esprit Saint», qui donne le pouvoir de remplir cet office, accompagne le sacrement.

Dans la forme du rite de Paul VI, c'est la confusion.
Dans le texte latin officiel, la forme, telle qu'on la lit dans Pontificalis Romani Recognitio, a conservé les mots de la forme traditionnelle précisée par Pie XII : in hos famulos tuos. Dans les Acta apostolicæ sedis, l'expression s'est muée en his famulis tuis. Les deux versions ont supprimé «ut».
Ces changements ont-ils quelque incidence sur la validité du rite ? La suppression de «ut» (afin que, de sorte que) supprime toute relation causale entre les deux phrases et fait que la nouvelle forme ne précise plus clairement que l'ordinand reçoit «l'office de second rang» comme résultat du «renouvellement de l'esprit de sainteté». Cela rendrait-il ce nouveau rite invalide ? La réponse à cette question dépend en grande partie de la raison pour laquelle «ut» a été supprimé.
Par contre, la substitution de in his famulis tuis à in hos famulos tuos change le sens de la forme précisée par Pie XII. L'accusatif, in hos famulos tuos, implique que ce qui est donné à l'ordinand entre en lui et le transforme intérieurement. Avec in his famulis tuis, ce qui est donné demeure à l'extérieur de celui qui le reçoit et l'idée qu'il pénètre pour devenir une partie du
récipiendaire n'est nullement évoquée. Cette différence de signification est énorme, fait remarquer Father Jenkins, quand on se souvient qu'il s'agit ici de l'ordre de la prêtrise qui comporte un caractère indélébile imprimé dans l'âme du récipiendaire au moment de son ordination. La forme traditionnelle est univoque, celle de Paul VI ne l'est pas, elle suggère plutôt l'idée que les réformateurs se faisaient de la prêtrise, un office purement extérieur, une simple présidence. Comme on le voit, ce changement a une incidence «substantielle» sur la signification de la forme.
L'ambiguïté est encore plus grande dans les versions en langue vernaculaire, dont l'usage est quasi universel dans la pratique post-conciliaire.
La traduction provisoire anglaise utilisée entre juin 1968 et 1970 demandait que l'ordinand reçoive la dignité du presbytérat. Or le terme presbyter a été utilisé dans l'histoire par les réformateurs pour désigner leurs ministres non sacrificateurs et non ordonnés. Comme je l'ai déjà montré clairement ailleurs, en anglais ce terme ne peut absolument pas être considéré comme l'équivalent de prêtre - en fait il signifie juste l'opposé ; aussi même les anglicans de la Haute Eglise rejettent son usage. Ceci rend encore plus douteuse la validité de ce rite réformé. Il semble que cela a été reconnu puisque, après 1970, la traduction anglaise ne l'a plus utilisé et qu'elle est revenue au terme de prêtrise. Il semble bien, malgré tout, que les innovateurs soient décidés à continuer sur leur lancée. Si en 1970 ils ont remplacé presbyter par prêtrise, ils ont augmenté le doute en changeant le sens de la seconde partie de la forme qu'ils ont traduite ainsi, d'une façon inexacte : «Comme coopérateurs de l'ordre des évêques, puissent-ils être fidèles au ministère qu'ils ont reçu de Vous, Seigneur Dieu». Est- il besoin de le souligner, «coopérateurs de l'ordre des évêques» est une qualification très vague qui peut désigner n'importe quoi sauf l'«office du second rang» dans le sacrement de l'ordre.
Bien que tout cela suffise à jeter le doute sur la validité des ordinations
sacerdotales conférées dans le rite postconciliaire, disons qu'il y a plus grave encore. Pour qu'une ordination sacerdotale soit valide, il faut qu'elle soit conférée par un évêque validement consacré. Autrement, quelque licite que soit le rite utilisé, cette cérémonie n'est plus qu'un simulacre d'ordination sacerdotale. Il nous faut donc considérer à présent la réforme du rite de l'ordination des évêques.
(A suivre)
Antoine
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Date : 02.05 16h16
auteur : Axel

(Suite 06)




Dans le rite de la consécration des évêques, comparons la matière et la forme traditionnelles précisées par Pie XII avec la matière et la forme du rite de Paul VI. Nous l'avons noté plus haut, le pape Pie XII a précisé que «dans l'ordination ou consécration épiscopale, la matière est l'imposition des mains faite par l'évêque consécrateur. La forme est constituée par les paroles de la préface dont les suivantes sont essentielles, partant requises pour la validité : Comple in sacerdote tuo ministerii tui summam, et ornamentis totius glorificationis instructum cœlestis unguenti rore sanctifica. Remplissez Votre prêtre de la perfection de Votre ministère (summam peut aussi être traduit par plénitude) et, paré des ornements de l'honneur le plus haut, sanctifiez-le par la rosée de l'onction céleste».

Que faut-il penser de la réforme de Paul VI ?
Avant de l'étudier en détail, il nous faut nous poser une question. Le changement d'une forme sacramentelle, surtout quand son usage traditionnel dans l'Église ne soulève aucun problème, ne peut se faire sans une raison proportionnée. Quelle est donc celle qui a pu décider Paul VI à opérer celui-ci ? Nous avons beau chercher, nous n'en voyons aucune. En effet, depuis la promulgation de Sacramentum ordinis, plus aucun doute ne troublait les consciences, plus aucune question ne se posait aux théologiens au sujet des paroles essentielles de cette forme. Pourtant, Paul VI n'a pas pu changer pour le plaisir. Quelle nécessité a bien pu l'y contraindre ? En dehors de celle qui découle de l'engagement de l'Église dans le fol œcuménisme de Vatican II, nous n'en voyons aucune.
Cela dit, examinons de plus près la réforme pauline de la consécration des évêques. Paul VI a gardé la matière précisée par Pie XII, l'imposition des mains. Par contre, il a modifié les paroles de la forme :
Et nunc effunde super hunc electum eam virtutem, quæ a te est, Spiritum principalem, quem dedisti dilecto Filio Tuo Jesus Christo, quem ipse donavit sanctis apostolis, qui constituerunt Ecclesiam per singula loca, ut sanctuarium tuum, in gloriam et laudem indeficientem nominis tui. Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, I'Esprit qui fait les chefs, I'Esprit que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, celui qu'Il a donné lui-même aux saints Apôtres qui établirent l'Eglise en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom.
Depuis la promulgation de ce document, les catholiques se trouvent en présence de deux formes, différentes dans leur expression, mais réputées essentielles l'une et l'autre, puisque exigées, l'une comme l'autre, pour la validité du rite.

Malgré leur différence d'expression, la foi catholique oblige à croire a priori que la signification de la grâce sacramentelle est nécessairement identique dans les deux rites, puisque les deux suffisent à garantir la validité du sacrement. Comment établir dès lors que la forme de Paul VI signifie de façon univoque la même grâce sacramentelle que celle du rite traditionnel promulgué par Pie XII ?
On peut procéder de plusieurs manières pour éclairer ce problème.

