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pascal
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Message par pascal »

Cette Liturgie a été approuvée en 1936 par le patriarche Serge (je ne sais si on a enfin réussi à retrouver cet acte dans les archives):

serait-ce ce texte?: (paru dans la divine contradiction, P189-190)

"le rite occidental qui est admis chez nous, (le rite adopté par le clergé de l'Ascension) doit être considér comme une première expérience, faite de façon plutôt hâtive, et qui, par conséquent, n'exclut nullement ni les nouvelles expériences, ni des rectifications. Il est probable que dans les textes liturgiques et dans le rite il y a des moifications qui sont nécessaires. En d'autres termes, la rédaction actuelle du Service Divin Orthodoxe Occidental, textes, rites et coutumes ne peut être considéré ni comme définitivement fixée, ni comme l'unique possible. [il ouvre la porte au génie liturgique de celui qui sera Mgr Jean de Saint Denis]. C'est pourquoi, si un groupe quelconque s'adressait à nous pour nous soumettre une version à lui plus parfaite de la Liturgie occidentale, il n'y aurait aucune raison pour nous empêcher de l'accepter. L'usage parallèle de deux rédactions du Service Divin, et en particulier de la Sainte Messe, n'irait pas contre la tradition de l'Eglise.

en effet, dans notre Eglise Orientale, à côté de la liturgie de saint Jean Chrysostome nous nous servons des liturgies de l'apôtre Jacques et de Saint Basile le Grand. Il faut seulement que cette nouvelle rédaction ne soit pas de quelques manière improvisée mais qu'elle s'en tienne clairement à une authentique tradition de l'Eglise, tradition gallicane pour la France, une autre pour d'autres peuples, sans exclure la tradition romaine, avec des modifications. Tout cela nous amène à cette pensée qu'il serait désirable d'avoir à Paris une église distincte de l'Eglise orthodoxe occidentale actuellement existante. cette Eglise devrait être appelée "Eglise de mission" ou "de Confrérie", ou encore autrement, mais ce qui importe c'est que dans une telle Eglise, nous pourrions sans gêner nos frères orthodoxes occidentaux et sans les charger de nouvelles tâches, introduire, lorsque nous le jugerons nécessaire, la liturgie occidentale dans sa nouvelle rédaction et la liturgie orientale en français. Métropolite Serge."

(traduit du russe - document n°6- remis plus tard à l'Archevêque Jean Maximovitch par Msgr Jean de Saint Denis).
Jeanne Saint Gilles
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En finir avec la guéguerre linguistique

Message par Jeanne Saint Gilles »

Je trouve que dans la construction de l'église en France, il serait bon d'en finir avec la querelle linguistique.

Je rencontre des francophones entièrement fermés au slavon, au point de refuser de communier si c'est en slavon, de dire que telle paroisse n'est pas sympa parce que c'est en slavon.
Jérusalem quand pourrai-je te voir?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Antoine pense que le temps n’est pas venu pour une Église locale, parce que l’a-dogmatisme et le relativisme de l’œcuménisme dominant rendent impossible la création d’une Orthodoxie sûre d’elle-même. Et Jeanne Saint Gilles soutient le même scepticisme. Eh bien je constate que des gens recherchent à trouver dans les cours par correspondance de l’Institut saint Serge l’affirmation de l’Orthodoxie (qui y est beaucoup moins brouillée que dans les cours oraux). Je constate qu’un peu partout des gens étudient, lisent, posent des questions, fouillent dans les bibliothèques, ou bien discutent dans notre Forum… des communautés se forment et commencent à célébrer sans concession œcuméniste.

Et je constate aussi que le nombre de communautés monastiques a augmenté considérablement depuis dix ans, et bien entendu c’est là pour moi un excellent signe.

Il y aura certainement beaucoup de ratages, comme dans tous les démarrages. Mais un virage a été pris.

Les juridictions, pour l’instant n’y sont pas pour grand chose. L’Archevêché de la rue Daru vient de sortir d’une crise (celle qui avait été provoquée par l’étrange intervention du PM en faveur d’une métropole russe) et court probablement vers une autre (qui viendra au jour beaucoup plus lentement car elle vient de l’usurpation de l’étiquette “Orthodoxie occidentale” par la Frat, que beaucoup de fidèles appellent “le Club des quatre”). Deux autres juridictions, ethniques, tentent de raccoler le plus de monde possible.

Où est la politique de filtrage ? Antoine dit :
j'attends de nos évêques la proclamation (certes anti diplomatique) que seule l'Eglise orthodoxe est la seule et unique Eglise du Christ.
Je crois que la création de paroisses francophone est le recrutement d’un clergé indigène sont deux affirmations concrètes de l’Orthodoxie qui valent de longs discours.

Les gens qui arrivent viennent certainement de parcours divers. Je ne crois pas qu’il y en ait encore qui viennent du catholicisme traditionnel. Les courants intégristes ne ressentent en général aucun attrait pour l’Orthodoxie. Les quelques uns qui ont réussi à se libérer de ce préjugé l’ont fait depuis longtemps.

Goût de l’orientalisme ? Ça a été un très gros danger, et l’ÉCOF a tenté d’en attirer un certain nombre. Puis Béthanie a pris le relais. Mais actuellement est-ce que l’Orthodoxie représente quelque chose pour les orientalisants ? Il y a des voies plus évidentes pour eux.

