Corps es-tu là ?

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Makcim
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Corps es-tu là ?

Message par Makcim »

Ce qui fait la beauté et la force du chant byzantin, comme du meilleur du chant slavon (voire du grégorien quand il est chanté d’une manière assez vigoureuse) c’est sans doute que la musique épouse la langue, le phrasé, le rythme et les sons de la langue. J’ai souvent entendu en milieu francophone : « Il nous faudrait un musicien qui soit orthodoxe et saint » mais peut-être ne faut-il pas tout attendre d’un seul mais plutôt réunir des compétences diverses : un linguiste pour la structure de la langue, un phonéticien pour l’étude de la production des sons, un musicologue qui confronte les propositions musicales aux chants populaires traditionnels des provinces de France (dont la référence me paraît indispensable pour un véritable enracinement dans notre « inconscient collectif » car le chant sacré ne peut que s’inspirer aussi des chants traditionnels populaires d’une terre) un moine (ou un prêtre) qui sont de grands répétiteurs vocaux de textes saints et un théologien qui veille à la justesse des traductions…
Quand j’entends ce qui est chanté dans les paroisses francophones d’influence culturelle russe je suis aussi désolé que par ce que je vois peint très souvent sur des planches de bois. C’est caractéristique de l’ « angélisme » occidental : les icônes sont mièvres, doucereuses et sans vigueur, et deviennent des images pieuses. Dans le chant prédominent les soprani car les basses y sont plus que discrètes si ce n’est absentes et tout cela finit par ressembler aux cantiques des paroisses catholiques : l'oecuménisme règne donc magnifiquement en tout lieu vu qu'en plus des icônes disposées çà et là, on y chante régulièrement le Notre Père de Tchaïkovski. Chouette ! Bientôt plus de différence !
Or tout cela manque singulièrement de corps, de matière, de terre. Le Verbe s’est fait vraiment chair, le Sauveur à son baptême a pénétré les éléments et baptisé notre terre. Ainsi je ne conçois pas de chant orthodoxe sans isson ou ligne de basse très présente c’est la garantie de la justesse spirituelle car seuls les arbres bien enracinés peuvent sans danger s’élever très haut dans le ciel sans risquer d’être abattus au moindre souffle et puis il est bien connu que « qui veut faire l’ange fait la bête… ». Les sons graves sont de la terre, ils accompagnent toujours la marche et la danse, mais ils peuvent aussi constituer le socle de l’élan spirituel de l’être humain dans l'intégralité de son être.
Dans le même sens il me semble qu’il faut insister également pour dire que ceux qui veulent « aller à l’essentiel » et perpétuer uniquement la Sainte, Noble, Grande et Vraie Tradition en méprisant « les traditions », ne font que suivre le mouvement amorcé il y a déjà longtemps en Occident, dans tous les domaines, du divorce du corps et de l’esprit, et qui a poussé tant de gens sur les voies des sagesses extrême-orientales pour les plus exigeants et dans les salles de muscu et dans les boutiques et salles X pour les autres, tous persuadés qu’enfin, après tant de siècles d’"oppression judéo-chrétienne", ils s’occupent de leur corps alors qu’ils ne font que produire des images mentales du corps - se musclant, jouissant ou que sais-je encore - auxquelles ils s’efforcent de ressembler et qui ne sont que des constructions idéologiques de l’esprit ratiocinant encore une fois bien éloignées de la nature.
Les antichrétiens militants, naïvement, croient toujours avoir mis le roi à nu quand ils ont repéré que l’Eglise avait « récupéré » des coutumes, des fêtes et des calendriers païens pour mieux faire leur propagande : ils n’ont bien sûr rien compris à la dynamique de l’Incarnation du Verbe (mais leur a-t-on donné une saine théologie ?) cependant même des chrétiens dits « orthodoxes » qui veulent aller à la pureté de « l’essentiel » en méprisant les traditions, méprisent pareillement le corps et la terre transfigurés par le Sauveur. Les éléments païens de notre culture sont l’inconscient et le corps de nos êtres appelés à être transfigurés et ce n’est que dans ce corps, et dans le terreau de notre culture d’origine que nous pouvons être sauvés. C’est de fer – sorti des entrailles de la terre- dont il est question dans la métaphore classique de la divinisation et c’est ce fer froid, terne, sombre et dur qui acquiert les qualités du feu céleste.
Par parenthèse tous les païens militants sont également dans la même production de constructions mentales et dans les images les plus dénuées de réalité quand ils essayent de retrouver artificiellement un paganisme dont le christianisme le plus authentique est paradoxalement le plus sûr conservatoire. Ils feraient donc mieux de se convertir si j’ose dire…
Enfin j’oserai dire, si l’on veut bien comprendre cette phrase dans le contexte que je viens d’exposer, qu’ on n’est jamais assez « païen » pour être (vraiment) chrétien ! D'ailleurs il n'y a pas si longtemps, même sans aller fouiller dans les ouvrages d'un Van Gennep, on pouvait rencontrer des "traditions" qui donnaient corps, joie et beauté à l'expression et à la vie quotidienne de notre foi.
Makcim
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Oui l’art liturgique représente l’une des dimensions du Mystère de l’Incarnation : pour se conformer “à l’image de Dieu” l’homme est appelé à donner aux éléments de la Création leur place et leur formes liturgiques. La Liturgie orthodoxe, telle qu’elle a été formée par deux mille ans de créativité ecclésiale, est d’une insurpassable beauté.