1ère manière.
Elle consiste à examiner les différentes prières consécratoires en usage dans l'Eglise universelle, aussi bien en Orient qu'en Occident, et à rechercher à quelle forme catholique pourrait se rattacher celle de Paul VI. Cette recherche, normalement longue et laborieuse, se trouve facilitée par le travail de recension de toutes les formes connues fait par Jean Moran, puis par les évêques anglais dans leur «Défense de la Bulle Apostolicæ Curæ». Citons ce dernier document : «Dans chacun des rites reconnus par l'Eglise catholique, la forme essentielle est contenue dans une prière consécratoire qui accompagne l'imposition des mains.Dans tous les rites, ces prières sont du même genre. D'une manière ou d'une autre, toutes précisent l'ordre auquel le candidat est promu, et supplient Dieu de lui accorder les grâces nécessaires à son nouvel état».
Les évêques anglais donnent alors une liste de ces prières : l'ancien
sacramentaire léonin «conservé dans le Pontifical moderne», le sacramentaire grec, le syro-maronite, le nestorien, l'arménien, le copte et l'abyssin, ainsi que l'ancien gallican, le rite des ordinations dans les Constitutions apostoliques et dans les Canons de saint Hippolyte.
De plus, pour chacune de ces prières, les évêques firent une liste des mots importants : summum sacerdotium, sacerdoce suprême, dignité pontificale, évêque, prêtre parfait (ou complet), épiscopat, et ils montrèrent qu'ils se retrouvent dans toutes les formes qui ont été ou qui sont encore utilisées par les différentes églises catholiques d'Orient ou d'Occident, et aussi par l'Eglise schismatique d'Orient (les orthodoxes).
Comme de juste, ces mots essentiels se retrouvent dans la forme du rite traditionnel de l'Eglise romaine précisée par Pie XII. Malheureusement, on n'en relève pas un seul dans la forme de Paul VI.

2ème manière.
Elle consiste à examiner les opinions des théologiens pendant la période qui suivit la Réforme ; elles nous indiquent ce qui a été considéré par tous comme essentiel à la validité d'une forme. Une revue assez détaillée en a été faite par Paul Bradshaw dans son histoire de l'ordinal anglican. Le bénédictin Wilfrid Raynal déclare qu'une forme valide doit nécessairement exprimer le caractère distinctif de l'ordre conféré, d'une des trois manières suivantes :
a) par une allusion au type de l'ordre conféré trouvé dans l'Ancien Testament ;
b) par la mention du pouvoir spirituel qui est le privilège distinctif de
l'ordre auquel le candidat est élevé ;
c) par la mention, sous le nom qui lui est propre depuis les temps les plus reculés, de l'office conféré par le rite. Ainsi summus sacerdos (évêque), sacerdos secundi ordinis (prêtre). Raynal précise que les mots «évêque» et «prêtre» doivent avoir réellement, vraiment, la signification que leur donne l'Eglise universelle.
L'absence dans une forme de toute expression univoque du caractère distinctif de ces ordres sacrés vicie cette forme et rend l'ordination nulle et sans effet. Selon Bradshaw, sur ce point toutes les formes occidentales et orientales recensées remplissent les conditions requises. La forme traditionnelle confirmée par Pie XII les remplit également. Le nouveau rite de Paul VI ne les remplit pas.


3ème manière.
Elle s'inspire de la nature même de la forme de ce sacrement qui doit nécessairement signifier de façon univoque l'effet qu'elle produit. En vérité, précise J.M. Hervé, la forme qui est une (univoque), ce sont les paroles par lesquelles est signifié l'effet du sacrement, à savoir le pouvoir d'ordre et la grâce du Saint-Esprit. Forma vero, quæ et una est, sunt verba, quibus significatur effectum sacramentale, scilicet potestas Ordinis et gratia Spiritus Sancti.
Cette forme univoque du sacrement de l'ordre se trouvait nécessairement dans le rite traditionnel de l'Eglise romaine, Mère et Maîtresse de toutes les Églises.
Jamais la validité de ce rite n'a été contestée. Le désaccord des théologiens ne portait que sur la détermination des paroles qui constituent la substance de cette forme. Depuis le 30/11/1947, ces paroles ayant été précisées par le magistère suprême dans un document irréformable, les discussions sont closes à ce sujet. Dans ces paroles se trouvent signifiés de manière univoque le pouvoir du premier ordre : comple in Sacerdote tuo ministerii tui summam, et la grâce du Saint-Esprit : cœlestis unguenti rore. Cette décision du magistère suprême consacre la pratique constante de l'Eglise, telle qu'elle apparaît, par exemple, dans la recension faite par Bradshaw.
La forme indiquée par Paul VI, elle, déroge totalement à la tradition. Les seuls mots qui pourraient donner l'impression de signifier le pouvoir et la grâce du Saint-Esprit sont ceux de l'expression Spiritum principalem. Nous allons donc l'examiner de plus près.
(A suivre)
Antoine
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Date : 02.05 16h16
auteur : Axel

(Suite 07)


