trouver DIEU en méditant sur sa propre expérience d'amour

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Modérateur : Auteurs

Cathy
Messages : 3
Inscription : ven. 21 mai 2004 12:35
Localisation : Lorient

trouver DIEU en méditant sur sa propre expérience d'amour

Message par Cathy »

J’aimerais connaître des personnes qui ont vécu l’amour en tant qu’homme ou femme amoureux, mais aussi en amitié gratuite dans le don de soi à son prochain, qui se sont vraiment investi et laissé investir en cela……… à quelles épreuves ils ont été confrontés……… comment ils les ont surmontées et comment ont évolué leurs fois à travers ce cheminement ?
C’est la rencontre de personnes qui ont suivi et suivent encore ce chemin qui a motivé mon adhésion à ce forum.
Merci
Cathy
Antoine
Messages : 1782
Inscription : mer. 18 juin 2003 22:05

Message par Antoine »

Peut-être un premier élement personnel de réponse à votre question que je comprends mal: dans l'amour conjugal, c'est l'amour de Dieu qui aide à aimer le conjoint. C'est plus l'autre en Dieu que Dieu par l'autre. En revanche dans la façon de vivre au quotidien le renoncement à sa volonté propre alors là c'est Dieu par l'autre.
Dernière modification par Antoine le lun. 24 mai 2004 22:03, modifié 1 fois.
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Message par eliazar »

En ce qui me concerne, la réponse d’Antoine m’est un peu aride – disons, trop schématique : je n’ai pas sa tournure d’esprit si précise, ni son aisance à dire beaucoup de choses essentielles en une seule formule lapidaire.

D’autant que le sujet est bien complexe ! Qu’est-ce que vous entendez par amour ? Eros ? ou Agapè ? La langue grecque estplus nuancée que le français, et fait la différence entre l’amour-désir charnel et l’amour-force d’expansion altruiste (je traduis assez maladroitement !).

On aime l’autre et du coup, on voudrait donner sa vie pour elle ! Dans cette situation amoureuse-là, on pourrait presque parler d’Agapè.

Mais si elle ne vous aime pas en retour, on en souffre : donc, on voit bien (ou on ne le voit pas, hélas !) que cet amour n’était pas « altruiste », mais « égoïste » !

Il est très difficile, quand on est amoureux, de faire la part de ce qui est désir de posséder, de s’attribuer, l’autre – et de ce qui est acceptation (ou soif) de se donner sans esprit de retour. Musset a résumé cela en une petite chanson : « Si vous croyez que je vais dire – Qui j’ose aimer – Je ne saurais pour un empire – Vous la nommer ». Et son personnage chante cette chanson devant celle qu’il aime comme une sorte de déclaration, mais aussi comme la preuve d’un amour "non exigeant", un "amour muet", une sorte de contemplation de l'aimée.

Cependant, le seul fait de « déclarer » suppose déjà le désir qu'on éprouve que l’autre comprenne ce qu’on vient de « lui » déclarer – et déjà l’agapè est mêlée d’éros ! … en filigrane. On n'exige rien, voire : puisque on le déclare, c'est qu'on en espère au moins une réponse, un acquiescement...

Une autre chanson, anonyme et populaire celle-là (mais tout aussi connue, je pense) est bien plus proche de l’amour-don gratuit de soi : c’est « Brave marin revient de guerre… ».

Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, c’est l’histoire d’un marin au long cours, qui revient au pays après une longue absence. Personne ne le reconnaît plus, il s’arrête à la terrasse d’une auberge, au bord de la route, et demande à l’hôtesse de qui sont ses beaux enfants ; ils sont de son mari. Alors le marin s’en retourne s’embarquer sans autre explication : l’hôtesse était sa femme , elle l’a cru mort et s’est remariée, pourquoi resterait-il encore, au risque de gâcher la vie de sa femme, ou au contraire celle de son second mari si elle choisit de le reconnaître - et en tout cas celle des enfants... qu'il n'a pas eu avec elle ? Là, nous voyons l'image de l’agapè : un amour sans aucun mélange d’égoïsme. L’amour-et-le-sacrifice-par-amour. L’abnégation par amour. Ni le marin, ni l'hôtesse ne font mine de s'être reconnus : leur douleur restera enfouie sous leur sourire de tous les jours.