Le folklore grec ou russe ? Ben mon Dieu, ce serait déjà beaucoup mieux. Mais est-ce le folklore qui fait que la visite du mont Athos est devenue une étape obligée sur le parcours des grands de ce monde ?
Jean-Louis Palierne
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pascal
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Message par pascal »

je trouve que plutôt de parler de querelle linguistique, il vaut mieux parler de barrière linguistique...

pour ma part ce n'est pas une barrière de principe, c'est juste que quand vous ne comprenez pas ce qui se passe... comment voulez vous y participer ?

en plus, le risque c'est après d'avoir une approche, artistique dirons nous, de la liturgie, parce qu'on n'y comprend rien, alors on va dire... les chants étaient très beaux, les tenues liturgiques magnifiques, ce prêtre là ça doit être un sage, tu as vu la taille de sa barbe??

bon j'en rajoute un peu sur la fin je le concède, mais la barrière de la langue entraîne aussi me semble t il le risque de la tentation d'exotisme, et autres âneries ou dviances du genre, comme quoi l'orthodoxie est orientale...l'orthodoxie elle est et puis c'est tout!

pour la question de l'apparence vestimentaire.. je pense que les bonnes moeurs peuvent avoir cours aussi dans l'église, est ce qu'il faut mettre des pencartes à l'entrée pour expliquer qu'on ne rentre pas en short, tongs, la chemise ouverte avec la chaine en or qui brille... je m'interroge... ça fait entrée à la cathédrale Notre Dame de Paris où de Chartres, où les japonais ont du mal à comprendre que flasher un homme ou une femme qui prie, ça peut être malvenu.

c'est la fonction du portier normalement...non?
Antoine
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Message par Antoine »

Eh bien je constate que des gens recherchent à trouver dans les cours par correspondance de l’Institut saint Serge l’affirmation de l’Orthodoxie (qui y est beaucoup moins brouillée que dans les cours oraux). Je constate qu’un peu partout des gens étudient, lisent, posent des questions, fouillent dans les bibliothèques, ou bien discutent dans notre Forum… des communautés se forment et commencent à célébrer sans concession œcuméniste.
Jean-Louis, que tout cela soit positif, on ne peut le nier. De là à établir une Eglise Locale on n'y est pas encore. Et d'abord il faudrait peut-être s'entendre sur ce qu'on appelle une Eglise Locale. Je connais Autocéphale, autonome, mais locale? Est-ce simplement la possibilité de célébrer dans la langue locale? Cela , nous l'avons déjà en beaucoup d'endroits. Je pensais que Eglise locale était une Eglise avec son synode rattaché à celui d'une seule Eglise mère dans laquelle les évêques étaient évêques du lieu. Et comme sur un diocèse il ne peut y avoir plusieurs évêques cela oblige à considérer que l'évêque latin n'en est pas un et que l'eglise latine n'en est pas une. Et là il me semble que ce n'est pas encore mûr. Tant parmi le clergé que parmi les fidèles. Mais peut-être y -a-t-il une autre forme d'Eglise locale que j'ignore? Dans ce cas instruisez- moi. Et le rattachement à telle ou telle Eglise mère me semble à moi indispensable mais secondaire quant au choix de cette Eglise mère, l'important étant dans la canonicité du rattachement et non pas dans le choix.

Quant à ces communautés qui "se forment et commencent à célébrer sans concession œcuméniste", pouvez vous en donner une liste d'adresses aux lecteurs du forum?
Pour l’œcuménisme vous savez bien qu’il y a un quadrillage du territoire avec des prêtres spécialement chargés des relations oecuménistes après accord des autorités catholiques romaines.
Et je constate aussi que le nombre de communautés monastiques a augmenté considérablement depuis dix ans, et bien entendu c’est là pour moi un excellent signe.
Oui. C'est un excellent signe. Car sans cette fonction prophétique du monastère il n'y a pas de fondation d'Eglise possible.
un virage a été pris.
De quel virage parlez vous ? Oui, il y a un élan spirituel qui ressemble un peu à ce qu'annonçait Malraux. Mais est-ce un élan vers l'Orthodoxie des Pères, c'est une autre question; J’ai rencontré beaucoup de convertis qui affirmaient qu’en devenant orthodoxes ils ne reniaient pas leur catholicisme, que ce n’était qu’un passage, un aboutissement. Je ne vois pas en quoi l’Orthodoxie serait l’aboutissement du catholicisme ni en quoi la conciliarité serait l'aboutissement du papisme. Comme l’écrivait Jeanne Saint Gilles : « La maturité est-elle là? J'en doute. » et ce n’est pas un jugement sur la foi d’autrui. C'est un jugement sur la capacité à s'insérer dans la Tradition. cela demande du temps, beaucoup de temps et un respect dans l'humilité. On ne s'invente pas une Tradition. Vous même vous dénoncez le modernisme. Une Eglise locale moderniste, vous voyez le désastre?

Au niveau de nos évêques je n’ai pas vu encore de virage délaissant l’œcuménisme pour l’affirmation de l’Orthodoxie. En revanche, je vois plutôt plein d’exemples où l’AEOF est assujettie à des commissions (de francisation nécessaire à l'établissement de l'Eglise locale) dont elle ratifie aveuglément le travail . La nouvelle traduction du " Notre Père " en est un exemple ; La parution du livre d’heures un autre. (regardez le tropaire dominical du ton 1 qui a purement et simplement gommé la pierre «scellée par les juifs ». On ne le dit plus non plus ni en Slavon, ni en Grec, ni en Roumain ?? On va tolérer encore beaucoup de disparités comme ça avec les textes de l'Orthodoxie?

L’Archevêché de la rue Daru vient de sortir d’une crise (celle qui avait été provoquée par l’étrange intervention du PM en faveur d’une métropole russe) et court probablement vers une autre (qui viendra au jour beaucoup plus lentement car elle vient de l’usurpation de l’étiquette “Orthodoxie occidentale” par la Frat, que beaucoup de fidèles appellent “le Club des quatre”). Deux autres juridictions, ethniques, tentent de raccoler le plus de monde possible.
Qui sont ces quatre nominalement ?
Quelle crise craignez vous ?
Quelles sont ces juridictions ?
Comment vous comprendre si vous restez aussi évasif ? Le forum ne permet-il pas de mettre les choses sur la table ? Pourtant nous sommes tous avides de palper concrètement et de partager les signes qui soutiennent vos espérances.