Que désigne au juste Spiritum principalem ?
Cette expression ne se rencontre dans aucun des rites d'ordination connus, comme on peut le constater en se reportant soit à la Défense de la Bulle Apostolicæ Curæ, soit au livre de Mgr Kenrick sur La validité des ordinations anglicanes, qui donnent chacun une liste de tous les rites épiscopaux connus.
On trouve spiritus principales à un seul endroit de l'Ecriture, au verset 14 du psaume 50 : Redde mihi lætitiam salutis tui et spiritu principali confirma me. Cette expression est rendue de plusieurs manières. Dans La Sainte Bible, Fillion la traduit par un esprit généreux ; il ajoute en note la traduction de l'hébreu, un esprit de bonne volonté, et celle des Septante, un esprit d'hégémonie. Quel sens entendait lui donner l'auteur sacré ?
D'après le contexte nous voyons qu'il s'agit ici de David qui demande pardon à Dieu pour ses relations adultères avec Bethsabée et Le prie de lui accorder un esprit qui lui permette de gouverner ses passions. Quelle que soit la traduction proposée, nous ne voyons vraiment pas comment cette expression spiritu principali pourrait désigner particulièrement la grâce de l'épiscopat.
Que peut donc bien signifier ici le mot principalem ?
Le nouveau dictionnaire latin de Cassell donne trois significations possibles :
1° premier dans le temps, originel ; premier, chef ;
2° d'un prince ;
3° se dit de la place où se tient le commandant dans un camp romain.
Le dictionnaire latin Harper donne un autre sens : surveillant. Ce dernier est intéressant parce que, comme le font remarquer les évêques anglais dans leur Défense de la Bulle Apostolicæ Curæ, c'est le terme qu'utilisent les Réformateurs pour désigner leurs évêques. Citons-les : Le fait que les anglicans ont ajouté le terme évêque à leur forme ne l'a pas rendue valide parce que, selon leur doctrine, ils ne considèrent pas l'évêque comme possédant l'ordre à un degré supérieur à celui du prêtre; en fait, il est considéré comme un surveillant plutôt que comme celui qui a la plénitude de la prêtrise.
Les théologiens postconciliaires ont reconnu qu'il est difficile de traduire convenablement cette expression en langue vernaculaire. Avant 1977, elle était traduite par Esprit parfait. Depuis, Rome a insisté officiellement pour qu'elle soit rendue par Esprit directeur ou par Esprit d'autorité. Dans Notitiæ, qui est un organe semi-officiel de la Curie Romaine, le père B. Botte, 0.S.B., l'un des principaux responsables de ce nouveau rite, nous apprend que la signification de cette expression n'est pas nécessairement celle qu'elle a dans l'Ecriture. A l'en croire, au troisième siècle elle avait probablement une signification tout à fait différente de celle qu'elle avait du temps de David, et, dans le document d'Hippolyte, elle signifiait presque certainement le Saint-Esprit. Voici son explication : «Pour le chrétien du troisième siècle (l'époque d'Hippolyte), cette expression a une signification théologique qui n'a rien de commun avec la pensée du roi de Juda (David) qui vivait douze siècles plus tôt. Mais même en supposant que principalis est une traduction inexacte, cela n'a ici aucune importance. Ce qui compte, c'est de savoir quel sens lui donnait l'auteur de la prière, c'est-à-dire Hippolyte».
Sous la plume d'un des principaux responsables de ce nouveau rite, de tels aveux au sujet de sa forme sacramentelle sont plutôt stupéfiants. En effet, le père Botte admet, non seulement que nous ne sommes pas certains du sens de principalis, mais encore que le mot lui-même peut très bien ne pas rendre exactement l'idée du psaume. Il reconnaît en outre que ce mot n'est tiré ni des paroles du Christ ni de celles des Apôtres. Enfin, avec une perspicacité historique qui fait notre admiration, il nous dit, à dix-sept siècles de distance, ce qu'Hippolyte avait voulu dire par ce mot. Citons-le : «La solution doit être recherchée dans deux directions : le contexte de la prière et l'emploi de hegemonikos dans le langage chrétien du 3ème siècle (hegemonikos est l'équivalent de principalis). Il est clair que Esprit désigne la personne du Saint-Esprit. Tout le contexte l'indique ; tout le monde garde le silence parce que I'Esprit descend. La vraie question est donc : pourquoi, parmi d'autres adjectifs, principalis a-t-il été choisi ? Il faut élargir les recherches». Et le père Botte poursuit en nous donnant une interprétation théologique vraiment nouvelle de la fonction principale des différents membres de la hiérarchie dans les ordres, telle que le nouveau rite l'exprime : Les trois degrés, dit-il, reçoivent le don de I'Esprit, mais ce n'est pas le même pour chacun d'eux. Pour l'évêque, c'est le Spiritus principalis ; pour les prêtres qui sont les conseillers des évêques, c'est le Spiritus consilii ; pour les diacres qui sont le bras droit de l'évêque, c'est le Spiritus zeli et sollicitudinis. Il est évident que ces distinctions sont faites selon les fonctions des ministres de chaque degré. Il est clair alors que (dans la formule d'Hippolyte) principalis doit être compris comme étant en rapport avec la fonction spécifique de l'évêque. Il suffit de relire la prière pour en être convaincu... Dieu n'a jamais laissé son peuple sans chef, ni son sanctuaire sans ministres... L'évêque est le chef de l'Eglise. Le choix du terme hegemonikos s'explique par lui-même ; c'est le don de I'Esprit qui appartient au chef. La meilleure traduction semblerait être I'Esprit d'autorité.
La nouvelle forme demande aussi que cet Esprit directeur qui est donné à l'ordinand soit le même que celui qui fut donné aux Apôtres. Disons tout d'abord qu'une telle requête n'affirme en aucune façon que les ordinands sont eux-mêmes élevés au rang des apôtres. (On serait en droit de demander à Dieu de donner à tout laïc catholique le même Esprit Saint qui a été donné aux apôtres). Il est clair que cette requête n'affirme en aucune manière que l'on demande ici pour les ordinands, comme il serait normal de le demander, qu'ils soient élevés au rang des Apôtres. Dans sa critique du rite anglican, Léon XIII fait remarquer que «ces paroles, «Reçois le Saint-Esprit», sont loin de signifier d'une façon précise le sacerdoce en tant qu'ordre, la grâce qu'il confère ou son pouvoir».
Ainsi donc, même si nous acceptons de reconnaître, en cet Esprit directeur, le Saint-Esprit, la forme ne signifiant ni le pouvoir, ni la grâce de l'épiscopat, ne peut les transmettre par elle-même, de façon sacramentelle, ex opere operato.
Elle le peut d'autant moins que le choix de ce terme rapproche singulièrement la forme du rite de Paul VI de celle d'un rite protestant.
(A suivre)
Antoine
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Date : 02.05 16h16
auteur : Axel

(Suite 08)


Qu'entendent les protestants par rang épiscopal ?
Plusieurs sectes protestantes, les luthériens en Allemagne, sinon aux États-Unis,les anglicans, les épiscopaliens ont gardé le titre d'évêque pour désigner certains membres de leur clergé. Cependant, aucune d'entre elles n'admet que la prêtrise ou l'épiscopat comporte l'impression d'un caractère sacramentel indélébile. Quelle est donc pour eux la fonction d'un évêque ?
Elle est essentiellement juridictionnelle. Ainsi, en Angleterre, les évêques sont nommés par le souverain régnant qui est le chef de leur église et qui peut les démettre de leur épiscopat. Dans d'autres sectes protestantes, ils sont élus par les fidèles. Chez tous, ils sont considérés comme des surveillants. Là où ils ordonnent les ministres et où ils confirment, ils ne le font pas en vertu de quelque pouvoir sacerdotal particulier qu'ils posséderaient à l'exclusion des laïcs, mais uniquement en vertu de la juridiction qu'ils ont reçue, pour le temps de leur mandat, pour organiser les communautés, veiller à leur maintien et à leur développement, comme le fait tout bon Président Directeur Général dans son entreprise. Pour les protestants, ni le sacerdoce, ni la confirmation ne sont des sacrements institués par Notre-Seigneur; encore moins des sacrements qui impriment un caractère indélébile. Il est donc évident, comme l'a fait remarquer le pape Léon XIII, que l'inclusion des termes évêque et grand-prêtre dans un rite protestant, duquel «on a retranché de propos délibéré tout ce qui, dans le rite catholique, fait nettement ressortir la dignité et les devoirs du sacerdoce», n'a nullement le pouvoir de rendre ce rite valide. Lorsqu'une telle formule, «Reçois le Saint-Esprit», est utilisée dans des rites ambigus, «elle doit être interprétée autrement que dans le rite catholique», ajoute Léon XIII.
Entendue dans le sens d'Esprit directeur, de surveillant, d'épiscope, l'expression Spiritum Principalem n'offense nullement les protestants. Sans doute, dans l'Eglise catholique aussi l'évêque a ce rôle de surveillant, d'épiscope à remplir ; notre intention n'est pas de le nier. Ce que nous ne pouvons accepter dans un rite qui est censé être catholique, c'est que cette fonction soit présentée comme constitutive de l'épiscopat en tant qu'il est la plénitude du sacrement de l'ordre. Voilà pourquoi nous affirmons que, même en admettant que son choix n'ait pas été le fait d'une capitulation devant les exigences œcuméniques, ce terme est inacceptable comme mot essentiel pour désigner la grâce de ce sacrement. Après avoir rappelé qu'une forme de laquelle «on a retranché de propos délibéré tout ce qui, dans le rite catholique, fait nettement ressortir la dignité et les devoirs du sacerdoce, ne peut être la forme convenable et suffisante d'un sacrement, le pape Léon XIII a montré l'inefficacité du reste du rite - sa significatio ex adjunctis - sur une forme sacramentelle indéterminée. Puisque en cela le nouveau rite de Paul VI présente les mêmes défauts que le prototype anglican, il tombe nécessairement sous le coup de la même condamnation.
Pourtant, avant de discuter cet aspect du problème, nous devons examiner avec le plus grand soin les sources d'où Paul VI dit avoir tiré sa nouvelle forme.

