Est-ce pour autant que je suis hérétique en me mariant avec une femme qui n'est pas né dans l'orthodoxie (hasard ou providence) comme moi, ou qui ne s'est pas converti (Providence guidant les lectures ou les rencontres) comme beaucoup d'entre nous ?
Il ne me semble pas avoir traité d'hérétique dans mon message l'orthodoxe qui épouse une non orthodoxe, mais expliqué brièvement en quoi cela n'avait pas de sens de célébrer ce mariage dans le cadre de l'Eglise.
Le fait que vous soyez choqué ne tient pas à ce que j'ai écrit mais sans doute au fait qu'on ne vous a pas expliqué ce mystère correctement avant votre mariage, car dans ce cas vous auriez dû agir autrement. Mais une erreur de pastorale et un laxisme sacramentel ne sauraient remplacé la sainte dogmatique de l'Eglise.
Ne doit-on pas être un peu plus mesurer dans ce genre de jugement qui peut blesser plus d'un membre de ce forum ?
Je ne vois pas où est le manque de mesure dans les interrogations essentielles portées dans ce message. En revanche il serait bon que l'on réponde à tous les points d'interrogations si l'on peut, ce qui est sans doute plus diificile que de se retrancher derrière des reproches non fondés. Mon propos n'est pas de faire ou de ne pas faire de peine, mais de dire dans la Vérité ce que j'estime devoir être entendu.
Vous trouverez ci-dessous le chapitre du Livre du Père Jean Meyendorff , recteur du séminaire St Vladimir
Le mariage dans la perpective orthodoxe ed Ymca press, consacré aux mariages mixtes . Pour ma part je souscris entièrement aux propos du Père Jean et j'ai dû aussi les faire appliquer à mes propres enfants, malgré un clergé enclin à unir deux personnes au seul prétexte "qu'ils s'aiment". Je n'aime pas parler de ma vie privée, mais je fais une exception pour vous montrer qu'il ne s'agit pas simplement de grandes théories abstraites, sans prise en compte du vécu humain.
Bonne lecture.
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(Les passages en caractères gras ont été soulignés par mes soins et non pas l'auteur.)
L’unité de la foi, c’est-à-dire un engagement commun vis-à-vis de l’Eglise orthodoxe, est la condition obligatoire pour un mariage chrétien. Les Conciles de Laodicée (canons 10 et 31), de Carthage (canon 21), ainsi que les quatrième et sixième Conciles oecuméniques (Chalcédoine, 14 et Quinisexte, 72) interdisent les mariages entre orthodoxe et non-orthodoxe, et prescrivent la dissolution de tels mariages s’ils ont déjà été conclus civilement.
Mais bien sûr,
le problème ici ne réside pas seulement dans la forme. Il touche la véritable essence de ce qui fait qu’un mariage est réellement chrétien. Il est très certainement possible, pour deux êtres, sans être membres de la même Eglise, d’éprouver de l’amitié, de partager les mêmes intérêts, de ressentir une réelle compatibilité de caractère, et évidemment de tomber amoureux l’un de l’autre.
Mais la question est de savoir si toutes ces affinités humaines peuvent être transformées et transfigurées par la réalité du Royaume de Dieu, lorsque le couple ne partage pas la même expérience de ce qu’est ce Royaume, lorsque l’un des deux n’est pas engagé dans cette seule et unique Foi. Est-il possible de devenir un seul corps en Christ sans prendre part ensemble à son corps et son sang précieux? Est-ce qu’un couple peut partager le mystère du mariage, mystère qui touche le Christ et l’Église, s’il ne prend pas part en même temps au mystère de la Divine Liturgie?
Ce ne sont pas là des questions purement formelles, mais assurément des questions essentielles que devraient se poser tous ceux qui envisagent de contracter un mariage « mixte ». Des solutions simples peuvent, bien sûr, être trouvées dans un relativisme confessionnel — « il n’y a pas tant de différences entre nos Églises » — ou simplement en éliminant l’Eucharistie du centre de la vie chrétienne. Cette dernière solution est, malheureusement, celle que suggère notre pratique actuelle qui consiste à utiliser le même ordo du couronnement pour les mariages entre deux chrétiens orthodoxes et pour les mariages mixtes. Ce qui rend cette pratique possible est, ainsi que nous l’avons vu plus haut, la désacralisation progressive du mariage, qui aboutit à sa séparation de l’Eucharistie. Dans l’Église primitive, les canons interdisant les mariages «mixtes», étaient compris par tous ; en effet, chacun savait qu’un orthodoxe et un non-orthodoxe ne pouvaient participer tous deux à l’Eucharistie, pendant laquelle justement les mariages étaient généralement bénis. Le récent usage protestant d’encourager «l’intercommunion » entre des chrétiens séparés, et l’approbation, encore plus récente, que l’Église catholique romaine a donnée à cette pratique, a encore un peu plus obscurci la question.
L’engagement personnel et total vis-à-vis de l’Eglise visible du Christ dans l’Eucharistie, peut, en fait, à travers ces pratiques, être remplacé par une religiosité vague et relativiste dans laquelle les sacrements jouent un rôle très subsidiaire (18)
En refusant la pratique de « l’intercommunion, » l’Église orthodoxe ne s’oppose pas à l’unité des chrétiens. Au contraire, elle tente de maintenir le sens plénier de cette unité et rejette tous les substituts possibles. Ainsi,
dans le mariage, l’Eglise désire que le couple soit complètement uni en Christ ; et pour cette raison elle ne considère comme sacramentels et pleinement chrétiens que les mariages qui unissent deux êtres en pleine unité de foi, mariages qui, en tant que tels, sont scellés par l’Eucharistie.