En matière de doctrine les Pères ne se contentaient pas de nénoncer une pensée ou un écrit anonymement: il dénonçaient nominalement Eunome, Arius etc... et nos ménées retentissent encore de leurs noms.
Dernière modification par Antoine le jeu. 05 août 2004 20:27, modifié 1 fois.
pascal
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Message par pascal »

sur la question des langues, je n'avais pas précisé (donc je le fais maintenant!) qu'il faut bien sûr veiller à l'occasion d'une traduction il faut veiller à ne pas profiter d el'occasion pour tomber dans le révisionnisme théologique ou l'oecuménisme de bon aloi.. ça paraît évident comme ça quand on le lit..mais bon vous savez ce qu'on dit ça va toujours mieux en le disant.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Antoine,

Vous faites bien de poser le problème de la définition de l’Église locale, car il y a là un petit problème. Pour les canons de l’Église orthodoxe, il y a Église locale dès lors qu’un synode épiscopal, au nom de l’Église répandue dans l’univers, et en communion avec elle, institue dans une cité donnée un évêque pour une ville précise. « Là où est l’évêque, là est l’Église » dit saint Polycarpe.

Le synode représente l’Église pour une province déterminée, sous la présidence de son “métropolite”, et l’évêque est totalement responsable de l’administration de l’Église dans une cité donnée de cette province. C’est donc lui qui transmet la Tradition des Églises répandues par l’univers à l’Église du lieu.

Dans une évolution récente (de quelques siècles) ce sens de l’évêque du lieu et de son Église locale s’est altéré, et il est courant de voir instituer des “évêques auxiliaires” qui généralement n’ont que des fonctions liturgiques pour décharger l’évêque véritable, sans avoir aucune responsabilité. C’est totalement contraire à l’esprit des canons de la Tradition orthodoxe, et peu à peu on prend conscience de cette anomalie et on y renonce dans la plupart des Églises ethniques.

Si une Église devient trop importante pour un seul évêque, on la divise en plusieurs Églises avec autant d’évêques, tous membres à part égale du synode provincial.

Une autre altération est celle qui lie l’Église locale à une appartenance ethnique. Elle est née en même temps que se constituaient les États-Nations des pays de tradition orthodoxe. Avoir une Église ethnique autocéphale apparaissait comme le parallèle à l’indépendance des États-Nations. Et en résultat les membres de cette nation émigrés à l’extérieur revendiquent le droit de continuer d’appartenir à leur Église-Mère dont ils se considèrent comme la “diaspora”. C’est l’hérésie de l’ethno-phylétisme.

Selon les canons, chaque circonscription politique constitue une “province” ecclésiastique et les évêques des différents lieux de cette province forment à droit égal pour chacun un “synode métropolitain” qui, réuni sous la présidence du métropolite, exprime la communion des Églises (et qui doit être en communion avec les autres synodes métropolitains).

Très tôt est apparue une structure à double étage, calquée d’ailleurs sur celle de l’Empire romain puis “roméïque” (c’est-à-dire romano-byzantin), où les provinces se regroupaient en unités plus larges (p. ex. l’Égypte). Dans certaines de ces unités des sortes de “super-métropoles” se sont affirmées et l’Église répandue par tout l’univers a alors reconnu en concile le rôle des trois patriarches : Rome, Antioche et Alexandrie auxquels ont été ajoutés plus tard Jérusalem puis Constantinople.

Ça c’est le système traditionnel canonique d’organisation de l’Église orthodoxe. Il est suffisamment souple pour qu’aient pu s’y ajouter d’autres circonscriptions, mais en conservant toujours le principe de s’adapter au découpage politique.

À la fin du XIXème siècle sont apparus au sein de l’Église orthodoxe des courants cherchant à “moderniser” l’Église orthodoxe. En même temps qu’ils envisageaient de permettre aux prêtres de se remarier, de supprimer le monachisme, d’organiser une formation des prêtres de type scolaire, etc, ils donnaient une grande place au rôle social de l’Église, écoles, hôpitaux et hospices, orphelinats etc (ils voulaient imiter les congrégations du modèle catholique).

Cela se liait à l’idée de faire de l’Église une communauté exemplaire pour l’amélioration de la vie du peuple, car ils pensaient que ce sont ces “œuvres” charitables qui permettraient à l’Église d’assumer sa véritable fonction d’Église “locale”, alors qu’elle s’est desséchée en une structure disciplinaire de doctrine et de culte.

Devant l’impossibilité de faire admettre une rénovation de l’Église par les hiérarchies traditionnelles, certains orthodoxes de la “diaspora” ont pensé pouvoir réaliser en Occident des Églises plus vivantes que les Églises-Mères. D’où la revendication de “l’Église locale” qui établit une confusion avec un principe canonique fondamental et bafoué.

Je ne sais si j’ai été clair. Mais si je l’ai été, je vais soulever des protestations.

Jamais la Tradition canonique de l’Église orthodoxe n’a admis un principe tel que celui de “diaspora”. En tout point de l’univers l’orthodoxe est chez lui. L’idée même d’une Église qui ne sentirait pas chez elle est impensable. Il ne peut y avoir qu’une seule Église dans une circonscription donnée (p. ex. la France) et cette Église doit être orthodoxe avant même de se demander si elle est française. Un orthodoxe dans l’émigration ne peut que s’intégrer au peuple au milieu duquel il vit. Certes l’Église locale peut mettre à la disposition des immigrés des lieux de transition, elle peut parler différentes langues pour faciliter l’adaptation. Mais l’Église ne peut servir de lieu de retranchement.

En outre l’expérience des communautés orthodoxes immigrées en France au cours de ce siècle montre qu’elles ne sont nullement des lieux de résistance de la pure tradition orthodoxe contre les contaminations de ce siècle. Tout au contraire. Elles sont des lieux où l’on apprend à admirer secrètement et jalousement la tradition locale, c’est-à-dire catholique.