La source du nouveau rite d'ordination de Paul VI
Dans sa constitution apostolique Pontificalis Romani qui publie les nouveaux rites d'ordination, Paul VI déclare que le but de la révision du Pontifical romain a été «d'améliorer et de préciser l'expression de plusieurs points importants de doctrine... qui se trouvent inclus déjà dans le rite de la consécration épiscopale ... Dans la révision du rite, il a été nécessaire d'ajouter, de supprimer ou de changer certaines choses, soit pour rétablir les textes dans leur intégrité antérieure, soit pour rendre les expressions plus claires, soit pour mieux exposer les effets du sacrement... Pour y parvenir de façon correcte, on a jugé bon de recourir, parmi les sources anciennes, à la prière consécratoire qu'on trouve dans le document appelé Tradition apostolique d'Hippolyte de Rome, écrit au début du troisième siècle, et qui, pour une grande partie, est encore en usage dans la liturgie de l'ordination chez les Coptes et les Syriens occidentaux».
Le lecteur jugera si le résultat escompté a été obtenu, si la nouvelle forme exprime les choses «plus clairement» et si elle «décrit mieux les effets du sacrement».
Si Paul VI dit vrai en mentionnant la Tradition apostolique d'Hippolyte comme source de son nouveau rite, il en prend à son aise avec les exigences de la vérité quand il affirme que ce document est encore en usage dans la liturgie de l'ordination chez les Coptes et les Syriens occidentaux. En réalité, le texte d'Hippolyte n'a presque rien de commun avec les rites orientaux, et dans aucun des rites orientaux on ne trouve les mots que Paul VI donne comme essentiels, en particulier l'expression esprit directeur, spiritum principalem. Pour permettre à nos lecteurs de juger sur pièces, nous allons reproduire les trois prières consécratoires dans une présentation synoptique. Dans la colonne de gauche, le prétendu rite d'Hippolyte ; dans celle du centre, celui des Syriens d'Antioche qui auraient conservé «pour une grande partie» celui d'Hippolyte ; dans celle de droite, le rite de Paul VI qui serait issu de celui d'Hippolyte. Auparavant, faisons quelque lumière sur la prétendue Tradition apostolique.
(A suivre)
Dernière modification par Antoine le mer. 30 juil. 2003 13:10, modifié 1 fois.
Antoine
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Date : 02.05 16h16
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(Suite 09)


La Tradition apostolique d'Hippolyte
C'est un document composite, d'origine douteuse, au sujet duquel il n'y a absolument aucun témoignage qui permettrait d'affirmer qu'il a servi pour
consacrer un évêque catholique.
Hippolyte est un personnage très énigmatique. Il naquit vers 160 et on pense qu'il fut disciple de saint Irénée. Il devint prêtre sous le pape Zéphirin. Son savoir et son éloquence lui valurent une grande considération. Des divergences doctrinales avec le pape l'obligèrent à quitter Rome. A la mort de Zéphirin, quand Calixte lui succéda sur le siège de Pierre, Hippolyte, dans son ambition déçue, fonda une communauté schismatique (Dom Poulet, Histoire du Christianisme, fasc. I, p. 124). C'est alors qu'il écrivit sa Tradition apostolique, vraisemblablement pour avoir un pontifical à l'usage de la secte dont il était devenu le pape. Plus tard, durant la persécution de l'empereur Maximin, Hippolyte fut arrêté et envoyé dans les mines de Sardaigne avec le pontife d'alors, Pontien. Là, avant de subir le martyre en compagnie du pape (septembre 235), Hippolyte se réconcilia avec l'Eglise ; il fut canonisé en même temps que Pontien. Le schisme d'Hippolyte prit fin à la mort de son auteur. Nettement rigoriste, Hippolyte s'était opposé en particulier à l'adoucissement des lois ecclésiastiques en faveur des lapsi, ces chrétiens tombés dans l'idolâtrie en sacrifiant aux dieux romains en temps de persécution et qui demandaient à revenir dans l'Eglise. Cette sévérité lui valut une renommée de conservateur. C'est ainsi qu'on présuma par la suite qu'il avait préservé l'intégrité des rites en usage de son temps. Malheureusement, c'est loin d'être certain. Paul VI n'est pas le premier à accorder aux actes d'Hippolyte une autorité qu'ils n'ont jamais eue ; on ne sait même pas si son rite a seulement servi.
Hippolyte écrivait en grec. Lorsque l'Eglise romaine eut adopté l'usage quasi exclusif du latin, ses œuvres tombèrent dans l'oubli en Occident. Ce n'est qu'en 1691 qu'elles furent découvertes, en Ethiopie, par Job Ludolf. En 1848, grâce à l'étude de documents coptes, une autre version vit le jour. Par la suite on trouva une version sahidique, et vers 1900 on découvrit une traduction latine d'un texte grec du sixième siècle. Aucune de ces versions n'est complète et les savants ont été dans l'obligation d'ajuster les différentes parties pour tenter de reconstituer un document relativement cohérent. Au dire du professeur Burton Scott Easton, de l'Université de Cambridge, voici comment on peut résumer ce qu'on sait à son sujet :«A l'exception de petits fragments, on n'a jamais retrouvé l'original grec de la Tradition apostolique. En général, on peut se fier au texte latin, mais il est incomplet. La seule autre version primitive, la sahidique, est, elle aussi, incomplète, et les résultats de la capacité moyenne de son traducteur ont été rendus encore plus confus par la transcription qui en a été faite. Le texte arabe est un texte secondaire présentant peu de chose que le sahidique ne contient pas. La seule version presque complète, l'éthiopienne, est tertiaire ; elle est sujette à caution. Ces quatre versions présupposent un original commun grec, dans lequel deux textes différents ont été fondus en un seul. Les autres sources, les Constitutions, le Testament et les Canons, sont de franches révisions, dans lesquelles l'original n'est pas reconnaissable quand il n'est pas contredit. Dans ces conditions, il est manifestement impossible de restituer le texte avec exactitude».
Après ces précisions données par un spécialiste en la matière, on comprend qu'il est absolument impossible de prétendre avoir la moindre idée des mots qu'Hippolyte considérait comme essentiels dans la forme du sacrement de l'ordre.
Transcrivons néanmoins sa prière consécratoire reconstituée :