Il y a aussi une troisième catégorie : l’amour possessif, qui veut prendre, sans donner. Qui considère l’autre comme « objet » et non comme sujet libre de son choix. L’amour du propriétaire pour sa propriété : un amour qui n’est plus que convoitise et avarice ; avoir-ice !

Mais Cathy ne parle certainement pas de celui-là, qui n’a plus rien à voir avec l’amour divin.
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Message par eliazar »

Suite de la réflexion précédente...

... Si j’essaie de pousser un peu plus avant, et dépasser ce stade de l’amour humain, je vais être obligé de renverser la question posée par Cathy. Elle nous a proposé de « Trouver DIEU en méditant sur sa propre expérience d'amour ».

Mais cette question ne nous convient plus ; nous sommes déjà deux mille ans plus tard, et la question de l’amour ne se pose plus du tout en ces termes. Sauf naturellement à choisir de régresser au stade des balbutiements de la sagesse grecque.

Je suis un homme de mon temps, je suis né dans une toute autre civilisation que celle de Socrate. Cette civilisation précise (celle où nous vivons tous, et dans laquelle sont posées les questions de ce Forum) est une civilisation née de l’Évangile – et dans laquelle on ne peut plus du tout poser les questions essentielles (sur la vie et sur la mort, par exemple, ou sur l’amour, ce qui revient au même) comme on les posait avant l’incarnation du Christ.

Les deux petites chansons auxquelles j’ai fait allusion auraient pu être composées par un philosophe grec d’avant Platon. L’homme se posait déjà ces questions depuis des millénaires, et ne pouvait en effet leur trouver de réponse qu’en « méditant sur sa propre expérience d’amour ». C’est pour cela qu’il existe tellement de petites chansons d’amour, toutes très émouvantes du reste : parce qu’il y a autant de réponses que d’expériences propres à UN être humain parmi des millions d’autres. Toutes ces réponses sont belles ; toutes sont imparfaites. Elles ne peuvent pas suffire à apaiser notre soif, parce qu’elles partent du robinet, et pas de la nappe phréatique ; ou de la nappe phréatique – et pas de l’eau venue du ciel, de la Vraie Source de l’Amour.

C’est ce que le Messie a dit à la Samaritaine, au bord du puits de Jacob. Elle avait pourtant une certaine expérience de l’amour : « sa propre expérience », qui n’était certes pas négligeable, puisqu’elle avait aimé six maris. Mais elle même sentait bien que ce n’était pas « sa propre expérience » qui pouvait étancher sa soif : « Je n’ai pas de mari », répond-elle au Messie. Et Il acquiesce, Lui qui sait pourtant qu’elle en a eu cinq avant celui qu’elle a à ce moment-là.

Avant la révélation, encore fallait-il que le sage se pose d’abord la question : qu’est-ce que l’amour ? Agapè ? ou Eros ? Les plus sages des Grecs en étaient réduits à dresser un autel à ce Dieu inconnu que saint Paul félicita les Athéniens aréopagites de chercher à vénérer, alors même qu’ils ne le connaissaient pas encore.

Mais nous, les tard-venus, nous le connaissons maintenant, ce Dieu qu’ils cherchaient à tâtons : ce Dieu qui EST Amour. Il s’est de lui-même révélé à nous ; et depuis que nous avons reçu, accepté, et décidé de suivre son enseignement, ce serait une inutile régression que de Le chercher en méditant sur NOTRE propre expérience de l’amour. Nous avons mieux à faire.