La beauté des icônes en est un élément. Il y a actuellement dans toutes les nations orthodoxes un mouvement de retour vers l’art iconographique traditionnel. Certes ce mouvement charrie avec lui bien des éléments étrangers, bien des illusions typiques de l’Occident, mais une recherche obstinée pousse les iconographes à toujours se rapprocher de la beauté des icônes byzantines.

On peut être Jean-qui-pleurs ou Jean-qui-rit. Pour ma part je me range du côté de Jean-qui-rit. Je vois bien toutes les insuffisances d’une iconographie sentimentale qui n’a pas su s’épurer du passé. Mais je constate aussi la recherche toujours renouvelée d’un retour aux sources, et je fais confiance à cette obstination pour retrouver le juste ton de l’iconographie.

Il y a dans toutes les Églises orthodoxes de petits groupes de gens qui travaillent d’arrache-pied à cette reconstitution de la véritable Tradition orthodoxe, dans la célébration liturgique, dans l'iconographie et dans la musique, dans les études patristiques. Ces gens se connaissent peu, et travaillent souvent dans des conditions difficiles. Mais ce ne sont pas chez les “traditionnalistes” de l’Orthodoxie qu’on peut les trouver, car sous l’effet d’un véritable culte des limites, les traditionnalistes s’attachent surtout aux “traditions”, qu’ils interprètent le plus souvent à la manière du siècle précédent. Pour retrouver la Tradition orthodoxe, il faudra s'écarter dans une certaine mesure des Églises ethniques.

Je maintiens que la Musique byzantine fait autant partie de La Tradition que l’iconographie byzantine. La tétraphonie introduite dans la musique russe au XVIIème siècle est très marquée par la musique occidentale de l’époque et donne une tonalité opératique à la célébration liturgique. De plus elle introduit un corps étranger dans l’Assemblée eucharistique, avec un mode de fonctionnement a-liturgique.

Il y a d’autres points qui montrent tout le mal qu’a fait l’influence occidentale sur l’Orthodoxie à l’époque moderne. Si le sanctuaire est un lieu distinct dans l’Assemblée liturgique, si on doit marquer sa présence par des icônes tournées vers le peuple, ce qui est une façon d’affirmer que le Christ et ses saints sont personnellements présents et nous appellent à entrer en communion avec eux, il s’est transformé en une clôture jalousement fermée où doivent se dérouler des choses inaccessibles aux fidèles. On y ajoute une attitude de prosternation, des agenouillements qui dans l’authentique Tradition orthodoxe étaient réservés aux pénitents qui doivent quitter le sanctuaire avant la prière de l’anaphore. Dès que peut commencer la Prière de l’anaphore eucharistique, les fidèles prient debout, il n’est plus question de se courber vers la terre, ce serait le signe qu’on est encore pénitent et indigne de participer à “la prière” xomme le disent les textes anciens.