Prières consécratoires d'Hippolyte

«Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, vous qui habitez au Ciel et qui pourtant avez égard envers les humbles, vous qui savez toutes choses avant qu'elles n'arrivent. Vous avez fixé les frontières de Votre Eglise par les paroles de Votre grâce, prédestinant dès le commencement la race juste d'Abraham. Et faisant d'elle des princes et des prêtres, et ne laissant pas Votre sanctuaire sans ministre, Vous avez été glorifié parmi ceux (ou encore, en ces lieux) que Vous avez choisis. Accordez maintenant ce pouvoir qui est le Vôtre, de Votre esprit directeur que (dans la version grecque) ... Vous avez donné à Votre Serviteur bien-aimé (dans la version grecque mais non dans la latine) Jésus-Christ qu'Il conféra à ses saints Apôtres (version latine)... qui établirent l'Eglise en tous lieux, l'Église que Vous avez sanctifiée pour que Votre nom soit sans cesse glorifié et loué. Vous qui connaissez le cœur de tous, accordez à Votre serviteur ici présent, que Vous avez choisi pour être évêque (de paître Votre saint troupeau, dans certaines versions) et de servir comme Votre grand prêtre sans reproche, travaillant nuit et jour pour se rendre sans cesse propice Votre face et pour Vous offrir les dons de la sainte Eglise. Et d'avoir par l'esprit de ce sacerdoce suprême le pouvoir de remettre les péchés selon Votre commandement, d'assigner les fonctions selon Votre précepte, de délier tout lien selon l'autorité que Vous avez donnée à Vos Apôtres, et de Vous plaire par la douceur et la pureté de cœur,Vous offrant un parfum d'agréable odeur. Par Votre Serviteur Jésus-ChristNotre-Seigneur, par qui Vous sont rendus gloire, puissance et honneur, avec le Saint-Esprit dans la sainte Eglise, maintenant et éternellement. Amen».

des Syriens d'Antioche

«O Dieu, Vous avez créé toutes choses par Votre puissance et établi l'univers par la volonté de Votre Fils unique. Vous nous avez donné gratuitement la connaissance de la vérité et Vous nous avez fait connaître Votre amour saint et excellent. Vous avez donné Votre Fils bien-aimé et unique, le Verbe, Jésus-Christ, le Seigneur de Gloire, comme pasteur et médecin de nos âmes. Par Son précieux sang Vous avez fondé Votre Eglise et ordonné en elle tous les degrés de la prêtrise. Vous nous avez guidés afin que nous Vous plaisions en faisant mieux connaître le nom de Votre Oint dans tout l'univers. Envoyez sur Votre serviteur que voici Votre souffle saint et spirituel de sorte qu'il puisse garder et surveiller le troupeau qui lui est confié, c'est-à-dire oindre des prêtres, ordonner des diacres, consacrer des autels et des églises, bénir les maisons, faire des nominations, guérir, juger, sauver, délivrer, délier et lier, revêtir et dépouiller, ainsi qu'excommunier. Accordez-lui tout le pouvoir de Vos saints, le même pouvoir que Vous avez donné aux Apôtres de Votre Fils unique, afin qu'il puisse devenir un grand prêtre glorieux ayant l'honneur de Moïse et la dignité du vénérable Jacob, sur le trône des Patriarches. Que Votre peuple et le troupeau de Votre patrimoine soient bien affermis grâce à Votre serviteur que voici. Donnez-lui sagesse et prudence et faites-lui comprendre Votre volonté, ô Seigneur, de sorte qu'il puisse discerner les choses mauvaises, connaître la sublimité de la justice et du jugement. Donnez-lui ce pouvoir de résoudre les problèmes difficiles et de briser toutes les chaînes de l'iniquité». A la fin de cette prière secrète, l'évêque consécrateur se tourne vers l'est et continue tout haut en disant : Seigneur, Vous êtes le Dispensateur de tout ce qui est bon, le Donateur de la Sagesse et des dons divins. Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, nous Vous louons et Vous remercions, maintenant, toujours, à jamais, Amen».

de Paul VI

«Dieu et Père de Notre-Seigneur, Père plein de tendresse, Dieu de qui vient tout réconfort, Toi qui es au plus haut des cieux et qui prends soin de notre terre, Toi qui connais toutes choses avant même qu'elles soient, tout au long de l'ancienne Alliance Tu commençais à donner forme à Ton Eglise ; dès l'origine, Tu as destiné le peuple issu d'Abraham à devenir un peuple saint ; Tu as institué des chefs et des prêtres et toujours pourvu au service de Ton sanctuaire, car, depuis la création du monde, Tu veux trouver Ta gloire dans les hommes que Tu choisis. La partie suivante de la prière est chantée, ou dite, par tous les évêques consacrants, les mains jointes : Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que Tu as choisi la force qui vient de Toi, I'Esprit qui fait les chefs, I'Esprit que Tu as donné à Ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, celui qu'Il a donné Lui-même aux saints Apôtres qui établirent l'Eglise en chaque lieu comme Ton sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom. Le consécrateur principal poursuit seul: Père, Toi qui connais le cœur de l'homme, donne à celui que Tu as choisi pour l'épiscopat de remplir sans défaillance la fonction de grand prêtre et de pasteur de Ton peuple saint en Te servant jour et nuit. Qu'il s'emploie sans relâche à intercéder auprès de Toi et à Te présenter l'offrande de Ton Eglise. Par la force de I'Esprit Saint qui donne le sacerdoce, accorde-lui, comme aux Apôtres, le pouvoir de remettre les péchés, de réconcilier les pécheurs et de répartir les ministères, ainsi que Tu l'as disposé Toi-même. Que sa bonté et la simplicité de son cœur fassent de sa vie un sacrifice qui Te plaise. Par Ton Fils, Jésus-Christ, par qui Te sont rendus, à Toi, notre Père, la gloire, l'honneur et la puissance, avec I'Esprit et dans l'Eglise, maintenant et pour les siècles des siècles. L'assemblée : Amen.

Les mots essentiels de la forme de Paul VI, que nous avons soulignés dans le texte, ne se trouvent pas dans le Pontifical d'Antioche. Ces deux prières n'ont en commun que quelques mots.
Dans la prière d'Antioche, l'intention de consacrer un évêque catholique est évidente. Cette prière remplit toutes les exigences que nous avons rappelées dans l'Histoire de la Théologie sacramentelle.
La prière de Paul VI n'a en commun avec celle d'Antioche qu'une douzaine de mots ; dès lors, comment admettre qu'elle en dérive ?
Il y a une différence de nature entre oindre des prêtres et assigner des ministères. Or la prière de Paul VI a manifestement supprimé l'expression oindre les prêtres qui se trouve dans la prière liturgique orientale encore en usage. Omise aussi dans la forme de Paul VI la fonction de l'évêque qui est de protéger l'Eglise contre l'hérésie. Sans doute l'évêque postconciliaire pourra «délier tout lien» mais il n'est pas précisé qu'il pourra «délier et lier, revêtir et dépouiller, ainsi qu'excommunier». Le fait que deux mots importants, «évêque» et «grand prêtre», ont été conservés - en dehors toutefois de la forme sacramentelle - ne rend pas le rite valide, car ils peuvent et doivent presque certainement être entendus dans leur sens protestant. Enfin, nous devons le souligner, cette forme a été créée de toutes pièces ; elle ne se trouve pas dans l'original supposé d'Hippolyte, du moins dans la partie que Paul VI nous assure «être encore en usage, pour une grande partie, dans la liturgie de l'ordination chez les Coptes et les Syriens d'Occident».