Quant à s’interroger sur la maturité d’une Église locale, cela revient à s’interroger sur la maturité de l’Évangile pour répondre aux besoins de nos contemporains.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Nous sommes bien d'accord .
J'avais écrit brièvement que l' Eglise locale était une Eglise avec son synode rattaché à celui d'une seule Eglise mère dans laquelle les évêques étaient évêques du lieu. Vous écrivez:
il y a Église locale dès lors qu’un synode épiscopal, au nom de l’Église répandue dans l’univers, et en communion avec elle, institue dans une cité donnée un évêque pour une ville précise. « Là où est l’évêque, là est l’Église » dit saint Polycarpe
Et votre exposé du "petit" problème est excellent. Il montre bien la dérive canonique dans laquelle s'enlisent les juridictions en France. La question à ne pas poser est celle qui a mis l'evêque Emmanuel dans une grande colère: "Monseigneur , êtes vous un évêque canonique". La réponse était qu'il fallait me virer. Ce refus de considérer une question légitime montre que l'Eglise locale n'est pas encore prêt de naître. Les juridictions ne sont même pas prêtes à analyser leur passé. Elles pensent que l'avenir est dans ce que vous appelez "le racolage".
"En tout point de l’univers l’orthodoxe est chez lui."
C'est ce que j'appelle affirmer que seule l'Eglise orthodoxe est l'Eglise et le jour où nos évêques proclameront qu'ils sont chez eux et non plus sur le territoire de Rome, et qu'ils se fédèreront en synode au lien de fausse assemblée (qui n'est qu'un "club de rencontres informelles" disait l'archevêque Serge) nous aurons l'Eglise locale. Je ne vois pas cela pour demain...
Quant à s’interroger sur la maturité d’une Église locale, cela revient à s’interroger sur la maturité de l’Évangile pour répondre aux besoins de nos contemporains.
Oui, vous avez mille fois raison, mais je ne m'interroge pas sur la maturité de l'Eglise locale en soi qui n'existe pas en France, mais sur la maturité de notre clergé et de nos fidèles à se proclamer Eglise locale. Pour l'instant ce n'est pas mûr puique vous reconnaissez vous même que les juridictions diverses "sont des lieux où l’on apprend à admirer secrètement et jalousement la tradition locale, c’est-à-dire catholique." Et pourtant il suffirait juste d'enseigner un peu de dogmatique comparée au lieu d'inciter les fidèles à aller à Lourdes ou d'envoyer leurs enfants à Taizé.

Merci de votre exposé très clair et si fidèle à l'ecclésiologie sur l'Eglise locale mais vous ne m'avez pas répondu sur le reste.
Jeanne Saint Gilles
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Message par Jeanne Saint Gilles »

Jean-Louis Palierne a écrit : Deux autres juridictions, ethniques, tentent de raccoler le plus de monde possible.
Moi aussi je m'interroge : quelles sont ces deux juridctions? A partir de quel stade l'esprit missionnaire devient racolage? Difficile à dire.Ces juridctions accepteraient-elles un peu tout le monde cherchant à faire du chiffre? Si c'est le cas, la loi Sarkozy devrait nous aide :elle interdit le racolage[/img]
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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

J'essaie de donner quelques éléments de réponse supplémentaires, mais il y en aura d'autres, et j'essaierai de répondre aux autres questions. Mais je m'efforce de ne pas donner de noms. Je pense qu'il ne faut pas tomber dans la polémique nominative.

Je donnerai aussi un exemple concret pour montrer ce qui est espérable.

D’abord sur la notion d’Église-Mère Il ne faudrait pas trop l’institutionnaliser. Certes lorsque l’Église russe, déjà implantée dans l’Extrême-Orient russe, a envoyé des missionnaires en Manchourie, en Corée, en Chine, au Japon, dans les îles Aléoutiennes puis en Alaska, elle peut être légitimement considérée comme l’Église-Mère des Église qui sont issues de cette mission, et c’est là certainement l’un des plus grans titres de gloire de l’Église russe. D’autres cas peuvent être signalés dans l’histoire de l’Église.

Une Église-Mère peut accorder l’autonomie et l’autocéphalie à une mission. Mais du jour où cette mission acquiert une personnalité autonome elle devrait être reçue par les Église-sœurs, les Églises orthodoxes canoniques, avec lesquelles elle entre en communion plus directement qu’auparavant par l’intermédiaire de l’Église qui la “missionnait”. Il y a là quelque chose d’analogue au processus de reconnaissance diplomatique de l’indépendance d’un pays par la communauté internationale.

L’Église orthodoxe d’Amérique (l’OCA) est l’héritière du diocèse russe de l’Alaska. Lorsque le tsar Alexandre II vendit l’Alaska aux USA (1867), l’Église russe demanda que fût insérée dans le traité (international) de cession une clause prévoyant que le gouvernement des USA reconnaîtrait les responsabilités de l’Église russe à l’égard de ses fidèles aux USA (oui ils était bien écrit aux USA et non en Alaska seulement). Immédiatement l’Église russe transféra le siège de ce diocèse à San Francisco et plus tard à New York. Il y avait alos très peu de Russes aux USA (en dehors de l’Alaska) : quelques chercheurs d’or, quelques aventuriers dans le Far West (voir un album de Lucky Luke), quelques commerçants et diplomates sur la côte Est, quelques ouvriers à Pittsburgh et Cleveland. Mais les USA comptait bien d’autres orthos. Une colonie avait été fondée en Floride avec de quasi-esclaves grecs recrutés dans les îles alors ottomanes. Ils perdirent en termes de conditions d’esclavage. Il leur fallut plusieurs d’années pour recruter un prêtre. C’était un prêtre de Kiev défroqué et chassés par l’Église russe pour cause de nationalisme aigu. Pourchassé il avait fini par s’exiler aux USA et n’eut jamais aucun rattachement canonique.

Outre toutes sortes de pauvres émigrés des pays orthodoxes en Russie, il y avait encore bon nombre d’uniates, car les filières de recrutement de l’immigration trouvaient plus de complicités dans les régions dominées par les uniates, et ceux-ci avaient une formation scolaire un peu plus proche des normes occidentales que leurs frères orthos. Mais une fois arrivés, ils étaient très fraichement reçus par l’Église catholique (dont la base était surtout polono-irlandaise en attendant l’arrivée des latino-américains, mais dont l’encadrement était fourni par les anglo-catholiques (Maryland et Virginie) et les allemands). La hiérarchie catholique, pour maintenir la discipline dans son clergé, devait lutter qontre le poids du modèle protestant, avec une structure presbytérale et des pasteurs mariés. Les uniates et leur clergé marié les ennuyaient beaucoup, et ceux-ci, une fois immergés dans la mosaïque pluri-confessionnelle des USA, s’apercevaient qu’ils n’étaient pas vraiment catholiques, mais bien plus proches des orthos.