Car nous avons appris de Lui que nous ne pourrions pas le trouver s’Il ne nous avait d’abord trouvés, Lui. Que nous ne pourrions pas aimer vraiment – s’Il ne nous avait pas d’abord aimés – Lui, le premier. Parce qu’Il est Amour, et que tout amour, même s’il pouvait être uniquement limité à l’amour humain (ce qui n’est pas possible, nous allons le comprendre) n’est jamais que Son amour : reçu par nous, abrité et nourri au plus profond de nous, et rendu par nous à Lui. Rendu à Lui en personne, dans l’absolu – ou rendu à Lui à travers Son icône : l’homme ou la femme qu’Il nous donne à aimer ; à aimer en Lui, à aimer par Lui, à aimer en L’attendant. Celui ou celle qu'Il nous confie à aimer - et qui peut alors devenir en effet "notre propre expérience d'Amour".

Dans ce que je viens de dire, comme dans une poupée russe, on peut deviner déjà une autre icône, une autre image sous-jacente : celle de l’amour de l’homme et de la femme. Car l’amour est en Dieu comme la semence est en l’homme : nous le recevons parce que Dieu nous a aimés le premier, et dans cet échange, nous les « hommes = humains », nous sommes comme la femme qui reçoit la semence de l’homme=mâle qui l’a aimée le premier .

Toute image est imparfaite, certes, et l’amour entre l’homme et la femme ne peut pas être tout à fait l’image de l’amour divin - même si les mœurs modernes font que souvent la femme en est le principe actif avant l’homme, au lieu de l’homme.

L'amour de nos propres expériences amoureuses ne peut pas être tout à fait l'icône de l'Amour que nous avons reçu - mais seulement son reflet dans un miroir ! Si nous sommes un miroir de très bonne qualité, très pur, très limpide, notre amour humain arrivera plus près de la ressemblance de l’amour initial que nous avons reçu, que si nous sommes un miroir pas encore bien nettoyé, ou de qualité pas encore suffisamment épurée, affinée.

Là, nous entrons dans un autre domaine, qui n’est plus du tout celui de l’observation de nous-mêmes, de notre propre expérience – mais la contemplation muette de Celui qui va devenir « notre amour », notre « expérience ».

C’est le domaine de l’hésychasme - dont nous parle l’Évangile de saint Luc : le domaine de la recherche de la « sainteté », au sein de la nuit, de l'immobilité et du silence du Sabbat, ce sabbat pendant lequel s'accomplit mystérieusement la Résurrection du Messie. Pour rendre notre miroir plus lumineux, plus pur, il va falloir en effet une longue « méditation », un « exercice » qui peut prendre toute une vie – et parfois notre vie n’y suffira même pas. Mais de toute manière ce ne sera pas sur notre propre expérience que nous aurons à « méditer ». Au contraire, notre prière ne portera de fruit que si c’est en Dieu que nous nous « retirons » : dans la « chambre du fond », là où nous sommes seuls, dans l’ombre, et le silence : dans la présence de Dieu ; là où Dieu se cache, et où Dieu voit et entend notre prière. Seul à seul. C’est en sortant de ce lieu clos, aussi clos et silencieux que le sépulcre, ou que les entrailles maternelles, ou que l'oeuf - et en en sortant quand nous aurons suffisamment grandi dans la présence de Dieu - que nous pourrons seulement commencer à restituer cet amour autour de nous. A le mettre au monde, à notre tour.

Si nous poursuivons ce parallèle imparfait, et faute de mieux, nous pourrons dire qu’une fois que nous avons accepté cet amour que Dieu nous a librement donné, que nous l’accueillons au plus secret de nous-mêmes, et le nourrissons, et le faisons croître par la prière ( l’Apôtre dit : ce n’est plus moi qui prie, mais Dieu qui prie en moi), et qu’enfin nous le restituons – nous sommes devenus un peu comme la femme qui, au bout de neuf mois, met l’enfant au monde.

Car il n’y a pas d’amour véritable qui n’ait pas pour but ultime de donner la vie, de restituer à un autre être l’amour que nous avons reçu ; et que nous n’avons reçu que pour le restituer, justement, mais après l’avoir fait croître en nous. C’est le secret du Mariage – mariage mystique ou mariage humain, il n’est un mariage que s’il porte du fruit…

Ce que la folie médiatique contemporaine essaie hélas de nous faire oublier en nous vantant le "mariage" ... entre deux personnes du même sexe : cette extraordinaire caricature de l’amour. Mais ceci est une toute autre histoire.
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