Voilà donc, au dire de Paul VI, la source de la prière sacramentelle postconciliaire pour ordonner les évêques. De toutes les études qui ont été faites sur la Tradition apostolique d'Hippolyte, une seule certitude se dégage : nous ignorons totalement quelles étaient les paroles de la forme indiquées par cette Tradition.
Dès lors rien, absolument rien ne peut nous assurer que la forme adoptée par Paul VI a jamais été utilisée dans l'Eglise pour ordonner un évêque catholique.
Par contre, ce que nous savons avec certitude, parce que tel est l'enseignement constant de l'Eglise à ce sujet, c'est que pour être licite une forme sacramentelle doit être certaine. Jamais l'Eglise n'a autorisé l'utilisation d'une forme douteuse. Jamais elle n'a permis de suivre une opinion probable à ce sujet. Toujours elle a exigé de ses ministres qu'ils suivent en cela l'opinion la plus sûre. En la circonstance, agir autrement, c'est exposer le sacrement à la nullité, ce qui est de soi une faute mortelle.
(A suivre)
Antoine
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Date : 02.05 16h16
auteur : Axel

(Suite 10)



CONCLUSION

Sans être le plus grand de tous les sacrements, celui de l'ordre est indispensable à l'Eglise. Il est en effet la source de presque tous les autres sacrements. Sans évêque catholique, les hommes pourraient encore être baptisés et se marier religieusement, mais c'en serait fait de toute vie sacramentelle, en particulier du saint sacrifice de la messe et de la présence réelle du Christ dans Son état de victime immolée et offerte. Sans sacerdoce valide, l'Eglise catholique romaine ne serait plus qu'une secte et rien d'autre.
Comprenant l'importance vitale de ce sacrement, l'Eglise, pour le conserver dans toute sa pureté, tel que les Apôtres et les Pères le lui ont transmis de la part du Maître, l'a entouré de tout un ensemble de cérémonies qui sont comme «une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l'intégrité de son mystère» (Cardinaux Ottaviani et Bacci).
Dès les temps les plus reculés, l'Eglise a codifié ces cérémonies dans ce qu'on a appelé plus tard le pontifical. C'est, nous assure Mgr Batiffol, «le livre liturgique le plus magnifique que nous possédions. Il nous vient en droite ligne de l'antiquité chrétienne sans avoir subi les restaurations du Missel, du Bréviaire ; il est tout entier un témoin des vieux âges. Dans le Pontifical tout est paroles et gestes de l'évêque, et ces paroles et ces gestes expriment les actes les plus solennels de la vie de l'Eglise, ceux auxquels elle a voulu donner la publicité la plus auguste, tels le sacre des évêques, les ordinations, la consécration des églises.» (Mgr P. Batiffol. Préface pour Les Étapes du Sacerdoce. 1939)
Par l'ensemble des rites ainsi codifiés, la forme de l'ordre a toujours exprimé de manière univoque la transmission d'un pouvoir sacerdotal véritable qui s'imprime de façon indélébile en celui qui le reçoit.
Chaque fois que, suivant la diversité des temps et des lieux, l'Eglise a cru bon d'ajouter des cérémonies à l'administration de ce sacrement, elle l'a toujours fait pour mettre plus en évidence sa signification. Pour bien montrer que celle-ci demeurait inchangée, elle conservait jalousement ce qui pendant des siècles l'avait clairement exprimée. Ainsi, à l'époque où la tradition des instruments avait pris le pas sur l'imposition des mains, celle-ci n'avait pas été supprimée et la signification du rite n'en avait subi aucun dommage. Aussi jamais les Orientaux, qui ne pratiquaient pas la porrection des instruments, n'ont contesté la validité du rite occidental.
Lorsque Pie XII est intervenu pour déclarer que la porrection des instruments et la prière qui l'accompagne ne constituent ni la matière, ni la forme de ce sacrement, il ne les a pas supprimées. Il a même expressément interdit de le faire : «Il n'est nullement permis d'interpréter ce que Nous venons de déclarer et de décréter sur la matière et la forme de façon à se croire autorisé soit à négliger, soit à omettre les autres cérémonies prévues dans le Pontifical Romain; bien plus, Nous ordonnons que toutes les prescriptions du Pontifical Romain soient religieusement maintenues et observées.»
Cette intervention pontificale, que l'on appelle à tort «la réforme de Pie XII», n'a absolument rien réformé. Le pape s'est contenté de dirimer une controverse théologique et de mettre fin aux angoisses de certains en précisant, avec l'autorité de Pierre, «lesquels parmi les rites de l'ordination appartiennent à l'essence du sacrement et lesquels n'y appartiennent pas».
Avec Paul VI, nous nous trouvons devant un véritable bouleversement du rite sacramentel. Bouleversement si profond, si radical, si nouveau, qu'il atteint jusqu'à sa signification. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la signification du rite réformé de Paul VI est douteuse et que la réforme accomplie ne correspond en rien au but que lui-même s'était proposé. Citons-le :
«Mais parmi les rites des ordinations, il faut considérer en premier lieu ceux par lesquels, grâce au sacrement de l'ordre, conféré en différents degrés, se constitue la hiérarchie sacrée : "C'est ainsi que le ministère ecclésiastique, institué par Dieu, est exercé dans la diversité des ordres par ceux que, déjà depuis l'antiquité, on appelle évêques, prêtres, diacres"... Or, dans la révision des rites des ordinations, outre les principes généraux qui doivent régir la complète restauration de la liturgie, selon les prescriptions de Vatican II, il faut porter la plus grande attention à cette magnifique doctrine sur la nature et les effets du sacrement de l'ordre, qui a été professée par le Concile dans la Constitution sur l'Église ; c'est justement cette doctrine que la liturgie doit exprimer à sa manière, car "il faut organiser les textes et les rites de telle façon qu'ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu'ils signifient et que le peuple chrétien, autant qu'il est possible, puisse facilement les saisir et y participer par une célébration pleine, active et communautaire"». (Pontificalis Romani)
Paul VI se proposait donc d'«exprimer avec plus de clarté les réalités saintes qu'ils (les rites) signifient, ... (tout) en apportant la plus grande attention à cette magnifique doctrine sur la nature et les effets du sacrement de l'ordre.
(Et ce), pour satisfaire aux vœux des Pères du concile Vatican II». Quels sont ces vœux auxquels il fait référence ? Les voici : «Pour que le peuple chrétien obtienne plus sûrement des grâces abondantes dans
la liturgie, la sainte Mère Eglise veut travailler sérieusement à la restauration générale de la liturgie elle-même. Car celle-ci comporte une partie immuable, celle qui est d'institution divine, et des parties sujettes au changement qui peuvent varier au cours des âges ou même le doivent s'il s'y est introduit des éléments qui correspondent mal à la nature intime de la liturgie elle-même, ou si ces parties sont devenues inadaptées. «Cette restauration doit consister à organiser les textes et les rites de telle façon qu'ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu'ils signifient, et que le peuple chrétien...» (N° 21. Constitution Sacrosanctum Concilium sur la liturgie).
«Les livres liturgiques seront révisés au plus tôt en faisant appel à des experts et en consultant des évêques de diverses régions du globe». (N° 25)
«Les rites des ordinations, soit quant aux cérémonies, soit quant aux textes, seront révisés. Les allocutions de l'évêque au début de chaque ordination ou consécration peuvent se faire dans la langue du pays».
«Dans les consécrations épiscopales, il est permis à tous les évêques présents d'imposer les mains». (N° 76)