Ce fut la grandeur de l’archevêque russe Tikhon de New York de leur ouvrir les bras. (C’est lui qui en 1918 sera élu par le concile pan-russe de 1917 premier patriarche du patriarcat que le Concile venait justement de restaurer, 250 ans après qu’il eût été supprimé par le tasr Pierre le Grand lorsqu’il asservit l’Église de Russie. Mais le régime communiste dispersa aussitôt le Concile pan-russe. Tikhon mourra peu après “dans une clinique de Moscou”. L’Église russe l’a récemment béatifié.

L’OCA est critiquée pour avoir abrité quelques théologiens modernistes qui ont enseigné à l’Institut Saint-Vladimir tout en jouant un rôle directeur dans le développement moderniste dans l’Orthodoxie mondiale. C’est exact, et il semble bien que là aussi le modernisme ait eu une certaine influence en particulier pour détourner certaines vocations monastiques. Mais il ne semble pas qu’elle ait eu d’influence sur le sens des responsabilités des évêques. Les évêques ont su administrer correctement leurs diocèses, créer des missions, puis des paroisses, susciter un clergé, le former, le soutenir et le promouvoir, favoriser les langues locales (anglais et espagnol), tenir des assemblées de toute sorte, amalgamer des origines et des traditions différentes etc.

Il y a d’autres juridictions, dont l’archi-diocèse antiochien, également très actif. Malheureusement l’archi-diocèse grec (qui fut fondé par pur ethno-phylétisme peu avant 1914 par Mélétios Métaxakis, alors archevêque d’Athènes, et qu’il devait emmener avec lui au patriarcat écuménique lorsqu’il y fut élu), fait preuve d’un total repliement nationaliste. Il y a aussi un jeu plus que complet de juridiction ethniques diverses, mais pratiquement seules les deux juridictions précédentes jouent le jeu de l’Église “locale”, mais de façon aussi canonique que possible. Il arrive même que des fidèles de juridictions “ethniques” se rencontrent spontanément, le plus souvent dans l’un des deux grandes Églises, sans penser à demander l’autorisation de leurs juridictions ethniques.

Les bavardages et confusionnismes œcuméniques jouent là-bas un rôle très faible, pour l’essentiel limité à Saint-Vladimir. Les juridictions célèbrent beaucoup d’offices, multiplient les paroisses, prêchent, enseignent, publient, forment du clergé, attirent de plus en plus de non-orthodoxes d’origines diverses : cathos, épiscopaliens, luthériens, évangélistes, baptistes etc, sans s’embarrasser de scrupules œcuméniques. Et ils les ordonnent après formation.

La qualité des sites internet, que signalait l’un de nous sur une autre file, en témoigne. Des archives très intéressantes s’accumulent peu à peu. Chacun peut aller y constater la qualité et les progrès de la vie des Églises orthodoxes aux USA.

J’ai raconté cela pour montrer que la plaie du multi-juridictionnalisme, du au souci des Églises-Mères des pays de tradiction orthodoxe de continuer à se rattacher à elles-mêmes les émigrés partis en d’autres lieux (contrairement aux canons de l’Église orthodoxe) ne fait pas obstacle à un effort de “localisation” de l’Église orthodoxe. Et encore si nous entreprenons de faire quelque chose de ce genre en Europe occidentale nous n’aurons pas le handicap d’avoir ici une concurrence analogue à celle qui oppose aux USA l’Archi-diocèse antiochien et l’OCA…

Au lieu de travailler à la création d’une Église véritablement locale, les deux protagonistes de l’Orthodoxie que sont le patriarcat œcuménique et le patriarcat de Moscou s’accrochent à des revendication de droits abstraits, la juridiction universelle du PŒ et le territoire canonique du PM. Mais je crois pas que la question soit ainsi correctement posée. Il me semble que si le patriarcat de Tasmanie [ ;-))) ] envoyait en Europe occidentale un évêque missionnaire pour y prêcher l’Orthodoxie, rien que l’Orthodoxie, et toute l’Orthodoxie, pour accueillir des indigènes dans l’Église orthodoxe, pour y former un clergé indigène, pour y constituer des paroisses, pour y susciter des vocations monastiques et rassembler des monastères, alors l’Europe occidentale formerait partie prenante du territoire canonique de l’Église de Tasmanie, et que les orthodoxes aborigènes d’Europe occidentale devraient considérer cette Église comme leur Église-Mère. En d’autres termes, c’est celui qui fera bien qui aura le droit pour lui.

Je ne crois pas que la proposition de création d’une métropole d’Europe occidentale de tradition russe pouvait être considérée comme le proposition de création d’une Église locale. Le fait même de se référer à la tradition russe implique qu’on la condidère comme différente de la tradition occidentale. Dans ce cas elle ne nous intéresse pas.

Mais je ne crois pas non plus que le patriarcat œcuménique ait un privilège, ni d’universalité (ce n’est pas le sens des décisions conciliaires) ni de non-ethnicité (ses diocèses dans l’émigration ne se conduisent nullement comme tels).

L’Archevêché de la rue Daru a longtemps rassemblé, soit des paroisses qui se voulaient de tradition russe, soit des communautés animées par l’esprit du modernisme. Certains orthodoxes perdaient espoir.

En France pratiquement tout est à faire, mais j’ai maintenant l’espoir que tout est faisable et commence de se faire (ce n’était pas le cas avant-hier) dans le cadre de la rue Daru (à laquelle naguère je ne croyais pas du tout). À nous d’être exigeants et critiques, car il n’est pas acceptable d’avoir des traductions expurgées, de recommander Lourdes ou Taizé, etc. Mais dans cet effort d’exigence, dans cette orthodoxie critique, ce ne sont pas les juridictions ethniques qui maintiendront les traditions, tout au contraire. Ce sont souvent les plus inconscientes.