La transformation de l’iconostase en clôture et les prosternations sont aussi des déformations de l’esprit liturgique, tout autant que les mauvaises icônes ou le mauvais chant liturgique.

Il y a aussi une autre dimension de la beauté liturgique, on en parle trop peu, c’est la poésie hymnographique, qui doit sa beauté, non seulement à ses qualités formelles, mais à sa puissance prophétique. On parlait sur un autre fil des hymnes de la Dormition. On pourrait ajouter ceux de l’Annonciation et de l’Acathiste. Ces poèmes extraordinaires sont plus important pour connaître la Révélation de la Théotokos dans l’Église que de savants traités dogmatiques.

Vous avez raison de souligner que la Tradition orthodoxe se trouve à l’opposée des idéologies nées tant de la Renaissance que de l’Ère des Lumières, qui opposent le corps et l’esprit :
il me semble qu’il faut insister également pour dire que ceux qui veulent « aller à l’essentiel » et perpétuer uniquement la Sainte, Noble, Grande et Vraie Tradition en méprisant « les traditions », ne font que suivre le mouvement amorcé il y a déjà longtemps en Occident, dans tous les domaines, du divorce du corps et de l’esprit, et qui a poussé tant de gens sur les voies des sagesses extrême-orientales pour les plus exigeants et dans les salles de muscu et dans les boutiques et salles X pour les autres, tous persuadés qu’enfin, après tant de siècles d’"oppression judéo-chrétienne", ils s’occupent de leur corps alors qu’ils ne font que produire des images mentales du corps - se musclant, jouissant ou que sais-je encore - auxquelles ils s’efforcent de ressembler et qui ne sont que des constructions idéologiques de l’esprit ratiocinant encore une fois bien éloignées de la nature.
J’applaudis. En ce qui concerne l’accusation adressée à l’Église, selon laquelle elle n’aurait fait que “récupérer” des rites païens, il s’agit là de l’un des présupposés de la pensée dite “moderne”, qui veut expliquer le supérieur par l’inférieur, la vie par la matière, les espèces par l’évolution (on accuse les pentecostistes d’être réactionnaire parce qu’ils rejettent le darwinisme), l’homme par l’animal, l’esprit par l’instinct, la vie sociale par la vie économique, la vie politique par le goût du pouvoir etc. et la religion par les traditions païennes.
Jean-Louis Palierne
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Jean-Serge
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Pourriez vous expliciter SVP?

Message par Jean-Serge »

Jean-Louis Palierne a écrit : La tétraphonie introduite dans la musique russe au XVIIème siècle est très marquée par la musique occidentale de l’époque et donne une tonalité opératique à la célébration liturgique. De plus elle introduit un corps étranger dans l’Assemblée eucharistique, avec un mode de fonctionnement a-liturgique.
Je ne comprends pas : quel corps étranger? Pourquoi un fonctionnement a-liturgique?
Priidite, poklonimsja i pripadem ko Hristu.
Glicherie
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Message par Glicherie »

Je suis tout à fait d'accord avec Jean-Louis Palierne.
Une des choses qui je crois fit le succès de l'Ecof à ses débuts, était sans doute ce retour à la tradition originelle, comme par exemple sur cette question de l'iconostase-cloture évoquée justement par Jean-Louis Palierne.
Je m'arrete là bien sur sur la question, mais je leur reconnait le mérite d'être passés à l'acte liturgiquement parlant.

Jean-Louis, comment pensez-vous qu'un tel retour aux sources comprises de la pratique liturgique se fera dans l'Orthodoxie en France, par exemple, mais aussi dans les Eglises Autocéphales?