Si les mots ont un sens, la réforme demandée par les Pères conciliaires ne devait porter que sur les parties «sujettes au changement, (et) s'il s'y est introduit des éléments qui correspondent mal à la nature intime de la liturgie elle-même, ou si ces parties sont devenues inadaptées». (N° 21) La réforme demandée par le concile devait aussi «consister à organiser les textes et les rites de telle façon qu'ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu'ils signifient.» (N° 21)
Enfin, les Pères conciliaires demandaient également que l'allocution de l'évêque,au début de chaque ordination, puisse être faite dans la langue du pays et, pour les sacres épiscopaux, que tous les évêques présents puissent imposer les mains. (N° 76)
En fait, nous l'avons montré tout au long de ces pages, Paul VI a bouleversé tout le rite, ne respectant même pas sa partie essentielle. A moins de prétendre que dans le rite traditionnel rappelé officiellement par Pie XII (Sacramentum ordinis) il n'y avait aucune partie immuable, ou que tout y était devenu inadapté et que plus rien ne correspondait à la nature intime de la liturgie, force est de constater que la référence au Concile Vatican II condamne l'entreprise de Paul VI au lieu de la justifier.
(A suivre)
Antoine
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Date : 02.05 16h16
auteur : Axel

(Suite 11)



Ce qui ressort clairement de l'étude des textes, c'est que presque toute référence à une compréhension spécifiquement catholique de l'épiscopat a été supprimée dans le rite postconciliaire. Parmi ces omissions, rappelons les fonctions d'ordonner les prêtres, de confirmer et d'user du pouvoir des clefs. Sans doute le mot évêque a été retenu, mais en dehors de la forme essentielle et de telle façon qu'il ne peut offenser des oreilles protestantes. A lui seul, ce dernier point prouve que la réforme pauline, contrairement au souhait des Pères du concile, loin d'exprimer avec plus de clarté les réalités saintes les a obscurcies. Cette réforme accuse une régression très nette de la signification du signe sacramentel, ce qui est proprement intolérable pour la foi catholique, surtout dans le climat de faux œcuménisme qui règne depuis Vatican Il. Comme nous l'avons déjà souligné, dans tout le rite réformé de Paul VI il n'y a pas de significatio ex adjunctis qui précise la forme et oblige à l'entendre comme l'Église l'a toujours entendue. Par contre, les suppressions que nous avons signalées constituent une véritable significatio ex ablatis qui aggrave l'indétermination de la nouvelle forme et permet de lui donner une signification différente de celle que l'Église catholique lui a toujours reconnue. Comment dès lors ne pas rappeler les constatations que faisait Léon XIII au sujet de la réforme de Cranmer, constatations qui l'ont conduit à prononcer avec son autorité apostolique que les ordres anglicans sont «nuls et sans effet».
«C'est en vain que, pour les besoins de la cause, de nouvelles additions furent faites récemment aux prières de ce même ordinal. Nous ne citerons qu'un seul des nombreux arguments qui montrent combien ces formules du rite anglican sont insuffisantes pour le but à atteindre ; il tiendra lieu de tous les autres. Dans ces formules, on a retranché de propos délibéré tout ce qui, dans le rite catholique, fait nettement ressortir la dignité et les devoirs du sacerdoce, elle ne peut donc être la forme convenable et suffisante d'un sacrement, celle qui passe sous silence ce qui devrait y être spécifié expressément. «Il en est de même pour la consécration épiscopale. En effet, non seulement les mots pour l'office et la charge d'évêque ont été ajoutés trop tard à la formule Reçois le Saint-Esprit, mais encore, comme nous le dirons bientôt, ces paroles doivent être interprétées autrement que dans le rite catholique. Il ne sert de rien d'invoquer sur ce point la prière qui sert de préambule : Dieu tout-puissant, puisqu'on en a également retranché les mots qui désignent le sacerdoce suprême.
« En vérité, il est hors de doute et il ressort de l'institution même du Christ que l'épiscopat fait véritablement partie du sacrement de l'ordre et qu'il est un sacerdoce d'un degré supérieur ; c'est d'ailleurs ce qu'insinuent le langage habituel des saints Pères et les termes usités dans notre rituel où il est appelé le sacerdoce suprême, le sommet du ministère sacré. D'où il résulte que le sacrement de l'ordre et le vrai sacerdoce du Christ ayant été entièrement bannis du rite anglican, et la consécration épiscopale du même rite ne conférant aucunement le sacerdoce, l'épiscopat ne peut non plus être vraiment et légitimement conféré, d'autant plus que, parmi les principales fonctions de l'épiscopat, se trouve celle d'ordonner les ministres pour la Sainte Eucharistie et le Saint Sacrifice».
Comme Cranmer dans sa réforme, Paul VI dans la sienne a retranché tout ce qui, dans le rite catholique, fait nettement ressortir la dignité et les devoirs de l'épiscopat. Dans ces conditions, n'est-on pas en droit de dire: «Elle ne peut donc être la forme convenable et suffisante d'un sacrement, celle qui passe sous silence ce qui devrait y être spécifié expressément.»
Nous pourrions en rester là ; nous pensons pourtant qu'il ne sera pas superflu, pour mieux apprécier la réforme liturgique de Paul VI, de continuer à considérer les remarques que Léon XIII fait sur la réforme anglicane : «Pour apprécier d'une façon exacte et complète l'ordinal anglican, en dehors des points mis en lumière par certains passages, rien assurément ne vaut l'examen scrupuleux des circonstances dans les- quelles il a été composé et publié. Les passer toutes en revue serait long et inutile ; l'histoire de cette époque montre assez éloquemment quel esprit animait les auteurs de l'ordinal à l'égard de l'Eglise catholique, quels appuis ils ont demandés aux sectes hétérodoxes, et quel but ils poursuivaient. Ne sachant que trop la relation nécessaire qui existe entre la foi et le culte, entre la loi de croyance et la loi de prière, ils ont grandement défiguré l'ensemble de la liturgie conformément aux doctrines erronées des novateurs, sous prétexte de la ramener à sa forme primitive. Aussi, dans tout l'ordinal, non seulement il n'est fait aucune mention expresse du sacrifice, de la consécration, du sacerdoce, du pouvoir de consacrer et d'offrir le sacrifice, mais encore les moindres traces de ces institutions qui subsistaient encore dans les prières du rite catholique en partie conservées ont été supprimées et effacées avec le soin signalé plus haut.
«...si l'ordinal anglican actuel présente quelques expressions ambiguës, elles ne peuvent revêtir le même sens que dans le rite catholique. En effet, l'adoption d'un nouveau rite qui nie ou dénature le sacrement de l'ordre et qui répudie toute notion de consécration et de sacrifice enlève à la formule Reçois le Saint-Esprit toute sa valeur ; car cet Esprit ne pénètre dans l'âme qu'avec la grâce du sacrement. Perdent aussi leur valeur les paroles pour l'office et la charge de prêtre ou d'évêque et autres semblables ; ce ne sont plus alors que de vains mots, sans la réalité de la chose instituée par le Christ».

Au sujet de la réforme liturgique de Paul VI, rappelons-nous les circonstances dans lesquelles elle a été décidée et entreprise, quel esprit a animé ses promoteurs, quels concours ils ont recherchés et demandés et quel était leur but.