En s’axant sur un préalable anti-œcuméniste, on se prépare à livrer la guerre précédente (ce qui est une vieille tradition française), on se place sur le terrain du débat entre tendances idéologiques. Ce qui paralyse l’affirmation de l’Orthodoxie en France, ce n’est pas l’œcuménisme, c’est le modernisme, c’est-à-dire la convistion qu’une Église doit exercer la bienfaisance dans la vie sociale et donner l’exemple d’une vie communautaire exemplaire.

En collaborant, de l’intérieur, à la construction des église locale et de l’Église locale et en contribuant à la connaissance de la vérité orthodoxe, on peut aboutir à un résultat positif, et peut-être même à une prise de conscience plus réaliste de ceux qui déplorent le manque d’esprit anti-œcuménique. Nous arriverons peut-etre même un jour à avoir un véritable enseignement patristique.
Dernière modification par Jean-Louis Palierne le sam. 07 août 2004 21:30, modifié 2 fois.
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Jeanne Saint Gilles
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Surmonter la barrière de la langue

Message par Jeanne Saint Gilles »

pascal a écrit :je trouve que plutôt de parler de querelle linguistique, il vaut mieux parler de barrière linguistique...
pour ma part ce n'est pas une barrière de principe, c'est juste que quand vous ne comprenez pas ce qui se passe... comment voulez vous y participer ?
en plus, le risque c'est après d'avoir une approche, artistique dirons nous, de la liturgie, parce qu'on n'y comprend rien, alors on va dire... les chants étaient très beaux, les tenues liturgiques magnifiques, ce prêtre là ça doit être un sage, tu as vu la taille de sa barbe??
Bonjour,

Je te rejoins partiellement sur la barrière de la langue. Mais comme toute barrière, elle se surmonte. Pour ma part, je suis francophone de naissance, mais j'ai bien rejoint l'Eglise de Serbie... C'est pour cela que je peux donner de petits trucs. En effet, certains n'ont peut-être pas dans leur proximité une paroisse en langue française.

1° : les langues,ça s'apprend...y compris le slavon
2° connaître la structure des offices permet de se retrouver et de se repérer (je crois qu'il existe des bouquins...)
3° préparer les lectures du jour avant d'aller à la Divine liturgie...
4° demander au prêtre de faire une partie en français

Bref, c'est certes plus dur mais c'est faisable.

Pour ce qui est de l'approche artistique, on la trouve parfois avec le français. Souvent on entend dire : "Les chants étaient beaux".J'ose espérer qu'il s'agit de la théologie du chant et non de sa mélodie.En cela je rejoins ceux qui disent que le chant russe pourrait porter à la rêverie...
Jérusalem quand pourrai-je te voir?
pascal
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Message par pascal »

j'abonde dans les différents développements:

1° : les langues,ça s'apprend...y compris le slavon
2° connaître la structure des offices permet de se retrouver et de se repérer (je crois qu'il existe des bouquins...)
3° préparer les lectures du jour avant d'aller à la Divine liturgie...
4° demander au prêtre de faire une partie en français

pour l'approche "artistique":

je crois que c'est un piège classique... même dans le chant russe: raison de plus pour connaître la langue: ne pas s'arrêter à la forme mais bien saisir le sens.

d'une certaine manière, certaines formes peuvent freiner l'accès au sens.

par exemple: on peut être un bon "chanteur" au sens lyrique du terme et une vraie "cymbale sonore" au niveau du contenu théologique...

les meilleurs lecteurs ne sont-ils pas ceux qui sont "transparents" pour les fidèles? moi c'est mon avis en tout cas.

si vous êtes arrêté(e) par la forme... il vous sera plus difficile de "participer" au fond. ça vaut pour ceux qui chantent "du monde" et pour ceux qui chantent "comme des casseroles".

en bref, le discernement avant toutes choses...

c'est pour cela que les "barrières" de la langue, peuvent être, pour certains des murs infranchissables, pour d'autres, des marchepieds.

en espérant ne pas avoir été trop divaguant...
Jeanne Saint Gilles
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Situation des orthodoxes aux USA

Message par Jeanne Saint Gilles »

Bonjour,

Je suis quelque peu surpris par ce portrait des l'orthodoxie aux USA.

En ce qui concerne l'archidiocèse antiochien, j'ai lu qu'il comptait aucun monastère... Toujours d'après mes lectures le modernisme au sein du dit archidocèse et de l'OCA se manifesterait par:

- des banc dans les Eglises
- des prêtres sans barbe vêtus du col blanc comme les protestants
- le fait d'écourter les offices en zappant certaines ecténies
- l'usage d'instruments de musique notamment d'orgues
- et une pénurie monastique
- et aussi le nouveau calendrier...
- les mariages célébrés le samedi
- les Portes royales ouvertes en permanence car les gens veulent voir comme s'ils étaient au cinéma

Une église locale en France ne conduirait-elle pas à cela. C'est pour cela que je me suis tourné vers l'Eglise de Serbie... Cela dit,il est vrai que l'usage massif du slavon de facilite pas la création de l'église locale

Qu'en pensez-vous?
Jérusalem quand pourrai-je te voir?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

En ce qui concerne la barrière linguistique, il ne faut pas croire qu’elle n’existe que pour nous. Elle existe déjà depuis longtemps pour les fidèles issus des peuples de tradition orthodoxe. Les Russes et les Grecs ne comprennent pas plus le slavon et le grec (ancien) que les fidèles d’origine occidentale. Tout au plus ont-ils peut-être un peu (seulement un peu) moins de mal à les apprendre à partir de leurs langues modernes qui dérivent soit du grec (ancien), soit du slavon. Lorsque on chante des tropaires en français, on entend des fidèles orthodoxes de tradition découvrir la signification de ce que depuis longtemps ils chantaient sans comprendre. « Je ne savais pas que c’était si beau !» La situation est meilleure pour les Arabes et pour les Roumains.

Je connais quelques langues anciennes et modernes. Je me refuse à m’intéresser au slavon. Pour moi ce n’est qu’une traduction du grec, et il vaut toujours mieux aller directement au texte original.