La France pour cela ne pourrait-elle pas avoir un rôle particulier, pilote ?
pascal
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Message par pascal »

cher Glicherie,

pourriez vous étayer lorsque vous dites "retour aux sources comprises"?

est-ce à dire qu'un retour aux sources, pour les membres de l'ECOF serait un retour aux sources byzantines? aux sources des Gaules?

Pour ma part j'ai toujours considéré les icônes byzantines comme les seules véritables icônes... les icônes à l'aérographe grecques par exemple...qui par certains moments se rapprochent des images d'Epinal (ou de Lourdes...) j'ai comme un blocage.

sinon au risque de paraître un peu banal dans mes commentaires, il me semble que nombre de déviances ou d'incompréhensions peuvent aussi venir en une ou deux générations mettant de côté pêle mêle les canons, la cathéchèse, l'édification des fidèles... qu'en pensez-vous?

on peut prendre le cas par exemple de la vénération des icônes...entre celles ou ceux qui papouillent la Mère de Dieu sur les joues, notre Seigneur sur la bouche, etc. n'y a t il pas trop souvent nombre de fidèles qui confondent icônes et images pieuses ? plus largement l'orthopraxie semble souvent malmenée si l'on en croit les commentaires et les témoignages des uns et des autres... mauvaise compréhension du sens de l'iconostase, genuflexion n'importe quand etc.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Jean Serge me demande ce qu’est ce corps étranger dont je parle au sujet de la tétraphonie russe. Je veux dire que la présence d’une chorale liturgique suppose que les quatre “pupitres” comme on dit soient disciplinés sous le commandement d’un chef de chœur, qui donne le ton (vous connaissez : la do mi…), et le signal d’attaque, et il y a aussi les séances de répétition…

C’est une structure autonome dans l’Assemblée liturgique.

Quand on pratique la Musique byzantine, il suffit d’un chantre, s’il y en a plusieurs ils alternent et les autres prennent l’ison. C’est beaucoup plus souple et biens moins hiérarchisés, et n’empêche nullement le peuple de reprendre les tropaires usuels qu’il connaît. Le nom même du “préchantre” est très significatif. La MB peut être pratiquée splendidement dans certaines églises et de manière plus rustique dans d'autres.

Glicherie se demande si le retour aux sources liturgiques peut avoir lieu soit en France soit dans les Églises des pays de tradition orthodoxe (je suppose que ce sont celles-ci qu’il appelle “les Églises autocéphales”).

Les filiales en Occident des Églises des pays de tradition orthodoxe ne cherchent pratiquement pas à répandre l’Orthodoxie. Leur propos est essentiellement de récupérer les reliques, icônes et églises qui leur avaient jadis appartenu et de faire semblant de contrôler leurs émigrations récentes. Elles s’intéressent très peu aux émigrations anciennes, qu’elles cherchent à déposséder de leurs églises. elles s’intéressent encore moins aux indigènes.

Et chez elles… je crois qu’il vaut mieux ne pas parler de leur attitude en ce qui concerne le retour aux sources patristiques. Pour elles s’il y a retour aux sources, c’est un retour au XIXème siècle. Les groupes de retour aux sources ne sont pas soutenus. Néanmoins ils existent, et nous les connaissons très peu.

La situation de l’Orthodoxie occidentale, qui nous paraît désastreuse, est cependant bien meilleure, car les hiérarchies orthodoxes en Occident n’ont pas la possibilité d’étouffer le patient travail de recherche des néo-convertis. J’espère donc beaucoup de ce travail de retour aux sources. La France aura-t-elle un rôle pilote à y jouer ? J’en doute, car le poids de l’intelligentsia française actuelle est écrasant. D’autres pays occidentaux sont moins gênés par le pouvoirs des faux sages intellectuels. Mais je ne sais pas lire l’avenir.

Il y faut beaucoup de prière, de patience et d’abnégation. Mais je voudrais ajouter deux observations. La première c’est l’importance pour tous ceux qui veulent approfondir l’Orthodoxie d’étudier les langues anciennes et modernes. Beaucoup de choses sont apprenables par l’étude des livres, et il existe relativement très peu de choses en français. La responsabilité à cet égard de l’intelligentsia “orthodoxe” des cinquante dernières années est énorme. Les anglophones sont beaucoup mieux lotis que nous.