Ce qui apparaît de façon évidente dans toute la réforme liturgique de Vatican II,c'est la volonté œcuménique de celui qui l'a promue. Même Michæl Davies est obligé de le reconnaître. Qu'il s'agisse de la composition du nouveau rite de la messe ou de celui des ordinations (ces deux sacrements sont dépendants l'un de l'autre), on a remplacé les formules qui risquaient de heurter les «frères séparés» par des expressions qui pourraient être admises par ceux qui n'acceptent toujours pas nos dogmes catholiques.
C'est cette volonté œcuménique qui lui a fait rechercher le concours de six protestants. Comme si le luthéranisme n'était plus pour lui une hérésie. Paul VI,pour élaborer les nouveaux rites liturgiques de la messe et de l'ordre, invita ès qualités six luthériens, c'est-à-dire six négateurs des dogmes catholiques de la messe et de l'ordre.
Le résultat de cette présence active des luthériens dans la commission de préparation des nouveaux rites a été la protestantisation des rites de la messe et de l'ordre.
Si la plupart des prêtres et des fidèles catholiques ne l'ont pas perçue, les luthériens, eux, l'ont remarquée et n'ont pas manqué de la proclamer.
Rappelons ce qu'a déclaré le Consistoire Supérieur de l'Eglise de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine le 8 décembre 1973 :
«...Nous estimons que dans les circonstances présentes, la fidélité à l'Evangile et à notre tradition ne nous permet pas de nous opposer à la participation des fidèles de notre Eglise à une célébration eucharistique catholique... Étant
donné les formes actuelles de la célébration eucharistique dans l'Eglise
catholique et en raison des convergences théologiques présentes, beaucoup d'obstacles qui auraient pu empêcher un protestant de participer à sa célébration eucharistique semblent en voie de disparition. Il devrait être possible, aujourd'hui, à un protestant de reconnaître dans la célébration eucharistique catholique la cène instituée par le Seigneur ...Nous tenons à l'utilisation des nouvelles prières eucharistiques dans lesquelles nous nous retrouvons et qui ont l'avantage de nuancer la théologie du sacrifice que nous avions l'habitude d'attribuer au catholicisme. Ces prières nous invitent à retrouver une théologie évangélique du sacrifice.»
Le lecteur l'aura remarqué, cette déclaration émane non d'un particulier mais du Consistoire supérieur de l'Église de la Confession d'Augsbourg (le groupe luthérien le plus important) qui prend soin de souligner les convergences présentes, c'est-à-dire, depuis la fin du concile Vatican II, les convergences des théologies. Puisque les deux théologies convergent, c'est donc qu'elles aboutissent à un même point, à une même réalité, à une même compréhension de l'eucharistie. Les luthériens n'étant pas encore devenus catholiques, même sur ce point, c'est donc que l'église de Vatican Il est devenue protestante.
Pour ceux qui pourraient penser que nous sollicitons ce texte, voici une autre déclaration : «Une plus juste appréciation de la personne et de l'œuvre de Luther s'impose... Le Concile Vatican II n'a-t-il pas lui-même accueilli des exigences qui avaient entre autres été exprimées par Luther et par lesquelles bien des aspects de la foi chrétienne s'expriment mieux actuellement qu'auparavant ? Luther a fait d'une manière extraordinaire pour l'époque le départ entre la théologie et la vie chrétienne».
Cet aveu du cardinal Willebrands, qui avait été Père conciliaire et qui était alors représentant officiel de Paul VI à l'Assemblée luthérienne mondiale d'Evian en janvier 1970, est de taille ; il explique les convergences théologiques présentes ou, pour dire les choses plus clairement, la protestantisation de la théologie de l'église de Vatican Il signalée par le Consistoire Supérieur de l'Eglise de la Confession d'Augsbourg.
Cette protestantisation de la doctrine catholique par le concile Vatican Il est tellement notoire que ses promoteurs ne s'en cachent plus. Un autre cardinal, Roger Etchegaray, actuellement cardinal de curie, a confessé sans vergogne durant la 15è Assemblée générale du protestantisme français : Vous ne pouvez plus revendiquer le monopole de la Réforme si vous reconnaissez les sérieux efforts de renouveau biblique, doctrinal et pastoral entrepris par l'Eglise du Concile Vatican II.
Quel observateur loyal pourrait contredire les propos de ce cardinal ? Qui pourrait sérieusement nier la protestantisation de la doctrine de l'Eglise par Vatican Il ? Il suffît de connaître moyennement son catéchisme pour constater quelles doctrines sont encore enseignées depuis ce concile et quelles doctrines ne le sont plus. Depuis que le concile Vatican Il a accueilli des exigences autrefois exprimées par Martin Luther, il est tout simplement normal que l'enseignement de l'Eglise s'en ressente ! Laissons encore un cardinal nous l'avouer : «On peut faire une liste impressionnante de thèses enseignées à Rome, avant-hier et hier, comme seules valables, et qui furent éliminées par les Pères conciliaires de Vatican II». (Joseph Suenens)
Cette réformation officielle de la doctrine catholique a permis aux pontifes de ce concile de reléguer aux oubliettes entre autres choses le jugement de l'Église sur les ordinations anglicanes. Léon XIII les avait déclarées nulles et sans effet. Fort des exigences exprimées autrefois par Luther et acceptées par Vatican II, Paul VI, recevant le chef de l'église luthérienne d'Angleterre, le docteur Ramsey, comme s'il voulait réparer la bulle Exsurge de Léon X, les décrets du concile de Trente et le jugement de Léon XIII, lui offrit en public un calice en or, lui passa au doigt son anneau pastoral et lui demanda de s'unir à lui pour bénir la foule catholique assemblée devant eux.
Eh bien, c'est dans ce climat de protestantismophilie que le nouveau rite des ordinations de Paul VI a été décidé et entrepris ; c'est afin d'élaborer un rite nouveau qui, sans le nier, ne signifierait plus de façon univoque le dogme catholique et pourrait ainsi, en attendant d'être adopté par tous, ne rebuter en rien ceux qui s'obstinent encore à nier les dogmes catholiques du sacerdoce. C'est donc, comme le fit Léon XIII pour la réforme de Cranmer, en tenant compte de cet esprit qui animait les auteurs du nouveau rite à l'égard du rite traditionnel qu'il faut apprécier la réforme de Paul VI.

(FIN)
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 02.05 18h52
auteur : Olia


Cher Axel,

Avec tout mon respect, même je ne crois point que la Grâce cesse d'agir automatiquement comme s'il s'agissait de la fermeture d'un robinet d'eau, c'est un peu "à côté" sinon même un peu loin par rapport à l'Orthodoxie. Malgré tout ce qui nous unit et malgré tous les risques semblables que nous courons, etc.
En plus, vous faites références à un éventuel risque hypothétique : "si la succession apostolique devait s'interrompre" chez les chrétiens orthodoxes...
C'est quand même un petit peu spéculatif.

Que voulez-vous dire par là ? Si c'est pour nous rappeler que nous sommes imparfaits, ce n'est peut-être pas la peine car c'est évident ; et pourant, l'Eglise orthodoxe donne accès à la Vérité, sans être en tant que telle « la Vérité ».

Je trouve aussi que vous évoquez un peu trop l'"influence" protestante.
N'oubliez pas qu'ils sont de la même souche ("post-orthodoxe") que vous. Par ailleurs, je pense qu'ils sont une souplesse, une liberté et une ouverture qui ont, en très grande partie, une valeur positive (je ne parle par des malheureux et nombreux cas de dérives quasi-sectaires) ; ce qui en principe crée un fondement peut-être insuffisant mais pourtant réel pour un rapprochement ou peut-être même, une compréhension du christianisme orthodoxe. Aussi paradoxal que cela puisse paraître.
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