Un gros problème avec les traductions est celui de l’exactitude du rendu des textes. Il est bien évident que pain “quotidien” ou “délivre-nous du mal” du Notre Père sont des traductions inacceptables, tout autant que souhaiter “paix sur terre aux hommes de bonne volonté”, tout autant que de vouloir désantisémitiser le tropaire du ton 1.

Quant à la musique, je ne crois pas que le principe même de la tétraphonie soit au service de la prière et de la liturgie. Au contraire. Je me rappelle le choc que j’ai eu (il y a maintenant plus de trente ans) la première fois que j’ai entendu la musique byzantine chantée dans un monastère de moniales grecques, sur la route du mont Athos (je ne m’étais jamais posé la question auparavant, j’acceptais la tétraphonie et j’ignorais jusqu’à l’existence de la musique byzantine). Elle n’empêchait nullement les moniales de chanter toutes ensemble en chœur, surtout la Liturgie eucharistique, mais l’hymnographie était chantée soliste + ison. À l’évidence c’est ça la musique sacrée ! C’est elle qui peut soutenir la prière.

Je reviens un peu en arrière parce que je n’avais pas répondu à ce que disait Antoine, doutant de l’intérêt des concessions faites récemment par le Vatican : Antoine a raison de dire que le vœu exprimé par une “commission mixte catholique-orthodoxe” de théologiens n’engage personne, que de toute façon il propose surtout qu’on continue à étudier la question, qu’on a seulement reconnu que le Filioque n’est qu’un rajout, que les fidèles catholiques n’en perçoivent pas l’importance puisque le Symbole de Nicée n’est pas celui qui est récité dans les Églises. C’est bien évident. Il n’en reste pas moins qu’il suffit d’ouvrir un ouvrage catholique des années trente pour percevoir la gigantesque évolution qui s’est produite.

Le simple fait que des catholiques puissent dire (savamment) que leur foi comprend une addition, que le Pape accepte de réciter un Symbole sans addition, était strictement impensable, inimaginable il y a quelques dizaines d’années. L’Église catholique pensait qu’elle avait toujours eu raison et que son immobilisme (supposé) était sa meilleure justification. Le pape Wojtyla lui-même, quans il a entrepris sa campagne de manœuvres à triple ou quadruple entrée n’imaginait certainement pas qu’il pourrait un jour faire une concession aux orthodoxes. C’est un séisme !

Bien entendu cela n’est pas du tout l’œuvre de nos vaillants évêques.

Ce qui nous amène à l’autre question : qui peut être le meilleur gardien de la Tradition orthodoxe dans les pays que les Églises des pays de tradition orthodoxe imaginent être des pays de “diaspora”. ?

Ce sont les filiales de ces Églises ethniques qui ont introduit un certain nombre d’innovations, les unes très extérieures telles que le “col romain” (le col blanc de celluloïd), les barbes taillées, les chaises dans les Églises grecques, mais bien plus grave un état d’esprit qui ne laisse aucune place au monachisme. Nous avons du mal à nous imaginer, nous occidentaux, la haine que vouent les modernistes orthodoxes à l’égard du monachisme orthodoxe, symbole d’obscurantisme superstitieux, et de la direction de l’Église par les évêques, supposés être les délégués du monachisme pour opprimer les fidèles et les prêtres “cosmiques”. C'est ainsi qu'ont été introduites les innovations en question, qui nous font sourire.

En Europe occidentale les modernistes ont cru pouvoir entreprendre une réforme en profondeur de l’Église selon leurs idées : gouvernement par un corps de professionnels diplômés. Certains événements récents, comme l’élection du recteur de saint Serge en sont encore l’écho.

Les convertis indigènes n’ont pas du tout ce même état d’esprit. Non pas que nous soyons de petits saints, nous avons nous aussi beaucoup de problèmes pour entrer dans l’Orthodoxie, mais ce ne sont pas les mêmes. Et nous n’avons pas du tout la même aversion pour la Tradition, y compris pour les petites traditions orthodoxes. Et les convertis sont demandeurs d’enseignement spirituel, et ils sont favorables au développement du monachisme.

Allez dans n’importe quelle réunion interorthodoxe dans notre pays, et vous verrez nettement la différence entre des orthos de tradition (y compris ceux qui proclament leur idéal francophone) et les néo-orthos, qui étudient la théologie et les Pères, la liturgie, visitent les monastères etc.

Les orthos de souche s’en sont d’ailleurs aperçus depuis longtemps et c’est une des raisons de leur méfiance à l’égard de ces convertis qui en rajoutent sur la prière et l’ascèse, étudient les Pères plutôt que les théologiens académiques… Le fait même de traduire implique d’essayer de comprendre, ce qui ne semblait pas être leur souci premier.

Il en est également ainsi du sens même de la théologie orthodoxe qui a été elle aussi modernisée. Je me rappelle un cercle où un professeur de théologie ortho (de souche) commentait la parabole du Bon Samaritain : « Cela veut dire qu’il faut faire du bien à son prochain » Une auditrice pose une question : « Mais mon père, j’ai entendu dire que le Bon Samaritain est le Christ qui, venu sur terre découvre l’humanité tombée aux mains des brigands qui sont les démons, et le soigne et le remet aux mains de l’aubergistes qui est l’Église. C’est ce que disent les Pères. -- Les Pères, les Pères ! Avec les Pères on peut dire n’importe quoi. Moi je m’en tiens à une exégèse scientifique. » (il voulait dire protestante). Bien entendu l'académisme théologique aboutit à transformer l'Évangile des Béatitudes en une enseignement de morale sociale

Un autre avec lequel un jour je discutais de problèmes d’édition, et en particulier des Pères : « Les Pères, les pères ! Mais ils n’auraient même pas le droit d’enseigner, ils n’avaient pas le doctorat !»