La deuxième remarque que je voudrais faire est qu’il ne faut pas sous-estimer la probabilité d’une intervention des pouvoirs publics sur l’organisation de la “diaspora” orthodoxe en Europe occidentale. Et le jour où ils entreprendront de le faire, ils seront très efficaces, et c’est normal. Cela correspons à ce qui est arrivé plusieurs fois dans l’Église.

Cela ne correspond pas du tout à la façon dont nous imaginons la vie de l’Église, nous autres Français d’aujourd’hui : d’instinct nous nous méfions de l’intrusion du pouvoir politique dans ce domaine. Mais je crois que cela a des chances d’arriver un jour ou l’autre, et que cela peut être très positif.
Jean-Louis Palierne
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Jean-Serge
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Petit cours de musique s'il vous plaît

Message par Jean-Serge »

Jean-Louis Palierne a écrit :et il y a aussi les séances de répétition…

Quand on pratique la Musique byzantine, il suffit d’un chantre, s’il y en a plusieurs ils alternent et les autres prennent l’ison. C’est beaucoup plus souple et biens moins hiérarchisés, et n’empêche nullement le peuple de reprendre les tropaires usuels qu’il connaît. Le nom même du “préchantre” est très significatif. La MB peut être pratiquée splendidement dans certaines églises et de manière plus rustique dans d'autres.
Qu'est ce que l'ison : c'est bien c'est voix de fond qu'on entend et qui fait oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooh. Au fait à quoi sert-elle?

Qu'ont de mal les répétitions de la chorale? Cela dit je crois que les chanteurs de chant byzantin répètent aussi. Histoire de s'entraîner non?
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Oui, l'ison est cette voix de bourdon fredonnée à la basse. Elle devrait être rectiligne. (ison signifie égal.

Le problème des répétitions est qu'elles forment un groupe compact intérieur à la paroisse (pis encore: quelquefois extérieur, car certains de ces membres ne sont guère croyants bien souvent) et qui se réunit en plus (ça bouffe beaucoup de temps).

La MB n'a pas besoin de telles répétitions, à moins qu'on veuille atteindre un très haut niveau, pour certaines grandes fêtes.
Jean-Louis Palierne
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Nicolas
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Message par Nicolas »

Oui Jean-Louis, c'est vrai qu'il faudrait revenir au chant liturgique byzantin, tout comme on revient naturellement à l'iconographie byzantine du XIVe siècle pour reprendre avec souffle le chant sacré, qui est une voie de salut : à la fois psalmodie ET cantique (seule lisible malheureusement dans la tradition slave).

C'est vraiment l'oeuvre du Diable cette influence occidentale dans le chant polyphonique slave.

Il me semble, étant d'origine grecque et Lecteur dans une paroisse hellénophone, que la pierre d'achoppement entre nos diverses traditions, cultures orthodoxes est réellement le chant, bien plus que ce que l'on peu imaginer au premier abord.
Antoine
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Message par Antoine »

C'est vraiment l'oeuvre du Diable cette influence occidentale dans le chant polyphonique slave.
Il faudrait arrêter de mettre du diable partout. Que la musique byzantine soit liturgique par définition je ne le nierais certainement pas. Mais de là à diaboliser toute autre forme d'expression c'est une facilité un peu trop commode et une approche bien réductrice et stupide de la créativité artistique humaine. Il y a des oeuvres qui sont religieuses et au service de la liturgie et d'autres qui ne le sont pas. Je ne vois pas en quoi chanter à 4 voix serait moins liturgique que chanter à 1 voix, et parfois le chant byzantin est bien emmerdant. Il y a des chantres qui chantent bêtement en enfilant des syllabes les unes derrière les autres - et ce quelle que soit la tradition- dépossédant ainsi le texte et la mélodie qui le soutient de son souffle. J'ai entendu de simples lectures en grec dont on était content que la psalmodie se termine...
Mais il y a aussi des chantres qui chantent "priant".