Des mariages « mixtes » ont souvent été célébrés dans le passé. Dans nos sociétés, caractérisées par leur pluralisme, et dans lesquelles les orthodoxes ne représentent qu’une petite minorité, de tels mariages représentent un pourcentage très élevé et sans cesse croissant de tous les mariages bénis dans nos églises, et également en dehors de l’orthodoxie. Nous savons tous que certains d’entre eux conduisent à la création de familles heureuses et il serait peu sage et même utopique de les décourager tous. En fait, il peut très bien se produire que de tels mariages s’avèrent plus durables et plus heureux que certains mariages contractés par des orthodoxes de nom, qui n’ont jamais entendu parler du sens du mariage chrétien et n’ont jamais accepté personnellement et en pleine responsabilité un quelconque engagement envers le Christ.
Tout cela est indiscutablement vrai, il reste cependant que l’Evangile ne nous appelle pas à une vérité partielle, ni à un bonheur seulement humain. Le Seigneur dit:
«vous devez être parfaits, comme votre Père dans le ciel est parfait » (Matthieu 5, 48). Il n’y a pas de christianisme sans lutte pour cette perfection. L’indifférence religieuse, ou le maintien de la foi chrétienne dans une zone périphérique de l’existence, exclut le désir ardent de perfection, auquel le Christ nous appelle.
L’Église ne peut jamais se résigner à une telle indifférence et à un tel relativisme.
Il devrait être clair, par exemple, qu’un prêtre orthodoxe ne doit jamais bénir un mariage entre un orthodoxe et un non-chrétien. Il serait de toute évidence déplacé d’invoquer le nom de Jésus dans l’office de mariage d’une personne qui ne le reconnaît pas comme son Seigneur. Une telle invocation serait en fait blasphématoire envers le Christ, et déplacée par rapport à cette personne et à ses convictions (ou son manque de conviction). Quand le partenaire non orthodoxe d’un mariage est un chrétien baptisé, et que son mariage est béni par l’Église orthodoxe, il est concerné par la déclaration de saint Paul : « Le mari non croyant se trouve sanctifié par sa femme, et la femme non croyante se trouve sanctifiée par le mari croyant » (I Cor. 7, 14).
Mais ce texte, très certainement, fait allusion à des couples dans lesquels l’un des partenaires a été converti après le mariage, plutôt qu’à des mariages entre un membre de l’Église et un païen. En tout cas, l’Église, dans chacun de ces cas, espère que l’unité religieuse de la famille sera par la suite rétablie et qu’un jour les deux partenaires seront unis dans l’orthodoxie. La règle adoptée par certains diocèses orthodoxes (et dernièrement encore, en ce qui la concerne, par l’Église catholique romaine) de demander aux partenaires d’un mariage « mixte » de promettre, par écrit, qu’ils feraient baptiser et élèveraient leurs enfants dans la foi orthodoxe, semble, du moins à l’auteur, plutôt discutable, à la fois dans son principe et dans ses effets. Le côté formel et légaliste d’une telle procédure n’est pas conforme à la véritable idée de la liberté et de la responsabilité chrétiennes. Soit le partenaire orthodoxe est suffisamment fort dans ses convictions pour donner une véritable éducation religieuse à ses enfants (et, espérons-le, pour amener toute sa famille à l’Église), soit il abandonnera de toute manière.
Une attitude pastorale ferme devrait cependant être adoptée à l’égard de ceux qui, étant orthodoxes, se marient en dehors de l’Église orthodoxe. On ne peut nier le fait qu’il s’agit là toujours d’un reniement. Heureusement, il existe une certaine complémentarité entre les vues — quelque peu différentes — du mariage dans l’Église catholique et dans l’Église orthodoxe. En effet, puisque l’Église catholique considère que la validité du mariage réside dans le consentement des conjoints, elle ne s’oppose pas en pratique à ce qu’un prêtre orthodoxe soit le célébrant du mariage d’un couple orthodoxe-catholique. Des arrangements à l’amiable sont donc possibles et facilités par l’atmosphère oecuménique d’aujourd’hui. Cependant, la tragédie de la désunion des chrétiens et par conséquent les problèmes inhérents aux mariages mixtes, n’en disparaissent pas pour autant.
Beaucoup de ces problèmes seraient résolus aux yeux de tous — orthodoxes et non-orthodoxes — si l’ancienne pratique qui intégrait la cérémonie du mariage à la Divine Liturgie était remise en pratique. Cela impliquerait l’utilisation d’une cérémonie différente, extra-eucharistique, pour les mariages mixtes (de même que pour les second et troisième mariages entre orthodoxes). L’impossibilité de bénir des mariages mixtes pendant la liturgie serait suffisamment éloquente pour montrer, d’abord, la nature pleinement sacramentelle du mariage dans l’Eglise, et ensuite la tolérance pastorale mise en pratique par l’Église lorsqu’elle doit bénir des mariages mixtes. Toutefois, cette tolérance ne saurait supprimer l’espoir de l’Église de voir, un jour, ce mariage mixte atteindre son accomplissement dans l’unité de foi par la participation commune à l’Eucharistie des deux partenaires dans l’Église Une.
Notes
18. A propos du point de vue orthodoxe — très négatif — sur I’ intercommunion » entre chrétiens séparés, voir St. Vladimirs Theological Quarterly, vol. 27, 1983, n° 4.