Croyez-moi : ce sont les néo-orthos qui, en construisant une Église locale de France, garderont la Tradition orthodoxe !
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Gabriel a écrit :Je dois dire qu'à la lecture de ce forum, une personne en "recherche spirituelle" (ce n'est pas mon cas) ne connaissant peu ou rien de l'orthodoxie et qui la découvrirait sous l'angle des chamailleries entre juridictions (tout de même un sujet plus que récurrent sur ce site et pour cause) s'en éloignerait assez vite, pris de dégoût. J'espère que ce n'est pas le but de ce forum. Il n'empêche qu'il sert ce dernier assez bien (peut-être me direz vous seulement dans la mesure où il est le reflet de la réalité...). On se demande où est le Christ dans tout ça.

Quant à l'expulsion de "Geoffroy le Bouillonnant" (qui a certes écrit pas mal de conneries (qui n'en écrit pas?) mais m'a bien fait rigoler), expulsion dont il ne reste d'ailleurs plus de traces* (Antoine ayant très chrétiennement effacé son propre message "merci de votre participation à laquelle nous mettons un terme" après avoir fait une remarque publique sur une faute de latin qu'il aurait bien pu faire par message privé **) elle ne témoigne pas pour le moins d'un esprit fraternel.

Ce forum est un forum orthodoxe; si des personnes extérieures à l'Orthodoxie veulent participer aux discussions, elles sont les bienvenues; mais je ne comprends pas l'attitude qui consiste à venir sur un forum orthodoxe pour critiquer la situation intérieure de l'Orthodoxie, situation dont nous ne sommes pas responsables.
Les querelles entre juridictions sont loin d'être l'apanage de l'Eglise orthodoxe. Et tout le monde n'a pas l'excuse d'avoir subi le travail de sape du communisme et de l'uniatisme.

Gabriel, puisque vous êtres préchalcédonien, je me permets de vous faire remarquer que vos Eglises ne sont pas exemptes du mal que vous constatez chez nous.

Depuis 1964, l'Eglise nestorienne est déchirée par un schisme à propos de la réforme du calendrier. Les vieux-calendaristes nestoriens représentent 10% des effectifs de cette Eglise, c'est-à-dire beaucoup plus en proportion que les vieux-calendaristes de Grèce ou de Roumanie. D'autres troubles internes ont mené à l'assassinat du précédent patriarche nestorien par un des ses parents en 1975.

Le pape copte interdit à ses fidèles tout pélerinage à Jérusalem depuis que les autorités israéliennes tolèrent l'occupation par les Ethiopiens d'une partie du Saint-Sépulcre dont Sa Sainteté Chenouda III estime qu'elle revient de droit aux Coptes.

Les relations entre l'Eglise copte et l'Eglise d'Ethiopie sont mauvaises depuis que les Coptes ont aidé à la création d'une Eglise d'Erythrée détachée du patriarcat d'Addis-Abeba aussitôt que cette ancienne province éthiopienne est devenue indépendante, et sans concertation avec le patriarche d'Ethiopie.

Au Kérala, l'Eglise malankare est divisée depuis 1912 (malgré une brève réunification de 1955 à 1975) entre une Eglise autocéphale et une communauté restée sous l'autorité du patriarcat jacobite replié à Damas. Ce schisme a déjà donné lieu à des procès devant la Cour suprême de l'Inde. La situation va en s'aggravant d'année en année.
Et ne croyez pas que je m'en réjouisse: de toutes les Eglises orientales (je prend "oriental" au sens strict: c'est-à-dire à l'Est des anciennes frontières de l'Empire romain), qu'elles soient orthodoxes, préchalcédoniennes ou uniates, c'était l'Eglise malankare qui avait eu les résultats les plus éclatants en matière de catéchèse, de santé publique et d'enseignement (religieux comme profane); elle avait joué un rôle majeur (aux côtés du gouvernement de Trivandrum et d'organisations hindoues comme le SNDP Yogam, naturellement) dans la mise en place du modèle kéralais. Toute cette oeuvre remarquable est maintenant menacée par ce schisme qui stérilise une grande partie des énergies. L'année dernière, ce schisme a abouti à un assassinat; de telles choses arrivent aussi chez nous (l'année dernière, en Bulgarie, un prêtre orthodoxe a assassiné un autre prêtre), mais cela montre au moins que nous ne sommes pas les seuls à avoir des problèmes de ce genre.

Pendant la guerre froide, les deux sièges arméniens d'Etchmiadzine et de Sis (replié à Antélias au Liban) se sont chamaillés pendant des années, essayant de provoquer des retraits d'obédience des diocèses du "camp" adverse. Loin de moi l'idée de juger: la marge de manoeuvre de chacun des catholicossats, face aux Soviétiques et aux Etasuniens, était limitée. Mais pourquoi, depuis que l'Arménie est devenue indépendante et que les deux sièges se sont officiellement réconciliés, maintient-on deux juridictions arméniennes parallèles sur le territoire des Etats-Unis, celle d'Etchmiadzine et celle de Sis?

Au vu de toutes ces divisions, je pourrais moi aussi débarquer sur un forum arménien ou copte et demander "où est le Christ dans tout ça" . Je ne le ferai pas pour trois raisons: d'abord parce que j'estime que la situation est suffisamment pénible chez nous et que nous devons d'abord balayer devant notre porte; ensuite, parce que je n'ai pas à reprocher aux autres ce qui fait sans doute leur douleur; enfin, parce que je sais que "là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie" (François de Sales).

Ces querelles de juridictions existent depuis que l'Eglise existe et je redoute seulement qu'elles ne s'aggravent au fur et à mesure qu'approche la fin des temps.

Ce que je déplore, c'est qu'il y ait des individus pour qui ces divisions tragiques sont une occasion de franche rigolade, et qui ne cherchent qu'à semer la zizanie en adoptant des poses plus ou moins orthodoxes. Si nous avons déménagé sur ce forum en juin 2003, c'est précisément parce que l'ancien forum n'arrivait plus à fonctionner du fait de ce type d'interventions. Un forum de discussion n'est pas fait pour permettre à tout le monde et n'importe qui d'extérioriser ses problèmes dans une agressivité qui confine au grotesque. De tels messages seront effacés, et les individus de ce type n'ont qu'à s'en prendre à leur propre impolitesse, au lieu de dénoncer (ou de faire dénoncer) une censure dont ils sont les seuls responsables.
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