Ce qui est le plus utilisé ce ne sont pas les grandes pièces de concert dans lesquelles l'influence occidentale se fait effectivement entendre et parfois au détriment de la finalité liturgique, mais les 8 tons déclinés en tropaires, stichères, prokimena, hirmi etc... et là je ne vois pas que 4 voix soient moins liturgiques qu'une seule qui braille sur un ison mal maîtrisé comme il l'est souvent.
Lorsque qu'on écoute les znaménies slavons harmonisés par Katalsky ou Tchesnokoff, le chant des chérubins de Lomakin ou celui n°6 de Bortniansky ou encore le Notre Père de Kedroff, il n'y a rien à envier au chant byzantin bien au contraire. Le tout est de chanter comme il faut, doux et lié, de savoir phraser pour respecter le sens du texte et d'être soi-même en prière dans ce qu'on fait en toute humilité. La voix est un intrument et il faut apprendre à s'en servir pour le service.

Le problème des répétitions est qu'elles forment un groupe compact intérieur à la paroisse (pis encore: quelquefois extérieur, car certains de ces membres ne sont guère croyants bien souvent) et qui se réunit en plus (ça bouffe beaucoup de temps).
La MB n'a pas besoin de telles répétitions, à moins qu'on veuille atteindre un très haut niveau, pour certaines grandes fêtes.
Le chant byzantin demande aussi un travail d'apprentissage important et un travail sur la maîtrise de la voix. Il ne faut pas croire que l'ison s'improvise comme ça. Il a aussi ses règles qu'il faut connaître et il faut aussi connaître la mélodie soliste sur lequel on l'applique ou sinon on risque de se tromper sur les modulations de l'ison - qui n'est pas toujours la même note - et de descendre ou de monter en dehors de l'ensemble vocal.
Je ne vois pas qu'à la cathédrale de la rue Bizet le choeur ne soit pas "compact , formant un groupe à l'intérieur". On ne peut pas débarquer comme ça et s'insérer dans le choeur.
La liturgie a une répartition tripartite. Clergé, Choeur et fidèles. Chacun a sa place et on ne passe pas de l'un à l'autre sans y être invité et sans préparation. "Former un groupe" ne tient pas à la fonction que l'on occupe mais à l'orgueil avec lequel on occupe cette fonction et à la volonté de mettre l'Eglise à son service au lieu de se mettre au service de l'Eglise.
Il me semble, étant d'origine grecque et Lecteur dans une paroisse hellénophone, que la pierre d'achoppement entre nos diverses traditions, cultures orthodoxes est réellement le chant, bien plus que ce que l'on peu imaginer au premier abord.
Non. La pierre d'achoppement tient aux humains qui se veulent plus ceci ou cela que les autres, et c'est insupportable de connerie, surtout dans l'Eglise où l'on se doit de rechercher la consubstantialité avec tous!
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je désavoue la diabolisation de la Musique non-byzantine, le terme est excessif, mais je maintiens que c’est la MB qui a un rythme permettant d’exprimer la prière, et en particulier de tirer tout le profit qui nous est nécessaire de la merveilleuse hymnographie byzantine. La musique religieuses n’est pas vraiment une musique liturgique. Le simple fait de mettre en accord et de faire démarrer correctement un chant à quatre voix est un geste (si souvent répété) qui rompt le déroulement de la prière liturgique.

Et tous les musiciens comprendront qu’une tétraphonie ne peut pas assurer la même accessibilité aux paroles que des solistes.

C’est d’ailleurs pourquoi il n’y a pas d’effet de groupe choral pour la MB et pas besoin de répétitions: si chacun veut étudier la mélodie de la fête à venir, il peut le faire tout seul.

La liturgie n’a pas une répartition tripartite. Il n’y a pas le clergé + le chœur + les fidèles. Les chantres font partie du clergé au service de l’Assemblée, tout comme les lecteurs, et ils reçoivent la chirothésie ad hoc. Si d’autres personnes veulent et peuvent chanter elles sont volontiers accueillies.

Il ne faut pas diaboliser, et je ne veux pas diaboliser la tétraphonie, mais elle introduit un esprit mondain rapidement perceptible. Et toutes les Églises orthodoxes savent bien que Satan est toujours présent à l’Église, qu’il sait y semer toutes sortes de tentations.
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je désavoue la diabolisation de la Musique non-byzantine, le terme est excessif, mais je maintiens que c’est la MB qui a un rythme permettant d’exprimer la prière, et en particulier de tirer tout le profit qui nous est nécessaire de la merveilleuse hymnographie byzantine. La musique religieuses n’est pas vraiment une musique liturgique. Le simple fait de mettre en accord et de faire démarrer correctement un chant à quatre voix est un geste (si souvent répété) qui rompt le déroulement de la prière liturgique.

Et tous les musiciens comprendront qu’une tétraphonie ne peut pas assurer la même accessibilité aux paroles que des solistes.

C’est d’ailleurs pourquoi il n’y a pas d’effet de groupe choral pour la MB et pas besoin de répétitions: si chacun veut étudier la mélodie de la fête à venir, il peut le faire tout seul.

La liturgie n’a pas une répartition tripartite. Il n’y a pas le clergé + le chœur + les fidèles. Les chantres font partie du clergé au service de l’Assemblée, tout comme les lecteurs, et ils reçoivent la chirothésie ad hoc. Si d’autres personnes veulent et peuvent chanter elles sont volontiers accueillies.

Il ne faut pas diaboliser, et je ne veux pas diaboliser la tétraphonie, mais elle introduit un esprit mondain rapidement perceptible. Et toutes les Églises orthodoxes savent bien que Satan est toujours présent à l’Église, qu’il sait y semer toutes sortes de tentations.
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Antoine
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Message par Antoine »

En parlant de répartition tripartite tout le monde aura compris ce que je voulais dire. Je n'ai voulu soustraire du clergé ni les lecteurs ni les chantres, et cette répartition existe aussi lorsque la liturgie est en byzantin.
Quant à donner le ton cela ne rompt en rien la prière si c'est fait intelligemment. On ne redonne pas le ton à chaque Kyrie, ou à chaque tropaire.On ne coupe pas entre les répons du diacre et du choeur et on ne doit pas entendre le chef de choeur donner ce fameux ton.

Je maintiens qu'une tetraphonie donne la même accessibilté au texte qu'une partie soliste. Le problème ne tient pas au fait de chanter en accord ou en solo mais dans la façon de prononcer distinctement pour que tout le monde comprenne, avec une voix claire bien posée en avant. Il faut s'appuyer sur les consonnes et non pas pousser dans ses machoires une marmelade de voyelles inintelligibles. Tout ça ce sont des techniques vocales simples à mettre en oeuvre. Le problème est que beaucoup s'estiment chanteurs alors qu'ils ne le sont pas et les susceptibilités dans un choeur sont terribles. Mais imaginons que tout le monde s'estime aussi iconographe et se mette à taguer les murs de ses productions picturales! Il faut considérer que le chant liturgique est une icône musicale et cela ne s'improvise pas.

Si vous allez au monastère du Mans chez le Père Syméon vous apprécierez le travail de chant liturgique fait par la soeur Gèneviève. Voilà trois soeurs qui chantent (en trio) en français avec une grande douceur et humilité. C'est priant et c'est beau de simplicité. On comprend parfaitement le texte et je n'ai encore pas vu que l'assemblée soit détournée de la prière pendant les offices. En revanche, se maintenir dans la prière tout un office à Bizet relève d'un tour de force et d'une grande sainteté...

Ce qui est anti liturgique c'est d'avoir des mélodies qui chantent en Soprane un texte pendant qu'une autre voix en chante un autre - comme cela se fait à l'opéra ou dans certaines pièces de concert dits "spirituels". Mais quand les 4 voix sop, alti, ténors et basses chantent le même texte chacun dans leur tessiture, je ne vois vraiment pas ce qu'il y a d'anti liturgique.

C'est un mauvais procès qui n'a pas lieu d'être fait à la liturgie russe en slavon . On se trompe d'objet. Ce n'est pas la tétraphonie qu'il faut incriminer mais la façon dont elle est pratiquée. Et là il y aurait beaucoup à critiquer aussi du côté byzantin qui sait aussi brailler à tort et à travers. Le chantre fier de montrer sa belle voix à tout le monde est détestable et vous pourrit un office quelle que soit la tradition à laquelle il appartient.

Pour ma part si j'aime le chant byzantin (à petite dose), je ne me lasse pas des tons slaves qui sont l'expression de ma prière ecclésiale.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Je pense que le chant byzantin permet une grande économie de moyens. Dans telle paroisse grecque que je connais, le fils du prêtre suffit à faire le choeur quand il n'y a pas d'autre chantre. Je ne connais pas de paroisse où on utilise le chant polyphonique qui puisse fonctionner de cette manière, et j'ai en tête le souvenir de liturgies qui étaient annulées parce que le choeur n'était pas au complet. Il ne faut pas se voiler la face: il y a des paroisses où le choeur est devenu plus important que la liturgie elle-même.

Cela étant, le chant byzantin demande un effort d'apprentissage. Dans l'exemple que je citais, le fils du prêtre, étudiant en pharmacie de son état, a appris le chant byzantin avec un prêtre plus âgé qui était renommé pour sa connaissance du chant. Cela ne s'improvise pas.

Contrairement à Antoine, je n'ai jamais entendu une adaptation réussie du chant tétraphonique russe au français. La question n'est pas que le chant tétraphonique soit aliturgique en lui-même (quoique, même en slavon, je lui préfère infiniment le chant byzantin - j'ai eu l'occasion d'entendre une fois du chant byzantin en slavon), c'est qu'il me semble peu adaptable en français. Il est vrai aussi que le chant byzantin correspond à nos racines.

Question: en visitant un jour une paroisse de Vieux-Croyants russes à Galati en Roumanie, j'ai entendu qu'ils chantaient d'une façon particulière, qui n'était ni le chant byzantin, ni le chant tétraphonique. Quelqu'un en sait-il plus sur le type de chant qui aurait été utilisé en Russie au XVIème siècle et que les Vieux-Croyants auraient conservé?
Antoine
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Inscription : mer. 18 juin 2003 22:05

Message par Antoine »

Dans telle paroisse grecque que je connais, le fils du prêtre suffit à faire le choeur quand il n'y a pas d'autre chantre. Je ne connais pas de paroisse où on utilise le chant polyphonique qui puisse fonctionner de cette manière, et j'ai en tête le souvenir de liturgies qui étaient annulées parce que le choeur n'était pas au complet.
- Si on est seul rien n'empêche de prendre la mélodie soprane du chant polyphonique slave. Je ne vois pas où est le pb.

- Il m'est arrivé plusieurs fois de chanter vigiles et liturgie seul, ou en duo (deux voix à la tierce) .
- Il m'est arrivé aussi de chanter un enterrement seul célébré par le Père J.M Arnoult, et même un mariage en duo (deux voix d'homme à la tierce)à la crypte de la rue Daru célébré par le Père Alexis Struve. Le tout sur les mélodies slaves.

Alors annuler une liturgie parce qu'il n'y a pas de choeur est un non sens, d'autant plus que même si personne ne peut chanter il est toujours possible de psalmodier en toute simplicité la partie du Choeur. Encore faut-il avoir quelques notions de l'ordo.

On peut très bien sur une mélodie slave chanter à une , deux, trois , ou quatre voix et plus. Au monastère du Père Sophrony en Angleterre , ils chantaient souvent à 3 voix; deux soeurs et un moine qui improvisait sa partie magnifiquement pour accompagner les deux voix de femme.

La polyphonie est un faux problème et je répète que c'est un mauvais procès que l'on fait au chant slave.
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